Pascal Quignard

J'espère que tous ceux qui ont lu Tous les matins du monde ont écouté la musique de Monsieur de Sainte-Colombe. Je ne suis pas sûre que le moindre mot puisse ajouter quoique ce soit à ses compositions. Bouleversant...
Je lirai peut-être le livre à mon retour en France, mais pour le moment je retiens surtout la musique...

Citation :

Le film est tellement beau, qu’il est en effet préférable de le voir avant de lire le livre. Le texte dévoile toute sa poésie dans la bouche de Gérard Depardieu qui le fait vivre de façon magistrale. La viole de gambe dont il est question dans le livre délivre enfin son velouté sous les doigts de Jordi Savall.

Le film est bien, mais certaines répliques sont extrêmement artificielles. Si l'histoire est profondément émouvante, la beauté du film tient surtout à la musique.
Quand à Gérard Depardieu, il est tout sauf poétique. Quel mauvais choix ! Guillaume Depardieu, je n'ai pas été convaincue non plus. Cela dit je tiens à souligner la performance des autres acteurs.

Dans la barque silencieuse, Quignard toujours érudit, rappelle l'origine du mot corbillard.

A propos de J.J Rousseau qu'on accuse toujours d'avoir abandonné ses enfants, c'est pas bien, j'en suis d'accord, mais Elizabeth badinter rappelait à juste titre l'abandon des enfants aux nourrices, les voyages en charrette où les marmots tombaient sous les roues, les manques de soin frequemment mortels, qui venaient pallier une contraception inexistante. On règlait l'affaire comme on pouvait.

On avait parlé aussi de cette plaque tournante semblable aux consignes à bouteilles qui accueillaient anonymement des nourissons donnés aux couvents.

Ici il parle d'une barque chargée de marmots, etroitement langés comme des paquets, qu'on déchargeait dans les ports des villes. Certains tombaient à l'eau, d'autres ne survivaient pas pour de multiples raisons.

On appelait ces coches d'eau des Corbeillats. Qu'ils soient devenus ensuite des corbillards en dit long.

Moon a écrit:

J'espère que tous ceux qui ont lu Tous les matins du monde ont écouté la musique de Monsieur de Sainte-Colombe. Je ne suis pas sûre que le moindre mot puisse ajouter quoique ce soit à ses compositions. Bouleversant...
Je lirai peut-être le livre à mon retour en France, mais pour le moment je retiens surtout la musique...

Je projette également de lire Tous les matins du monde après avoir vu le film. La musique de Saint-Colombe est une merveille. Mais j'en veux un peu au film (et peut-être au livre) de donner une image désastreuse de Marin Marais... Qui est, quoi qu'on en dise, un compositeur exceptionnel.

La musique est au coeur de la créativité de Pascal Quignard :

Aux assises du roman il a montré que

"chacun de ses livres, essais, contes ou romans, était "accroché" pour ainsi dire à une musique. Musicien lui-même (il est violoncelliste et issu d'une longue lignée d'organistes), Pascal Quignard a fait entendre les morceaux en questions :
Chopin pour son roman à venir (Solidarités mystérieuses, à paraître en octobre chez Gallimard), mais aussi Schubert pour Le Salon du Wurtemberg ou Bach revu par Busoni, pour Terrasse à Rome.

Devant une salle particulièrement silencieuse, recueillie, il a évoqué à voix basse cette façon qu'il a de suspendre ses livres à des musiques, "comme par des pinces à linge". Et aussi ses multiples définitions du roman, sa quête de l'origine, son goût pour la langue latine. N'hésitant pas à jouer lui-même sur un clavier installé pour l'occasion, il a évoqué la technique du roman, et comment le genre romanesque lui semble une manière de ramasser tous les "débris" de discours qui, sans cela, ne trouveraient pas leur place ailleurs."

in l'article du Monde.

Les solidarités mystérieuses, Pascal Quignard, chez Gallimard

En Bretagne, de nos jours, près de Dinard, une quadragénaire se réinstalle dans la petite ville où elle a vécu autrefois, retrouve son premier amour, se lie comme jamais elle ne l’avait fait avec son frère plus jeune, redécouvre les lieux, les chemins, les roches, se passionne pour la nature, le mer.

un entretien sur bibliobs

Voilà encore un beau cadeau qu'il nous fait avec un roman, alors qu'il avait dit au début de la parution de Dernier Royaume, qu'il n'en écrirait plus.

Les amoureux de la lande, du chemin des douaniers, des roches et de la côte bretonne se doivent absolument de faire connaissance avec ces Solidarités mystérieuses. Le personnage principal n'est pas attachant comme peuvent l'être ses héros d'habitude, mais le lieu surgit étonnamment...

Pour ceux que ça intéresse, je mets quelques liens

un très bel entretien avec Raphaelle Rérolle, où il nous dévoile quelques "secrets" sur sa création et la place de la musique dans celle-ci : https://www.dailymotion.com/video/xlbdvq_pascal-quignard-et-raphaelle-rerolle_news

la méchante critique d'Eric Chevillard dans le Monde des livres du 07/10/11 : http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/10/06/silence-on-tourne_1582899_3260.html

la belle critique de Nathalie Crom dans Télérama du 08/10/2011 : http://www.telerama.fr/livres/les-solidarites-mysterieuses,73565.php

le jeudi 27 octobre à 20h35

La grande librairie sur France V.

