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| | Henri Michaux | |
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+6Lîlâ clmemont Seuguh Utopie Provence rotko 10 participants | |
Auteur | Message |
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Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Jeu 15 Jan 2009, 21:37 | |
| Exactement le genre de textes auxquels je faisais allusion pour parler des essais de Michaux sur le langage, pour faire parler l'inconscient et les mots dans leurs sonorités et images pures...
Dans la continuité:
Dans la nuit Dans la nuit Je me suis uni à la nuit A la nuit sans limites A la nuit
Mienne, belle, mienne
Nuit Nuit de naissance Qui m'emplit de mon cri De mes épis. Toi qui m'envahis Qui fais houle houle Qui fais houle tout autour Et fume, es fort dense Et mugis Es la nuit. Nuit qui gît, nuit implacable. Et sa fanfare, et sa plage Sa plage en haut, sa plage partout, Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui Sous lui, sous plus ténu qu'un fil Sous la nuit La Nuit. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 17 Jan 2009, 17:05 | |
| Le recueil qui je fus chez poésie Gallimard est préfacé par bernard Noel, avec une introduction de raymond Bellour, l'autorité sur le sujet. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Henri Michaux Ven 23 Jan 2009, 10:54 | |
| - Firenze a écrit:
- Moi je déguste La Vie dans les plis d'Henri Michaux, que je n'avais pas réussi à trouver avant, et que mon professeur m'a gentiment passé
je suis désarçonné pa rle recueil de qui je fus. Il s'agirait de poemes de jeunesse, plus ou moins reniés par Michaux. Certes il y a une étude de Bellour en intro, mais 70 pages à lire, quel pensum ! et la vie dans les plis n'est pas dans ma mediathèque. Alors, que faire ? | |
| | | Firenze pilier
Nombre de messages : 346 Date d'inscription : 19/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Ven 23 Jan 2009, 17:50 | |
| Je ne m'y connais pas du tout en Michaux, je ne suis encore qu'une pauvre bleue. J'avais découvert avec "La Mer des mamelles" (La Vie dans les plis) que mon prof nous avait fait lire et où le style m'a paru évident, j'entends par là qu'il me parlait et me touchait dès le début... J'ai adoré La Nuit remue, lu juste après, ("Un Chiffon" assez pongien, "La Paresse", "Une Vie de chien", etc et finalement rien ne sert de les énumérer) et voilà, maintenant s'ouvre à moi La Vie dans les Plis dont la première partie, avec ses méthodes de tortures internes des hommes, me plaît beaucoup... | |
| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 24 Jan 2009, 22:54 | |
| Rotko, je conçois parfaitement le souci que tu peux avoir à appréhender Michaux. Cela "parle", comme le dit Firenze, mais tout n'est pas forcément simple à concevoir, à interpréter, tant il y a des choses, tant cela peut être obscur, et complexe. Personnellement, si je n'avais pas eu de cours sur lui, pas choisi de faire un dossier sur son oeuvre, je continuerais de le lire "superficiellement", sans en déceler la moitié. Pour plus de facilité, je te conseille l'édition de Gallimard (nrf, leur collection dédiée à la poésie), avec le recueil L'espace du dedans. On y trouve des extraits de la plupart de ses grandes oeuvres, ce qui permet d'avoir un aperçu d'ensemble, de toucher un peu à toutes et donc par la suite de s'orienter vers ce qui nous plaît le plus, nous semble le plus abordable et intéressant. Sinon, si cela te tente, je peux continuer ce que j'avais commencé en ouvrant ce fil. Comme je l'ai dit, je me suis basée sur l'introduction de mon dossier. Je peux tout à fait découper ce dossier, qui n'est pas extrêmement long, en plusieurs messages, afin d'en poster le contenu, vu que ce dossier a été corrigé par une prof qui est une spécialiste de cet auteur (et une fanatique, accessoirement ). Sinon, il existe un numéro du Magazine Littéraire qui lui consacre un dossier excellent, composé de notes biographiques et bibliographiques, ainsi que de reproductions de quelques unes de ses oeuvres picturales et d'interviews d'éléphants de la littérature, tel que Butor. Je me suis beaucoup basée là dessus pour mon propre dossier. Par contre, je ne sais pas s'il serait possible de se le procurer... | |
| | | Firenze pilier
Nombre de messages : 346 Date d'inscription : 19/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Dim 25 Jan 2009, 17:14 | |
| Le numéro est dispo dans la boutique du site. Ça serait en tout cas très intéressant, Lîlâ, si tu pouvais nous dévoiler d'autres passages de ton dossier Je reviens d'un petit week-end à la mer où j'ai lu les vies des Meidosems et leurs enfants d'âme, la houle sous les yeux... c'est décidément superbe. | |
| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Lun 26 Jan 2009, 19:43 | |
| Pas de problème, Firenze, j'envoie ça dès que possible (je ne suis pas chez moi pour l'instant ! ). Tu me rends jalouse, je suis en grande période de manque par rapport à la mer... Et du coup, je conseille vraiment l'achat de ce numéro, car le dossier consacré à Michaux est très varié et intéressant. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Henri Michaux Mar 27 Jan 2009, 06:33 | |
| je trouvera ce n° du magazine litteraire, et tes données, Lîlâ, presentées comme tu le dis, seront assimilables. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Henri Michaux Mer 28 Jan 2009, 15:09 | |
| c'est le N° 220 du mag litteraire consacré à Michaux. | |
| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Dim 01 Fév 2009, 13:01 | |
| Voici donc la suite du résultat de mon travail sur Michaux (je ne remets pas l'intro, vu que ses éléments essentiels ont déjà été mis dans l'ouverture du sujet): - Spoiler:
I- Ecrire pour vivre, pour découvrir « l’espace du dedans » : un voyage entre imaginaire et réel.
