Patrick Modiano

nouveau roman de Modiano : L'Herbe des nuits.

son nouveau roman piste toujours les fantômes parisiens d'un monde révolu.

Un entretien avec le Figaro

Toujours le même thème donc. J'en lirai donc ceux que je n'ai pas encore lu en attendant qu'il soit en poche..........

Très intéressant, l'entretien.

Il sera dans l'émission La Grande LIbrairie jeudi prochain (avec Pascal QUignard !)

Avis aux fans.

Demain paraît son dernier roman. l’herbe des nuits

« Pourtant je n’ai pas rêvé. » C’est la première phrase du nouveau roman de Patrick Modiano.

Jean est un jeune homme au moment où il rencontre Dannie. Elle a quelques années de plus que lui, multiplie les fausses identités, fréquente à l’Unic Hôtel, rue du Montparnasse, un petit groupe d’individus sans métier précis, insaisissables. Paul Chastagnier, Duwelz, Gérard Marciano, « Georges » ou Aghamouri – ce sont leurs noms –, sont des sortes de silhouettes, identifiables par un parfum, une voix, une allure. Pas grand chose de plus.

Le narrateur lui-même ne veut pas trop en savoir sur eux. Il se tient à l’écoute, attend quelques confidences qu’on lui fait lors de promenade, mais presque rien qui permette de comprendre ce qui lie ces individus. On saura juste que Dannie a fait quelque chose de grave, il sera vaguement question d’un mort. On reste sur le seuil, à distance. Et pourtant, on se laisse prendre.

L’Herbe des nuits est une déambulation permanente dans un Paris disparu, entre diverses époques, dans une lumière changeante. L’« intrigue » se noue en 1966. Aghamouri vit à la Cité Internationale et entretient des liens avec l’ambassade du Maroc. Il mène un « double jeu ». Dans le contexte de ces années, tout conduit à l’affaire Ben Barka. La violence exercée par les services secrets, les réseaux parallèles et le rôle équivoque de la police sont là, en filigrane. Aghamouri est-il l’étudiant qu’il prétend ? Quels liens l’unissent à Dannie qu’il a rencontrée à la Cité et qui se prétend étudiante franco-américaine ? Et que s’est-il réellement passé dans l’immeuble du quai Henri-IV ? On pourrait s’interroger à l’infini tant ce roman est opaque, mystérieux, menant le lecteur ailleurs.

J'ai donc lu L'herbe des nuits, que j'ai beaucoup aimé . On retrouve vraiment les mêmes thèmes chers à l'auteur (la nostalgie, l'errance, les souvenirs...). Ici, le narrateur se souvient du Paris des années 60, des étudiants qu'il connaissait et qu'il a côtoyés, et notamment d'une femme. On est toujours dans l'ambiguité, on ne sait jamais dans quelle affaire un peu louche ces étudiants ont trempé. C'est un joli livre, on est vite envoûté par l'écriture de Modiano; j'ai eu envie de refaire les itinéraires évoqués dans Paris (d'ailleurs, j'ai été au 11, rue d'Odessa ).

Citation :

j'ai eu envie de refaire les itinéraires évoqués dans Paris (d'ailleurs, j'ai été au 11, rue d'Odessa ).

Entre Modiano et Pérec, tu as le choix des lectures et des trajets.

Beaucoup de grains ont déjà écrit leur ressenti à propos du livre LE CAFE DE LA JEUNESSE PERDUE de MODIANO. J'ai moi aussi adoré ce livre!

Dans le Paris mythique des années 6O, Modiano pose sur papier des phrases mystérieuses, graves et troublantes. Les personnages qui décrivent l'héroïne Louki sont effacés, plein de non-dits, de souffrance.
C'est l'histoire d'une fuite vers nulle part.

Livre attachant,sensible, envoûtant et émouvant!
Du Modiani quoi!



Extrait déposé par Sentinelle

j'ai eu la chance,car cela avait été une chance, de lire Modiano en français.
Dans ses livres il s'agit toujours d'une recherche, de souvenirs, d'enquêtes, Dora Bruder,La place de l'étoile ,voyage de noces, la rue des boutiques obcures, et d'autres. Ils ont une place dans ma mémoire et dans mon coeur; J'adore cet auteur et son écriture.

