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 Henri Michaux

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rotko
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MessageSujet: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMer 01 Mar 2006, 19:23

Henri Michaux Mich10


son "Monsieur Plume" assume ses mésaventures. Le voici en voyage

Plume voyage

Plume ne peut pas dire qu’on ait excessivement d’égards pour lui en voyage. Les uns lui passent dessus sans crier gare, les autres s’essuient tranquillement les mains à son veston. Il a fini par s’habituer. Il aime mieux voyager avec modestie. Tant que ce sera possible, il le fera.

Si on lui sert, hargneux, une racine dans son assiette, une grosse racine : « Allons, mangez. Qu’est-ce que vous attendez ? »

« Oh, bien, tout de suite, voilà. » Il ne veut pas s’attirer des histoires inutilement.

Et si la nuit, on lui refuse un lit : « Quoi ! Vous n’êtes pas venu de si loin pour dormir, non ? Allons, prenez votre malle et vos affaires, c’est le moment de la journée où l’on marche le plus facilement. »

« Bien, bien, oui… certainement. C’était pour rire, naturellement. Oh oui, par… plaisanterie. » Et il repart dans la nuit obscure.

Et si on le jette hors du train : « Ah ! alors vous pensez qu’on a chauffé depuis trois heures cette locomotive et attelé huit voitures pour transporter un jeune homme de votre âge, en parfaite santé, qui peut parfaitement être utile ici, qui n’a nul besoin de s’en aller là-bas, et que c’est pour ça qu’on aurait creusé des tunnels, fait sauter des tonnes de rochers à la dynamite et posé des centaines de kilomètres de rails par tous les temps, sans compter qu’il faut encore surveiller la ligne continuellement par crainte des sabotages, et tout cela pour… »

Bien, bien. Je comprends parfaitement. J’étais monté, oh, pour jeter un coup d’œil ! Maintenant, c’est tout. Simple curiosité, n’est-ce pas. Et merci mille fois. « Et il s’en retourne sur les chemins avec ses bagages.

Et si à Rome, il demande à voir le Colisé : « Ah ! Non. Ecoutez, il est déjà assez mal arrangé. Et puis après, Monsieur voudra le toucher, s’appuyer dessus, ou s’y asseoir. C’est comme ça qu’il ne reste que des ruines partout. Ce fut une leçon pour nous, une dure leçon, mais à l’avenir, non, c’est fini, n’es-ce pas. »

« Bien ! Bien ! C’était… Je voulais seulement vous demander une carte postale, une photo, peut-être… si des fois… « Et il quitte la ville sans avoir rien vu.
Et si sur le paquebot, tout à coup le Commissaire du bord le désigne du doigt et dit :
« QU’est-ce qu’il fait ici, celui-là ? Allons, on manque bien de discipline là, en bas, il me semble. Qu’on aille vite me le redescendre dans la soute. Le deuxième quart vient de sonner. » Et il repart en sifflotant, et Plume, lui, s’éreinte pendant toute la traversée.

Mais il ne dit rien, il ne se plaint pas. Il songe aux malheureux qui ne peuvent pas voyager du tout, tandis que lui, il voyage, il voyage continuellement

poésie Gallimard
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMer 01 Mar 2006, 19:27

LE GRAND COMBAT

Il l'emparouille te l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ;
Il le pratèle et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerceau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et vous regarde,
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.

Michaux, qui je fus. Gallimard
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyJeu 02 Mar 2006, 11:10

Michaux.... un autre de mes poètes fétiches.
Tu me fais bien plaisir, là, Rotko ! Happy
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyVen 03 Mar 2006, 16:55

Pour redonner de l'appetit à Coline lol! , et avec un petit clin d'oeil à Marie Chevalier, adepte des histoires de restaurant Wink , le début et la fin de Plume au restaurant le texte est trop long pour que je le mette en entier, il faudra aller voir in

Michaux, "l'espace du dedans" poésie/ Gallimard

Citation :
" Plume déjeunait au restaurant, quand le maître d'hôtel s'approcha, le regarda sévèrement et lui dit d'une voix basse et mystérieuse :" Ce que vous avez là dans votre assiette ne figure pas sur la carte. "
[...]
"
Citation :
Un fromage lent, jaune à pas de chevaux de catafalque, un fromage lent, jaune, à pas de catafalque, circulait en lui-même comme un pied du monde. C'était plutôt une énorme mamelle, une vieille meule de chair etn accroupie se tenait une région immense qui devait être terriblement moite."
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyVen 03 Mar 2006, 17:22

L'Infini Turbulent (Mercure de France - 1964) : recueil de textes écrits sous mescaline, LSD, et autres hallucinogènes...