Michaux souffre d’une affection cardiaque, qu’évoqueront de nombreux textes : « une tachycardie (sans doute nerveuse) jointe à un souffle très prononcé et que l’on diagnostiquait insuffisance cardiaque (la cardiologie a fait quelque progrès depuis) ». C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle l’écriture, pour Michaux, est avant tout un moyen de vivre, de respirer, ainsi qu’il le déclare en 1932 : « J’écris, j’écris…et je renais ». Pourtant, Michaux écrit également : « Je crache sur ma vie, je m’en désolidarise. » La vie, pour Michaux, est donc « fonctionnaire », « vassale », « avilissante ». Mais finalement, il a beau cracher sur la vie, il la cherche, il n’y a que cela : « je suis un homme qui cherche ce qu’est la vie ». Anxieux, malade, risquant l’anévrisme, souffrant d’une sinusite infectieuse, il calme son anxiété au laudanum et à l’éther. Il se dit « troué », traversé par le temps, égaré par lui, d’où les nombreuses ellipses, les juxtapositions de sensations sans rien ni personne pour lier : le temps et l’espace sont discontinus.
Pour ce faire, pour vivre, pour respirer, Michaux va voyager, en lui comme dans le monde, il va essayer de dire son étouffement, son rapport aux autres et au monde, à l’être et à lui-même. Il est souvent décrit comme explorateur de "l'espace du dedans" : "J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire: me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie". C’est un voyageur, qui parcourt l’Equateur, les Indes, la Chine, le Japon,… puis la Grande Garabagne. Chez lui, le voyage dans l’espace se double d’un voyage dans l’intimité de soi. On ne voit, au dehors, que les terreurs auxquelles on pense sans cesse, les formes décevantes de ce que l’on avait espéré être un paradis. A l’inverse, pour rendre sensibles nos craintes et nos désirs, il imagine une flore et une faune aussi stupéfiantes que menaçantes. A l’époque classique, le voyage permet d’évoquer une contre-société, utopique et heureuse, alors qu’avec Michaux, cela sert à révéler l’horreur de notre conduite, le burlesque féroce de notre époque.
Au fur et à mesure, les voyages se font de plus en plus intérieurs, tout en restant aussi décevants. A l’aide de la mescaline, il poursuit la Connaissance par les gouffres (1961) et enchaîne avec un Misérable miracle en 1972. Le « dehors » est, en effet, à l’image du « dedans », et « l’espace du dedans », titre donné à une anthologie, se déploie comme celui du dehors. Du voyage en Equateur, en 1927, il dira qu’il « fera des pages, c’est tout », indice d’un échec flagrant. Pourquoi cette déception, ce dépit au cours des voyages ? Michaux espérait non une renommée, ni une richesse, ni un savoir, mais un changement d’état. En partant vers l’Orient, il espère partir vers le réel, il est en quête des conditions d’une énonciation efficace de la pensée, il veut parler une parole devenue magique parce qu’absolument vraie. Dans sa solitude, il va ainsi vers ce qu’il sent solitaire, dans l’espoir de se fondre dans le tout par la voie du particulier : « Faisant l’amour avec sa femme, l’Hindou pense à Dieu dont elle est une expression et une parcelle », note-t-il dans Un Barbare en Asie. Il est de ce fait très attentif aux impressions successives, évite les subordinations, les effets de perspective, il accumule les observations comme autant de grains de riz, avec un souci du détail qui prouve que son idée est que le particulier est le signe de tout.