Dans L'herbe des nuits j 'ai retrouvé l'univers de Modiano sans surprise et avec plaisir, bercée par cette nostalgie ...
Contrairement à son livre précédent Le café de la jeunesse perdue j ai beaucoup moins accroché à l'histoire et je suis très vite sortie du livre enchaînant sans difficulté sur un autre ...
Le café de la jeunesse perdue m'avait complètement envoûtée et paralysée

personne n'a lu des inconnues ? je vais le terminer sans doute aujourd'hui et j'en parlerai. Trois nouvelles, trois femmes différentes mais qui se ressemblent dans leur recherche d'elles mêmes, dans leur solitude, curieux ......

mona a écrit:

Dans L'herbe des nuits j 'ai retrouvé l'univers de Modiano sans surprise et avec plaisir, bercée par cette nostalgie ...

Je suis totalement d'accord avec toi par contre je crois que j'ai préféré celui-ci au Café, j'ai adoré toutes ces ballades dans Paris, l'atmosphère du roman..

Ysandre, je n'ai pas lu Des inconnues mais je tâcherai de l'emprunter! J'aimerais tout lire de Modiano

coucou Marie

je l'ai fini, alors, je te livre mes impressions après le résumé.

"Des Inconnues, Résumé
<< Elles sont trois, qui à tour de rôle prennent ici la parole, pour se rappeler chacune le moment précis d’une bascule, entre la fin de l’adolescence et l’entrée dans la vie adulte. Non pas à la façon d’une reprise de " Bonjour tristesse " et du spleen esthétisé cher à Françoise Sagan. Mais sur le mode d’une irréversible dérive, pas si éloignée que cela de la noyade pure et simple, alors que devant leurs yeux le monde n’en finit pas de dérouler la sarabande de ses atrocités et de ses perversités. La collaboration et la Shoah, la guerre d’Algérie, ou encore la misère morale et les faux prophètes qui prospèrent sur elle. On ne dira jamais assez combien la prétendue " petite musique ", avec ce qui peut s’y entendre de légèreté, se trouve en fait arrimée dans le temps historique. Ni combien elle interroge et dérange. A l’exacte image des trois " inconnues " de ce livre, qui font entendre leurs voix dans des récits sans autre dénominateur commun que les catastrophes intimes, toujours liées à l’époque, qui s’y lisent.
La première, quelque part tout à la fin des années cinquante, s’en était venue de Lyon à Paris. Parce qu’elle n’avait pas été embauchée comme modèle. Parce que l’ambiance familiale lui apparaissait du même gris que le mur du couvent des Cordeliers, de l’autre côté de la rue. Parce que enfin elle avait dix-huit ans. Dans la capitale elle avait fait la connaissance de Guy Vincent, pseudonyme porté par un homme réchappé de l’Holocauste, que ses parents avaient mis à l’abri en Suisse, avant d’eux-mêmes tomber dans les mains des nazis et disparaître à tout jamais. Ce Guy Vincent travaille pour le compte d’une mystérieuse " agence " et voyage beaucoup entre Paris et Genève. Parfois, il y rencontre des Algériens. Ou d’autres, comme dans cet hôtel des bords du Léman, où, devant sa jeune amie, il se fait dédicacer " Vivre à Madère " par... Chardonne en personne. Comme si l’Histoire n’en finissait pas de repasser les plats, sous les yeux de cette femme qui paraît n’y rien comprendre, sauf qu’elle avance en équilibre sur le bord d’un vide qui s’apprête à l’aspirer. Quelque temps plus tard, à Paris, elle assistera à l’arrestation de Guy Vincent. Mais elle n’aura pas d’ennui : elle n’avait été, à son côté, " qu’une jeune fille blonde NON IDENTIFIÉE ". Tout cela remonte à trente années, mais l’identité n’a entre-temps pas été conquise. Comme si une certaine mémoire, pas seulement celle de la narratrice, ne parvenait toujours pas à s’assumer.
La deuxième " inconnue " de Patrick Modiano traîne l’ennui de ses quinze ans sur les bords du lac d’Annecy, alors même qu’à Alger joue au matamore un " quarteron de généraux félons ". Le père, résistant des Glières, est mort depuis longtemps. Il s’était trop habitué à l’usage des armes et avait mal tourné à la fin de la guerre. La mère s’est mise avec un boucher du coin. Chaque dimanche soir, un car transporte la narratrice vers le dortoir lugubre d’un pensionnat où l’on doit encore se débarbouiller à l’eau froide ; tout habillée : le corps est ici nié et interdit d’existence, comme se trouve niée et interdite d’existence l’identité de chacune. Un jour, la pensionnaire ne monte pas dans le car. Elle vivote en faisant à l’occasion la bonne, la baby-sitter, ou la dame de compagnie dans les villas huppées du rivage. Jusqu’à ce que des patrons la fassent venir en Suisse, pour garder un enfant. Mais ce sont le père de famille et l’un de ses amis qui l’attendent dans la maison vide, bien décidés à ne pas lâcher la proie qu’ils ont attirée. Dans son sac de voyage, elle tient serré un revolver hérité du père. L’identité refoulée soudain se décharge.
La troisième " inconnue " a dix-neuf ans. Revenue de Londres, où un ami l’a soudain quittée, elle s’est installée dans une petite maison du quartier de Vaugirard et ne cesse d’entendre, jusqu’à la folie, des sabots de chevaux. C’est encore l’époque des abattoirs. Pour leur échapper, elle parcourt d’abord la ville, puis elle ne va plus que de sa maison à un petit café proche : " Je craignais de dériver, loin de mes derniers points de repère. " Une secte passe par-là, qui récupère cette proie facile, fin prête pour la dépossession de soi-même... >>