Extrait de Huit Expériences, Expérience V :
...... L'envahissement des grappes de groseilles que je vois, en tas et en guirlandes, m'enivre et m'avilit, groseilles dont je sais et saurai pour toujours à quoi en nous elles répondent et quelle est la nature du plaisir qu'on trouve à les évoquer, et dans leur nom même, et la fille la plus chaste le plaisir qu'elle y trouve, gouffre en moi que ces groseilles, plus excitantes, éloquentes, persuasives, pervertissantes que les scènes les plus osées et les plus lubriques, gouffre, car je mesure à leur fascination érotique jusqu'où je me trouve plongé dans le vice et l'ignoble, puisque des objets pareils s'en trouvent à ce point contaminés, devenus pour moi plus érogènes que le plus beau sein du monde ou une caresse secrète dans les ténébres.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyVen 03 Mar 2006, 17:31

NAUSEE OU C'EST LA MORT QUI VIENT ?

Rends-toi mon coeur.
Nous avons assez lutté.
Et que ma vie s'arrête.
On n'a pas été des lâches,
On a fait ce qu'on a pu.

Oh ! mon âme,
Tu pars ou tu restes,
Il faut te décider.
Ne me tâte pas ainsi les organes,
tantôt avec attention, tantôt avec égarement,
Tu pars ou tu restes,
Il faut décider.

Moi, je n'en peux plus,
Seigneurs de la Mort
Je ne vous ai ni blasphémés ni applaudis.
Ayez pitié de moi, voyageur déjà de tant de voyages sans valises,
Sans maître non plus, sans richesse et la gloire s'en fut ailleurs,
Vous êtes puissants assurément et drôles par-dessus tout,
Ayez pitié de cet homme affolé qui avant de franchir la barrière vous crie déjà son nom.
Prenez-le au vol,
Qu'il se fasse, s'il se peut, à vos tempéraments et à vos moeurs,
Et s'il vous plaît de l'aider, aidez-le, je vous prie.


Ecuador
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyVen 03 Mar 2006, 17:35

Provence a écrit:
textes écrits sous mescaline, LSD, et autres hallucinogènes...

et les dessins de Michaux !

Henri Michaux Mesca2l0sk
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyJeu 09 Nov 2006, 10:38

MA VIE

Tu t'en vas sans moi, ma vie.
Tu roules.
Et moi j'attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t'ai jamais suivie.
Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux, jamais tu ne l'apportes.
A cause de ce manque, j'aspire à tant.
A tant de choses, à presque l'infini...
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu n'apportes.

Extrait de "La Nuit Remue" ~ Henri Michaux
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMer 13 Juin 2007, 14:50

Henri Michaux Michauxls0


Dernière édition par le Mer 13 Juin 2007, 14:59, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMer 13 Juin 2007, 14:53

Un homme perdu

En sortant, je m'égarai. Il fut tout de suite trop tard pour reculer. Je me trouvais au milieu d'une plaine. Et partout circulaient de grandes roues. Leur taille était bien cent fois la mienne. Et d'autres étaient plus grandes encore.

Pour moi, sans presque les regarder, je chuchotais à leur approche, doucement, comme à moi-même :
" Roue, ne m'écrase pas… Roue, je t'en supplie, ne m'écrase pas… Roue, de grâce, ne m'écrase pas. "

Elles arrivaient, arrachant un vent puissant, et repartaient. Je titubais.

Depuis des mois ainsi : "Roue, ne m'écrase pas… Roue, cette fois-ci, encore, ne m'écrase pas."

Et personne n'intervient !
Et rien ne peut arrêter ça !
Je resterai là jusqu'à ma mort.

