Fritz Zorn [Suisse]

Citation :

Toutefois, parmi les aspects positifs que comporte presque chaque maladie, notamment la nevrose, il faut assurement retenir l'idee de guerison.

J'adore ce type xD

Je trouve ca veritablement extraordinaire que cet auteur puisse me faire presque eclater de rire a quasiment toutes les pages en parlant de sujets aussi serieux que le cancer, la nevrose, la depression, la mort.

Voici la synthèse de ma lecture de MARS

" Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul".

C’est sur ces mots que commence le récit d’un homme en colère. Fritz Angst a choisi comme pseudonyme la colère (Zorn) plutôt que la peur (Angst) qui était son vrai nom de famille. Dans ce livre choc paru en 1977, il règle ses comptes avec la trop bonne éducation que sa très bonne famille lui a donnée. Pour son malheur, il est né de parents très aisés, vivant dans un des plus beaux quartiers d’une ville riche dans un pays riche, c’est-à-dire la Goldküste (la côte dorée), à Zurich, en Suisse. Il en est mort à 32 ans des suites d’un lymphome qui, selon lui, était l’aboutissement de toutes ses névroses, de toutes ses frustrations, de toutes ses émotions retenues, de ses larmes ravalées. Son livre est devenu un best-seller – il n’a pas vécu assez longtemps pour jouir de ce succès post mortem – et il n’a malheureusement rien perdu de son actualité.

Ses parents étaient des gens très bien, très respectables, irréprochables. Mais la seule façon de ne jamais perdre cette illusion de perfection était de ne jamais se compromettre, de ne jamais rien faire qui soit ridicule, déplacé, vulgaire ou excessif. Ils n’écoutaient que de la bonne musique et ne lisaient que de bons livres, c’est-à-dire des œuvres d’artistes morts. La variété, le jazz et la littérature moderne, donc facile, ne franchissaient pas le seuil de leur univers clos et protégé. Un peu comme Ariane et Solal dans Belle du Seigneur, qui cherchent à tout prix à préserver la merveilleuse perfection des premiers jours d’une relation amoureuse.

Chez eux, tout n’était qu’harmonie. Tout le monde était toujours d’accord avec tout le monde, pas le moindre conflit ou désaccord ne venait jamais troubler leur sérénité. Cela n’était possible qu’en restant tiède ou indifférent. Vis-à-vis de tiers, ils attendaient toujours de savoir d’abord ce que pensait leur interlocuteur, afin de ne surtout pas le froisser en étant d’un autre avis. Paradoxalement, une recherche aussi utopique de la perfection vous mène forcément droit dans le mur.
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Dans les années -70, la sexualité était encore fortement tabou. A l’école, l’éducation sexuelle consistait en une présentation strictement anatomique de la mécanique de la chose. On leur a en outre appris qu’en Amérique, un certain pourcentage de jeunes garçons se masturberaient, ce qui était bien sûr une grave déviance. Mais pas de quoi s’inquiéter : ça se passe loin, là-bas, de l’autre côté de l’Océan. Le jeune Fritz a grandi dans un milieu si pudibond, qu’il avait même de la peine à prononcer des mots tels que « corps ou jambe », des mots comme « poitrine ou sexe » ne franchissaient jamais ses …. lèvres (sûrement encore un mot interdit !). La conséquence logique en a été qu’il a été incapable d’avoir la moindre relation, le moindre contact avec les femmes.

Tout en reconnaissant qu’on n’est pas forcément plus heureux dans les goulags soviétiques, l’auteur se lance dans une diatribe contre le calme tranquille qui caractérise la Suisse. Ce qui m’a rendue attentive au fait que le mot Ruhe se traduit de dix façons différentes en français : le silence, le calme, la sérénité, le repos, la paix, la tranquillité, l’ordre, la retraite, la lenteur et même la mort (le repos éternel). On ne doit surtout pas déranger ni faire de bruit, il faut toujours être comme il faut (en français dans le texte). Et quand on meurt, il ne faut surtout pas le dire à voix haute, on dira plutôt que quelqu’un s’en est allé.

