A partir de la seconde moitié du XIIIème siècle c'est à dire le Duecento, se diffuse en Ombrie et en Toscane, une poésie triviale, de caractère réaliste. L'invective, l'insulte, la rebellion et le comique sont les maitres-mots et prennent le dessus sur le concept de "beauté idéale".
Cecco Angiolieri est l'un de ses représentants. Siennois, né aux alentours de 1260, et mort aux alentours de 1320, on ne connait que peu d'éléments sur sa vie.
Il aurait écrit 112 sonnets, et un roman.
Sa poésie est construite sur le renversement du modèle stilnoviste, et sur la parodie raffinée de beaucoup de genres courtois: le plazer ( listing d'éléments desirables), l'enueg (listing d'élements dégradants), le contraste et ainsi de suite.
L'esprit invectif, voire agressif, du poète ne doit pas nous faire oublier l'aspect de jeu littéraire.
Le roman d'amour entre Cecco et Becchina, qui préfere épouser un homme riche plutot qu'un poète, reprend sous forme de parodie le genre du contraste.
Au niveau thématique, son univers héberge peu de motifs emblématiques, que le poète résume lui-même " la donna, la taverna, il dado" ( la femme; la taverne, le dés)
Ce qui peut également être retenu comme étant "littéraire", c'est l'autoportrait de personnage maudit que le poète donne de lui dans ses écrits.
Voici l'un de ses poèmes:
S'i fosse fuoco, arderei 'l mondo;
s'i fosse vento, lo tempestarei;
s'i fosse acqua, i' l'annegherei;
s'i fosse Dio, mandereil' en profondo;
s'i fosse papa, allor serei giocondo,
ché tutti cristiani imbrigarei;
s'i fosse 'mperator, ben lo farei;
a tutti tagliarei lo capo a tondo.
S'i fosse morte, andarei a mi' padre;
s'i fosse vita, non starei con lui;
similemente faria da mi' madre.
Si fosse Cecco com'i' sono e fui,
torrei le donne giovani e leggiadre:
le zoppe e vecchie lasserei altrui.
Je vais tenter maintenant de vous traduire mot à mot ce poème en florentin, en français. Si l'un d'entre vous parle couramment italien, et n'est pas d'accord, avec ce qui est proposé, je serai également ravie d'en parler):
Si j'étais Feu, je brulerai le monde,
Si j'étais Vent, j'y créerai des tempêtes,
Si j'étais Eau, je le noierai,
Si j'étais Dieu, je l'enverrai au plus profond,
Si j'étais Pape, alors je serai heureux,
puisque j'embêterai tout les chrétiens,
Si j'étais Empereur, le bien je le ferai,
à tous je couperai la tête,
Si j'étais la Mort, j'irai voir mon père,
Si j'étais la Vie, je ne resterai pas avec lui,
je ferai pareil avec ma mère.
Si j'étais Cecco, et je suis et je fus,
je profiterai des femmes jeunes et légères,
les éclopées et les vieilles je les laisserai aux autres.