Faulkner, Sanctuaire

Luca a écrit:

Sanctuaire

Un peu désarçonnée, au début de ma lecture, par l'extrême précision - théâtrale - de la narration et les changements fréquents de focalisation narrative (j'aime en général avoir plus de liberté dans la "visualisation" de l'action). Cependant, le récit est tellement fort et rythmé, les personnages fascinants, les sentiments exacerbés m'ont complètement happée. Impossible de décrocher. Ensuite, la tension crescendo en fait une aventure hallucinante et terrifiante.

Pour autant, je serais bien en peine d'exprimer un ressenti cohérent. Je vais laisser reposer un peu... Et puis il faut que je m'en remette.

J'ai beaucoup aimé la préface d'André Malraux (Folio ), notamment :

Citation :

De même que l’opiomane ne rencontre son univers qu’après la drogue, le poète tragique n’exprime le sien que dans un état particulier, dont la constance montre la nécessité. Le poète tragique exprime ce qui le fascine, non pour s’en délivrer (l’objet de la fascination reparaîtra dans l’œuvre suivante) mais pour en changer la nature ; car, l’exprimant avec d’autres éléments, il le fait entrer dans l’univers relatif des choses conçues et dominées. Il ne se défend pas contre l’angoisse en l’exprimant, mais en exprimant autre chose avec elle, en la réintroduisant dans l’univers. La fascination la plus profonde, celle de l’artiste, tire sa force de ce qu’elle est à la fois l’horreur, et la possibilité de la concevoir.
Sanctuaire, c’est l’intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier.

bien de ton avis, un livre qu'il faut laisser reposer... c'est ce que je fais. Lu d'une traite, impossible de le lâcher même si pas compris l'ensemble à la première lecture. De fait, à la relecture, on comprend mieux, surtout avec l'aide de la lecture accompagnée.

rotko a écrit:

qui a tué Tommy ?

Et qui a violé Temple ?
Pour moi c'est

Spoiler:

mais je n'en suis pas sûre.

Je ne crois pas qu'on puisse placer Tommy dans la catégorie des "méchants" comme l'a dit Mimie je crois qu'il était un peu (ou beaucoup) demeuré( rongé par l'alcool ?)

Qui a tué Tommy ?

Spoiler:

je partage l'avis de Suzanne.

c'est Popeye le maniaque du revolver, de "l'ortomatique" comme le signale Tommy dès le début (mort de son chien) et pour éviter des développements qui la mettraient en cause, Temple charge Goodwin, et son père vient aussitôt pour la retirer des débats.

petite question : les 4 hommes.

dans le bar La grotte, ch XXIV p.280 quatre hommes semblent s'interesser à Temple, et on les retrouve à la fin de la scène du tribunal Chap. XXVIII pp 341-342 . Quel était exactement leur rôle ? assister le Juge DRAKE, père de Temple ?

hommes qui s'intéressent à Temple, il me semble qu'il s'agit du père et des frères.

Je pense que la petite Temple est une coquette, jolie, habituée aux regardspleins de convoitise, Si ce salaud de Gowan, ne l'avait pas laissé seule dans ce gouffre la situation n'aurait abouti dans ce cauchemar. Je pense que gâtée comme elle avait été toute sa vie ,ce choc lui ma fait perdre la raison. Je vais lire les points de vue de tous, je dirai ce que je pense, mais j'avoue que j'ai besoin d'une relecture.

Luca, c'est vrai, deux romans sur le Sud, controversés, mais Scarlett savait se défendre, quelle force, j'ai vu le film 8 fois.

mimi 54
Chère amie, excellent ton commentaire, comme tu as compris ce livre complexe avec quelle chaleur tu l'as qualifié, moi j'ai besoin de le relire du début à la fin, parce que ce n'est pas un livre à laissé de côté. J'en suis éprise, mais je réfléchis à comment en parler. L'ambiance, les personnages , les motivations des uns et des autres sont des histoires de roman noir, écrites d'une autre façon. J'avais dit que je m'y plongerai sans savoir nager. Un peu de temps pour moi.

Amadak a écrit:

mimi 54
Chère amie, excellent ton commentaire, comme tu as compris ce livre complexe avec quelle chaleur tu l'as qualifié, moi j'ai besoin de le relire du début à la fin, parce que ce n'est pas un livre à laissé de côté. J'en suis éprise, mais je réfléchis à comment en parler. L'ambiance, les personnages , les motivations des uns et des autres sont des histoires de roman noir, écrites d'une autre façon. J'avais dit que je m'y plongerai sans savoir nager. Un peu de temps pour moi.

