Pascal Quignard

roxane a écrit:

[...]m'avait paru très froid et hermétique malgré une belle écriture qu'on ne pouvait nier.
Beaucoup de sobriété et d'élégance, certes, mais tout celà m'avait paru décousu, trop éloigné des sentiments.
Je pense malgré tout y revenir un jour car au vu de vos commentaires, ce n'est peut-être pas le plus abordable pour une première approche...

Je n'ai jamais lu qu'une préface de Quignard, mais les impressions qu'elle m'avait laissées étaient identiques aux tiennes - beaucoup d'éruditon qui m'a semblé fanfaronne, et même le style me laisse encore un goût de miel trop sucré dans la bouche (je mange les livres après les avoir lu). Mais ce n'est pas après avoir lu trois lignes (un peu plus quand même) qu'on peut se forger un avis : Quignard reste pour le moment en stand by dans mon "purgatoire".

Il est vrai que c'est très mal vu d'être érudit comme lui.

Or, il n'est ni fanfaron, ni mielleux, loin de là, tu devrais prendre le temps de le lire seuguh.

Justement, , lorsque Rotko sur le fil "Sciences humaines" PARLER, LIRE, ÉCRIRE cite un autre auteur Alain Bentolila ( linguiste) qui se penche sur l´éfficacité de la communication, je dirais que Quignard lui aussi s´interesse- et de très près- à ces questions de langage.
Mais Quignard me semble bien plus méfiant que le linguiste, ce qui l´oblige à toujours maintenir le langage et les mots à distance, ainsi que la logique, quand elle pourrait devenir pure parade, et qu´elle cherche plus à ébahir qu´à mettre au clair.
Je ne crois pas non plus que le monde de Quignard soit “ eloigné des sentiments", Roxane, mais les emotions que cet auteur prise le plus sont celles qui sont en deçà du langage ( pleurer, rougir, trembler ). Rien de fanfaron dans tout celà comme le remarque Amarande.

Amarande a écrit:

Il est vrai que c'est très mal vu d'être érudit comme lui.

Or, il n'est ni fanfaron, ni mielleux, loin de là, tu devrais prendre le temps de le lire seuguh.

Je ne crois pas non plus qu'il soit fanfaron ni mielleux, au contraire je l'avais plutôt perçu comme quelqu'un d'assez introverti, qui se servait des mots avec parcimonie, sans en rajouter: du coup un peu trop ascète au niveau des émotions, plus que des sentiments en fait .

Swallow le dit très bien.Je pense surtout qu'il faut une certaine disposition pour le lire, et que Seuguh ou moi sommes un peu passés à côté !Donc, je vais faire comme il le préconise, le mettre en stand by...

Amarande a écrit:

Or, il n'est ni fanfaron, ni mielleux, loin de là, tu devrais prendre le temps de le lire seuguh.

Oui tu as certainement raison, c'est juste l'impression qu'il m'avait laissée. Avez-vous, Swallow et toi, un titre à me conseiller (je vais peut-être d'abord lire sérieusement les commentaires des douzes pages qui se trouvent là au-dessus...) ?

Je crois que c´est le mieux que tu puisses faire Seuguh : relire les 12 pages de commentaires de GDS. Puisque nous sommes plusieurs à participer, tu trouveras diverses perspectives et points de vue.
Je viens tout juste de relire aussi l´ensemble de ce fil, et comme " Les escaliers de Chambord" n´y sont pas cités, je me permets de le faire.
Je crois que mieux vaut pour commencer un ROMAN contemporain, qui de plus démarre au bord de l´Arno et termine au Jardin du Luxembourg, ce serait donc : " Les escaliers de Chambord" que je conseillerais comme première lecture de Quignard.

swallow a écrit:

Je crois que mieux vaut pour commencer un ROMAN contemporain, qui de plus démarre au bord de l´Arno et termine au Jardin du Luxembourg, ce serait donc : " Les escaliers de Chambord" que je conseillerais comme première lecture de Quignard.

Peux-tu m'en dire un peu plus ? A la lecture des commentaires, La haine de la musique est l'ouvrage qui m'attire le plus.

Seuguh a écrit:

Peux-tu m'en dire un peu plus ? A la lecture des commentaires, La haine de la musique est l'ouvrage qui m'attire le plus.

La haine de la musique est plutôt un recueil de petits traités, comme ses Petits Traités justement. Ici tu n'échaperas pas à ton impression d'érudition.

Le conseil de swallow a ceci de judicieux, c'est que ce premier "grand" roman de Quignard, celui par lequel il a été découvert par le grand public, te permet de pénétrer doucement dans son univers... et que c'est du roman justement. Et ça ne manque pas de musique, sois tranquille.