Bon résumé, à mon avis.

J'ai trouvé curieux ces trois nouvelles et ces trois jeunes femmes, elles n'avaient pas de densité, elles étaient sans consistance, des hologrammes en quelque sorte. Personne ne cherchait à les connaître, elles n'allaient pas vers les autres, sans but réél et angoissées par leur propre vacuité. En fait, elles se ressemblaient toutes les trois, par leur passivité, leur espèce de fuite en avant. J'avais envie qu'elles bougent, qu'elles fassent quelque chose, j'avais envie de savoir ce qui allait se passer ?

Des proies ! mais consentantes, et ce, dans le brouillard cher à Modiano. Mais j'aime bien son floutage, sa façon d'exprimer la solitude. Ses héroïnes sont seules ! mais elles ne font rien pour y remédier ! elles ne se rendent compte que rarement à quel point elles le sont. On ne lit pas ce livre sans être "dérangé" quelque part... leur inertie me donne la chair de poule, leur incertitude m'angoisse....me fait me questionner. j'entends le bruit des sabots des chevaux que l'on mène à l'abattoir !

je vais lire un autre Modiano d'ici peu. Me fait flipper ce mec !

l’herbe des nuits, 178 p. chez Gallimard.

1/2

Avec l’herbe des nuits, on retrouve le Modiano qui fouille dans sa mémoire à partir de notes qu’il s’efforce d’éclaircir, de visages semi oubliés, entourés des ombres d’un monde interlope occupé à des affaires louches.

Les noms reviennent comme une mélodie entêtante dont ni l’auteur ni le lecteur n’arrivent à se débarrasser.

Tous ces détails me reviennent dans le désordre, par saccades, et souvent la lumière se brouille. Et cela contraste avec les notes précises qui figurent dans le carnet. Elles me sont utiles, ces notes, pour donner un peu de cohérence aux images qui tressautent au point que la pellicule du film risque de se casser.

l’herbe des nuits,

Chez Modiano, tout est souvent une histoire de voix : celle qui raconte le passé, parfois 20 ans auparavant, sinon plus, la voix présente qui s’interroge sur ces figures du passé, ou commente les lacunes ou des manques d’intérêt pendant ces épisodes révolus dont on questionne le sens.

