Boris Vian

Tout à fait Moon, j'avais ton âge quand je l'ai lu

De Vian, il y a également Les fourmis (rien à voir avec celles de Werber), un excellent recueil de nouvelles.

La nouvelle, qui ouvre le recueil et donne sont titre au livre, est absolument géniale.
L'horreur du débarquement sur les côtes normandes, vu par Vian, c'est à ne pas rater. Et la chute est l'une des plus terribles que j'ai pu lire.

Le début de la nouvelle titre :

On est arrivé ce matin et on n'a pas été bien reçus, car il n'y avait personne sur la plage que des tas de types morts ou des tas de morceaux de types, de tanks et de camions démolis. Il venait des balles d'un peu partout et je n'aime pas ce désordre pour le plaisir. On a sauté dans l'eau, mais elle était plus profonde qu'elle n'en avait l'air et j'ai glissé sur une boîte de conserve. Le gars qui était derrière moi a eu les trois-quarts du visage emporté par le pruneau qui arrivait, et j'ai gardé la boîte de conserve en souvenir. J'ai mis les morceaux de sa figure dans mon casque et je les lui ai donnés, il est reparti se faire soigner, mais il a l'air d'avoir pris le mauvais chemin parce qu'il est entré dans l'eau jusqu'à ce qu'il n'ait plus pied et je ne crois pas qu'il y voie suffisamment au fond pour ne pas se perdre.
J'ai couru ensuite dans le bon sens et je suis arrivé juste pour recevoir une jambe en pleine figure. J'ai essayé d'engueuler le type, mais la mine n'en avait laissé que des morceaux pas pratiques à manoeuvrer, alors j'ai ignoré son geste, et j'ai continué...

j'ai connu Vian par "j'irai cracher sur vos tombes"
un livre choc, qui m'a vraiment marqué.

et puis, j'ai découvert quelques recueils de nouvelles, certaines m'ont fait hurler de rire.

je n'ai toujours pas lu l'herbe rouge, qui pourtant trône dans ma bibliothèque.
je dois préciser que ma bibliothèque regorge de livres non lus, et moi, pendant ce temps, je pioche à la bibliothèque municipale.

J'avais lu L'arrache-coeur il y a de cela quelques années... l'ambiance est tellement forte que j'ai ressenti, tout au long de cette lecture, un malaise bien palpable... pour cette raison, je crois que je n'ai pas aimé. J'ai apprécié le style, j'apprécie encore aujourd'hui la façon dont il nous transporte, mais peu les émotions qu'il transmet. Il s'agit d'un incommensurable spleen qu'on n'arrive pas à expliquer...

Malgré cela, il s'agit sans doute d'une oeuvre qui m'aura toujours marqué. Mes souvenirs en sont vagues... mais à la fois exacts.

Culblanc... la vieille qui hurle, hystérique... le bébé... celui qui faisait des cercueils... le draveur qui récolte les péchés... Jacquemort...

Une ambiance de malaise que l'on oublie jamais.

posons carrément le problème ! j'ai moi aussi sur mes étagères j'irai cracher sur vos tombes

je ne l'ai pas lu le livre a mauvaise réputation. Pour des raisons morales ?

ma question : dois-je l'ouvrir ?

(inutile de me répondre "ferme-là"!)

rotko a écrit:

posons carrément le problème ! j'ai moi aussi sur mes étagères j'irai cracher sur vos tombes

je ne l'ai pas lu le livre a mauvaise réputation. Pour des raisons morales ?

ma question : dois-je l'ouvrir ?

(inutile de me répondre "ferme-là"!)

oui oui oui... c'est du vernon sullivan... c'est plus dans le style de "et on tuera tous les affreux" mais faut lire.. ne serait-ce qu'une fois.. pour avoir ta propre idée

au diable la bêtise, au diable les réputations

J.

rotko a écrit:

posons carrément le problème ! j'ai moi aussi sur mes étagères j'irai cracher sur vos tombes

je ne l'ai pas lu le livre a mauvaise réputation. Pour des raisons morales ?

ma question : dois-je l'ouvrir ?

(inutile de me répondre "ferme-là"!)

