Faulkner, Sanctuaire

Sanctuaire

Un peu désarçonnée, au début de ma lecture, par l'extrême précision - théâtrale - de la narration et les changements fréquents de focalisation narrative (j'aime en général avoir plus de liberté dans la "visualisation" de l'action). Cependant, le récit est tellement fort et rythmé, les personnages fascinants, les sentiments exacerbés m'ont complètement happée. Impossible de décrocher. Ensuite, la tension crescendo en fait une aventure hallucinante et terrifiante.

Pour autant, je serais bien en peine d'exprimer un ressenti cohérent. Je vais laisser reposer un peu... Et puis il faut que je m'en remette.

J'ai beaucoup aimé la préface d'André Malraux (Folio ), notamment :

Citation :

De même que l’opiomane ne rencontre son univers qu’après la drogue, le poète tragique n’exprime le sien que dans un état particulier, dont la constance montre la nécessité. Le poète tragique exprime ce qui le fascine, non pour s’en délivrer (l’objet de la fascination reparaîtra dans l’œuvre suivante) mais pour en changer la nature ; car, l’exprimant avec d’autres éléments, il le fait entrer dans l’univers relatif des choses conçues et dominées. Il ne se défend pas contre l’angoisse en l’exprimant, mais en exprimant autre chose avec elle, en la réintroduisant dans l’univers. La fascination la plus profonde, celle de l’artiste, tire sa force de ce qu’elle est à la fois l’horreur, et la possibilité de la concevoir.
Sanctuaire, c’est l’intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier.

Je viens de retrouver enfin un ordinateur... et reprend la lecture de Faulkner demain. J'ai trouvé le début assez intriguant.

Sanctuaire

I et II

Spoiler:

Les données essentielles sont visibles par petits indices dès le début !

Cf. la question de Popeye,

Citation :

- « c’est un revolver que tu as dans cette poche? »

et plus loin la précision :

Popeye […]sa poche droite déformée par une bosse contre son flanc.

Les activités clandestines dans un endroit propice, à l’écart de la route et du temps ordinaire.

« Accroupis de part et d’autre de la source, ils restèrent ainsi pendant deux heures. »

Pour le reste tout est vécu en temps direct, et il suffit d’un personnage qui voit ou qui écoute pour introduire les actions, donc les personnages aussi révélés par des dialogues brefs et méchants, les descriptions, ou les paroles prononcées.

Au début je croyais que l’avocat lisait son livre, mais il fait sa confession, entendue par « La femme », hostile.

j'ai commencé, je lis attentivement sur les conseils de Rotko.
D'emblée, on sent que cela va être noir......
Belle écriture, très belle narration; contraste avec les dialogue qui collent aux personnages
petite pause, et je reprendrai tout à l'heure

Citation :

D'emblée, on sent que cela va être noir......

oui, et les trois notes du chant de l'oiseau dans le chapitre 1 - un martin pécheur inhabituel dans ces trois coups du destin en lever de rideau, le laissent entendre.

Bien faire attention au début car on va revoir les endroits et les personnages ; les répétitions (chaque objet est à sa place) créent une sensation de familiarité : on a investi les lieux, ils s'imposent à nous.

j'ai le livre chez Folio et je ferai une remarque sur le chap II, tout dépend peut-être des éditions, on verra.

Je me suis arrêtée hier à la fin du chapitre V. Les personnages du début dont on aurait pu se dire qu''ils étaient là pour le décor, réapparaissent.

En tout cas quelle force narratrice.
La lourdeur/noirceur du récit est compensée par des chapitres courts.
Cela facilite la lecture, qui du coup peut être mieux gérée.
@ Rotko: je lis aussi l'édition Folio, préfacée par Malraux. La préface étant déjà en elle même un bijou

mimi54 a écrit:

En tout cas quelle force narratrice.