Henri Michaux
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMer 13 Juin 2007, 22:16

Je crois bien avoir lu ce livre* de Michaux sous une impulsion GDSienne*

MURNES ET ÉGLANBES

Les Murnes : prétentieux, goborets, gobasses, ocrabottes, renommés pour leur bêtise repue et parfaitement étanche, comme les Agres et les Cordobes pour leur jalousie, les Orbus Pour leur lenteur, les Ridieuses et les Ribobelles pour leur peu de vertu, les Arpèdres pour leur dureté, les Tacodions pour leur économie, les Églanbes pour leur talent musical.
Devant un Églanbe pris au hasard, vous pouvez siffler n'importe quel air, il vous le répétera très exactement, en ajoutant (croyant du reste sincèrement que toute musique est venue d'eux) que c'est une de leurs vieilles mélodies, quand même vous siffleriez un thème de « l'Or du Rhin ». Mais il le sifflera à contre-coeur, comme un air de basse époque, dont les Églanbes se sont détachés depuis longtemps.

* Voyage en Grande Garabagne in Ailleurs, nrf Poésie Gallimard
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 20 Aoû 2007, 08:47

Clown

Un jour,
Un jour, bientôt peut-être.
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers.
Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.
Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille".
Vidé de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.
À coup de ridicules, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance ?), par éclatement, par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage et à mes semblables, si dignes, si dignes, mes semblables.
Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

Clown, abattant dans la risée, dans le grotesque, dans l'esclaffement, le sens que contre toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée à force d'être nul
et ras...
et risible...
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MessageSujet: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyDim 11 Jan 2009, 14:07

En réponse à des demandes qui m'ont été faites, voici un début de fil sur Henri Michaux... Je dis début car il y a énormément à dire et j'attends les réactions pour aller plus loin. Je vais me contenter de lancer le sujet, n'ayant pas la prétention, loin de là, de le faire exhaustif sur un auteur si riche...

Henri Michaux 26218_351585030_michaux_H225707_L

Henri Michaux est un poète français d'origine belge qui, dans son œuvre profondément originale, poursuivit incessamment ses recherches expérimentales sur le langage et sur la difficulté d'être au monde. Né le 24 mai 1899 à Namur en Belgique, il se sentit très tôt "en marge", pour reprendre ses propres mots.

De 1906 à 1910, il est envoyé au pensionnat Van der Borgt, à Putte Grasheide, dans le milieu commerçant de la bourgeoisie bruxelloise. Il vit des années difficiles, toutes de solitude, de replis, marquées par un dégoût profond des aliments et un refus violent de tout ordre extérieur.

De 1911 à 1917, Michaux fait ses humanités chez les Jésuites, au Collège Saint-Michel, où rencontre le poète Norge, entre autres. Norge témoignera de sa passion pour les insectes, de son goût pour l’ornithologie, de sa fascination envers l’écriture chinoise.

Pendant la guerre de 14-18, il découvre le pouvoir des mots à l’occasion d’une première composition française. « Mais il se débarrasse de la tentation d’écrire qui pourrait le détourner de l’essentiel », dit-il lui-même dans son autobiographie. Il lit donc beaucoup, « pour découvrir ceux qui peut-être savent ». En 1922, il lit notamment Lautréamont, qui déclenche en lui le besoin, longtemps oublié, d’écrire. Un an plus tard, il déclare avoir commencé à écrire le 09 mars 1922, précision redoutable qui inscrit ce jour comme une naissance. Il en sortira Cas de folie circulaire en 1922, premier texte qui donne déjà une idée de son style. Ensuite les écrits se succèdent (les Rêves et la Jambe en 1923, Qui je fus en 1927,...) et les styles se multiplient.

Il entame par la suite des études de médecine qu'il abandonne en 1920 ; il embarque alors pour Rio de Janeiro puis gagna Buenos-Aires. De retour en Europe, il occupe divers emplois sans grand intérêt en Belgique, puis part s'installer à Paris. Dans les années 20, il collabore activement à la revue d'avant-garde Le Disque vert fondée par Franz Hellens. C’est en 1924 qu’il rencontre, à Paris, en travaillant sur les deux numéros du Disque Vert, consacrés au suicide et aux rêves, Pascal Pia, Marcel Arland, Breton, Aragon, Eluard, Vitrac.