Le dialogue allusif ancien laisse place à une conversation solitaire où le narrateur s’adresse maintenant, vainement, à une personne absente.

Il y aurait aussi un dialogue entre les narrateurs passé/présent, qui se retrouve dans les interventions des personnages : leurs paroles d’alors prennent un nouveau sens, perceptible seulement de nos jours.

Citation :

« je tente de déchiffrer les signaux de morse qu’un mystérieux correspondant me lance du fond du passé »

Des écrits viennent appuyer ou infirmer les paroles, sans tout éclairer : un manuscrit oublié, égaré, ou laissé dans un lieu qui n’est plus accessible, ou les pièces d’un dossier sur lequel, par pur hasard, on remet la main.

Tout ne sera pas éclairci, mais on devinera en fin de compte le contexte d’une époque, avec « une affaire » qui fit couler beaucoup d’encre ( Manchette et l'affaire N'Gustro), et d’autres faits divers, plus personnels, non élucidés.

Car il s’agit bien de cela, d’affaires policières, vécues de l’intérieur par un intéressé qui n’en cernait pas les contours, et qui les mêle avec des rêves ou des souvenirs flous, dans une tonalité sentimentale qui ne veut surtout pas tout dire.

D’ailleurs, c’est du « temps perdu » dont il reste seulement des miettes.

terminé dans le café de la jeunesse perdue cette nuit. Comme je n''en ai pas trouvé le résumé en survolant (je n'aime pas lire les impressions données, pour ne pas être influencée) le fil, je le poste ici.

Citation :

résumé du livre

Au début des années 1960, aux balbutiements du futur situationnisme, la bohème littéraire et étudiante se retrouve au Condé, un café de l'Odéon. Parmi les habitués, les quatre narrateurs du roman : un étudiant des Mines, un ancien des RG, une certaine Youki, alias Jacqueline Delanque, et Roland, jeune apprenti écrivain. Dans la première séquence, l'étudiant des Mines se souvient de la vie au Condé et décrit minutieusement les apparitions de Youki, jeune femme de 22 ans apparemment sans attache, qui lui donne l'impression de vouloir faire 'peau neuve'. Dans la deuxième, Caisley, l'ancien des RG, mène l'enquête : le mari de Youki, Jean-Pierre Choureau, l'a chargé de la retrouver. Il découvre son enfance, aux abords du Moulin-Rouge où travaillait sa mère. Troisième partie : Youki prend la parole et se souvient de son enfance, de ses fugues, des bars interlopes du 18e... Elle évoque les hommes qui l'ont aimée : Jean-Pierre Choureau, Roland, Guy de Veer l'ésotériste qui lui a fait connaître la figure de 'Louise du Néant' à laquelle elle s'identifie. Dernière partie : Roland se rappelle sa rencontre avec Youki et leur amour. Jeune homme passionné par l''éternel retour' et qui écrit un essai sur les 'zones neutres', il flotte, comme Youki, et croit pouvoir la rejoindre dans ses pensées. Mais elle lui échappe comme à tous les autres... Jusqu'au jour où il apprend, au Condé, que Youki s'est défenestrée...

