Pascal Quignard

J'ai l'impression qu'il tente d'exprimer avec des mots quelque chose qui est hors du langage, ce qui est une gageure. Cela me fait penser à une phrase de je ne sais plus qui trouvée je ne sais plus où, qui dit à peu près : "Dis l'idée avec les mots. Une fois que l'idée est trouvée, abandonne les mots".

Il y a quelques jours, avec Troglodyte, on échangeait des "propos" sur Quignard, et il nous est venu assez naturellement la comparaison avec une préparation culinaire. On a parlé de "réduction"... mais ni lui ni moi n'étions satisfaits.

J'ai trouvé autre chose, dans "Déprogrammation de la littérature" :

"Je n'aime pas infiniment l'attrait de la mort, l'emphase. Jusqu'au gueuloir qui ne me paraît pas assurer à toutes les phrases l'énergie brusque qu'on peut aimer lire. C'est la melancolia pomposa. Aux écrivains du gueuloir, je préfère les écrivains du tacitoire - les écrivains qui font dix à douze relectures successives de leur livre sous différents points de vue afin d'assurer une coction extrême de l'oeuvre finale."

Exact Troglo, et Goethe devait eprouver cette même mefiance vis à vis des mots, il y a une petite phrase dans Faust où il dit que lorsque les idées manquent, il y a toujours des mots pour les remplacer.
"Mon" Faust est en espagnol, et c´est " Cuando faltan ideas, siempre hay palabras para sustituirlas". Goethe.

"La cuisson dans le silence aboutit parfois à une certaine concentration de force. (...) Il me semble que l'on peut tirer bénéfice de la cuisson du silence"

Je suppose Colbrune que ce que tu as trouvé sur la "Déprogrammation de la lecture", selon Quignard, c´est ce le passage que l´on peut lire sur remue.net.
C´est là pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce que Quignard veut dire quand il utilise cette expression:
http://www.remue.net/spip.php?article43
C´est tout à la FIN de l´article que propose remue.net.

swallow a écrit:

Je suppose Colbrune que ce que tu as trouvé sur la "Déprogrammation de la lecture", selon Quignard, c´est ce le passage que l´on peut lire sur remue.net.
C´est là pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce que Quignard veut dire quand il utilise cette expression:
http://www.remue.net/spip.php?article43
C´est tout à la FIN de l´article que propose remue.net.

C'est dans Ecrits de l'éphémère, Galilée, 2005. Réédition de ses oeuvres introuvables

Tant que nous n´avons pas de fil, "Endroits de rencontres des Grains", je vous laisse ce site :
http://www.fabula.org/actualites/article15539.php

C´est trop tôt, c´est le 11 oct, c´est à Paris, mais c´est une idée ( conférence, lecture et concert) on finira bien par trouver quelque chose qui motive tous les grains et qui soit envisageable.

Triomphe du Temps

C'est pour son interprète sur scène, la comédienne Marie Vialle, que Pascal Quignard a écrit cette «sonate de contes» qui réclame un comédien muet :

« En 2003, entendant Marie Vialle répéter “Le nom sur le bout de la langue” dans un théâtre de Saint Denis, aussitôt je voulus ajouter deux autres contes. La nuit même, dans la fin de la nuit. Je ne sais pourquoi c’était évident. Si impératif. Un seul conte ne suffisait pas. Peut-être désirais-je inventer des “Sonates de contes”. J’admire Marie Vialle. Désormais, nous cherchons ensemble quelque chose que j’ignore. Pour “Triomphe du temps”, il y a quatre contes. Un conte-cadre et trois contes internes. Il fallait un comédien masculin muet et Marie seule à parler - non seulement seule à parler mais devant aller jusqu’au chant et aux hurlements. En écrivant cette “sonate” c’est tout ce que je savais. Ensuite, sur la scène, je laisse Marie travailler entièrement seule.” (Pascal Quignard)

On passe de l’un à l’autre de ces contes sans qu’il y ait de démarcation au niveau de la pagination.
Il est question d’une histoire d’amour éternelle, de la fuite des amants, de leur séparation puis de leurs retrouvailles tardives.
Il est question de l'éducation du jeune Racine, à la lisière du monde des vivants et de celui des morts puisqu’il s'entretient avec Virgile aux Enfers.
Il est question d'un mendiant qui arrive à persuader une jeune femme de lui donner des vêtements et des couvertures, lui faisant accroire que c’est pour sa mère car elle a froid chez les morts.