Celui qui dit « Qui cache son fou meurt sans voix », à quoi Ponge répondra « Qui ne bâillonne son fou meurt en pitre », est donc celui qui veut éviter de mourir en silence, qui aspire à la parole comme à un souffle d’air, fut-il vicié. En voyageant, il va vers son fou. Dans le souci de la vérité, on est à soi son bourreau, et Michaux, par la cruauté et la violence de certains de ses textes sur l’autre, qui lui est intime, ne fait pas exception à cette règle.
Les déceptions éprouvées pendant les voyages réels, y compris en Asie, n’ont jamais, cependant, entamé sa passion pour la Chine, sa civilisation, sa culture écrite, ses idéogrammes, même s’il est incapable de voyager sans méfiance, sans soupçon, conscient que le rapport à l’autre, à la diversité ethnique, ne vont pas de soi, il garde toujours ses distances. Il se méfiait d’ailleurs par-dessus tout des mouvements de foule, des situations collectives et des influences qu’elles peuvent avoir, des illusions qu’elles peuvent faire naître. Il a ainsi expliqué à Michel Butor, lors de leur première rencontre, qu’il attendait toujours d’être seul pour réfléchir et se faire son propre jugement. Il redoutait toujours que son sentiment cesse de lui appartenir dans des attroupements ou des assemblées. Chez lui, tout procède d’une démarche solitaire, que ce soit la drogue, l’écriture, le dessin, voire la vie elle-même. Il se veut unique pour aller vers l’unique.
Il fait pourtant, de façon contradictoire, de chaque voyage une expérience initiatique, ou du moins il veut le faire. Il rêve d’un ailleurs où il apprendrait des secrets essentiels, il veut se « perfectionner » par le voyage, mais ne peut s’affranchir de cet instinct d’écart qui le rend doublement étranger aux secrets qu’il voudrait pénétrer. C’est sans doute pour cela qu’il a fini par renoncer au voyage réel pour se tourner vers le voyage imaginaire, avec succès cette fois. Son imagination lui permet de faire ces voyages initiatiques. Et ce rapport à l’autre devient un des motifs majeurs des voyages imaginaires. Il montre les différences. Il est d’ailleurs tout à fait conscient de la façon dont l’irréel se mêle au réel dans ses récits de voyage, comme il l’écrit dans la préface d’un Barbare en Asie, en 1967 : « Peut-être au fond de moi les observais-je comme des voyages imaginaires qui se seraient réalisés sans moi, œuvre d’ « autres ».
Henri Michaux ne pouvait trouver dans le monde ce qui ne saurait se concevoir qu’Ailleurs, non pas nulle part, mais au plus profond de soi, dans le plus sombre, loin du raisonnable, dans le fou. C’est la seule façon d’approcher le réel. Le salut ne viendra donc pas du voyage mais de l’œuvre. La narration des épreuves se fera exorcisme. Se tenant en marge de la tradition littéraire, à l’écart des préoccupations occidentales et lucratives, évitant tout usage inefficace du langage, il avait fait du voyage une occasion de découvertes d’autres figures virtuelles de lui-même. Puis il alla chercher son fou en lui, à l’aide de la drogue et de la souffrance.
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| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Dim 01 Fév 2009, 13:08 | |
| Suite... - Spoiler:
II- Drogue, animalité et souffrance comme instruments d’expérimentation.
Le véritable objet de la souffrance chez Michaux, comme le montre Michel Butor, est moral et psychique, comme le montre ce voyage à l’intérieur d’une pomme, dans Lointain Intérieur, en 1938 : « Je mets une pomme sur ma table. Puis je me mets dans cette pomme (…). Ça a l’air simple. Pourtant il y a vingt ans que j’essayais. (…) Mais en un mot je puis vous le dire. Souffrir est le mot. (…) Quand j’arrivai dans la pomme, j’étais glacé ». La thématique de la souffrance traverse toute son œuvre. Il en explore tous les degrés, comme à Poddema où le personnage central, dans un cadre constitué par la chambre et le lit, aux prises avec sa maladie, ne se sentant « pas très bien », qui fuit dans le sommeil sans se reposer.
La pleine santé semble être une insolence, une impolitesse inconcevable. Il y a là un aspect autobiographique, puisque Michaux était de santé fragile. Mais cette déficience de la santé montre aussi le manque, elle l’image. Michaux « a passé sa vie à sentir qu’il y avait des choses qui lui manquaient, à les désirer, mais aussi à tirer parti de cette sensation de lacune. C’est un autodidacte qui a cherché à surmonter ses manques mais qui a aussi très vite discerné l’intérêt qu’il y avait à ne pas avoir appris. Suivre cet itinéraire a quelque chose de passionnant », dit Butor. Il mène ainsi une quête spirituelle pour trouver la sagesse, le bonheur, et surtout un état d’équilibre, un répit ou la souffrance lui serait épargnée. En écorché vif, il considère le bonheur comme l’interruption du tourment, la fin d’un supplice, un simple moment d’accalmie. Il rejette l’euphorie. L’expérience de la drogue lui permettra, délibérément, d’approfondir cette intimité avec la douleur.
