Gustave Flaubert

oui, j'approuve, ça fait ainsi un joli petit feuilleton

Emma Bovary a écrit:

Mais c'était surtout aux heures des repas qu'elle n'en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavés humides ; toute l'amertume de l'existence lui semblait servie sur son assiette, et, à la fumée du bouilli, il montait du fond de son âme comme d'autres bouffées d'affadissement. Charles était long à manger ; elle grignotait quelques noisettes, ou bien, appuyée du coude, s'amusait, avec la pointe de son couteau, à faire des raies sur la toile.
Elle laissait maintenant tout aller dans son ménage, et Mme Bovary mère, lorsqu'elle vint passer à Tostes une partie du carême, s'étonna fort de ce changement. Elle, en effet, si soigneuse autrefois et délicate, elle restait à présent des journées entières sans s'habiller, portait des bas de coton gris, s'éclairait à la chandelle. Elle répétait qu'il fallait économiser, puisqu'ils n'étaient pas riches, ajoutant qu'elle était très contente, très heureuse, que Tostes lui plaisait beaucoup, et autres discours nouveaux qui fermaient la bouche à la belle-mère.

La dépression, mal du XXe siècle... J'attends avec impatience le moment où Emma aura très mal au dos.

J’en arrive à la rencontre avec Rodolphe, personnage truculent s’il en est :

Madame Bovary a écrit:

M. Rodolphe Boulanger avait trente-quatre ans ; il était de tempérament brutal et d'intelligence perspicace, ayant d'ailleurs beaucoup fréquenté les femmes, et s'y connaissant bien. Celle-là lui avait paru jolie ; il y rêvait donc, et à son mari.

Voici ses premières impressions sur Emma et son benoît de mari :

Madame Bovary a écrit:

- Elle est fort gentille ! se disait-il ; elle est fort gentille, cette femme du médecin ! De belles dents, les yeux noirs, le pied coquet, et de la tournure comme une Parisienne. D'où diable sort-elle ? Où donc l'a-t-il trouvée, ce gros garçon-là ?

J’aime particulièrement le passage qui suit :

Madame Bovary a écrit:

- Je le crois très bête. Elle en est fatiguée sans doute. Il porte des ongles sales et une barbe de trois jours. Tandis qu'il trottine à ses malades, elle reste à ravauder des chaussettes. Et on s'ennuie ! on voudrait habiter la ville, danser la polka tous les soirs ! Pauvre petite femme ! Ça bâille après l'amour, comme une carpe après l'eau sur une table de cuisine. Avec trois mots de galanterie, cela vous adorerait, j'en suis sûr ! ce serait tendre ! charmant !... Oui, mais comment s'en débarrasser ensuite ?

héhéhé

On est au moment des Comices, et pendant que l'officiel de service remet des prix aux agriculteurs, en récompense de leur vie de servitude... Rodolphe attaque ! On notera le jeu amusant de chassé-croisé et toute la mauvaise foi du galant. (C'est un monologue).

Madame Bovary a écrit:

Et il saisit sa main; elle ne la retira pas.

"Ensemble de bonnes cultures!" cria le président.

- Tantôt, par exemple, quand je suis venu chez vous...

"A M. Bizet, de Quincampoix."

- Savais-je que je vous accompagnerais?

"Soixante et dix francs!"

- Cent fois même j'ai voulu partir, et je vous ai suivie, je suis resté.

"Fumiers."

- Comme je resterais ce soir, demain, les autres jours, toute ma vie!

"A M. Caron, d'Argueil, une médaille d'or!"

- Car jamais je n'ai trouvé dans la société de personne un charme aussi complet.

"A M. Bain, de Givry-Saint-Martin!"

- Aussi, moi, j'emporterai votre souvenir.

"Pour un bélier mérinos..."

- Mais vous m'oublierez, j'aurai passé comme une ombre.

"A M. Belot, de Notre-Dame..."

- Oh! non, n'est-ce pas, je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie?

"Race porcine, prix ex aequo: à MM. Lehérissé et Cullembourg; soixante francs!"

Le cinema a repris le procédé. Bon extrait, Seughu.

J’ai bien apprécié cette description de la cathédrale de Rouen, vue de l’intérieur :

Madame Bovary a écrit:

La nef se mirait dans les bénitiers pleins, avec le commencement des ogives et quelques portions de vitrail. Mais le reflet des peintures, se brisant au bord du marbre, continuait plus loin, sur les dalles, comme un tapis bariolé. Le grand jour du dehors s'allongeait dans l'église en trois rayons énormes, par les trois portails ouverts.

