Philippe Claudel

bonjour Leutchi, j'ai entendu parler de toi par Nestor

j'avais commencé le rapport Brodeck, j'ai lu seulement le début car je devais partir le lendemain.

j'ai dit du mal de deux de ses livres, tu verras pourquoi ici (1), et du bien des âmes tristes.

(1) bien que minoritaire sur le forum, mais ça ne me dérange pas

maintenant vous serez au moins deux

marie chevalier a écrit:

maintenant vous serez au moins deux

Attention, nous ne parlons pas des mêmes oeuvres, et ce n'est peut-être pas pour les mêmes motifs.

j'avais bien compris

Rotko, tu as parlé de ce livre je crois, je viens de le terminer
le bruit des trousseaux

93 pages de témoignages d’un prof de littérature exerçant quelques heures par semaine dans une maison d’arrêt.
Pas de sensiblerie, que des impressions, du vécu, du ressenti, des explications et surtout des exemples très divers et nombreux : gardiens, détenus, assistants sociaux…
Quelques lignes pour chaque histoire, des phrases courtes comme souvent chez P. Claudel.

Citation en fin de livre :

…Voilà, je crois que je vous ai tout dit. Tout de ce que je savais, de ce que j’ai retenu…

… Il me manque quelque chose d’essentiel pour parler de la prison, c’est d’y avoir passé une nuit…

… Phrase que j’ai prononcée des milliers de fois devant l’interphone : « Claudel, professeur » Phrase que désormais je ne prononcerai plus jamais …

P. Claudel ne porte aucun jugement, il parle, il raconte ce qu’il a vu, entendu…

J’ai apprécié.

Le rapport de Brodeck
J’avais été conquise par « Les âmes grises » ; et j’avais beaucoup apprécié « La petite fille de Monsieur Linh » dont la révélation finale conférait toute l’intensité de cette subtile narration.
Je suis moins enthousiaste avec cet ouvrage. Si le récit qui emboîte diverses histoires qui forment comme un puzzle, nous tient en haleine, ce procédé est aussi devenu commun et manque d’originalité. Cependant Philippe Claudel nous rend compte aussi ainsi des différents éléments qui peuvent conduire les hommes aux actes les plus barbares et nous démontre que notre part d’humanité est bien fragile ; nul n’est à l’abri d’une défaillance un jour, si ce n’est du pire. Un roman sombre qui se veut un devoir de mémoire.
Mais je trouve que l’abord reste somme toute manichéen et que certains poncifs réapparaissent, que le style aligne un certain nombre de clichés. Pas de surprise, rien que du déjà vu, si ce n’est traité par une histoire différente ; mais qui aurait peut-être gagné à être plus ramassée, moins délayée.
Le livre est intéressant et a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens. Mais pour moi il me semble manquer d’un peu du souffle et de la substance qui font les grands romans.

Moi, c'est le livre de Claudel (et je suis fan!) qui m'a le plus subjuguée, à cause de la construction et du souffle de la narration justement.

j'avais emprunté le rapport Brodeck, lu le debut, et j'avais dû le rendre à la bibliothèque pour cause de départ.

J'avais eu l'impression de retrouver les âmes grises, et je n'ai pas repris le livre. Autrement dit, je me retrouve bien dans certaines remarques de Nymphéa.

Nymphéa a écrit:

Si le récit qui emboîte diverses histoires qui forment comme un puzzle, nous tient en haleine, ce procédé est aussi devenu commun et manque d’originalité.[...]certains poncifs réapparaissent, le style aligne un certain nombre de clichés. Pas de surprise, rien que du déjà vu,

Avec ce joli titre "parlez moi d'amour " la pièce est bien sûr
fascinante.

Solweig a écrit:

Ca me fait songer aussi qu'une collègue à la retraite qui a eu Philippe Claudel comme élève m'a dit qu'il ne se prenait pas pour la queue de la mirabelle (pour utiliser une image locale).

Les échos que j'ai eus du côté de ses voisins dans la petite ville au Sud de Nancy où il vit sont similaires.
Monsieur Claudel écrit bien, mais est aussi fort suffisant et imbu de lui-même. Dommage

Citation :

Il ne se prend peut-être pas pour une queue de mirabelle,

mais ils sont nombreux dans ce genre, certes, mais peu écrivent avec autant d'intensité.

