Marcel Proust I : A la recherche du temps perdu

Je trouve ce passage magnifique.... Très romantique, presque transcendant...

un petit roman pour l'été, il est léger, n'engage à rien au risque de dépiter les amateurs de "vrais romans policiers" comme les proustiens durs de durs qui n'auraient point vu d'humour dans la Recherche,

Meurtre chez Tante Leonie chez J'ai Lu

"Combray n'a rien perdu de son charme... "

Le roman à énigme obéit à de délicieuses règles un peu désuètes. Faut-il ici les prendre au comptant ou au second degré ? D'une habituée du genre, on dirait qu'elle connaît bien les ficelles, mais d'une auteure dont c'est le premier roman, qu'elle est tombée dans la marmite tant la recette est bien suivie.

La présidente de la "Proust association" meurt assassinée, la veille même d'un important colloque. Les invités sont de première qualité : distingués universitaires, éditeurs prestigieux, amateurs éclairés. Les voilà donc rassemblés sur les lieux du crime, tous suspects, avec pour chacun une bonne raison d'en vouloir à la présidente, une "dame en rose" avide de respectabilité, une Verdurin qui convoite le titre des Guermantes.

Car ce roman est un pastiche - comme Proust aimait lui-même en faire, et d'une part du style du roman policier, et d'autre part des personnages de la société mondaine, demi-mondaine, ou ancillaires, de La Recherche. On y reconnaît aussi des citations détournées, des clins d'oeil, jusque dans la pâtisserie du village, à l'enseigne de " la vraie madeleine".

Les tics, moeurs et préoccupations des éminents professeurs sont croqués avec finesse et drôlerie, comme les coulisses du savoir et les "dessous" ( en apparence bien sages) du petit monde universitaire. Estelle Montbrun parle en connaissance de cause : elle est spécialiste de Proust et enseignante dans le Supérieur.

Deux livres, plutôt des études sur Proust... Deux approches intéressantes de la Recherche, dont le premier qui ,je pense, intéressera ma chère Bulma en vue de ses travaux sur notre serial lover à nous, ce cher Charlus...

Proust dans la Décadence de Marion Schmidt (Coll. Recherches Proustiennes n°12), qui explore à la fois ce qu'il peut y a avoir d'annonciateur de la déliquescence du XXème siècle dans la Recherche, les thèmes, les personnages, mais également dans une perspective historique. Très intéressant !

Le second, plutôt anecdotique mais tout aussi capital pour comprendre les relations entre Proust et sa mère, Eloge du Matricide de Thomas A. Ravier chez Gallimard... Le titre se suffit à lui-même....

rotko a écrit:

Meurtre chez Tante Leonie chez J'ai Lu

"Combray n'a rien perdu de son charme... "

"Ni le jardin de son éclat..."

jude a écrit:

Proust dans la Décadence de Marion Schmidt (Coll. Recherches Proustiennes n°12), qui explore à la fois ce qu'il peut y a avoir d'annonciateur de la déliquescence du XXème siècle dans la Recherche, les thèmes, les personnages, mais également dans une perspective historique. Très intéressant !

....

j'ai le texte d'une étude de mathieu Vernet sur ce livre, je peux, si tu ne l'as pas, te l'envoyer par courrier.

- plusieurs contributions sur Proust dans
A. Compagnon (dir.), Proust, la mémoire et la littérature, Paris : Odile Jacob, coll. "Collège de France", 2009,

- sur Proust et sa mère : BLOCH-DANO Evelyne, Madame Proust chez Grasset, Prix Essai RENAUDOT 2004.

rotko a écrit:

jude a écrit:

Proust dans la Décadence de Marion Schmidt (Coll. Recherches Proustiennes n°12), qui explore à la fois ce qu'il peut y a avoir d'annonciateur de la déliquescence du XXème siècle dans la Recherche, les thèmes, les personnages, mais également dans une perspective historique. Très intéressant !

....

j'ai le texte d'une étude de mathieu Vernet sur ce livre, je peux, si tu ne l'as pas, te l'envoyer par courrier.

Je veux bien ça m'intéresserait beaucoup ! Merci !

l'article est parti sur ta boite aux lettres.

Exposition Proust

au 222 boulevard Saint-Germain jusqu'au 29 août, pour retrouver quelque 160 manuscrits de l'auteur, dont certains sont inconnus du public.