Quant à ce que Quignard désigne comme le conte-cadre, ce qui fait le lien entre les trois autres, il évoque l'écrivain.
D’abord en compagnie de sa mère. Elle est très âgée, elle lui prend le visage entre les mains alors que «jamais auparavant elle n'avait touché ma peau» dit Pascal Quignard.
Puis enfant quand il passait ses nuits à regarder la mer: «Qui a plus adoré la mer que moi? Qui a plus adoré les tempêtes dans la nuit?»
Et même plus tôt encore, quand sa grand-mère maternelle Marie Bruneau (chante pour lui en allemand.

Que dire d’autre ? C’est tout simplement très beau.

« Triomphe du Temps »…Le passage du temps, de l’âge…Puis la mort… et la présence vivante des morts.

« Je savais en l'écrivant que Marie ne répugnait pas à accepter plus de violence encore que dans les textes précédents. Elle n'a pas froid aux yeux. J'écris puis je coupe. C'est extraordinairement agréable de trancher dans ce qu'on fait. Mais ça laisse aussi une liberté très grande et énigmatique d'avoir des textes à ce point troués.
Donc, cela me tente de travailler comme ça parce que ça laisse vraiment des abîmes à l'arête la plus tranchante qui soit. Après, c'est à celui qui voit d'en faire son rêve à lui. Là, le théâtre, le conte, c'est un espace où l'on peut absolument convoquer soit des morts, soit des abîmes. Parce qu'il y a des trous, parce qu'il n'y a plus à chercher la vraisemblance."
(Pascal Quignard)

Le petit Cupidon

Une nouvelle...dans laquelle une vieille femme de 82 ans, une violoncelliste, fait le récit à un visiteur d'une très ancienne histoire d'amour...Fulgurante, à Nice, en pleine chaleur...
"Je retire de cette petite expérience une nette préférence pour les mois d'hiver." dit-elle en approchant de sa bouche une part de cake.

Et moi... je reste un peu sur ma faim...
C'est bien court 46 pages!

J'ai savouré...comme je peux le faire d'excellents chocolats...en prenant mon temps... en des moments de parfaite disponibilité...la lecture de la nouvelle "Le petit Cupidon" et les quatre contes dans Triomphe du Temps .
J'ai même poussé le délice jusqu'à lire tout ça à voix haute...(puisqu'il écrit pour une comédienne... pourquoi pas moi...hein?)

Il me reste un autre conte à lire: "L'enfant au visage couleur de la mort".

L'enfant au visage couleur de la mort

C'est vraiment délectable de lire ce conte. L'écriture touche presque à la perfection.
On y retrouve les thèmes chers à Quignard: la mort, la lecture, la mère...
Je ne peux en dire davantage sur ce conte sous peine d'en révéler l'essentiel.

Alors cette fois Coline, l´enfant n´allume pas le monde et son entourage de cette lumière propre qui vient du fond de lui et non plus du système solaire, comme Quignard se plait à répèter, quand il parle d´un enfant? " Rien ne procède encore tout à fait du monde solaire. La lumière vient du coeur de l´enfant" ( Villa Amalia).

Non, dans cette histoire-là, l'enfant n'éclaire pas le monde!
Il s'agit d'un enfant qui lit et qui , devenant un monstre, sème la mort.

Mais chut coline... :silent:
J'espère que je n'en ai pas trop dit.
Si tu lis ce conte, Swallow, ça m'intéressera d'avoir ton point de vue sur le message qui serait sous-jacent...Je ne le trouve pas si évident.

J'ai lu Villa Amalia

J'y ai trouvé trop d'invraisemblance (ou pas assez) et trop froid....Ann Hidden ne m'a pas été du tout sympathique....
La rencontre avec la petite fille (3 mois aux USA chez sa mère en alternance avec 3 mois chez son père en Italie à l'âge de 2 ans, cela m'a hérissé le poil !) et Giulia est bâclée, inconsistante, sans fondement....

Tout à la fin, j'ai eu l'impression de lire la biographie de Ann Hidden....

pas prête de revenir à Quignard et de faire partie du club :silent:

mona a écrit:

pas prête de revenir à Quignard et de faire partie du club :silent:

Mona, il ne faut pas te décourager si vite...
Dans quelques temps, tu essaies de lire Tous les matins du monde ou Le nom sur le bout de la langue...