Je n´ai pas encore lu " La haine de la musique"
Tu nous diras, Amarande si ce titre n´est pas à classer parmi les oeuvres " minimalistes" de Quignard ( comme " Le nom sur le bout de la langue"), qui sont les plus courtes, mais aussi les plus difficiles.
Et je crois que de nombreux lecteurs doivent tomber dans le piège quand ils achètent le premier ouvrage.
Je te disais " Les escaliers de Chambord" car on y trouve tous les thèmes récurrents de Quignard : L´enfance, les voyages, le secret.
Tu peux lire le resumé de l´histoire ici: http://www.bibliomonde.com/pages/fiche-livre.php3?id_ouvrage=724

Je suis toujours plus expéditive, et je resumerais l´histoire de cette manière: Edouard se traîne de femme en femme ( toutes aussi adorables les unes que les autres ) incapable de se décider, c´est une petite barrette de plastique bleu, trouvée dans une décharge publique qui l´aidera à découvrir le pourquoi de son incapacité à se compromettre amoureusement.

La Haine de la musique est vraiment à placer dans la droite lignée des Petits Traités... c'est pêle-mêle saint Pierre et le chant du coq, la musique qu'on nous assène dans les ascenseurs, les supermarchés et les salles d'attente, à laquelle il nous est impossible d'échapper, une mention spéciale pour une réflexion sur la musique dans les camps de concentration....

C'est intelligent, érudit, "fulgurant", pas minimaliste :-) c'est de la réflexion
C'est de la musique, de l'étymologie, de l'Antiquité, du XVIIième ... c'est athée
Bref, c'est du Quignard

Ce constat affiligeant "les oreilles n'ont pas de paupière"

(Il m'est impossible d'en parler, lisez-le ! .... mais pas pour commencer ;-))

Ton résumé des Escaliers de Chambord est parfait swallow, j'y ajouterais les vieux jouets (y compris des pantins de bois articulés et des Teddy's), une étagère dans une chambre d'enfant et des voitures miniaturisées, des rapaces, un lapsus (Magdelen au lieu de Maldegem), une vieille tante qui décide de se taire périodiquement, une mère qui "oublie" les prénoms de ses enfants, un maffieux italo-japonais, une constellation (arcturius), la couleur jaune, des couettes, des doigts poisseux, une liste de prénoms...

et des fleurs.

Peut-être aussi que la barrette est en forme de grenouille
Mais pas plus



Tu me dis swallow si je me trompe ;-)

Suis presque sûre que Quignard aimerait ce qu'on en a fait, de son roman

Pour les Belges : Je crois que Edouard Furfooz est inspiré de Axel Vervoordt (mais chut, je n'ai jamais lu rien qui vienne conforter cette thèse)

Amarande a écrit:

Et ça ne manque pas de musique, sois tranquille.

swallow a écrit:

Edouard se traîne de femme en femme (toutes aussi adorables les unes que les autres)

Déjà deux bons ingrédients pour mon plaisir... Je place donc ce Quignard en tête de liste d'attente, et vous ferai part de mes impressions dès que possible. Merci à vous deux.

Amarande a écrit:

Ce constat affligeant "les oreilles n'ont pas de paupière"

C'est précisément cette phrase qui m'avait titillé les yeux ! Je pensais à Orange mécanique en lisant les impressions de coline.

Amarande a écrit:

Pour les Belges : Je crois que Edouard Furfooz est inspiré de Axel Vervoordt (mais chut, je n'ai jamais lu rien qui vienne conforter cette thèse)

Connais pas. Il y a bien Axelle Red ou Patrick Vervoort, mais je ne crois pas que cela soit la tasse de thé de l'auteur

Oops, j'avais fait une recherche gogol exclusive sur wikipedia !

C'est l'occasion alors de le découvrir, il est génial

page web axel-vervoordt.com, mais on atterrit chaque fois sur un autre produit ...

Visiter The Company, puis The Kanaal (tous les étages du Main Building) ... c'est fantastique !

Amarande:

Citation :

les vieux jouets (y compris des pantins de bois articulés et des Teddy's), une étagère dans une chambre d'enfant et des voitures miniaturisées, des rapaces, un lapsus (Magdelen au lieu de Maldegem), une vieille tante qui décide de se taire périodiquement, une mère qui "oublie" les prénoms de ses enfants, un maffieux italo-japonais, une constellation (arcturius), la couleur jaune, des couettes, des doigts poisseux, une liste de prénoms...

et des fleurs.

La merveilleuse liste d´Amarande est le reflet-même de l´avertissement de Quignard, quand il nous dit que chercher c´est contempler en vrac tous les vestiges qu´une seule vague peut laisser sur le rivage, et que mieux vaut ne pas prétendre faire le tri entre le beau et le sale, le correct et l´indécent, car les immondices nous aideront autant à nous débarrasser de notre ignorance que les plus beaux coquillages.

Voilà swallow qui nous revient après une petite promenade sur la laisse de mer...