Même sentiment pour moi.
J'ai quand même été gênée par ce nom de Popeye. Impossible de chasser de mon esprit le Popeye aux épinards.

mimi54 a écrit:

@ Rotko: je lis aussi l'édition Folio, préfacée par Malraux. La préface étant déjà en elle même un bijou

https://grain-de-sel.1fr1.net/t1355p105-william-faulkner#206703

Luca a écrit:

J'ai quand même été gênée par ce nom de Popeye. Impossible de chasser de mon esprit le Popeye aux épinards.

oui, moi aussi, je suis surprise, et c'est à lui que je pense !!!

Je sais bien que Faulkner utilise un style itératif pour bien ancrer une image dans l'esprit du lecteur,

ainsi :

p.14 "les yeux de Popeye... semblables à deux boutons de caoutchouc noir et souple"

et p.16 "les yeux de Popeye avaient l'air de deux boutons de caoutchouc enfoncés d'un coup depouce et revenus >concentriques".

Maintenant on connaît son visage, grotesque, c'est pourquoi le nom de Popeye ne lui va pas trop mal, à mon avis, à lui qui a peur d'un hibou... rappel p.32, ce popeye est un froussard.

En revanche, je suis surpris de répétitions pp. 38 et 41

"il vit sa soeur et le jeune homme disparaître..."

41 "Ils les regardèrent disparaître derrière la maison"...

Qu'une image du présent renvoie à une image précédente du passé, ce qui est le cas au début du III me paraît bien venu, mais que dire de ce rappel du présent p.41. N'y aurait-il pas une paille dans le manuscrit ou l'édition ?

références chez Folio.

Certes, tout est visuel, et ici précisément objet de regards d'un ou deuxpersonnages (Benbow et miss Jenny)

Je trouve que ces répétitions, va-et-vient... accentuent l'impression de confusion. Ou de panique parfois, de piège.

Sur vos conseils je vais recommencer du début (je n'en ai pas encore lu beaucoup) mais j'avoue que je me sens perdue, je n'arrive pas à cerner les personnages et encore moins le lieu cet espèce de couloir.

Suzanne a écrit:

Sur vos conseils je vais recommencer du début (je n'en ai pas encore lu beaucoup) mais j'avoue que je me sens perdue, je n'arrive pas à cerner les personnages et encore moins le lieu cet espèce de couloir.

j'ai eu la même impression...

Suzanne a écrit:

Sur vos conseils je vais recommencer du début (je n'en ai pas encore lu beaucoup) mais j'avoue que je me sens perdue, je n'arrive pas à cerner les personnages et encore moins le lieu cet espèce de couloir.

mazel a écrit:

j'ai eu la même impression...

posez vos difficultés sur la table en indiquant bien les chapitres pour qu'on s'y retrouve facilement, et on essaiera de trouver des éclairages.

J'aime bien l'expression de luca

Citation :

l'impression de confusion. Ou de panique parfois, de piège.

A chaque scène, c'est un personnage qui, médiateur du lecteur, voit ou entend.

à plusieurs reprises, des personnages sont cachés, parfois accroupis : ou ils attendent que la proie tombe dans le piège, ou ils sont fascinés par le mal qui couve et qui ne saurait trop tarder à venir.

il y a donc ceux qui rôdent, cherchant qui dévorer, encore indécis sur l'attitude envers la proie : Temple.

Cette dernière effectivement change de lieu, d'habillement, à la va-vite, sans être aucunement efficace. Elle est la mouche qui ne saura pas échapper à la toile qui se tisse.

Les lieux sont facilement repérables, car on s'y aventure à plusieurs reprises.

L'alcool joue un rôle déterminant, et chaque personnage a son obsession, y compris Temple qui radote une prétendue parade sur son père le juge.

je crois que la prescience de ce qui va se jouer est bien entretenue par des paroles récurrentes : "les salauds !" "mon père est juge" etc, si bien que le lecteur attend aussi ce qu'il devine inéluctable.