Un passage qui fera plaisir à certain(e)s :

Madame Bovary a écrit:

Une fois, au milieu du jour, en pleine campagne, au moment où le soleil dardait le plus fort contre les vieilles lanternes argentées, une main nue passa sous les petits rideaux de toile jaune et jeta des déchirures de papier, qui se dispersèrent au vent et s'abattirent plus loin, comme des papillons blancs, sur un champ de trèfles rouges tout en fleur.

swallow a écrit:

cette incroyable energie à aimer que deploie Emma. C´est d´autant plus poignant que ni epoux ni amants n´en sont conscients. Elle me bouleverse à chaque lecture, Emma.

Je n'ai pas ressenti exactement ça. Pour moi, Emma est juste capable d'aimer ses phantasmes, ou plutôt la façon dont elle imagine ses amants, pas leur réalité. Bon, d'accord je rentre ici dans une discussion difficile. Ta phrase n'est pas fausse, mais Emma aime-t-elle l'autre pour l'autre ou pour son amour de l'amour idyllique ?

seconde réponse

Hey j'ai enfin fini mes partiels !
Je suis de retour !


(mais y a trop à lire...)

Rodolphe a écrit:

Hey j'ai enfin fini mes partiels !
Je suis de retour !


(mais y a trop à lire...)

Rodolphe !

Après quarante pages de Madame Bovary, je ne peux pas franchement me prononcer.

Mais, je savoure le plaisir de lire un livre passionant, qu'énormement de personnes ont lu et qui pour moi ne commence qu'à se dévoiler petit à petit. Alors mon avis attendra un peu.



Comment ça ce commentaire est inutile ?

seuguh a dit:

Citation :

plutôt la façon dont elle imagine ses amants, pas leur réalité.

Si tu veux mon avis, Seuguh, en amour on carbure beaucoup à l´imagination, Emma, moi et les autres.

swallow a écrit:

Si tu veux mon avis, Seuguh, en amour on carbure beaucoup à l´imagination, Emma, moi et les autres.

Oh, je fais aussi partie des autres

Et personne ne s'extasie devant la scène du fiacre!
Si les élèves n'apprécient pas Mme Bovary (ainsi que la majorité des livres qu'ils ont a lire de cette époque d'ailleurs) c'est aussi qu'on ne leur dit pas pourquoi ils doivent les lire... Quand prendrons-nous le temps de les éveiller à l'intérêt de la littérature?

Nam a écrit:

Et personne ne s'extasie devant la scène du fiacre!

Seuguh a écrit:

Un passage qui fera plaisir à certain(e)s :

Madame Bovary a écrit:

Une fois, au milieu du jour, en pleine campagne, au moment où le soleil dardait le plus fort contre les vieilles lanternes argentées, une main nue passa sous les petits rideaux de toile jaune et jeta des déchirures de papier, qui se dispersèrent au vent et s'abattirent plus loin, comme des papillons blancs, sur un champ de trèfles rouges tout en fleur.

:!: :!:

Mes excuses Seuguh, la réputation de ce forum est sauve

Seuguh a écrit:

swallow a écrit:

Si tu veux mon avis, Seuguh, en amour on carbure beaucoup à l´imagination, Emma, moi et les autres.

Oh, je fais aussi partie des autres

Ce doit être une caractéristique ( j'allais dire un travers) universelle.

Je viens de finir Madame Bovary et j'ai été soufflée devant la puissance de ce roman. J'en suis encore toute remuée.

Après lecture, je rejoins de le point de vue de Seuguh a propos de Madame Bovary et de ses fantasmes. Mais Swallow cerne également le problème, a propos de l'incapacité de ses amants à l'aimer réellement !

Par ailleurs, la vision de Flaubert du petit monde bourgeois est extremment intéressante et son talent incontestable. On sent les personnages s'animer à travers les pages et les désillusions d'Emma sont presque palpables. Je ne suis pas sûre d'exprimer correctement ce que je veux dire...

