Mario Soldati [Italie]

Mario Soldati, le père des orphelins, Le cabinet de lettres

Le narrateur se voit proposer la direction de la Scala de Milan, vu la défection de Pellizari, un ami de longue date, qui se serait soudainement converti à la philanthropie alors qu’il passait, jusqu’ici, pour un homme égoïste et jouisseur.

Très intrigué, il rend alors visite à Pellizari :

Citation :

Une bonne sœur vint m’ouvrir la grille. Pellizari avait cédé sa villa aux religieuses de la mère Cabrini en leur confiant la gestion de l’orphelinat et en se réservant, pour le reste de ses jours, une chambre çà coucher avec une salle de bains au second étage, ainsi que deux pièces contiguës, l’une pour son travail et l’autre pour les réceptions au rez-de-chaussée.

Les religieuses dirigeaient l’établissement sous sa conduite, qu’elles paraissaient accepter et suivre de fort bon gré : elles instruisaient les enfants, s’occupaient de tout ce qui les concernait,lessive ménage et cuisine compris. Pellizari contrôlait tout et prononçait un jugement sans appel dans l’acceptation des demandes. Il choisissait les enfants un par un, parmi les orphelins de guerre, les fils de prisonniers disparus, de déportés qui avaient péri dans les camps de concentration, de civils qui avaient été bombardés.

le père des orphelins

Soldati montre alors une conversation-confrontation entre les deux hommes, chacun soupçonnant l’autre d’être soit un fouineur sceptique, soit un tartufe accompli. C’est un indice minuscule, une paire de boutons de manchettes, qui permettra de sortir la vérité du puits.

Il faut alors saluer la virtuosité de Soldati qui embraie sur une histoire arrivée au narrateur, le transforme en enquêteur résolu, ce qui permet de lire un récit bien mené qui vient rejoindre la première histoire à son point de départ : la conversion de Pellizari.

C’est vraiment un grand plaisir de lire une nouvelle aussi bien ficelée (moins de 100 pages) où l’écrivain fait confiance au lecteur pour le suivre, sans l’accabler de détails, et se faire comprendre à demi-mots.

Un vrai morceau d’anthologie : le récit de la conversion de Pellizari, volet premier d’un diptyque !

les réactions du narrateur :

Citation :

Rien ne me semblait vrai. Je ne me sentais pas plus vrai moi-même Pas de doute : Pellizari avait été sincère, cette fois, très sincère. Et pourtant… et pourtant tout ce qu’il m’avait raconté ou, peut-être, la façon dont il l’avait raconté, tout cela me paraissait trop beau, trop bien construit, on aurait dit le chapitre d’un roman, mais pas la vraie vie,pas les vraies pensées. Pourquoi ? Je balayais la pièce du regard et reniflais de nouveaux cette odeur de couvent américain, j’éprouvais une fois encore le désir d ee lever, de sortir dans l’air de la nuit, de partir.

le deuxième volet, vous le lirez, c'est un beau dessert !