J'ai détesté, mais après,ce n'est que mon avis
C'est sûr que quand on quitte "l'écume des jours" et qu'on tombe sur J'irai cracher...ça fait un choc

haaaaaaaa ! Vian !!!!
je n'oublierai jamais ma première rencontre avec lui... lecture proposéé au lycée : l'écume des jours.
Je lis les premières lignes. ca parle d'un type roux qui se coiffe. Le peigne est comparé à un tracteur faisant des sillons dans de la confiture d'abricot je crois... et d'anguilles qui remontent dans la tuyauterie...
je reste perplexe. Referme le livre. tant pis pour la lecture obligatoire. Je décide de me respecter et de respecter l'auteur .
un an plus tard, je l'ouvre avec précaution et fais une rencontre merveilleuse avec Vian.
Pour le bac, une de mes meilleure amies m'a offert un recueil très complet de ses chansons, par ici !

je le trimbale encore. On y trouve de tout, des chansons drôles, touchantes, classées X... etc...
moi j'adore la marche du concombre...

Quant à j'irai cracher sur vos tombes... c'est effectivement très différent comme registre. Violent et noir. j'ai été très marquée par cette lecture à l'époque où je l'ai lu.

pour le plaisir une citation de lui :
La question ne se pose pas. Elle en est absolument incapable : il y a trop de vent.

A épingler aussi dans ses titres de chansons à se fendre la pipe:
La java des chaussettes à clous
La java des bombes atomiques

ah oui Alain géniales !!

oui !!!!!!!!!!!
il y a également fais moi mal Johnny
https://www.youtube.com/watch?v=6LQWo_mhGXQ

et de très jolies chansons que j'envoie parfois en guise de poèmes à mes amis
allez une petite, j'ai ressorti mon antique bible hier soir
Il est toujours l'heure de vous voir
Madame
Il est toujours l'heure de venir vous faire la cour
Que ce soit l'aube aux joues rosées qui vous ressemble
Il est toujours l'heure de vous voir
Madame
Il est toujours l'heure de tomber à genoux
Tous les cadrans madame
à chaque instant madame
Marquent toujours l'heure jolie de notre amour
(1958)
la java des bombes atomiques : https://www.dailymotion.com/video/x21wll_serge-reggiani-la-java-des-bombes-a_music

Je viens de finir J'irai cracher sur vos tombes. Que dire ?

Le style crû et fluide m'a tout de suite fait penser à Poppy Z. Brite que j'apprécie beaucoup. Ce livre se lit assez simplement et rapidement quand on a du temps

On m'avait dit qu'il était dur. Aussi, je m'attendais à quelque chose d'assez pénible. L'auteur ne dévoile pas tout au début, mais petit à petit, ce qui est appréciable au point de vue du suspense. Pourquoi fait-il cela ? Que s'est-il passé ? Le début n'est pas si terrible. La seule chose qui est terrible dans ce livre est la scène de torture de Lou. Même si j'ai l'habitude des scènes assez violentes à cause de ma prédilection pour les films d'horreur, je n'ai pas été préparée à cela. Je peux dire que j'ai vu pire que cela. Cependant, au vu de ma condition féminine, je ne peux être insensible.

Il n'est pas pire que la case de l'oncle Tom de Stowe ou tous les autres films traitant sur le même sujet (Nord et Sud, par exemple). Par contre, il est vrai que j'ai plus l'habitude de voir les hommes de couleur en martyrs et non en persécuteurs. Il me semble vraiment intéressant de montrer ce côté-là. Ce livre nous apprend que rien est ni blanc ni noir, si je puis me permet de dire ceci.

Je le conseille en lecture.

Tout dépend ROTKO? Qu'entends-tu pas "mauvaise réputation"? Qu'est-ce qui te fait hésiter?

Personnellement, j'apprécie autant Boris Vian que Vernon Sullivan. [/b]J'irai cracher sur vos tombes[b] est assez violent, certes. Mais cette violence a un sens. Elle s'inscrit dans la volonté de Vian de dénoncer la violence subie par les noirs américains. En gros, la violence engendre la violence.
Bon, il faudrait que je le relise parce que mes souvenirs datent un peu. Mais, personnellement, je n'avais pas été choquée.

J'ai lu J'irai cracher sur vos tombes étant jeune (encore plus que maintenant ). J'en conseille fortement la lecture, car je crois que pour appréhender Vian, c'est aussi à lire. Entre ses chansons, le ton de L'écume des jours (magnifique de poésie et d'absurde), et de ce livre-là, il y a des fossés...à creuser.

Vu qu'à l'époque je ne lisais pas d'auteurs comme Nick Cave ou Poppy Z. Brite, j'ai été assez marquée par ce livre. Il m'a laissé un gros sentiment de malaise. Rien d'horrifique, de "démolisseur". Mais quelque chose de profondément dérangeant, qui donne au lecteur l'impression d'être le voyeur de l'immonde.