C’est à partir de 1954 et jusqu’au début des années 1960 que, depuis longtemps curieux de l’effet de diverses drogues, comme il le prouve dès 1935 avec « L’éther », dans La nuit remue, que Michaux va s’adonner systématiquement à l’usage de la mescaline, surtout, mais aussi du haschich, du LSD, puis de la psilocybine. Plusieurs amis, médecins et spécialiste, dont Paulhan, l’aident à contrôler plus ou moins ces expériences menées par un homme « plutôt du type buveur d’eau », par désir de survie, par soif de connaissance. Pendant dix ans, de Misérable Miracle aux Grandes épreuves de l’esprit, il aura consacré à cette recherche presque tous ses livres. En 1956, il écrit pourtant à Paulhan : « Quelle drogue prendre pour avoir l’écriture facile ? »
Comme le souligne l’artiste et écrivain Jean-Jacques Lebel dans son article « La danse neuronale », les œuvres mescaliniennes nous introduisent directement au cœur de l’infinie turbulence de la pensée. En 1946, dans En pensant au phénomène de peinture, Michaux prend d’ailleurs position pour le mouvement contre la fixité : « Au fond, c’est le cinéma que j’apprécie le plus dans la peinture. » Dans Vitesse et Tempo, texte sur la mescaline et le dessin, paru en 1947, il parle du cinéma en tant que langage de la pensée ou plutôt langage du temps réel de la pensée :
« Ou encore, en plus restreint, ce qui apparaît lorsque, le soir venu, repasse (en plus court et en sourdine) le film impressionné qui a subi le jour./ Dessin cinématique./ Je tenais au mien, certes. Mais combien j’aurais eu plaisir à un tracé fait par d’autres que moi, à le parcourir comme une merveilleuse ficelle à nœuds et à secrets, où j’aurais eu leur vie à lire et tenu en main leur discours».
Dans l’expérience hallucinatoire, ce qui structure le langage et son flux, le tempo, est sans cesse perdu, remplacé, retrouvé, perdu. Le dessin cinématique rend compte de ces brisements, là où le cinéma idéal fait défaut :
« Je devais apprendre moi-même l’horrible, trépidante expérience que c’est de changer de tempo, de le perdre subitement, d’en trouver un autre à la place, inconnu, terriblement vite, dont on ne sait que faire, rendant sans tout filer, qu’on ne peut suivre, qu’il faut suivre, où pensées, sentiments, tiennent à présent du projectile, où les images intérieures, aussi accentuées qu’accélérés, sont violentes, vrillantes, térébrantes, insupportables, objets d’une vision intérieure dont on ne peut plus se détacher, lumineuses comme la flamme du magnésium, agitées d’un mouvement de va-et-vient comme le chariot d’une machine-outil, infimes qui vibrent, tremblent et zigzaguent, prises dans un incessant mouvement brownien, images où les lignes droites saisies d’un emportement ascensionnel, sont naturellement verticales, lignes de cathédrale, qui n’ont pas de fin en hauteur mais continuent indéfiniment à monter, où les lignes brisées sont un séisme continuel de brisures, de morcellement, d’émiettement, de déchiquetage, où les lignes courbes sont des folies de boucles, d’enroulement, de volutes, de dentelles infiniment compliquées, où les objets semblent sertis de minuscules, éblouissantes rigoles de fonte bouillante, où les lignes parallèles et les objets plus qu’on y pense, brisent la tête de celui qui vainement veut se retrouver dans la pullulation générale », écrit-il dans Vitesse et Tempo, en 1957.
Chez lui, textes et dessins mescaliniens sont donc à la fois le résultat et la trace d’un flux d’évènements psychiques, à la fois déclencheur et théâtre d’opération de ce flux : « Je voulais dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps. Comme on se tâte le pouls » (id).
La préposition est de ce fait omniprésente, elle indique un mouvement, une recherche infinie, une déprise, une incomplétude, une indirection, une « intranquillité », un « incirconscrit », une fable du sujet, un lieu mien, un lieu autre : « vers la sérénité », « dans la nuit », « pour ma santé », « sur les tapis des paumes et leur sourire », « dans les brisements ». Michaux est contre le style de chez nous, empli d’artifices, où « la phrase la plus mobile n’est autre qu’un trucage des éléments de la pensée », (Un barbare en Asie). Il veut écrire sans style, ainsi qu’Artaud qui écrit: « le style me fait horreur ».