« Seront exposés aussi bien des lettres que des manuscrits, des dessins, des photographies ou des éditions originales, couvrant presque toute la vie adulte de l’écrivain, de 1894 à sa mort en 1922. Six pièces avaient déjà été montrées dans l’exposition « Marcel Proust » de la BnF en 1965, mais de nombreuses autres sont exposées pour la première fois et ne figurent pas dans l’abondante bibliographie consacrée à l’écrivain. »

source actua-litté.

troglodyte a écrit:

En fait, c'est bien souvent que le narrateur, et même parfois au sujet de femmes qu'il présente néanmoins comme étant belles, ne peut s'empêcher de placer le "détail qui tue", à tel point que le lecteur attentif peut se demander si ce narrateur aime vraiment les femmes.

En lisant Monsieur Proust, de Céleste Albaret, qui fut sa bonne à domicile pour les huit dernières années de sa vie, et avec qui il parlait beaucoup, on apprend que Marcel Proust aima des femmes, contrairement à une rumeur pernicieuse. Je parlerai de madame Albaret dès que j'aurai fini son livre.

Proust a énormément aimé les femmes, mais d'un amour platonique, absolu, cérébral, détaché des contingences..
Je pense qu'il faut se méfier de ce qu'avance Céleste Albaret, pour la simple raison qu'elle était une vieille femme très prude et très chrétienne, qui a toujours soutenu que son cher Marcel n'était pas homosexuel, c'était impossible, parce que cela heurtait trop son sens moral. Et pourtant il l'était, c'est indéniable. Donc si elle avance que Marcel a eu des relations sexuelles avec des femmes, il faut se méfier, c'est sans doute un propos orienté...

Bulma , tu nous emmènes sur un nouveau terrain d'exploration, proustien lui aussi, la vie/l'oeuvre, la dernière masquant la première, en gros.

Oui Céleste Albaret est bienveillante, que dire de Painter ?

: près de 90 lettres de Marcel Proust, dont une trentaine inédites, seront dans les librairies en avril. L’écrivain y raconte ceux qui l’ont inspiré pour les personnages d’A la recherche du temps perdu.

c'est publié aux Equateurs : Marcel Proust, lettres autographes et manuscrits .

Par ailleurs, le musée des lettres et manuscrits organise une exposition du 15 avril - 29 août 2010


les informations

222, boulevard Saint Germain, Paris VIIe

Merci Rotko, ça m'intéresse énormément !

Daniel Mendelsohn parle de Proust.



Un regard critique mais aussi des passages appréciés.

Daniel Mendelsohn :

il y a de nombreux passages peu crédibles dans "la Prisonnière" : ces longues scènes où le narrateur décrit le corps d'Albertine endormie, on n'y croit pas un instant.
Pas seulement parce que Proust était homosexuel et qu'Albertine est un leurre (l'histoire d'amour de Swann et Odette sonne parfaitement juste, de bout en bout) ; mais sans doute parce que le corps d'une femme qui dort ne l'intéressait pas du tout. De toute façon, Albertine est un personnage raté.

eh bien, moi j'ai trouvé très beau - et très crédible, le regard du narrateur sur Albertine endormie. on devrait toujours regarder le visage de la personne avec qui on dort.

La Prisonnière, chapitre I

je trouvais Albertine endormie et ne la réveillais pas.

Étendue de la tête aux pieds sur mon lit, dans une attitude d’un naturel qu’on n’aurait pu inventer, je lui trouvais l’air d’une longue tige en fleur qu’on aurait disposée là, et c’était ainsi en effet : le pouvoir de rêver, que je n’avais qu’en son absence, je le retrouvais à ces instants auprès d’elle, comme si, en dormant, elle était devenue une plante. Par là, son sommeil réalisait, dans une certaine mesure, la possibilité de l’amour ;

seul, je pouvais penser à elle, mais elle me manquait, je ne la possédais pas. Présente, je lui parlais, mais j’étais trop absent de moi-même pour pouvoir penser. Quand elle dormait, je n’avais plus à parler, je savais que je n’étais plus regardé par elle, je n’avais plus besoin de vivre à la surface de moi-même.