Stella, la scène que tu évoques m'avait également bien perturbée. Pour les mêmes raisons que toi.

Ahhh, Boris Vian !
Je n'ai pas du tout aimé.
Pour ma culture personnelle et découvrir un nouvel auteur, j'ai lu l'Ecume des jours l'année dernière. J'ai réellement lutter pour le terminer et ne pas abandonner en cours de route. J'ai beaucoup de mal avec l'absurde. Je le trouve absurde, justement.
Il est possible que je sois complètement passé à côté. Il faudrait peut-être que je tente de nouveau ma chance. Pour avoir une seconde opinion.

Non, le nénuphar dans le poumon et la maison qui rétrécit en même temps que Chloé décline, j'ai du mal !

C'est justement ce que j'ai adoré...

Bounine disait qu'il était faux de parler des coeurs brisés et de situer l'amour à cet endroit, car les plus grands héros mourraient de maladies pulmonaires. Et quand on pense à la Dame aux Camélias ou à Chloé, c'est assez exact.

Idem dans la vie personnelle...

J'ai trouvé l'image du nénuphar dans les poumons très belle, très poétique. Et que l'appartement de Colin réduise à mesure que meurt celle qu'il aime, à mesure qu'il se ruine et s'éteint pour elle, ça aussi, ça m'a beaucoup plu. Après tout, notre lieu de vie n'est-il pas le reflet de ce que nous sommes, n'en faisons-nous pas notre repère, notre miroir, notre antre ? Alors pourquoi ne disparaîtrait-il pas avec nous, quintessence des mouvements de notre être ?

je me souviens avoir lu Vian avec bonheur, par contre je ne me souviens plus trop des histoirescar cela fait vraiment longtemps.

il est vrai que ses métaphores peuvent être mal perçues selon notre humeur du moment mais l'ensemble de ses romans est vraiment de la littérature qui sort de l'ordinaire.

Je n'ai lu pas lu L'Ecume des jours mais on trouve le même processus et les mêmes images tout au long de la pièce de Ionesco : Le Roi se meurt. Le royaume rapetisse, se déglingue, disparaît au fur et à mesure que le roi se meurt :

"[Les ministres] sont partis en vacances. Pas bien loin puisque les terres se sont raccourcies et rabougries. Ils sont à l'autre bout du royaume, c'est-à-dire à trois pas, au coin du bois, au bord du ruisseau."

Quelques pages plus loin, quelques minutes plus tard (puisque le roi meurt à la fin de la représentation) :

"On ne peut plus repêcher les ministres. Le ruisseau dans lequel ils sont tombés a coulé dans l'abîme avec les berges et les saules qui le bordaient."

Et comme toute personne s'exprimant dans une langue qui n'est pas sa langue maternelle, Ionesco utilise souvent au premier degré des expressions que nous utilisons au deuxième degré. Ainsi "la voie lactée s'agglutine" (comme du lait caillé).

Cela a l'air absurde mais cela ne l'est pas : nous sommes les rois de l'univers dont nous avons conscience et sur lequel nous avons prise. La pièce de Ionesco illustre bien cette perte de pouvoir sur notre environnement qui précède la mort.

Solweig, je ne suis on ne peut plus d'accord.

La preuve, c'est que dans tous les dossiers que j'ai dû faire en littérature comparée, j'ai choisi d'en faire un sur le rapport qui unit la demeure à celui qui y vit. J'avais choisi L'Ecume des jours, Le Roi se meurt, Une rose au paradis (de Barjavel) et La Belle et la Bête (le conte originel). J'avais trouvé cet aspect aussi fascinant que révélateur.

Admettons de surcroît que j'adore l'absurde, donc forcément, ça ne peut que me plaire...

Et puis j'aime bien le clin d'oeil à Jean-Paul Sartre, avec le meilleur ami fanatique de Jean-Sol Partre.

J'avais bien saisi tout cela.
Mais je crois que je ne suis pas fait pour l'absurde.
Mon esprit a été longuement formaté par des années d'études scientifiques. Je suis cartésien, amoureux de la logique et du réalisme.

Je m'aperçois que mon esprit est peut-être plus étroit que je ne le croyais. J'ai peut-être du mal à m'adapter à cette autre forme de pensée qu'est la poésie (je n'en lis jamais et ne l'apprécie guère).


Je réessaerai à l'occasion.