Dans cette quête de l’être intérieur, Henri Michaux exploite également les sciences, qui le passionnent. Ainsi que le montre Anne-Elisabeth Halpern dans « La chenille, la fille et la vanille », il s’agit de se connaître dans et par la connaissance du monde que les sciences mettent en ordre. Dans le laboratoire du poète-savant, nombre d’éléments sont scientifiques, de même que les méthodes de travail, mais tout cela est utilisé à des fins esthétiques, et à l’inspiration du poème naît des tubes à essais ou des encyclopédies. La science est souvent sa muse. C’est un travail d’insecte qui est ainsi effectué. Il voit les mots comme des insectes et cherche à le devenir lui-même. Il les fait combattre dans ses textes. Et plus tard, il cherchera à le devenir pour comprendre la vertu du signe à la recherche duquel il est parti, comme peintre autant que poète, afin de « saisir autrement et les être et les choses », comme il le note dans Saisir. C’est par eux qu’il comprend la valeur de son geste d’écrivain et de peintre. Le plaisir des sciences le conduit à une certaine définition de l’être. Il établit ainsi un lien entre les animaux et les humains. Etudier les uns, chercher à les comprendre permet d’étudier et de comprendre les autres. Par exemple, l’araignée à laquelle on administre un hallucinogène tisse une toile de folle : « Œuvre en ruine, ratée, humaine. Araignée si proche de toi maintenant. Nul sur la drogue n’a plus justement, plus directement exprimé le trouble des enchevêtrements » (Poteaux d’angle). Et c’est justement ce trouble des enchevêtrements que Michaux cherche désespérément à exprimer.
La référence de Michaux aux sciences de la vie est donc une voie pour élaborer un ordre personnel du vivant quand bien même la taxinomie est sujette, dans sa volonté de tout englober, à des fantaisies proprement poétiques où puise le poète. Sans animal et sans plante donc, pas d’élucidation de l’énigme universelle et donc pas d’élucidation de l’œuvre de Michaux…
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| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Dim 01 Fév 2009, 13:13 | |
| Et encore.... - Spoiler:
III. Ecrire et peindre : une même quête, celle de l’être intérieur.
Entre 1925 et 1926, Henri Michaux découvre la peinture avec Klee, Ernst, Chirico, et réalise ses premiers essais graphiques, à l’aquarelle et à l’encre de Chine. En1938, il monte une exposition de gouaches à la Galerie Pierre. Le carton d’invitation annonce : « UN POETE SE CHANGE EN PEINTRE ». Du 12 au 25 juin 1942, une autre exposition a lieu à la galerie de l’Abbaye. Un professeur à l’Ecole des Beaux-arts fait un scandale, hurlant que « c’est de la merde, c’est dégueulasse », au point que la police doit intervenir.
A partir de 1951, Michaux écrit de moins en moins et peint davantage. Même s’il ne cesse et ne cessera d’écrire, il traduit ainsi un mouvement. Michaux est venu à la peinture au dessin, de l’intérieur de l’écriture, en cherchant un autre médium pour se parcourir et projeter ses « fantômes intérieurs ». Cet intérêt viendrait surtout d’une méfiance envers l’écriture, une suspicion assez proche de la méfiance initiale ou du dégoût qu’il avait pour la représentation réaliste en peinture. Il a vite compris qu’il ne pourrait pas en renverser les signes. La Chine était pour lui un rêve idéographique. Dès les années 30, il passe de l’écriture au dessin et du dessin à l’écriture, et c’est l’une des questions qui l’ont conduit à approfondir son expérience de la drogue : « Ceci est une exploration. Par les mots, les signes, les dessins. La mescaline est explorée ».