Regarde, nous nous rejoignons une fois de plus, voici ce que j'avais écrit à propos de ce livre:
Ce qui m’a frappée, et un peu dérangée dans ce roman, c’est qu’ Ann semble éprouver de plus grandes émotions face à la maison ou à la mer que face aux êtres dont elle croise un temps l’existence…
Moi qui suis une grande sentimentale, j’ai eu du mal à croire à ce personnage un peu froid…
C’est un bon roman tout de même…mais je ne suis pas vraiment touchée par les personnages.

Anne Hidden, c'est un jeu de mots sur Haydn, le musicien ?

Oui, Rotko, de plus Hidden signifie " caché" en anglais, et c´est avec grand soin que Quignard choisit le nom de nom de ses personnages.
Mona: ne t´es tu pas refugiée dans les bras de la pharmacienne bretonne, VERI?
Car Quignard balance au lecteur ses personnages, comme des bouées de secours, pour ceux qui n´en peuvent plus de la froideur et de la distance du personnage principal. Il y en a pour tout le monde!
Moi j´adore Ann, un bloc de glace avec un volcan à l´interieur. J´ai fait circulé VILLA AMALIA dans mon entourage, et mes amis ( espagnols) n´ ont eu d´yeux que pour Véronique.
Quignard a vite fait de passer de Véronique à "Veri"= vérité, véridique... (valeur refuge, la balise de secours dans l´océan-Quignard).
Quignard ménage ses lecteurs. Ils nous aime.

.

Citation :

J'ai, tu le sais, dans mon entourage, une autre personne qui en parle avec la même admiration, le même amour...

Oui, Coline, puisque tu as bien voulu me le raconter.
Celà me fait tellement plaisir de savoir que partout dans le monde il y a des membres de " la famille-Quignard", ses lecteurs.
Nous appartenons à cette même communauté secrète, non que nous nous cachions, mais seulement parce que la plupart du temps, nous ne connaissons pas entre nous.

C'est un auteur qui peut susciter vraiment la passion de ses lecteurs.
Ce que j'aime chez Quignard, c'est tout ce qu'il m'apprend. Lorsqu'on referme un de ses livres, on en sait un peu plus...sur soi-même, sur le passé, sur les humains, sur la culture, les origines...
Je suis plutôt admirative que passionnée.

coline a écrit:

Ce que j'aime chez Quignard, c'est tout ce qu'il m'apprend. Lorsqu'on referme un de ses livres, on en sait un peu plus...sur soi-même, sur le passé, sur les humains, sur la culture, les origines...

je vais donc suivre ton conseil Coline....

mona a écrit:

coline a écrit:

Ce que j'aime chez Quignard, c'est tout ce qu'il m'apprend. Lorsqu'on referme un de ses livres, on en sait un peu plus...sur soi-même, sur le passé, sur les humains, sur la culture, les origines...

je vais donc suivre ton conseil Coline....

J'espère qu'il arrivera à te plaire au moins un peu...

Puisque nous avions parlé de l´importance des grottes chez Quignard, voici un ouvrage qui ne s´en tient plus au sec discours des chercheurs prehistoriens. il s´agit de PRÉHISTOIRES de Jean Rouaud qui tente une lecture plus génereuse du monde rupestre, à partir d´une perspective poétique, artistique, etc.
Vous pouvez regarder les fiches-video (7 séquences):
http://www.gallimard.fr/catalog/Html/clip/A78361/index.htm

Juste signaler pour ceux que ça intéresse que les tomes IV et V de Dernier Royaume (Paradisiaques et Sordidissimes) ont paru dernièrement en Folio.

Impressionnant! :o ...170 réponses pour Quignard, je vois que vous êtes des spécialistes de la question!
Je ne connais pas bien cet auteur, n'ayant lu de lui voilà un moment déjà, que "Terrasse à Rome"qui m'avait paru très froid et hermétique malgré une belle écriture qu'on ne pouvait nier.
Beaucoup de sobriété et d'élégance, certes, mais tout celà m'avait paru décousu, trop éloigné des sentiments.
Je pense malgré tout y revenir un jour car au vu de vos commentaires, ce n'est peut-être pas le plus abordable pour une première approche...

rotko a écrit:

Quignard crée donc un personnage qui aurait pu exister et qui prend ses traits à bien des artistes de l'époque. Sa formation itinérante ressemble beaucoup à celle de son contemporain Callot, par exemple.

Voilà la question que je m'étais effectivement posée à l'époque tant le récit semble précis, la technique, les lieux, les personnages complètement impliqués dans le réel.
Une plongée dans un univers si différent qu'il nous intercepte forcément et m'avait marquée par contre.