En fermant les yeux, en perdant la conscience, Albertine avait dépouillé, l’un après l’autre, ses différents caractères d’humanité qui m’avaient déçu depuis le jour où j’avais fait sa connaissance. Elle n’était plus animée que de la vie inconsciente des végétaux, des arbres, vie plus différente de la mienne, plus étrange, et qui cependant m’appartenait davantage.

Son moi ne s’échappait pas à tous moments, comme quand nous causions, par les issues de la pensée inavouée et du regard. Elle avait rappelé à soi tout ce qui d’elle était au dehors ; elle s’était réfugiée, enclose, résumée, dans son corps. En le tenant sous mon regard, dans mes mains, j’avais cette impression de la posséder tout entière que je n’avais pas quand elle était réveillée. Sa vie m’était soumise, exhalait vers moi son léger souffle.

J’écoutais cette murmurante émanation mystérieuse, douce comme un zéphir marin, féerique comme ce clair de lune, qu’était son sommeil. Tant qu’il persistait, je pouvais rêver à elle, et pourtant la regarder, et quand ce sommeil devenait plus profond, la toucher, l’embrasser. Ce que j’éprouvais alors, c’était un amour devant quelque chose d’aussi pur, d’aussi immatériel dans sa sensibilité, d’aussi mystérieux que si j’avais été devant les créatures inanimées que sont les beautés de la nature.

Et, en effet, dès qu’elle dormait un peu profondément, elle cessait seulement d’être la plante qu’elle avait été ; son sommeil, au bord duquel je rêvais, avec une fraîche volupté dont je ne me fusse jamais lassé et que j’eusse pu goûter indéfiniment, c’était pour moi tout un paysage. Son sommeil mettait à mes côtés quelque chose d’aussi calme, d’aussi sensuellement délicieux que ces nuits de pleine lune dans la baie de Balbec devenue douce comme un lac, où les branches bougent à peine, où, étendu sur le sable, l’on écouterait sans fin se briser le reflux.

le texte

Sur la lecture
Un livre petit qui éclaire beaucoup
Dans ce petit livre Proust commence par décrire son enfance dans ce milieu de haute bourgeoisie, où sa passion pour la lecture était le plaisir qui dépassait tout ,ne pouvant faire rien d’autre. Comme dans « la recherche » il nous décrit sa chambre, à sa façon qu’on appelle Proustienne. De raconter les moindres détails, mais quel souffle poétique s’échappe de ces pages.

Un peu plus loin il nous fait part de l’heure du déjeuner, sacré moment où il devait laisser le livre, et sa grand-tante qui présidait la table, ne mangeait rien, mais goûtait du bout des lèvres et donnait son verdict, sans mot dire, son regard désapprobateur suffisait : la cuisinière n’avait pas réussi avec le « bifteck aux pommes » sorte de « Sonate pathétique » de la cuisine.

Le déjeuner fini il remontait á la hâte, pour continuer le chapitre et ses vrais amis étaient les personnages du livre,
Nous trouvons des mots de Descartes « la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes
gens des siècles passés qui en ont été les auteurs »
Il admire Théophile Gautier, et sur les pages à vol d’oiseau apparaissent Shakespeare,Sophocle,Victor Hugo, qu’il loue comme grand érudit,Schopenhauer,Voltaire,Plutarque et des citations en latin que je ne connaît pas .Pascal, Montaigne
Diderot,et d’autres encore ; je ne veux pas alourdir la page.
Il ajoute aussi l’art des peintres qui sont une forme de poésie,un Millet , un Claude Monet, « un mirage arrêté sur une toile » n’est qu’une vision qui est le dernier effort de l’artiste peintre ou écrivain qui soulève le voile de laideur devant l’univers.

Revenant à la lecture, elle représente l’amitié ,une amitié sincère .Ces amis là, si nous passons la soirée avec eux, c’est vraiment parce que nous en avons envie et nous ne les quittons souvent qu’à regret. Il y a un bon nombres de notes à la fin, très intéressantes.
On peut résumer sa pensée dans le but d’encourager la lecture et mon avis après avoir lu ce petit bijou est de nous plonger dans son chef-d’œuvre « À la recherche du temps perdu » dont j’avoue n’avoir lu que le premier tome, j’etais trop jeune peut-être et ne savais pas apprécier ce style si harmonieux et raffiné.