Sous l’effet des grands dogmes monothéistes, l’Occident a établi une coupure radicale entre l’acte d’écrire et celui de dessiner en réservant l’idée de vrai au texte et en considérant l’image, plutôt païenne, comme source d’illusions et de mensonges. L’expérience de la drogue permet de lever un certain nombre d’interdits fondamentaux, dont celui-ci. Mais, avec ou sans drogue, la transgression de ce tabou reste pour lui un axe essentiel de sa création et de son éthique. Klee, qu’adorait Michaux, disait : « écrire et dessiner sont semblables en leur fond », et revendiquait le tracé maladroit de l’enfance pour explorer ce fond. Chez Michaux, la revendication est du même ordre. Il appelle à un monde réconcilié qui parlerait la même langue : « Enfant, je ne comprenais pas les autres. Et ils ne me comprenaient pas. (…) Depuis ça s’est amélioré. Néanmoins l’impression qu’on ne se comprend pas réellement n’a pas disparu. Ah ! s’il y avait une langue universelle avec laquelle on se comprît un peu, non pas avec réserve. Le désir, l’appel et le mirage d’une vraie langue directe subsistent en moi malgré tout. »
L’art de Michaux, même quand il est peint, est ainsi un art de l’Ecrit, comme il le déclare : « Je peins comme j’écris ». D’où cette fascination pour l’encre qui symbolise à elle seule le point de rencontre entre écriture et peinture. D’où également cet intérêt constant pour la calligraphie chinoise où un caractère est à lui seul poème et dessin. Le peintre chinois Zao Wou-Ki, qui connaissait Michaux, déclare d’ailleurs : « J’admirais beaucoup, de mon côté, le graphisme de Michaux, la liberté de son trait, l’originalité de ses idéogrammes occidentaux, coupés de toute signification sémantique. Son art est lié à une certaine façon d’écrire, à l’invention d’un vocabulaire de signes qui n’appartiennent qu’à lui ».
A ce sujet, Dong Qiang, calligraphe et écrivain, dans l’article « La perspective du dedans », rappelle le lien entre Matta et Michaux. Matta, peintre dont les tableaux ont inspiré à Michaux méditations et poèmes, évoque dans un entretien une « perspective du dedans » chez Michaux : « Le dedans voit en même temps la neige qui fond du Massif central, tous les nuages qui s’évaporent, tout le parcours de la Loire et ses embouchures dans l’Atlantique. Tant que le dehors ne voit que la Loire sous le château ! ». C’est donc une perspective de l’ensemble où les choses se présentent simultanément, exigeant un œil mouvant, mobile, pour ainsi dire multiple, que recherche Michaux. Le rêve est pour lui un moyen d’atteindre cela, avec la mescaline. Mais la rencontre de la calligraphie et de la peinture chinoises lui donne la possibilité d’une mise en pratique, et sa perspective du « dedans » rencontre celle dite « aux points dispersés » de la peinture chinoise, c’est-à-dire un principe de la distance, qui consiste à créer un espace où on se meut.
Cette perspective est due à une nécessité interne, au manque de nos capacités sensorielles limitées à la surface des choses. Michaux a ressenti la disette de la vue dès Qui je fus en prenant l’exemple d’une pomme comme nature morte. Pour aller au-delà de la surface des choses, il faut aller en elles, c’est la perspective du dedans. Et si c’était impossible, il faut au moins montrer cette pomme, côté derrière côté, pelure derrière pelure. Il s’agit de ce fait, pour lui, de violenter l’espace.
C’est donc le sujet qui, par sa mouvance, relie le proche et le lointain qui deviennent non pas une stratification d’un dehors, d’un espace géométrique, mais une représentation d’un dedans, d’un moi qui, par l’expérience fusionnelle avec la Terre-mère, projette au loin des paysages intérieurs, par des taches. C’est à ce niveau que les signes, et notamment les idéogrammes chinois, acquièrent la même valeur que la peinture. La perspective aux points dispersés est devenue celle aux taches dispersées. Grâce à cela, Michaux met le lointain à portée de la main. Il retrouve son arrière pays, il est à la fois dedans et dehors. La portée de l’expérience de peinture chez Michaux est de pouvoir « retrouver le monde » et l’objet perdu, par une « autre fenêtre ».
Jean Starobinski, dans « Le monde physionomiste », démontre que l’œuvre picturale et écrite de Michaux ouvre accès à la cosmographie complète de la perception du monde, dans laquelle il se trouve saisi et « éprouvé » immédiatement. C’en est d’une part la description, par l’usage de relevés topographiques, de récits de voyage, de relations sur les drogues, et d’autre part, il le laisse librement se déployer, produire ses créatures, engendrer sa postérité « pullulante », dans les poèmes et les œuvres peintes. Il lui confère une évidente qui fait que nous avons l’impression de le voir comme s’il était proche. Son matériau fondamental est l’énergie, il va de l’extrême faiblesse à l’extrême violence, va de la terreur à l’extase, joue sur les octaves de l’émotion archaïque.