J'ai seulement lu, de lui, Villa triste et des inconnues. Cela m'a suffit pour "reconnaitre" son style lapidaire, cette langue épurée qui le caractérise.
"Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir" René Char. Oui, c'est sans doute la phrase qui trotte dans la tête de Modiano... ai-je lu ça quelque part à propos de lui, ou était-ce dans le livre ?
Peu importe, pour moi, ça lui ressemble. Dans l'atmosphère brumeuse qu'il affectionne, il fait parcourir les rues et les quartiers du Paris des années soixante à ses 4 narrateurs, et je me suis immergée dans mes propres souvenirs. Pas de nostalgie pleurnicharde chez lui. Juste l'écho de son questionnement. Sans jamais répondre vraiment. La poésie affleure, pour nous faire mieux entrer dans son univers. L'amitié est évoquée avec pudeur, l'amour ? on l'aperçoit entre deux portes, il ne s'y attarde pas, préférant l'évoquer en filigrane.
Louki "accroche la lumière", on la découvre au fil des pages. Enfant d'une mère taiseuse, mal-aimée, naïve, elle arpente les rues autour du Moulin Rouge à la recherche d'une évasion, d'un ailleurs qu'elle ne connait pas mais ce qu'elle sait, c'est qu'elle veut fuir une vie étriquée, où, à part sa mère, elle ne connait personne.
Ses rencontres sont interlopes : un premier café-restaurant-tripot et une jeune femme qui lui propose "un peu de neige". s'est elle beaucoup droguée ? on reste dans l'ignorance, ce qui est certain c'est qu'elle revoit son amie "pourvoyeuse". La fuite en avant de Louki passe par un mariage sans amour avec un homme sans consistance, qu'elle quitte au bout d'un an. Et toujours au hasard des rues, elle entre au Condé.
Dans cette atmosphère "bizarre" (mot souvent employé par Modiano), elle rencontre des intellectuels, des écrivains débutants, un détective employé par son mari la suit. Son intervention ne sert qu'à remonter à l'enfance de Louki, à tenter de cerner sa personnalité. Mais il s'attache à elle d'une certaine façon, sans jamais la rencontrer et laisse tomber l'affaire. "En ce moment, elle marchait elle aussi quelque part dans cette ville. Ou alors elle était assise à une table du Condé. Mais elle n'avait rien à craindre. Je ne serais plus au rendez-vous".
Il y a une recherche constante du temps passé, chez Modiano, et une tranquille désespérance, un questionnement sans fin qui le fait terriblement exister, le temps d'une lecture. Et même bien après. Il laisse des traces dans ceux qui le lisent, comme lorsque l'on croise quelqu'un, que l'on accroche son regard et qu'il devient partie de soi.

pardon d'avoir été un peu longue. Surtout pour avoir tenté, sans succès, d'expliquer... l'inexplicable !

mon préféré reste La Place de l'étoile de Patrick Modiano

bonjour, Mazel
je ne l'ai pas encore lu.

pour Ysadre: chère amie, tes résumés et commentaires sur "les Inconnues" et le "café de la jeunesse perdue" on fait un impact droit sur mon coeur, Tellement bien écrits , c'est comme si j'avais lus les livres.J'adore Modiano, son écriture tranquille avec laquelle il arrive à nous émouvoir: Toujours un retour au passé et au présent. J'ai lu plusieurs Modiano, pas ceux là: mais mon post a le but de t'exprimer mon admiration à toi, ta façon nous faire parvenir tes avis,pleins de sagesse, merci Ysandre, un bonheur de te lire, si je pouvais faire autant, peut-être dans une autre vie, où je serais plus douée

Le commentaire de Rotko, sur"L'herbe des nuits" charmant titre, son excellent commentaire ne peut surprendre personne, nous le connaissons bien l'illustre Rotko qui porte toute une bibliothèque dans son cerveau

bon bah voilà ! ce que j'ai pensé de [b dans le café de la jeunesse perdue[/b], quelqu'un avait demandé ce qu'il en était ? Rotko avait renvoyé au fil Modiano et à moi qui le lisait. Et si ça ne suffit pas, hé bé, il faut le lire.....
et pis toi, ma Lointaine, arrête de me dire que je fais tout bien !! tu es ma polyglotte préférée !!!!!!chuis pas capable de parler ta langue, moi ! alors?.... heing !

Citation :

D’ailleurs, c’est du « temps perdu » dont il reste seulement des miettes.

dit Rotko.
il est parfois des miettes qui sont "le plusss" de ce que nous laissons.