Fritz, quant à lui, veut lancer un cri urbi et orbi, convaincu qu’il est de ne pas être un cas isolé. Il veut que son expérience serve à sauver d’autres pauvres diables, victimes, comme lui, de leur éducation et de leur milieu. Il parvient à la conclusion que, contrairement aux personnages d’opéra, qui meurent d’amour, sa mort à lui est due à un manque d’amour, à une parfaite incapacité de ressentir des émotions vis-à-vis d’une femme ou de n’importe quelle personne. Il règle ses comptes avec son milieu, sa famille, le système, mais aussi avec Dieu : « un Dieu qui a inventé la Gestapo, les camps de concentration et la torture devrait exister rien que pour qu’on puisse lui casser la figure ». Pour lui, Dieu incarne tout ce qui est comme il faut, le calme, l’harmonie, l’évitement de tout conflit, en bref : la non-vie. C’est pourquoi il lui préfère le diable et l’enfer, où au moins, on a une chance d’exister.

Jusqu’à la fin, Zorn se battra contre le mal qui le ronge. Sa colère ne lui permet pas de capituler et son livre se clôt sur ces mots : "Je me déclare en état en guerre totale".

Excellent commentaire sur Mars, je n'ai pas lu, des difficultés à comprendre ce texte, mais ton point de vue m'a ouvert les yeux, très bien exprimé ce qu'il y avait à dire sur l' oeuvre et l'auteur.

Citation :

Ruhe se traduit de dix façons différentes en français : le silence, le calme, la sérénité, le repos, la paix, la tranquillité, l’ordre, la retraite, la lenteur et même la mort (le repos éternel). On ne doit surtout pas déranger ni faire de bruit

Citation :

contrairement aux personnages d’opéra, qui meurent d’amour, sa mort à lui est due à un manque d’amour

tes commentaires me plaisent bien.

Je voulais justement vérifier comment ce passage avait été traduit en français. C'est vers la fin de la 2ème partie, je crois.

Quand les enfants jouent dehors, dans une rue TRANQUILLE, sans voiture, les gens se mettent aux fenêtres pour crier: SILENCE! ... Sur environ 2 pages, le mot Ruhe revient constamment, jusqu'à son père, qui a joué à la patience jusqu'à son dernier REPOS.

Ca ne frappe sans doute pas forcément le lecteur en allemand non plus, que le mot Ruhe revient constamment... et, du coup, si le mot varie en français, on le remarquera encore moins. Restera néanmoins une impression générale d'un CALME oppressant!

Je viens de terminer la lecture de Mars. j'ai trouvé le livre intéressant écrit de façon élégante, un peu répétitif sur les deux parties ajoutées de la fin que j'ai lues en diagonale.
Son incapacité à ressentir des émotions est terrifiante, même si j'ai déjà croisé des hommes de ce genre.
Ce que je trouve terrible, c'est qu'il est tellement élevé dans la répression des pensées qui dérangent, qu'il ne peut même pas en vouloir à ses parents et exprimer sa colère autrement que par un pseudonyme.

Un passage m'a choqué, page 178 de mon édition (france loisir)
Il parle des personnes qui meurent ailleurs dans le monde de lèpre ou de misère.

Citation :

"Même si je suis anéanti par ma situation présente, ma mort sera beaucoup plus humaine que celle du nègre qui finit par crever comme du bétail inconscient"

Il vient d'analyser et de critiquer pendant 178 pages le besoin qu'avait sa famille de se sentir au dessus des autres, différents, mieux que les autres, et il est incapable de se rendre compte qu'il a le même système de pensée. Névrose quand tu nous tiens!

Une autre chose intéressante est ce qu'il ne dit pas.
On sait qu'il a un frère, mais il est à peine évoqué une fois. On ne sait pas ce qu'il devient, comment il compose avec cette famille là.