Je suis allée jusqu'au chapitre X. Pour l'instant je suis, car je suis très attentive, et que volontairement, je lis par petits morceaux.

Il faut suivre, car souvent les personnages sont dé personnifiés: "l'homme" , "la femme"; et Faulkner, change, souvent sans prévenir, puis tout d'un coup nomme ses personnages...
Il y a parfois des redites, des impressions de lourdeur. Je me sens oppressée dans cette bicoque qui m'a l'air déglinguée de partout.....Mais j'avance, lentement, mais j'avance

Rotko, en pale tellement mieux que moi

mimi54 a écrit:

Je me sens oppressée dans cette bicoque

Pareil, ce qui m'a poussée à continuer la lecture pour en sortir.
D'ailleurs, je me pose toujours la question : pourquoi Temple ne s'est-elle pas enfuie ? Il me semble qu'elle l'aurait pu en plusieurs occasions. J'entrevois plein d'explications mais aucune qui ne me convainc. J'ai eu parfois la désagréable impression que Faulkner cherchait à nous expliquer qu'elle attendait un drame ou qu'elle était comme fascinée par la violence virile qui pourrait lui tomber dessus. J'ai d'ailleurs eu à nouveau cette impression plus loin dans le livre, dans le passage avec Red, dont je ne vois pas vraiment d'autre finalité.
J'avoue que si c'est le cas, ça me déplaît fortement.

Ah mince je n'aurais pas dû vous lire !

J'en ai trop dit ?

Luca a écrit:

J'en ai trop dit ?

Je suis une petite tête et je ne le ferai plus, promis !

Mais si ça peut te rassurer, en lisant Sanctuaire, il me semble que même si tu sais des choses tu ne sais pas grand chose.
Faulkner m'a menée par le bout du nez, pas moyen de prévoir quoi que ce soit...

Luca il n'y a pas de problème pas de panique nous sommes curieuses et voilà tout

Luca a écrit:

Luca a écrit:

J'en ai trop dit ?

Je suis une petite tête et je ne le ferai plus, promis !

Mais si ça peut te rassurer, en lisant Sanctuaire, il me semble que même si tu sais des choses tu ne sais pas grand chose.
Faulkner m'a menée par le bout du nez, pas moyen de prévoir quoi que ce soit...

Non pas du tout c'est moi qui ai la hantise de ne pas savoir avant d'avoir lu, mais comme tu l'as dit même si on sait un détail on ne sait rien !
Je vais commencer le chapitre XVI.
J'ai du mal à me contenir pour lire lentement.
Une petite question à quelle date approximative se déroule cette histoire, je la situe entre les années 1910 et 1930 ?
Je me demande qui est ce mystérieux Lee, est-ce un des personnages qu'on "voit" ou le "voit" plus tard ?

J'aborde le chapitre 13.....

il me semble qu'il s'agit de la période de la prohibition (?)

Le premier État à limiter les ventes de boissons alcoolisées fut le Maine en 1851. En 1855, 13 États avaient établi la prohibition. Ils étaient appelés les dry states (États secs).
La prohibition fut établie à l'échelle nationale par le 18e amendement de la Constitution (ratifié le 29 janvier 1919) et par le Volstead Act (établi le 28 octobre 1919). La prohibition débuta dès le 16 janvier 1920, lorsque le 18e amendement prit effet. Le Volstead Act fut amendé afin d'autoriser les boissons peu alcoolisées comme les bières légères (ne titrant pas plus de 3,2 % d'alcool, 4 % en volume) grâce au Blaine Act du 17 février 1933. Le 18e amendement a été retiré au cours de la même année par la ratification du 21e amendement de la Constitution.

Suzanne a écrit:

Une petite question à quelle date approximative se déroule cette histoire

Je me suis posée la même question.

Mazel, tu penses que c'était dans les années 20 ou 30 ?

Je penche pour les années 30