Oui réessaie et essaie surtout de faire abstraction de ce qui doit être, de ce qui est, et de ce qui sera. Prends cela comme un conte à ne pas mettre entre toutes les mains, c'était cela Boris Vian, loin d'être un moraliste et un conteur, il était avant tout un homme imaginatif et libre.

Bonjour tout le monde!

Je ne sais depuis combien de temps je ne suis venue ici...
Etant donne que je lis peu de romans en francais je trouvais ca difficile de partager cela avec vous, mais ce soir je me suis saisie du roman de Boris Vian "J'irai cracher sur vos tombes"
et je voulais lire vos opinions.

J'ai beaucoup aime pour ma part, c'est un livre qui bouleverse les idees recues et fait peur aux gens pour une raison que j'ignore (si ce n'est du fait de sa violence evidente). Vous utilisez des adjectifs comme "immoral" et j'y vois un jugement des intentions de l'auteur, qui pour sa part ne nous dit aucunement qu'il approuve l'immoralite de son personnage. Je crois qu'il y a la confusion. Pourquoi trouvez-vous cela immoral?

J'ai trouve ca tres interessant. C'etait peut etre moins commun a son epoque (enfin je n'ai aps suffisamment de culture litteraire pour l'affirmer avec certitude) pour un narrateur de se mettre dans la peau d'un homme cruel et de nous faire vivre ses actes ignobles a travers son regard et son mode de pensee. Bien evidemment ne confondons pas les pensees du narrateur et celle de l'auteur... je peux citer au moins un autre livre qui fonctionne comme cela: Charlotte Linke, der Verehrer (et oui, desolee, en allemand...)

Comme l'un de vous le disait tres justement, ce livre montre la violence ressentit par les afro-americains, et comment qqun qui souffre de violence transmet la violence.

On n'aime aucun des personnages, on ne s'attache a aucun d'entre eux. Sauf au vieux libraire peut etre mais il ne fait que passer dans l'histoire. On n'en deteste aucun non plus. Si ce n'est Dex peut etre, pour ce qu'il fait a cette pauvre enfant. Personnellement je ne deteste aps Lee, et je ne crois pas que Vian chercher a nous le faire detester. mais peut etre l'avez vous ressenti differemment.

J'ai trouve sur internet cette tres interessant conference sur la vie de Vian et son oeuvre musicale, qui est tres liee avec son ecriture.
http://www.lehall.com/conferences/vian/
Cliquez sur le numero 3 et ils expliquent que ce livre etait a l'origine une "plaisanterie, cette fausse traduction d'un faux polard americain". Je ne comprends aps bien cette remarque et je n'ai pu la confirmer par d'autres sources. Et je me demande en quoi cela peut changer mon interpretation des intentions de Vian. SI vous avez plus d'infos...

A bientot (cette fois peut etre)

hello myriam, bonne idée de donner lelien d'une conférence video sur Boris Vian.

J'ai lu j'irai cracher sur vos tombes mais ne m'en souviens pas précisément. Les reproches d'immoralité sont en effet peu littéraires, mais il faudrait que je relise le livre pour donner un avis.

Quant au faux polar, Vian aimait a la fois les canulars et les parodies. Pourquoi se serait-il refusé cet exercice amusant et stimulant avec le roman alors qu'il l'a pratiqué avec brio dans le faux blues américain, celui du dentiste, avec henri salvador

Salut Rotko!

Je suis contente d'avoir un interlocuteur a toute heure

Ce que je voulais dire, c'est que vrai, faux, je ne vois pas bien la difference. En quoi ce polard peut-il etre vrai ou faux, je ne vois pas ce qu'on entend par la. En quoi ce serait une blague? Parce qu'en tout cas ce n'est pas une blague tres drole pour ainsi dire vu l'ambiance donc qu'est ce qu'on entend par blague? est-ce que ca change en quoi que ce soit l'interpretation du msg? est-ce que dire que c'est une blague n'est pas tout simplement une maniere de mettre le roman a distance pour le faire plus facilement accepter par ses contemporains?

Je viens de me rendre compte que dans tout cela, on en revient toujours au meme sujet, qui apparemment me torture:

https://grain-de-sel.1fr1.net/pratiques-culturelles-habituelles-ou-en-cours-f9/est-ce-possible-un-roman-amoral-t3448.htm

Je devrais livre un ouvrage la dessus, ca doit pas etre difficile a trouver, un ouvrage sur la moralite des oeuvres litteraires...