Il fait également la connaissance de Supervielle, puis de Jean Paulhan, directeur de la Nouvelle Revue Française. Ce dernier deviendra son ami, son meilleur lecteur et son éditeur. C'est d'ailleurs Paulhan qui publie son premier recueil, Qui je fus (1927). Après une nouvelle période de voyages, en Afrique du Nord, en Turquie, en Inde, en Chine et en Amérique du Sud, Michaux publie deux romans, Ecuador (1929) et Un barbare en Asie (1932), où il évoque ses impressions de voyageur.

En 1934, il rencontre Marie-Louise Ferdière chez Claude Cahun. Cette jeune femme est passionnée de musique et d’art, suit des cours à l’Institut d’Art et d’Archéologie de l’Ecole du Louvre. Il l’épouse le 15 novembre 1943, elle qui est sans profession, divorcée de Gaston Ferdière, et prend Paulhan pour témoin. Elle meurt le 21/02/1948, à l’hôpital, d’une embolie pulmonaire, après deux mois de souffrances dues à l’embrasement d’un peignoir en nylon.

Au passage, c'est de ce deuil terrible que Michaux a tiré le texte "Nous deux encore", qui n'est publié que dans les éditions de la Pléiade, texte d'une beauté inouie sur l'amour, l'absence et le deuil.

L’œuvre de Michaux se développe autour des thèmes du langage, décevant parce qu’inapte à rendre compte du réel et de l'être au monde, vécu dans la douleur. Ses poèmes, qui usent d'une langue expérimentale d'une étonnante inventivité, sont souvent des narrations fantasmagoriques, à la fois humoristiques et cruelles : Mes propriétés (1929), Un certain Plume (1930), La nuit remue (1935), Voyage en Grande Carabagne (1936), Au pays de la magie (1941), Épreuves, exorcismes (1945), Ici, Poddema (1946), Ailleurs (1948), la Vie dans les plis (1949), Passages (1950) et Face aux verrous (1954).

Outre les textes purement poétiques, il rédige des carnets de voyages réels (Ecuador en 1929, Un barbare en Asie en 1933) ou imaginaires (Ailleurs en 1948, parmi beaucoup d'autres), des récits de ses expériences avec les drogues, et notamment la mescaline (Misérable miracle en 1956, Connaissance par les gouffres en 1961,...), des recueils d'aphorismes et de réflexions (Passages en 1950, Poteaux d'angle en 1971,...).

Parcourant l'"espace du dedans", à la recherche de l'"essentiel", la poésie de Michaux évoque aussi l'espace du dehors : monde cruel, aigu, coupant, hurlant, où le sujet se sent déplacé et perpétuellement menacé et agressé : la vie de son personnage Plume est ainsi une suite de mésaventures cocasses, sanglantes et finalement tragiques.

Parallèlement à l'écriture, dès 1925, il commence à s'intéresser à la peinture et à tous les arts graphiques en général. Exposé pour la première fois en 1937, il ne cesse ensuite de travailler, au point même que sa production graphique prend en partie le pas sur sa production écrite. Durant toute sa vie, il pratique autant l'aquarelle que le dessin au crayon, la gouache que la gravure ou l'encre. Il s'intéresse également à la calligraphie qu'il utilisera dans nombre de ses œuvres.

Après la guerre, Michaux explore le champ d'expression de la peinture, qu'il avait approché durant les années 1920. La quête d'une poésie d'au-delà des mots, inscrite dans le silence, trouve dans le geste calligraphique un champ pour se déployer : Mouvements, sa série des dessins à l'encre de Chine, date de 1951. À partir de 1956, le poète fait l'expérience de la mescaline, sous surveillance médicale, afin d'étudier les effets de cette drogue puissante sur la créativité. Il rend compte de cette expérience dans Misérable Miracle (1956) et l'Infini turbulent (1957), mais aussi dans Connaissance par les gouffres (1961) ou les Grandes Épreuves de l'esprit (1966). Jusqu'à sa mort due à un infarctus, le 19 octobre 1984, Michaux ne cesse d'approfondir, à travers le double moyen de l'écriture et de la peinture, la question qui reste la question centrale de sa poésie, celle de l'être : Émergences-résurgences (1972), Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions (1981).