Pas de soucis, prends ton temps.

Beaucoup de choses m'ont échappé, mais je préfère laisser décanter cette lecture. J'ai juste relu des passages, pour rédiger mon avis. Pour une relecture complète, ce sera pour plus tard. Pour le moment, je suis passée à d'autres livres, un peu plus légers...il faut savoir varier les plaisirs.

Je suis sidérée de toutes les questions que vous tous vous vous posez, et des détails dont vous vous souvenez......peut-être avez vous une façon de lire, plus professionnelle que moi, sans doute en fait car je n'ai pas ce regard si affuté sur les mots, les intonations, etc, etc...... C'est très formateur

Pour le viol je pense que c'est bien lui

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Qui a tué Red ?

Spoiler:

Zut je ne peux pas supprimer le double message

Vous m'intriguez de plus en plus avec vos commentaires! Je n'ai pas lu "Sanctuaire" de Faulkner et j'ai tres envie de m'y mettre a la palce de Pavese, mais...noblesse oblige, et puis, Pavese donne a son recit une enorme dimesion si tragique que j'ai du mal a ne pas le terminer.

pour Maya: à mon grand regret je dois laisser Pavese avec le "bel ëté" faute de temps, Je le lirai un autre jour, sans doute.

Amadak a écrit:

pour Maya: à mon grand regret je dois laisser Pavese avec le "bel ëté" faute de temps, Je le lirai un autre jour, sans doute.

Amadak, j'ai lu une cinquantaine de pages de "La lune et les feux" ...Dans ma jeunesse on nous faisait beaucoup lire Pavese car il etait surement communiste et on traduisait ses livres en bulgare. Voila pourquoi, pour etre sincere, il m'ennuie. Je le trouve vieux jeu, archi-connu.
Je vais essayer de terminer le livre... :hum: en sautant des pages ! Que Pavese me pardonne ...

Je ne connais pas Pavese mais je me suis régalée avec Faulkner.
Mais ne lis pas tous les commentaires Maya, (si tu lis "sanctuaire") c'est bien de rester dans le climat d'incompréhension dans lequel nous met l'auteur, essaie de faire comme nous lire les commentaires au fur et à mesure que nous avons avancé.
La compréhension des autres nous a aidé, à ne pas (pas trop) louper de passages importants.
J'ai beaucoup aimé cette lecture accompagnée.
C'est la première fois (et j'ai lu que je n'étais pas la seule) que je relis des chapitres après avoir terminé un livre !
Je l'ai terminé depuis quelques jours déjà, j'ai un autre livre en cours mais je retourne toujours lire des passages après les commentaires des uns et des autres.
pour l'idée de faire des lectures accompagnées et pour avoir choisi ce titre pour les mois de juillet/août.

J'ai fini le livre, je donnerai mon compte rendu un peu plus tard. à ma manière puisque mon livre n'a pas les mêmes chapitres et la fin est à la page307. mais je pense qu'il est complet. Ce livre m'a plu, mais compliqué, et dans mon livre la dernière page est très poétique,ce que n'avais pas vu auparavant.

Suzanne a écrit:

Je ne connais pas Pavese mais je me suis régalée avec Faulkner.
Mais ne lis pas tous les commentaires Maya, (si tu lis "sanctuaire") c'est bien de rester dans le climat d'incompréhension[...]
pour l'idée de faire des lectures accompagnées et pour avoir choisi ce titre pour les mois de juillet/août.

Moi aussi, j'aime les lectures accompagnees, je vais ecrire un peu sur Pavese car je compte le terminer aujourd'hui.
Et on se lance dans une lecture accompagnee, c'est pour partager au fur et a mesure, j'aime ca.
Je ne lis pas encore 'Sanctuaire", mais vos commentaire m'en ont donne tres envie. Je le mets dans ma PAL qui est deja une montagne !

Content que la lecture accompagnée ait rempli son objectif et que chacun y ait joué son rôle, notamment Luca qui nous fait prendre de l’envol.

A moi des réflexions ingénues.

Bien qu’assimilable à une tragédie où chaque personnage trouverait son destin, Sanctuaire laisse une place au hasard - à moins que tout soit prémédité dans un lieu fatal : cet endroit, le bord de la source, où Popeye, accroupi comme une araignée, semble toujours en embuscade, et où échouent successivement Horace Benbow, Temple aux toilettes, et la compagne de Goodwin.