Avez-vous sous le coude une bonne biographie de Proust ?
J'aimerai en savoir un peu plus sur cet homme et surtout sur sa vie (survie ?) durant la première guerre mondiale. Car j'ai découvert, au cours de mes recherches généalogiques, que mon arrière-grand-père avait combattu dans le même régiment que lui.

Ou un témoignage de Proust lui-même ?

Proust par Jean-Yves Tadié, Folio (2 volumes). je crois que c'est la plus indiquée puisqu'il connaît bien l'oeuvre de Proust qui lui-même avait ses idées sur les rapports entre l'homme et l'oeuvre...

Citation :

pourquoi un tel travail après A. Maurois(2), G. de Diesbach(3), G. D. Painter(4) et C. Péchenard(5), pour ne citer que ceux-là que Tadié évoque sans bien entendu oublier de se reporter aux précieux souvenirs de Céleste Albaret(6) ?

Au moins s'est-il posé la question...

Certains d'entre vous ont ils déjà répondu au "questionnaire de Proust" ?
Je l'ai retrouvé sur internet il y a peu, et je me rappelles qu'il y a quelques années ma prof de philo en terminale nous l'avait donné. D'une simplicité extrême, il est divertissant, parfosi casse-tête de le remplir.
Si cela vous intéresse le voici:



QUESTIONNAIRE DE MARCEL PROUST :

1- Le principal trait de mon caractère.
2 - La qualité que je préfère chez un homme.
3 - La qualité que je préfère chez une femme.
4 - Ce que j’apprécie le plus chez mes amis.
5 - Mon principal défaut.
6 - Mon occupation préférée.
7 - Mon rêve de bonheur.
8 - Quel serait mon plus grand malheur ?
9 - Ce que je voudrais être.
10 - Le pays où je désirerais vivre.
11 - La couleur que je préfère.
12 - La fleur que j’aime.
13 - L’oiseau que je préfère.
14 - Mes auteurs favoris en prose.
15 - Mes poètes préférés.
16 - Mes héros dans la fiction.
17 - Mes héroïnes favorites dans la fiction.
18 - Mes compositeurs préférés.
19 - Mes peintres favoris.
20 - Mes héros dans la vie réelle.
21 - Mes héroïnes dans l’histoire.
22 - Mes noms favoris.
23 - Ce que je déteste par-dessus tout.
24 - Personnages historiques que je méprise le plus.
25 - Le fait militaire que j’admire le plus.
26 - La réforme que j’estime le plus.
27 - Le don de la nature que je voudrais avoir.
28 - Comment j’aimerais mourir.
29 - État présent de mon esprit.
30 - Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence.
31 - Ma devise.


PS: ceci est à remplir en mangeant une madeleine

Harelde78 a écrit:

Avez-vous sous le coude une bonne biographie de Proust ?
J'aimerai en savoir un peu plus sur cet homme et surtout sur sa vie (survie ?) durant la première guerre mondiale. Car j'ai découvert, au cours de mes recherches généalogiques, que mon arrière-grand-père avait combattu dans le même régiment que lui.

Ou un témoignage de Proust lui-même ?

Il y a Monsieur Proust : des propos de sa bonne Céleste Albaret qui a vécu chez lui non-stop pendant ses dernières années.

Quant à la guerre, je crois qu'il en a été exempté à cause de sa mauvaise santé.

Oui, Troglo, Céleste Albaret pour rehabiliter Proust après le sulfureux Painter qui insiste sur le côté scandaleux, des épisodes inattendus de tortures de rats, notamment (sans doute en rapport avec certains scènes sado maso de la Recherche, notamment avec melle de Vinteuil). C'est pour quoi le livre de Tadié a de l'intérêt :

Citation :

En bon biographe, Tadié est d'abord un historien, après que son évidente érudition atteste qu'il est aussi un lecteur sérieux. Il s'est toujours méfié des propos rapportés et des légendes. Ce qui ne veut pas dire qu'il les écarte d'emblée. Simplement, il les vérifie. C'est qu'un historien est en même temps un enquêteur et, en bon enquêteur, il ne sacrifie qu'à une marotte : la recherche de la vérité.

troglodyte a écrit:

Quant à la guerre, je crois qu'il en a été exempté à cause de sa mauvaise santé.

Il semblerait, oui.

Oui rotko, Tadié est LA référence actuelle sur Proust. Je n'ai jamais lu sa biographie de Proust, mais mon prof de XXe nous l'a conseillée