Ainsi, Michaux est celui qui a tenté, par maintes expériences, de détourner les pièges du langage pour dire le moi, la vie, l’espace du dedans, usant des mots comme de la peinture pour aller à l’essentiel, dans le mouvement et l’impulsion de l’instant.

Voilà pour sa vie et les thèmes principaux de son oeuvre. Un auteur, il faut le reconnaître, difficile d'accès, car il n'a eu de cesse d'être dans l'expérimentation, ce qui a parfois produit des résultats étranges et déroutants.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyDim 11 Jan 2009, 15:30

Et puis, après la présentation de l'auteur, voici quelques exemples de ses oeuvres:

Henri Michaux 22aa_michaux


Henri Michaux 2000_06_06_2b

Henri Michaux Michaux82-

Un petit exemple de ses oeuvres picturales (souvent réalisées sous mescaline) qui montrent à quel point Michaux était hanté par ses "figures", ces étranges petits bonhommes à mi chemin entre la calligraphie chinoise et les fantômes du passé qui n'ont cessé de le hanter...

Une petite phrase au passage:
« Qui laisse une trace, laisse une plaie.» [Tranches de savoir (1950)]

Et puis je me contenterai d'un seul texte, quitte à en poster d'autres après, étant donné que ce poste est déjà immensément long...Il s'agit de "Vers la sérénité".

"Celui qui n’accepte pas ce monde n’y bâtit pas de maison. S’il a froid, c’est sans avoir froid. Il a chaud sans chaleur. S’il abat des bouleaux, c’est comme s’il n’abattait rien. Mais les bouleaux sont là par terre et il reçoit l’argent convenu, ou bien il ne reçoit que des coups. Il reçoit les coups comme un don sans signification et il repart sans s’étonner.

Il boit l’eau sans avoir soif. Il s’enfonce dans le roc sans se trouver mal. La jambe cassée, sous un camion, il garde son air habituel et songe à la paix, à la paix, à la paix si difficile à obtenir, si difficile à garder, à la paix.

Sans être jamais sorti, le monde lui est familier. Il connaît bien la mer. La mer est constamment sous lui, une mer sans eau mais non pas sans vague mais non pas sans étendue. Il connaît bien les rivières. Elles le traversent constamment, sans eau mais non pas sans langueur mais non pas sans torrents soudains.

Des ouragans sans air font rage en lui. L’immobilité de la terre est aussi la sienne. Des routes des véhicules des troupeaux sans fin le parcourent, et un grand arbre sans cellulose mais bien ferme mûrit en lui un fruit amer, amer souvent doux rarement.

Ainsi à l’écart, toujours seul au rendez-vous, sans jamais retenir une main dans ses mains, il songe l’hameçon au cœur, à la paix, à la damnée paix lancinante, la sienne et à la paix qu’on dit être par-dessus cette paix."

Henri Michaux – La nuit remue, 1934
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyDim 11 Jan 2009, 18:37

Tu commences fort !

j'ignorais que Claude Cahun figure atypique, avait connu henri Michaux.

je vais me replonger dans un barbare en Asie qui, comme je le disais, me paraît assez ambigu sur la recherche spirituelle, avec des remarques bien ironiques comme celle-ci :

Citation :
L'atitude des religieux hindous porte infiniment rarement la marque divine. Ils l'ont comme le critique du Temps et les professeurs de littérature dans les lycées ont l'empreinte du génie littéraire.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 12 Jan 2009, 13:24

Vi, mais je vous avais prévenu que sur Michaux, je pouvais être intarissable ! Ceci s'explique aussi parce que j'ai dû faire un dossier sur lui dans le cadre de ma maîtrise et plus précisément d'une option intitulée: "Créer". On devait y étudier le rapport entre l'art et la vie. Ce qui, avec Michaux, prend tout son sens...

En fait, pour ce qui est du Barbare en Asie, comme Michaux l'explique dans la préface de la réédition de cet ouvrage, il l'a renié par la suite, a considéré ce texte comme une erreur monumentale, arguant qu'il était passé à côté de ce qu'il aurait dû voir. C'était un peu la prise de conscience du clivage entre la pensée occidentale et la pensée orientale, de la difficulté d'appréhender l'un quand on appartient à l'autre (d'où l'image des poissons dans l'aquarium: que ce soit les poissons ou l'humain qui les regarde, une vitre sépare deux milieux qui ne peuvent être mélangés).