On peut d’ailleurs remarquer dans les œuvres de Michaux, picturales ou non, la récurrence de figures vaguement humaines : « Quand je commence à étendre de la peinture sur la toile, il apparaît d’habitude une tête monstrueuse ». Michaux s’interroge lui-même sur le sens de ces figures : « Dessinez sens intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît toujours sur le papier des visages…Est-ce moi, tous ces visages ? Sont-ce d’autres ? De quels fonds venus ? ». Ces figures, comme les histoires du poète, rejettent toute interprétation, ne supposent rien d’autre que ce qu’elles montrent et trouvent complètement leur sens dans le désir qu’elles donnent à l’esprit de ne pas aller au-delà. Il est remarquable de prêter au mystère une sorte d’évidence, de faire du mystérieux non ce qui ne peut être vu mais ce qui est manifeste. La manière d’être du mystérieux, pour Michaux, c’est de s’imposer absolument en dehors de toute issue et de toute fin, d’être entièrement là sans qu’une explication quelconque puisse lui réserver un supplément d’existence : « Sur une grande route, il n’est pas rare de voir une vague, une vague toute seule, une vague à part de l’océan. Elle n’a aucune utilité, ne constitue pas un jeu. C’est un cas de spontanéité magique ». Cette magie, c’est son art même, attaché à ne pas laisser paraître pour insensé ce qui justement devrait être tenu pour dépourvu de sens.
Ceci est certes un motif privilégié, mais ces faces sont aussi l’apparition première venue, la rencontre inaugurale. Dès qu’il a y assez de matière étalée pour qu’elle puisse recevoir ou porter sens, les faces surgissent, ouvrent le cortège des apparitions, ébranlent, pour ne plus la laisser en repos, la question de l’identité, la leur propre, et celle du peintre. Il fait naître ces créatures à partir de la materia prima, comme le démiurge, il se projette et se reçoit en elles. Leur venue est précédée par un temps préliminaire, où l’énergie se dépense sous une autre forme. La main travaille « machinalement », sans savoir ce qu’elle va produire. En remontant ainsi la chaîne des moments et des causes, il faut accorder l’antécédence au geste d’étendre de la peinture, de dessiner, de griffonner, simple geste qui tente sa chance, qui se fie en lui-même, et qui produit ainsi l’humus ou l’humeur d’où sortent spontanément les visages. On rencontre par là même chez Michaux un agir-sentir à l’état pur. Le geste de dessiner est, comme rêver, une façon d’assouvir « un désir inapaisé de mouvements, d’intenses, excessifs mouvements ».
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| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Dim 01 Fév 2009, 13:13 | |
| ....et la fin !
Conclusion
Jérôme Roger, dans « La traversée des formes », écrit : « On ne naît pas barbare, on le devient, à force de savoir, et de refus. » Cette phrase correspond bien à l’œuvre de Michaux, violente, hachée, parcourue de signes, de mouvements et d’enchevêtrements multiples, parmi lesquels la famille, le corps, les autres, le monde le tirent en arrière de façon constante, et auxquels il cherche à s’arracher. Son œuvre picturale et poétique est une quête incessante de l’être intérieur, laquelle doit lui permettre de supporter la vie, de réussir à respirer, tout déchiré et faible qu’il puisse se sentir. Drogues, sciences et souffrances ne sont dans cette optique que des moyens froidement employés pour mieux créer, pour tenter de guérir. Ainsi, celui qui déclare que la volonté est la « mort de l’Art », celui dont toute la volonté est focalisée sur l’idée de ne plus exister en tant que corps pour faire vivre et respirer l’esprit, l’être intérieur, emploie sa volonté pour tuer toute volonté en lui au moment de la création, afin de laisser sortir l’informe, de faire naître les formes tâtonnantes, de faire surgir l’inconscient, le vrai, le mouvement libéré. Il s’observe vivre et penser, mué en corps expérimental. Cioran dira d’ailleurs, dans ses Cahiers, 1957-1972, ce qui constitue une définition de Michaux aussi singulière que juste : « Personne de moins insensé, de moins fou. Un halluciné dans un laboratoire. » | |
| | | Nymphéa pilier
Nombre de messages : 1480 Age : 70 Localisation : Nord Date d'inscription : 28/12/2008
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 07 Fév 2009, 17:50 | |
| C'est passionnant et tellement bien documenté! Bravo Cependant découvrant ce poète que je ne connaissais que de nom, je ne sais comment l'aborder. Quel ouvrage choisir? (En librairie, il me faut commander; je regarderai à la médiathèque; mais je suis déboussolée). Un petit conseil, une piste, SVP. | |
| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 07 Fév 2009, 18:01 | |