Le paquet
Philippe Claudel
Petite pièce de théâtre a une seule voix.
Monologue dur, âpre, émouvant, triste et aussi plein de colère parfois.

Extrait de la quatrième de couverture explique :


… Un homme tire un énorme paquet auquel il semble tenir plus que tout.
Que renferme-t-il ? …
…Lorsque le monde s’effondre, la question n’est pas de savoir ce que l’on sauve, mais ce dont on peut se débarasser…

Tout est dit dans ces quelques lignes et lorsque l’on a fini la lecture, il reste un goût amer. Mais c’est toujours ainsi avec Philippe Claudel. J’ai beaucoup aimé .

Bizarre, moi je n'ai pas du tout aimé. Je me dis qu'il aurait fallu voir le spectacle, avec Gérard Jugniot dans le rôle...

Amarande a écrit:

Bizarre, moi je n'ai pas du tout aimé. Je me dis qu'il aurait fallu voir le spectacle, avec Gérard Jugniot dans le rôle...

Tu n'as pas tort, il est vrai que je voyais Jugnot , je l'entendais et c'est ce qui a apporté à ma lecture.

J'étais son public. Peut-être est-ce justement les talents de Claudel et ..de Jugnot réunis qui m'ont fait vraiment aimer ce texte

Dans l'ordre, j'ai lu Les âmes grises, La petite fille de M. Linh et Le rapport de Brodeck. Les trois m'ont plu, avec une préférence pour le premier. Je suis très sensible à l'écriture de Philippe Claudel que je trouve raffinée tout en restant simple, très personnelle aussi (on reconnaît sa patte ou sa plume !) mais sachant s'adapter au sujet ou/et aux personnages, avec, par exemple, pour La petite fille de M. Linh, des allures de conte alliées à une grande sobriété.
Mes lectures ne sont pas récentes mais c'est finalement ce qu'il m'en reste de plus marquant.

Depuis Meuse l'oubli, son premier roman, que j'ai beaucoup aimé, je lis systématiquement tout de lui.

J'ai trouvé que les âmes grises était trop long, Monsieur Linh j'avais compris trop tôt, ...

Mes préférés restent Meuse l'oubli, Quelques uns des cent regrets, Au revoir Monsieur Friand, Le Rapport Brodeck,

Rotko, je sais que tu n'as pas aimé l'histoire des hyènes, (J'attendais, je crois, mes exemplaires sont en Bretagne et j'ai la flemme d'aller chercher sur le net les titres exacts) tu devrais pourtant approfondir cet auteur, qui en vaut la peine, Le Bruit des trousseaux... je ne peux pas imaginer qu'il ne trouve pas grâce à tes yeux.

Moi aussi j'ai aimé les âmes grises qui est mon "chouchou" mais j'aime tout Claudel en fait. C'est tellement varié tout en reconnaissant sa plume.
La petite fille... quelques- uns des cent regrets, le rapport ...
mais je ne connais pas Meuse l'oubli ni au revoir Mr Friand. ??
Lacunes à combler dès ma prochaine commande
bonne journée à vous

Au revoir Monsieur Friand est désormais indisponible et ne sera pas réédité. Si tu veux, je te le prête, mais j'y tiens énormément, il est dédicacé par l'auteur...

Alors non . Je sais trop le déchirement si ce genre de trésor est détérioré. Ce qui, hélas, peut arriver!
Merci à toi je vais bien trouver cela d'occasion quelque part !
je farfouillerai sur le net !

Amarande a écrit:

Le Bruit des trousseaux... je ne peux pas imaginer qu'il ne trouve pas grâce à tes yeux.

darabesque a écrit:

moi je suis une inconditionnelle de Claudel Philippe

J'ai donc lu le bruit des trousseaux sans beaucoup de plaisir, et le livre de photos sur les "hurleurs" (comprenez les parents qui demandent des nouvelles ou en donnent, avec une voix qui passe par-dessus les murs de l'enceinte) m'a plus ému que le récit de Claudel. Quel est en effet son regard ? mes impressions sont lointaines mais je n'ai pas aimé son point de vue, plus centré sur lui-même que sur autrui.

Est-ce bien lui qui est à plaindre ? Dans l'exposition dont je parle (la photographie impossible des prisons) j'ai apprécié la metaphore des "mauvaises herbes".
Il ne faut pas être angélique, il y a des mauvaises herbes morales en prison, mais que deviendrions-nous si nous y séjournions ? je ne me fais pas d'illusion sur mon "évolution".