On l'a, à tort, taxé d'une vision raciste dans cette oeuvre. En vérité, Michaux était fasciné par les pensées orientales, par la Chine. Et ce qu'il a vu l'a relativement déçu, ou surpris.

Par ailleurs, sa démarche consistait à faire de la "photographie littéraire". Autrement dit, une succession d'anecdotes, apparemment sans rapport entre elles, mais visant à rendre compte de l'ensemble par le détail, à créer un puzzle formant un tout signifiant.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 12 Jan 2009, 15:58

C'est vrai que le livre a un ton, comme il le dit, mais j'aime bien ces phrases toutes simples (je veux dire sans cohortes de subordonnées) qui ont un tour spontané, voire naïf, du moins à l'impression première.

Racistes, ses propos ? certainement pas. Les commentaires désobligeants ne sont pas racistes.

Toutefois quand il ne trouve pas de beautés chez les Indiens, il m'étonne un peu. Je sais bien qu'il y a peu de rapports avec l'homme de la rue que Michaux voulait rencontrer, mais les acteurs des films de bollywood offrent de beaux specimens. Sans parler du film le visiteur de Satyajit Ray. J'aime beaucoup l'actrice dans la danse finale.

Pour les dessins de Michaux, je préfère ceux qu'il a faits à l'encre de Chine et dont on voit des exemplaires ici


Henri Michaux Henrim10
clic !


On parlera aussi de Plume chez poésies Gallimard.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 12 Jan 2009, 16:58

Je suis totalement d'accord, il n'y a rien de raciste. Mais la dureté de certains propos, le caractère désobligeant de certaines représentations a, à tort, été parfois interprété en tant que tel.

C'est aussi pour cela que Michaux a critiqué violemment son ouvrage et lui a donné un tel titre. A postériori, il s'est fait figure de barbare qui n'a pas su saisir les subtilités de ces cultures, qui s'y est rendu en occidental quelque peu sarcastique, manquant de sagesse et de réception face aux choses vues.

Par contre, pour ce qui est de l'approche de son oeuvre, son caractère fondamentalement expérimental me fait la diviser en deux catégories : celle à laquelle je reconnais une valeur justement pour cet aspect expérimental (les oeuvres sous mescaline ou celles avec un travail sur le langage proche de l'onomatopée pour rendre compte d'une parole inconsciente) et celle à laquelle j'accorde une valeur plus subjective parce qu'elles me touchent en elles-mêmes et pour tout ce qu'elles sont. Je suis éprise de cette approche de l'art et de cette conception qu'en a Michaux. Mais ce n'est pas pour autant que je tomberais amoureuse d'un texte qui est davantage tissé d'onomatopées et de mots ne m'évoquant rien...

En ce qui concerne Plume, je demeure mitigée. J'apprécie l'humour et l'aspect absurde de cet ouvrage, qui le rend proche de certaines oeuvres surréalistes, mais j'avoue être relativement peu sensible aux aventures de ce personnage.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 12 Jan 2009, 18:24

cheers Passionnant ! Continue, je te lis avec plaisir et retrouverai bien Michaux dans "La nuit remue".

Il y a un fil ici mais un peu léger, ta contribution est riche, merci de la partager.

Pour Plume, ce sont des histoires que j'ai trouvées légères et pris comme telles, j'ai dû en faire jouer quelques passages au théâtre comme exercices.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 12 Jan 2009, 18:31

j'ai rassemblé les fils.

Je ne me souviens plus du titre de Michaux où il parodie un anthropologue avec des tribus aux usages loufoques.

J'aime bien cette ironie et je pense qu'une lecture publique serait jouissive.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyLun 12 Jan 2009, 20:04

Merci Rotko d'avoir rassemblé les fragments concernant Michaux, épars sur le forum. C'est plus clair ainsi et me permet de voir ce qui a déjà été abordé ou non !

Et merci à Utopie pour ses compliments. Je dois avouer que mon premier post n'a pas été intégralement rédigé pour ce forum mais constitue plus ou moins l'introduction d'un dossier qui m'a pris un nombre incalculable d'heures...Je serai sans doute plus dans les textes et moins dans l'analyse pour d'autres sujets !