Cet endroit s’élargit bien sûr à « la maison », repaire de vices et de vicieux, où atterrit Gowan, lui-même lié à la famille d’Horace par le truchement de sa sœur. Le lieu fait donc "tache d’huile" et s’y trempent des éléments inattendus, mais liés entre eux.

Un réseau qui débute avec l’avocat, se poursuit par la fille du Juge, puis par le Juge lui-même : chacun s’occupant de ses propres billes, et la foule ramassant la donne dans un "final de feu" qui rappelle étrangement lumière d’Août. dont on a parlé sur ce fil.

A ma grande honte je ne l'ai pas encore relu ayant craqué sur d'autres lectures comme Carson McCullers, Henry James , biographie et des polars ..je trouve très intéressant ce topic, l'échange y est génial et il me sera sans doute très utile pour une meilleure compréhension car en vous lisant je me suis dit que j'étais passée à côté de beaucoup d'explications

Mais cela ne m'empêchera pas de venir ajouter mon grain de sel après sa re-lecture

rotko a écrit:

Bien qu’assimilable à une tragédie où chaque personnage trouverait son destin, Sanctuaire laisse une place au hasard

Une espèce d'anti-tragédie... Les personnages ballotés par les hasards de la vie et nous avec eux, les notions de mérite et de volonté mises à mal, pas le moindre héros à l'horizon. C'est profondément humain mais noir de noir...

J'ai lu dans un article cité plus haut que l'on décompte dans l'intégralité de l’œuvre de Faulkner "15 611 personnages ... toute individualité est à la fois singularité et témoin d'un réseau..."

Je n'ai toujours pas d'idée sur qui a fait quoi. Je crois que j'ai décidé que :

Spoiler:

Fascunée par le livre, je dois relire certains chapitres ou le livre entier, je donnerai mon avis, on a le temps,je suppose, vers la fin du mois. Mais je suis d'accord avec ce que dit Luca dans le spoiler.
Je vais retourner les pages pour voir "Lumière d'Août"
Sanctuaire a été une réussite pour cette lecture accompagnée, nous étions plusieurs à la partager.

oui, d'accord avec Luca sur son spoiler de la culpabilité.

j'ai commencé à relire, la deuxième fois c'est plus noir encore,des passages angoissants.

Amadak a écrit:

la deuxième fois, c'est plus noir encore, des passages angoissants.

Oui pour l’atmosphère pesante, d’autant plus surprenante que le romancier donne l’impression de tout dire en temps direct, alors qu’aux moments cruciaux le récit se dérobe, laissant apparaître des zones d’ombre.

Que se passe-t-il exactement dans le chapitre XIII où Popeye rejoint Temple ?

Il faudra attendre le chapitre XXIII pour en avoir une idée, incomplète puisque dans sa version, Temple élude des questions, estompe les détails, plus tard révélés au ch. XXVIII avec l’épi de maïs.

Le lecteur doit se contenter du regard extérieur du romancier qui note les comportements équivoques des individus douteux (silhouettes qui rôdent, regards qui épient, gestes déplacés, mots ambigus…).

D’où une impression de malaise, accrue par la conduite de la « victime présumée », Temple, allant d’un endroit à l’autre, telle un gibier poursuivi qui se méprend sur les lieux et les intervenants : Elle a peur de la compagne de Goodwin venue la protéger dans son sommeil, récit raconté par l’auteur et ensuite dans la version de « Mme Goodwin. »

On vit à la fois dans la peur, mais causes et facteurs étant mal identifiés, se crée un climat d’angoisse :

En ce sens la fin du ch. XIII situe le lecteur dans des sentiments ambigus : appréhension et même une note comique déplacée dans les expressions de l’attente ; elles se répondent en échos :


Elle se mit à dire : « il va m’arriver quelque chose ? » Elle le dit au vieux dont les yeux n’étaient que deux glaires jaunâtres; « il m’arrive quelque chose » hurla-t-elle au vieux [….]

«Je vous avais bien dit que ça arriverait ! » clamait-elle […]

Avec la réponse du vieux :

Enfin le vieux tourna vers elle son visage aux deux crachats coagulés […]

« je vous l’avais bien dit ! Je n’ai cessé de vous le dire ! ».

Sanctuaire ch XIII p.130.