Mon hypothèse est que le fondement du mal être a peut être son origine là, dans la colère, la jalousie, non exprimées vis à vis de ce frère et qui lui a fait refouler définitivement ses émotions, ne pouvant ni dire/ressentir la haine, ni l'amour, ni la joie.

Citation :

"Même si je suis anéanti par ma situation présente, ma mort sera beaucoup plus humaine que celle du nègre qui finit par crever comme du bétail inconscient"

Tout depend du contexte. je hasarde une supposition :

Après tout, lui succombe d'extrême lucidité dans un pays riche, alors que d'autres ont une fin résignée et contre laquelle ils ne trouvent aucun recours.

Je n'ai plus le livre (rendu à la bibliothèque) mais il y a deux pages sur le même thème: moi, Fritz Zorn, je suis lucide, éduqué et conscient de ma mort, les miséreux, non.

Il me semble qu'il n'est pas nécessaire d'être instruit, riche et dans un pays économiquement développé pour se sentir misérable quand on est frappé par la maladie, et en avoir pleine conscience.

Il reprend là les préjugés de sa famille, selon lesquels il est "au dessus " du reste de la populace; Et il ne me semble pas évident qu'il se rende compte de cette similitude de pensée.

Deux choses m'ont dérangé:
d'une part le mépris qu'il affiche pour "les nègres"

d'autre part son manque de lucidité par rapport à son fonctionnement de pensée, alors que tout le livre est une analyse minutieuse de ce fonctionnement.

Tout comme Moon et Albert, j'ai préféré la première partie aux deux suivantes. J'ai bien aimé sa façon d'écrire, sa distanciation par rapport à une situation si énorme, la dissection minutieuse de tout ce qui l'a mené à sa mort, selon lui. Les récits vécus de dépression m'intéressent beaucoup en général ! Après tout ce qui a déjà été dit, pas grand-chose à rajouter, sinon que j'ai tout de même été contente de voir le soubresaut de violence dans la deuxième partie, sa capacité à hurler, jeter des objets, à se rebeller contre sa façon de vivre, c'est là qu'il m'a semblé le plus vivant

Pour ce qui est du nègre et de la prétendue supériorité de Fritz Zorn:

A mon avis, il juxtapose simplement la situation d'une personne qui a fait des études supérieures et qui a le loisir de s'interroger sur son enfance, sa douleur, ses sentiments et celle d'une personne ayant grandi dans un pays sans universités, où l'analphétisme fait rage et où on est trop occupé à survivre (guerre, famine...) pour se poser 36 questions sur le sens de la vie.

Il a été constaté qu'il y a beaucoup moins de dépression et de suicides en période de guerre ou de grave crise, tout simplement parce que les gens sont tellement occupés à survivre qu'ils n'ont plus le temps d'avoir des soucis personnels. Ceci indépendamment du pays, du continent ou de la couleur de la peau.

Je vais bientôt recevoir " Mars"
une citation extraite du livre :
« Je n’ai pas encore vaincu ce que je combats ; mais je ne suis pas encore vaincu non plus et, ce qui est le plus important, je n’ai pas encore capitulé. Je me déclare en état de guerre totale ».
J'ai hâte.

Mémoires d'un névrosé ecrites avec du fiel cancéreux et l'amertume des tumeurs. Zorn analyse très bien son mal mais plonge un peu loin dans cette analyse. Teinté de psychanalyse, ce récit se veut le testament d'un névrosé qui malgré tout et sans espoir décédera du cancer. J'ai eu beaucoup de difficultés à apprécier ce livre qui n'est pas un mauvais livre, mais qui par certains côtés trop partisans plombe l'ensemble. Zorn a voulu régler ses comptes avec ses parents, a voulu écrire un testament affectif. Pour tous les malades du cancer, sa théorie peut paraitre farfelue sur un plan médical, mais peut s'avérer exacte sur un plan psychanalytique. Bref, mi figue mi raisin, pour un public initié et volontaire face à la maladie. Je conseillerais plus " D'autres vies que la mienne" de Carrère pour appréhender et comprendre non seulement les malades mais surtout la maladie.