Je viens de terminer Des inconnues.
Un curieux livre. Trois histoires qui ne sont ni des romans ni, à proprement parler, des nouvelles, bien que la deuxième s’en rapproche avec une construction rigoureuse et une chute brutale. Chacune se déroule sur cinquante pages environ.
Trois narratrices qui disent « je » et racontent un épisode de leur jeunesse, à la charnière entre l’adolescence et l’âge adulte.
Elles sont des « inconnues » pour le lecteur jusqu’au bout : elles n’ont pas de nom, pas de prénom et pas de passé, ou alors très flou, apparemment, elles n’ont guère d’avenir non plus et d’ailleurs on ne sait pas ce qui leur est arrivé entre la période racontée et le moment de la narration.
Elles sont aussi des « inconnues » pour elles-mêmes, elles sont dévorées par l’ennui, une sorte de passivité permanente, elles cherchent quelque chose mais ne savent pas quoi et ne trouvent rien. D’une certaine manière, les trois fuient en permanence le vide de leur existence, cherchent un ailleurs qui ne les comble jamais. Même celle de la deuxième histoire n’agit à la fin que sous le coup d’une pulsion subite, semble-t-il.
Elles sont enfin des inconnues pour les autres protagonistes du livre dans la mesure où, manifestement, personne jamais ne cherche vraiment à les connaître, comme si elles suscitaient une indifférence généralisée.
On se laisse prendre à une certaine magie verbale propre à Modiano mais à coup sûr ce n’est pas un livre à lire dans un moment de déprime ! En le refermant, je me suis demandée si à travers le « je » féminin, l’auteur ne livrait pas de façon cachée la manière dont lui-même voit les femmes.

il semble que tu as ressenti la même chose que moi, ma Nic. C'est leur vacuité, leur peu d'existence qui m'a mise mal à l'aise.
Modiano est il passé par là, au cours de sa jeunesse ? a-t-il choisi le "je" féminin pour évacuer ce souvenir, ou a-t-il rencontré ce genre de femme ?
Ne rien vouloir précisément, ne pas avoir d'intérêt pour les autres, ne pas en susciter non plus, passer comme une ombre... il doit y avoir des gens comme ça. Mais nous ne les voyons pas.

Citation :

, l’auteur ne livrait pas de façon cachée la manière dont lui-même voit les femmes.

Je ne pense pas, il est trop intelligent pour faire une généralité. Il y a aussi des hommes comme ça.
Mais je pense qu'il a du en rencontrer, en connaitre même. C'est un observateur du genre humain, il brosse des portraits, sa fine perception des autres lui permet de le faire mais avec un intellectualisme froid. Il voit, il analyse, il restitue ce qu'il a perçut.

Ysandre a écrit:

il semble que tu as ressenti la même chose que moi, ma Nic. C'est leur vacuité, leur peu d'existence qui m'a mise mal à l'aise.

Je ne peux pas dire que ces trois femmes m’aient mises mal à l’aise. En fait, comme tous ceux et celles qui gravitent autour d’elles, je les regarde vivre avec une certaine indifférence comme si l’auteur avait réussi ( ?) à me manipuler : c’est plutôt cet aspect qui m’a donné à réfléchir.

Ysandre a écrit:

Modiano est il passé par là, au cours de sa jeunesse ? a-t-il choisi le "je" féminin pour évacuer ce souvenir, ou a-t-il rencontré ce genre de femme ?

J’ai lu dans sa biographie, que, comme son personnage de la seconde nouvelle, Modiano a été pensionnaire dans plusieurs établissements différents et en particulier près d’Annecy dans un collège religieux, ce dont il aurait beaucoup souffert. D’une manière générale il aurait d’ailleurs très peu vu ses parents et se serait senti délaissé. Enfin, comme ses héroïnes, il a fugué à plusieurs reprises.

Ysandre a écrit:

Citation :

, l’auteur ne livrait pas de façon cachée la manière dont lui-même voit les femmes.

Je ne pense pas, il est trop intelligent pour faire une généralité. Il y a aussi des hommes comme ça.
Mais je pense qu'il a du en rencontrer, en connaitre même. C'est un observateur du genre humain, il brosse des portraits, sa fine perception des autres lui permet de le faire mais avec un intellectualisme froid. Il voit, il analyse, il restitue ce qu'il a perçut.

J’aurais dû dire « certaines femmes » sans généraliser mais les autres femmes l’intéressent-elles ?

je ne le connais pas suffisamment pour dire qu'il n'aime pas les femmes. Je vais me pencher sur "sa vie" (!), internet doit pouvoir m'éclairer.