Le texte dont tu parles m'évoques quelque chose, Rotko. Je pense pouvoir le retrouver après quelques recherches.

Personnellement, à Plume ou au Barbare en Asie, j'ai très nettement préféré des écrits comme Lointain intérieur, ou encore ce que j'ai pu lire de L'Infini turbulent (je projette de le lire intégralement sous peu, donc si cet ouvrage vous intéresse pour une lecture commune, je suis partante ! ).

Un exemple :

UNE TÊTE SORT DU MUR


J'ai l'habitude, le soir, bien avant d'y être poussé par la fatigue, d'éteindre la lumière.

Après quelques minutes d'hésitation et de surprise, pendant lesquelles J'espère peut-être pouvoir m'adresser à un être, ou qu'un être viendra à moi, je vois une tête énorme de près de deux mètres de surface qui, aussitôt formée, fonce sur les obstacles qui la séparent du grand air.

D'entre les débris du mur troué par sa force, elle apparaît à l'extérieur (je la sens plus que je ne la vois) toute blessée elle-même et portant les traces d'un douloureux effort.

Elle vient avec l'obscurité, régulièrement depuis des mois.

Si je comprends bien, c'est ma solitude qui à présent me pèse, dont j'aspire subconsciemment à sortir, sans savoir encore comment, et que J'exprime de la sorte, y trouvant, surtout au plus fort des coups, une grande satisfaction.

Cette tête vit, naturellement. Elle possède sa vie.

Elle se jette ainsi des milliers de fois à travers plafonds et fenêtres, à toute vitesse et avec l'obstination d'une bielle.

Pauvre tête !

Mais pour sortir vraiment de la solitude on doit être moins violent, moins énervé, et ne pas avoir une âme à se contenter d'un spectacle.

Parfois, non seulement elle, mais moi-même, avec un corps fluide et dur que je me sens, bien différent du mien, infiniment plus mobile, souple et inattaquable, je fonce à mon tour avec impétuosité et sans répit, sur portes et murs. J'adore me lancer de plein fouet sur l'armoire à glace. Je frappe, je frappe, je frappe, j'éventre, j'ai des satisfactions surhumaines, je dépasse sans effort la rage et l'élan des grands carnivores et des oiseaux de proie, J'ai un emportement audelà des comparaisons. Ensuite, pourtant, à la réflexion, je suis bien surpris, je suis de plus en plus surpris qu'après tant de coups, l'armoire à glace ne se soit pas encore fêlée, que le bois n'ait pas eu même un grincement.

Extrait de "Lointain intérieur"
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMar 13 Jan 2009, 09:06

Rotko, ne serait-ce pas le Voyage en Grande Carabagne auquel tu fais allusion ? Ce livre est un récit de voyage imaginaire où le narrateur va de tribu en tribu pour rendre compte de leurs moeurs, us et coutumes...



Et, pour mieux comprendre l'une des approches de la création par Michaux, son but, voici la préface de Epreuves, exorcismes:




Il serait bien extraordinaire que des milliers d'événements qui surviennent chaque année résulte une harmonie parfaite. Il y en a toujours qui ne passent pas, et qu'on garde en soi, blessants.

Une des choses à faire : l'exorcisme.

Toute situation est dépendance et centaines de dépendances. Il serait inouï qu'il en résulte une satisfaction sans ombre ou qu'un homme pût, si actif fût-il, les combattre efficacement dans la réalité.

Une des choses à faire : l'exorcisme.

L'exorcisme, réaction en force, en attaque de bélier, est le véritable poème du prisonnier.

Dans le lieu même de la souffrance et de l'idée fixe, on introduit une exaltation telle, une si magnifique violence, unies au martèlement des mots, que le mal progressivement dissous est remplacé par une boule aérienne et démoniaque - état merveilleux !

Nombre de poèmes contemporains, poèmes de délivrance, ont aussi un effet de l'exorcisme, mais d'un exorcisme par ruse. Par ruse de la nature subconsciente qui se défend au moyen d'une élaboration imaginative appropriée : les rêves. Par ruse concertée ou tâtonnante, cherchant son point d'application optimus : les rêves éveillés.