Et oui, Amarande, que veux-tu? Lire Quignard c´est aussi se mettre à écrire d´une nouvelle façon

Il y a la laisse de mer, celle que tu remarques, et que je me permets de re-citer:
"Ils descendirent le sentier.
Ils gagnèrent le sable et la laisse de mer. Ils se tenaient par la main au bord des vagues.
Ils marchaient sur les algues tout en bas.
Le pêcheur voyait les vêtements jaunes flotter au-dessus des algues et des flaques.
Il était jaloux."
(Les ombres errantes, chapitre LIII). Pascal Quignard.

Et puis celle de l´eternel lien, ces livres qui nous occupent tant sur GDS.
«Le livre comme laisse entre oralité et silence.» ( les Sordissimes?).

C'est une photo à lui et c'est son écriture, extrait de topo n° 13 de mars 2005 (swallow si tu ne l'as pas, je veux bien te scanner ce dossier qui est superbe)

Ma parole, cela devient de l'idolâtrie :rabbit:

xian a écrit:

Ma parole, cela devient de l'idolâtrie :rabbit:

C'est toujours très intéressant pour un lecteur de disposer d'informations sur les lectures qu'ont faites les auteurs qu'il apprécie, mais aussi de savoir quelles sont les images précises qui nourrissent leur imaginaire... c'est en ce sens que cette image est intéressante.

Quant à savoir s'il s'agit d'idolâtrie, je n'en sais rien, mais sincèrement je ne le pense pas, pas de ma part, pas dans ce cas-ci.

Si j'avais su ... je ne t'aurais pas apporté le sel.

Tu me diras de quoi parle ce topo Nº 13, Amarande.
Que Xian nous pardonne... on voulait juste acclimater Seuguh et les autres lecteurs possibles de GDS au monde de Quignard. Rien d´autre.

swallow a écrit:

Tu me diras de quoi parle ce topo Nº 13, Amarande.
Que Xian nous pardonne... on voulait juste acclimater Seuguh et les autres lecteurs possibles de GDS au monde de Quignard. Rien d´autre.

Continue Swallow à nous acclimater, tu m'as surtout donné envie de redécouvrir cet auteur,merci !

Seuguh a écrit:

roxane a écrit:

[...]m'avait paru très froid et hermétique malgré une belle écriture qu'on ne pouvait nier.
Beaucoup de sobriété et d'élégance, certes, mais tout celà m'avait paru décousu, trop éloigné des sentiments.
Je pense malgré tout y revenir un jour car au vu de vos commentaires, ce n'est peut-être pas le plus abordable pour une première approche...

Je n'ai jamais lu qu'une préface de Quignard, mais les impressions qu'elle m'avait laissées étaient identiques aux tiennes - beaucoup d'éruditon qui m'a semblé fanfaronne, et même le style me laisse encore un goût de miel trop sucré dans la bouche (je mange les livres après les avoir lu). Mais ce n'est pas après avoir lu trois lignes (un peu plus quand même) qu'on peut se forger un avis : Quignard reste pour le moment en stand by dans mon "purgatoire".

. . Décousu : (merci Roxane) voilà qui s'applique bien à l'oeuvre Quignardesque. M. Quignard devrait abandonner la tabagie et pratiquer l'exercice physique, il en serait plus serein. Dans Vie secrète (chap. XVII) il narre son "pélerinage" jusqu'en Chine pour aller au village natal du philosophe Tchouang-Tseu. Une fois devant le puits de celui-ci, M. Quignard a le désir d'y lancer sa cigarette "pour voir l'eau obscure briller au fond du puits". Voilà un irrespect "digne" d'un gauchiste névrosé, dont cependant j'aime lire les écrits par recherche de sensation forte.
. . Décousu : il nous donne des pièces de tissus à assembler. Le lecteur doit faire l'effort de composer un costume à partir des fragments quignardesques. C'est souvent amusant, intriguant, et parfois douloureux. Chaque lecture est un voyage où se mêle hermétisme (merci Roxane) glacé et sensualité débridée, gris de mort et rouge piment. M. Quignard est un enlumineur de l'expression de Lao-Tseu "Les paroles vraies ne sont pas agréables ; les paroles agréables ne sont pas vraies."

. . Seuguh parle de purgatoire, ce qui touche à mes sentiments envers l'oeuvre de l'auteur en question : j'ai envers elle, selon ses passages, de l'admiration, une certaine fraternité, de la reconnaissance, mais aussi parfois un dégoût, du dédain. Je pense que c'est parce qu'il ne s'auto-censure point : il s'expose complaisamment, il est un exhibitionniste intégral.

Oui Troglo, l´écriture est décousue, fragmentée et déconcertante.
C´est aussi parce que Quignard pratique ce qu´il appelle son travail de marqueterie:
"Comme toujours, je commence par écrire trop, puis je taille, je coupe, de telle sorte que le livre n´excède pas 300 pages. Ce travail de marqueterie est le moment que je préfère. Evidemment, celà donne à mon style quelque chose de brusque, d´acharné, plutôt que de dansant".
C´est ce qui permet de lire cet auteur d´une traite ou par bribes, selon l´humeur et la disponibilité du lecteur.