Or en quittant le récit de Claudel, j'ai conservé l'image de gens méchants, on ne pouvait que les laisser tomber, vu les menaces que le narrateur avait subies. C'est sans doute vrai, et le préjugé ambiant contre les "malfaisants" en sort renforcé.

je lis trop et ne me souviens pas toujours exactement ce que j'ai mis sur mes lectures et là sur ce fil je viens d'aller voir ce que j'avais écrit sur "le bruit des trousseaux" et bien entendu je n'ai pas eu le même ressenti que toi, mais moi je ne partais pas avec un handicap.

Tu as sans doute raison, car je me défie maintenant de philippe Claudel alors que je lui étais très favorable après les âmes grises.

OUi ça arrive parfois avec des auteurs. Je n'ai pas de nom en tête mais ça m'est arrivé.

rotko a écrit:

Tu as sans doute raison, car je me défie maintenant de philippe Claudel alors que je lui étais très favorable après les âmes grises.

Meuse l'oubli et Quelques uns des cent regrets, et le Rapport Brodeck, impossible de se tromper !

Meuse l'oubli

Magnifique roman d'amour, de désespoir puis de survie face à la mort d'un être cher.

Au début, il ne peut accepter, tout lui revient en mémoire et se mélange un peu avec ses souvenirs d'enfance qui n'en fut pas vraiment une, puis doucement il s'adapte ...

Paule est dans ses rêves, dans son quotidien, dans son coeur, dans sa chair. Toute la douleur y est décrite avec pudeur et dans un décor qui correspond superbement bien au thème.
Ca ne se passe pas au bord de la Méditerranée, mais près de la Meuse.

J'ai été conquise et troublée par ce magnifique hommage rendu à l'amour…. et conquise une fois de plus par Claudel.

Quelques -uns des cent regrets

Citation :

" Elle portait des cheveux un peu plus longs que par le passé. Sa blondeur s'était mêlée d'argent. Son visage gardait la beauté simple qui en était la marque. A peine les rides l'avaient-elles tissé d'un mince réseau de blessures. Le temps s'était déposé en elle, avec sa fatigue et son poids, comme une poussière. Etaient-ce les années vécues sans la voir qui me faisaient la croire plus jeune qu'elle n'était en vérité ? " A la mort de sa mère, le narrateur revient sur les lieux de son enfance, dans une petite ville du Nord inondée par la crue d'une rivière. Durant les trois jours qu'il passera là surgissent les figures disparues, celle de la mère bien sûr, jadis aimée plus que tout, et celle plus inquiétante du père absent dont la légende dit qu'il est mort dans une guerre lointaine. Roman poignant où, par petites touches, Philippe Claudel explore l'amour filial avec une extrême délicatesse et une surprenante réserve.

Il y a comme une nostalgie apaisante dans ce court roman, d’une pudeur et d’une délicatesse visibles à chaque page. Cela fait tant de bien que de lire des mots aussi doux qu’une caresse……
Par un jour de crue, le narrateur arrive dans une ville du nord, dont on ne connaît rien, pour enterrer sa mère qu’il n’a pas vue depuis 16 ans. Le narrateur ne dit rien de précis sur ce lieu, mais un ou deux indices ne laisseront pas indifférents : la pâtisserie du « merle blanc » si connu des gourmands Nancéens (toute ma jeunesse que ce merle blanc) où le petit garçon mangeait du St Epvre…..douceur bien connue à Nancy. Quelle part d’autobiographie comporte de roman ? Philippe Claudel est Nancéen……
Comme un peintre, notre narrateur, du bout de son pinceau, se laisse aller à ses souvenirs, à ses regrets. De cette mère qu’il a peu connu, qu’il a quittée seize ans auparavant, il va se souvenir avec une infinie tendresse, alors qu’il s’apprête à faire avec elle son dernier voyage. Il était arrivé chargé d’un mystère, qu’il choisira, finalement de ne pas lever, sans regrets.

Un ode à la mère, à toutes les mères ; celles qui sont encore là que l’on chérie, et celles qui ne le sont plus, mais dont on garde à jamais au fond de soi mille et un souvenirs, quelques regrets, un visage qui avec le temps s’estompe, mais ne s’efface jamais.

Merci Monsieur Claudel de cet oasis de douceur teintée de mélancolie mais sans la tristesse .

« Des poux, on en a plein, une mère, on en a qu’une ! »