| Pour savoir où commencer, j'ai envie de te dire la même chose qu'à Rotko. Soit tu optes pour L'espace du dedans chez Gallimard, pour voir un peu de tout, soit tu choisis un ouvrage en particulier. A partir de là, à toi de voir si tu préfères un récit de voyage (réel ou imaginaire), une de ses expériences sur la drogue, des écrits plus absurdes, etc. Je te conseille de choisir selon tes goûts. D'autant plus que je serais incapable de privilégier vraiment un écrit à un autre, à ceci près que je suis plus sensible à sa poésie... | |
| | | Firenze pilier
Nombre de messages : 346 Date d'inscription : 19/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 07 Fév 2009, 20:17 | |
| Je viens enfin de le lire, merci de nous l'avoir fait partager, c'est vraiment très bien fourni et intéressant, et puis c'est toujours un plaisir de lire un texte où l'on sent que celui qui le rédige aime vraiment son sujet ! L'image de l'araignée dans Poteaux d'angle a conclu ma prochaine lecture de ses œuvres... | |
| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 07 Fév 2009, 20:24 | |
| Merci à vous. Curieusement, on m'a dit à plusieurs reprises dans mes mémoires/dossiers que la passion que j'avais pour le thème se ressentait, lorsque c'était bien le cas. Mais pour des travaux de ce type, j'ai du mal à capter comment je peux exprimer ce que je ressens sans chercher à l'évoquer. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Henri Michaux Dim 08 Fév 2009, 04:36 | |
| - Firenze a écrit:
L'image de l'araignée dans Poteaux d'angle ... Sapristi ! je ne l'ai point vue ! En revanche, j'ai apprécié le rêve qu'il fait en deux épisodes et qu'il analyse ensuite, rare confidence sur son enfance, et ses rapports avec sa mère. A frémir ! | |
| | | Nymphéa pilier
Nombre de messages : 1480 Age : 70 Localisation : Nord Date d'inscription : 28/12/2008
| Sujet: Re: Henri Michaux Ven 06 Mar 2009, 21:02 | |
| L’espace du dedans Recueil qui regroupe des « Pages choisies » dans diverses oeuvres de Henri Michaux. Je me garderai d’ajouter un quelconque commentaire au brillant exposé de Lîlâ. Je la remercie vivement car sans ses précisions et commentaires, je crois que je serais passée à côté de nombreux poèmes sans vraiment les apprécier, ce que j’ai néanmoins fait sans doute un peu ou beaucoup pour certains… Je recopie un poème qui ne figure pas encore sur le fil et que j’ai aimé :
JE SUIS GONG Dans le chant de ma colère il y a un œuf, Et dans cet œuf il y a ma mère, mon père et mes enfants, Et dans ce tout il y a joie et tristesse mêlées et vie. Grosses tempêtes qui m’avez secouru, Beau soleil qui m’as contrecarré, Il y a haine en moi, forte et de date ancienne, Et pour la beauté on verra plus tard. Je ne suis en effet devenu dur que par lamelles ; Si l’on savait comme je suis resté moelleux au fond. Je suis gong et ouate et chant neigeux, Je le dis et j’en suis sûr.
Et cet autre sur une lithographie de Zao-Wou-Ki :
Des arbres affairés cherchent Leurs branches qui s’arrachent Qui éclatent Et tombent Des arbres affolés Traqués Des arbres comme des systèmes nerveux ensanglantés
Mais pas d’êtres humains dans ce drame.
L’homme modeste ne dit pas « Je suis malheureux » L’homme modeste ne dit pas « Nous souffrons Les nôtres meurent Le peuple est sans abri » Il dit : « Nos arbres souffrent. »
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Henri Michaux Sam 13 Fév 2010, 17:46 | |
| Qu’il repose en révolte
Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire dans ce qui souffre, dans ce qui suinte dans ce qui cherche et ne trouve pas dans le chaland de débarquement qui crève sur la grève dans le départ sifflant de la balle traceuse dans l’île de soufre sera sa mémoire.
Dans celui qui a sa fièvre en soi, à qui n’importent les murs dans celui qui s’élance et n’a de tête que contre les murs dans le larron non repentant dans le faible à jamais récalcitrant dans le porche éventré sera sa mémoire
Dans la route qui obsède dans le cœur qui cherche sa plage dans l’amant que son corps fuit dans le voyageur que l’espace ronge.
Dans le tunnel dans le tourment tournant sur lui-même dans celui qui ose froisser les cimetières
Dans l’orbite enflammé des astres qui se heurtent en éclatant dans le vaisseau fantôme, dans la fiancée flétrie dans la chanson crépusculaire sera sa mémoire.
Dans la présence de la mer dans la distance du juge dans la cécité dans la tasse à poison.
Dans le capitaine des sept mers dans l’âme de celui qui lave la dague dans l’orgue en roseau qui pleure pour tout un peuple dans le jour du crachat sur l’offrande.
Dans le fruit de l’hiver dans le poumon des batailles qui reprennent dans le fou de la chaloupe.
Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvis sera sa mémoire.
(La Vie dans les plis) | |
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