Citation :

comme si l’auteur avait réussi ( ?) à me manipuler : c’est plutôt cet aspect qui m’a donné à réfléchir.

il peut arriver que je me laisse manipuler, mais le plus drôle, c'est que je le ressent, que je laisse faire et que je réfléchis à la chose. Modiano à le talent d'entraîner son lecteur là où il veut, je l'ai remarqué, serait-ce inconscient chez lui ? où manipulerait-il sciemment ? j'ai connu plusieurs manipulateurs-nés, ils n'ont pas tous le même mode opératoire, mais le fond est le même : vouloir avoir raison, se servir de son intelligence, être un tantinet psychologue, se servir de la faiblesse de l'autre, entrer dans ses failles, utiliser au besoin la flatterie, ne surtout pas se préoccuper des dégâts qu'il peut faire et atteindre son but. Comme je ne suis pas assez forte, j'ai décidé de "regarder et laisser faire", c'est parfois très drôle ! pour le reste, je fais et pense ce que je veux et bien sûr, je m'adonne à mon sport favorit : la désobéissance.
Par contre, avec un auteur, c'est plus difficile. Entraînés que nous sommes dans le récit, il peut arriver de nous laisser prendre au jeu ! à son jeu damned ! c'est après coup que l'on se rend compte (comme tu l'as fait et comme je le fais)

Au cours des dernières années, Modiano a multiplié les figures de femmes dans ses œuvres, trouvant sans doute dans leur sensibilité et leur vulnérabilité un écho à ses préoccupations personnelles. Son dernier roman en date, La Petite Bijou, ne faillit pas à la règle. Dans cette œuvre, c'est une très jeune adulte qui prend en charge le récit de ses doutes et interrogations, rattrapée par un passé qui revient brutalement prendre possession de son existence.

Repérant une femme au manteau jaune dans le métro, elle croit reconnaître sa mère, tenue pour morte des années auparavant au Maroc. Sans jamais se présenter à cette inconnue, elle la suit à plusieurs reprises au pied d'un immeuble de banlieue. Reviennent alors à la mémoire les tableaux d'une enfance sans affection ni tendresse, dont le seul éclat est la rapide figuration dans un film aux côtés d'une mère négligente, distribuant avec la plus grande parcimonie les miettes de son affection. Sevrée de tendresse et d'attention, la petite fille devra se contenter de la présence d'un chien - que la mère ira volontairement perdre dans les allées du bois de Boulogne. Parvenue à l'âge adulte, la jeune femme retrouvera chez les parents d'une fillette, dont elle assure occasionnellement la garde, la même froideur et le même désintérêt à l'égard de l'enfant. Se met alors en place un jeu de retour en arrière et de confrontations entre la réalité vécue et les souvenirs ravivés, jetant sur le présent une lumière crue voire insoutenable.
Comme dans tous les romans de Modiano, les errances dans la capitale, les doutes de la petite Bijou (la femme au manteau jaune est-elle vraiment ma mère ?), les zones d'ombre (qui est le mystérieux Jean Borie, frère de ma mère ?) et l'afflux de souvenirs plus ou moins certifiés constituent une part fondamentale du récit. Toutefois, jamais l'écrivain n'avait proposé d'évocation aussi poignante de la détresse et du désarroi d'êtres livrés à eux-mêmes, sans attaches familiales ou géographiques, contraints de se recomposer des familles d'adoption au gré des rencontres pour conserver un semblant de repères dans l'existence. L'économie de moyens avec laquelle Modiano dessine les contours de ce monde d'indifférence larvée, d'hostilité réelle ou supposée, donne à chaque phrase, chaque évocation, toute sa portée. Le romancier procède avec pudeur et retenue, refusant de céder à une émotion trop facile, de sorte que c'est au lecteur de mesurer la violence de propos et situations au caractère parfois insoutenable.
Difficile de ne pas ressortir bouleversé par ce récit, qui, sans jamais jouer sur les cordes trop faciles de l'émotion et de la sensibilité, propose le tableau révoltant d'enfances à jamais broyées par l'égoïsme et le manque d'amour.