Pas seulement les rêves mais une infinité de pensées sont "pour en sortir", et même des systèmes de philosophie furent surtout exorcisants qui se croyaient tout autre chose.

Effet libérateur pareil, mais nature parfaitement différente.

Rien là de cet élan en flèche, fougueux et comme supra-humain de l'exorcisme. Rien de cette sorte de tourelle de bombardements qui se forme à ces moments où l'objet à refouler, rendu comme électriquement présent, est magiquement combattu.

Cette montée verticale et explosive est un des grands moments de l'existence. On ne saurait assez en conseiller l'exercice à ceux qui vivent malgré eux en dépendance malheureuse. Mais la mise en marche du moteur est difficile, le presque désespoir seul y arrive.

Pour qui l'a compris, les poèmes du début de ce livre ne sont point précisément faits en haine de ceci, ou de cela, mais pour se délivrer d'emprises.

La plupart des textes qui suivent sont en quelque sorte des exorcismes par ruse. Leur raison d'être : tenir en échec les puissances environnantes du monde hostile.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMar 13 Jan 2009, 10:32

Lîlâ a écrit:
ne serait-ce pas le Voyage en Grande Carabagne auquel tu fais allusion ? Ce livre est un récit de voyage imaginaire où le narrateur va de tribu en tribu pour rendre compte de leurs moeurs, us et coutumes...

C'est cela même, et j'aime bien cet humour.

t'as bien fait de venir, tu m'ouvres les yeux sur des oeuvres de Michaux que je ne connais pas : lointain interieur etc.
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyMar 13 Jan 2009, 20:11

Tant mieux si je te fais découvrir des choses comme j'en découvre moi même ici. Cela correspond à ce que j'attendais de ce forum. Au moins je ne suis pas venue pour rien. Razz

A noter, d'ailleurs, par rapport à l'humour de Michaux : à propos de son approche de la drogue, il disait que c'était "l'expérience d'un buveur d'eau".

Chacun son truc. siffle
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MessageSujet: Re: Henri Michaux   Henri Michaux EmptyJeu 15 Jan 2009, 19:57

TÉLÉGRAMME DE DAKAR

Dans le noir, le soir,
auto dans la campagne.
Baobabs, Baobabs,
baobabs,
Plaine à baobabs.

Baobabs beaucoup baobabs
baobabs
près. loin, alentour,
Baobabs, Baobabs.

Dans le noir, le soir,
sous des nuages bas, blafards, informes,
loqueteux, crasseux,
en charpie, chassés vachement
par vent qu'on ne sent pas,
sous des nuages pour glas,
immobiles comme morts sont les baobabs.

Malédiction!
Malédiction sur CHAM!
Malédiction sur ce continent!

Village
village endormi
village passe

De nouveau dans la plaine rouverte: Baobabs
Baobabs baobabs baobabs
Afrique en proie aux baobabs!

Féodaux de la Savane. Vieillards-Scorpions.
Ruines aux reins tenaces. Poteaux de la Savane.
Tams-tams morbides de la Terre de misère.
Messes d'un continent qui prend peur
Baobabs.

Village

Noirs
Noirs combien plus noirs que de hâle
Têtes noires sans défense avalées par la nuit.
On parle à des décapités
les décapités répondent en " ouolof "
la nuit leur vole encore leurs gestes.
Visages nivelés, moulés tout doux sans appuyer
village de visages noirs
village d'un instant
village passe

Baobab Baobab
Problème toujours là, planté.
Pétrifié - exacerbé
arbre-caisson aux rameaux-lourds
aux bras éléphantiasiques, qui ne sait fléchir.

Oh lointains
Oh sombres lointains couvés par d'autres
Baobabs
Baobabs, Baobabs, Baobabs
Baobabs que je ne verrai jamais
répandus à l'infini. Baobabs.

Parfois s'envole un oiseau, très bas, sans élan,
comme une loque
Un Musulman collé à la terre implore Allah
Plus de Baobabs.

Oh mer jamais encore aussi amère
Le port au loin montre ses petites pinces
(escale maigre farouchement étreinte).

Plus
plus
plus de baobabs
baobabs
baobabs
peut-être jamais plus
baobabs
baobabs
baobabs.

HENRI MICHAUX
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