Je lis la biographie de Flaubert écrite par Troyat et je suis fort étonnée de découvrir un jeune niais et empoté, peu doué en études ce que son père, médecin, déplorait On dirait le ptit gars de Emma Bovary lorsqu'il fait son entrée en classe, avec sa gosse casquette face aux jeunes loups.
Plus encore, c'est la relation symbiotique avec sa vieille mère, malade, auprès de qui il continue de vivre très souvent qui laisse voir un homme plutôt prisonnier de ces attaches. Entre autres, elle l'empêche, par chantage affectif de vivre sa liaison avec Louise Collet (et toutes les femmes) et les départs pour les voyages en orient (d'où Salambo) sont déchirants. Curieusement encore, Flaubert étouffe dans la relation enragée et trop passionnée que lui inglige une amante folle amoureuse, tempétueuse et gorgée de jalousie. Flaubert a déjà trente ans, a perdu ses cheveux, bedonne chez maman et s'arache les cheveux la nuit (lien de cause à effet? )en rédigeant Emma Bovary. Drôle de petit homme pour un si gand auteur...

Les romanciers ne sont souvent bons qu'à écrire des romans. On peut se demander quels type de livres Flaubert aurait écrit s'il s'était marié.

A propos de son enfance , Sartre a écrit de très belles pages, assez féroces, dans L'idiot de la famille. Mais pour moi la meilleure source sur l'homme Flaubert reste Maupassant dans ses Chroniques, récemment rééditées par les éditions Rive Droite :

http://www.fabula.org/actualites/article7626.php

On peut également lire en ligne celles qui concernent Flaubert sur ce site

http://www.etudes-francaises.net/nefbase/maupas_chrons.htm

Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary, de Philippe Doumenc
éd. ACTES SUD

Comme l'écrit bravement l'express :

Citation :

Emma se meure (sic)

Emma se meurt, Emma est morte !

Bossuet, lui, "savait " son orthographe

Citation :

"Assassinée, pas suicidée." Deux policiers de Rouen sont dépêchés à Yonville afin d'élucider l'affaire. Et les voilà bientôt nantis de plusieurs suspects possibles : un mari cocufié, un prêteur sur gages, deux femmes de caractère, un cynique libertin, un pharmacien concupiscent...

Contre-enquete sur la mort d'Emma Bovary de Philippe Doumenc

Citation :

Elle s'appelle Emma Bovary et son histoire est célèbre. Amoureuse de l'amour, elle a vécu d'illusions, trompé son mari et ruiné son ménage. Dans un geste de désespoir, elle se tue en absorbant une forte dose d'arsenic - c'est du moins ce que prétendra Flaubert. Or c'est un fait reconnu que l'arsenic, en une seule prise, n'est presque jamais mortel...
Voici ce qui s'est réellement passé : au chevet de la jeune femme, deux médecins ont été appelés. L'un, le docteur Canivet, relève des traces discrètes de contusions ; l'autre, le professeur Larivière, pourra témoigner des derniers mots chuchotés par Emma : "Assassinée, pas suicidée." Deux policiers de Rouen sont dépêchés à Yonville afin d'élucider l'affaire. Et les voilà bientôt nantis de plusieurs suspects possibles : un mari cocufié, un prêteur sur gages, deux femmes de caractère, un cynique libertin, un pharmacien concupiscent...
Dans le décor médiocre et petit-bourgeois où Emma suffoquait d'ennui, Philippe Doumenc orchestre une contre-enquête brillante et talentueuse - un vrai et noir roman qui nous révèle enfin ce que Flaubert lui-même feignait d'ignorer.

N'oublions pas Monsieur Bovary



Monsieur Bovary de Antoine BILLOT chez Gallimard.Collection L’un et l’autre.

Dix cahiers manuscrits trouvés dans un grenier et signés B : c'est lui ! charbovary

Citation :

Voici l’aventure, telle que Charles Bovary pourrait l’avoir vécue, en dix chapitres se terminant à chaque fois par un extrait du journal retrouvé. Une parole, lucide et terriblement pénétrante, tout à l’inverse de la légendaire balourdise, fait apparaître un Charles nouveau, plus manipulateur que victime.

JC Lebrun.

Un livre à déguster pour les amateurs de Flaubert et d'Emma. Un plaisir au deuxième degré, au moins !

Personne n'a parlé de L'Education sentimentale ?

La préface de l'édition Folio est plutôt intéressante, bien que parfois un peu confuse (à moins que je ne l'ai lu trop vite).

Préface a écrit:

Aussi Madame Bovary s'est-elle imposée davantage au public, qui demande à un roman de lui donner l'illusion de la réalité, et de lui laisser entendre que la réalité est une illusion

Il semble que Flaubert n'ait jamais compris le peu de succès de l'Education sentimentale.

A propos de Frédéric

Citation :

Celui-ci est l'homme qui rêve sa vie ; ses rêves cristallisent autour de Marie, et Marie demeure une chose de rêve