François Busnel reçoit : «Pascal Quignard» : Les solidarités mystérieuses (Gallimard) - «Sylvain Tesson» : Dans les forêts de Sibérie (Gallimard) - «René de Obaldia» :Théâtre complet (Grasset)

Avec «les Désarçonnés», septième tome de «Dernier Royaume», Pascal Quignard fait le portrait des hommes qui tombent, mais se relèvent, et de la dépression nerveuse.

Il a été un enfant mutique, anorexique, à la lisière de l'autisme. Il refusait de parler, d'obéir et de manger, à moins que ce fût dans l'obscurité. Simplement, il voulait mourir.

Citation :

«Quand on ne vous aime pas, on disparaît. Lorsqu'on vient au monde avec le sentiment qu'on n'est rien et que le contenant ne veut pas du contenu, on s'efface. Même tout petit, on a pleinement conscience de n'être pas désiré. C'est pareil chez les animaux. A 2 ans, j'ai fait ma première dépression nerveuse.»

Six autres ont suivi, jusqu'à un âge avancé. Une dépression nerveuse doit, selon lui, remplir deux critères: durer plus de six mois et rendre inapte à la lecture. L'avantage d'en avoir été plusieurs fois victime, c'est qu'il en connaît très bien le fonctionnement:

Citation :

«Dès que je sens qu'elle point, soit je fonce vers elle à la manière du taureau, soit je fuis comme un cheval emballé. Mais le temps est fni où elle me paralysait. D'avoir quitté, il y a vingt-cinq ans, le circuit social où tant de mes amis continuent d'accepter d'être domestiqués, de subir ce que La Boétie appelle la "servitude volontaire", me rend beaucoup plus apte à l'affronter. Car rien d'extérieur ne pèse sur mes épaules.»

un article complet et inattendu.

rotko a écrit:

Citation :

«Dès que je sens qu'elle point, soit je fonce vers elle à la manière du taureau, soit je fuis comme un cheval emballé. Mais le temps est fni où elle me paralysait. D'avoir quitté, il y a vingt-cinq ans, le circuit social où tant de mes amis continuent d'accepter d'être domestiqués, de subir ce que La Boétie appelle la "servitude volontaire", me rend beaucoup plus apte à l'affronter. Car rien d'extérieur ne pèse sur mes épaules.»

Il rejoint en cela le message latent de L’Étrange histoire de Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre, d'Adelbert von Chamisso : pour vivre "en société", il est nécessaire d'accepter sa part d'ombre et d'en reconnaître la valeur ; sinon, il vaut mieux vivre seul.

On a un fil sur la dépression.

Pascal Quignard évoque, dès le début d'ombres errantes, sa première dépression et la possibilité de vivre seul :

"

Citation :

vivre caché -late- disait Lucrèce
larvatus, disait Descartes"

Citation :

"Une jeune Allemande s'occupa de moi jusqu'à l'âge de deux ans. Le fait qu'elle lût à mes côtés m'ôtait à la joie de me trouver près d'elle [...]

Ma gorge se serre soudain, évoquant ces heures où je ne parlais pas encore. elles masquent un autre monde qui se dérobera toujours à ma quête. Une espèce de sanglot sec faisait suffoquer le haut du corps."

rotko a écrit:

On a un fil sur la dépression.

Oui, j'y ai lu beaucoup de choses sensés et/ou poignantes et beaucoup de bêtises et d'idées toutes faites. Mais pour ma part, j'éviterai très précautionneusement cette discussion et m'en tiendrai aux livres, films ou articles.

Citation :

je m'en tiendrai aux livres, films ou articles.

Bonne idée à mon sens, car sans documentation, on rabâche souvent des idées reçues, au risque de l'immobilisme cérébral.

Ce que Poe moquait dans le diable dans le beffroi, avec les trois principes de la Cité

Citation :

1 C'est un crime de changer le bon vieux train des choses.

2 Il n'existe rien de tolérable en dehors de Vondervotteimittiss. (culture locale)

3 nous jurons fidélité éternelle à nos horloges et à nos choux.

199 p. Cercle d'Art

Quignard s'est inspiré de l'harmonie qui a uni l'énergie créatrice de Hans Bellmer et la virtuosité de la main de Cécile Reims dont il dit qu'elle fut pour l'artiste « une main de plus » et que « c'est ainsi que les dessins de Bellmer s'accrurent tout à coup des cuivres de Cécile Reims ».

présentation du livre

Cécile Reims expose (N’être qu’un seul et être soi. ) jusqu'au 13 janvier au Musée Jenisch 2 av. de la Gare 2, Vevey.

Sanglier, père du sanglot.

49 p.Editeur : Arléa Editions

Appréciation éloquente des invités de la grande table : vous pouvez donc écouter ce débat sur Ecrit-on pour transmettre ? en différé.(28 minutes)