Y-a-t-il une écriture féminine ?

Marie kiss la joue a écrit:

Des lectures féminines ? Je ne suis pas sûre...De toute façon, s'il n'y a pas d'écritures typiquement féminines, il ne peut pas davantage y avoir de lectures féminines, si ? Je ne vois pas tellement en quoi elles consisteraient

quel besoin alors de créer une presse feminine qui a autant de succès ?

La notion d’«écriture féminine» apparaît vers 1975, quand Hélène Cixous publie La jeune née en collaboration avec Catherine Clément, suivi, dans la même année, de l’essai «Le rire de la méduse» dans un numéro de L’Arc, consacré à Simone de Beauvoir.

En 1977, Cixous publie La venue à l’écriture ; dans la même année des revues comme Sorcières ou Revue des Sciences humaines consacrent des numéros spécifiques à cette question : existe-t-il une écriture féminine ?

un article avec des références.

Parlons-nous de la meme chose, Rotko?

Maya a écrit:

Citation :

La notion de nature dans les théories de l’«écriture féminine»1

Merete STISTRUP JENSEN

L´article propose une réflexion critique autour de différentes théories sur l'« écriture féminine », leur évolution depuis 1975, et la place qu´occupe la notion de nature dans ces discours.

ici

Hélène Cixous en compagnie des deux bulgares intellectuels parisiens Julia Kristeva et Tsvetan Todorov, a traite le probleme de l'ecriture feminine.

Sans doute Maya, si on retrouve les mêmes personnes.

Je n'ai pas étudié la question, toutes tes indications sont les bienvenues

Il me semble que cela revient à poser la question du féminisme "différentialiste" dont parle, je crois, Gisèle Halimi. Uen femme qui pour moi, ne développait pas du tout une "écriture féminine" : Carson Mc Cullers.

On n'en est pas à un feminisme différentialiste avec Geneviève Brisac dont je reprends ici l'argumentation :

Force est de constater que les femmes, à part nos dames illustres du XVe et siècles suivants, qui tenaient un rôle social éminent, avec des salons ou cercles équivalents, ont souvent dû cacher derrière des pseudonymes masculins leur activité de plume, Marguerite Yourcenar, Aurore du Devant, Karen Blixen et bien d’autres.

Pourquoi ? Mais parce qu’on leur applique des analyses à connotation de « genre ».

Si on regarde les appréciations de Nabokov sur Jane Austen, on voit des appréciations un peu condescendantes qui parlent dans son style de « la marche du cavalier », de la « fossette d’ironie », du « ton épigrammatique », notations qui ne seraient jamais employées pour un auteur masculin.

Les femmes écrivains se sentent donc sur la défensive, et

- loin de rentrer dans les romans héroïques, « la littérature de feux de camps », les récits de pirates ou d’aventuriers comme chez RL Stevenson,

- elles décriraient en l’éclairant la banalité du monde qu’elle connaissent : ainsi Jane Austen choisit de décrire la vie de tous les jours, les pique-niques derrière le manoir, la vie dans les escaliers d’une maison de campagne. Il faudrait relire ce que dit Virginia Woolf sur Jane Austen avec la préface d’orgueil et préjugés.

Là elles se sentent chez elles et ne craignent pas les rabrouements de leurs collègues masculins.

D’après Geneviève Brisac, la marche du cavalier, chez l’olivier.

voir aussi le fil brisac qui cite ses auteurs-femmes favoris, dont jean Rhys, si chère au coeur de Moon.

Geneviève Brisac, petites citations pour une écriture féminine

Citation :

Il faut inventer un instrument capable d’orienter le lecteur vers ce recoin de perplexité, où rien n’est majestueux ni symbolique, mais où tout est important, les soupirs, les rhumes, les bains de mer, comme l’écrit Lidia Jorge un écrivain portugais.

Les livres de femmes devraient être plus courts, plus concis, plus concentrés, d e manière à ne pas demander de longues heures de travail ininterrompu, car il y aura des interruptions.

Idem pour les hommes...

Notre temporalité est cent fois plus décousue et hachée que celle de nos grands parents.

Oui désolé je n'avais pas lu toutes tes interventions .

Ceci dit, je ne suis pas sûr de tout comprendre. S'agit-il pour Brisac de cantonner les auteures à certains thèmes ou certaines approches ? Ne serait-ce pas conforter les préjugés d'un Nabokov ? Et reconduire la fameuse et fâcheuse dichotomie femme-sphère privée/homme-sphère publique ? Et est-il encore vrai que les femmes doivent se cacher derrière des pseudos ? Et je ne crois pas que la nécessité d'écrire des textes plus courts, plus hachés (comme on le voit sur le Web) soit plus pressante pour les femmes. Certains, comme Philippe Delerm, s'y conforment, d'autres résistent à cette tendance à leur manière (même si cette résistance est peut-être illusoire). Enfin, le fait de se focaliser sur le banal et le refus d'aborder des problèmes sociaux à échelle macro tient à de multiples facteurs et les auteurs français n'ont pas attendu les recommandations de Brisac pour s'y plier. Beaucoup de spécialistes font remarquer qu'il s'agit là d'une réalité essentiellement française, qui s'explique probablement apr l'influence du Nouveau Roman et de l'école Minuit. Les auteurs américains n'ont pas ces pudeurs et n'hésitent pas à publier des fresques sociales d'envergure.

Par ailleurs, le mot écrivain semble avoir été inventé pour exclure les femmes de cette activité. Ecrivaine sonne terriblement mal. Et écrire "écrivains hommes" ressemble à un pléonasme, tandis que "femmes écrivain" ou "écrivains femmes" sont des locutions couramment employées il me semble.

marxou a écrit:

Et est-il encore vrai que les femmes doivent se cacher derrière des pseudos ?

Par ailleurs, le mot écrivain semble avoir été inventé pour exclure les femmes de cette activité. Ecrivaine sonne terriblement mal.

? moi je trouve que ça sonne très bien, écrivaine; je l'utilise volontiers


pour ce qui est des pseudos, je sais pas si beaucoup d'écrivaines y ont recours - mais elles doivent être parfois tentées, étant donné que (comme souligné dans plusieurs messages ci-dessus) elles ne sont pas évaluées et critiquées de la même manière que les écrivains, et des fois ça doit leur foutre bien les boules...


y a des enquêtes sociologiques qui montrent que les femmes n'ont pas les mêmes pratiques de lecture que les hommes (cf. par exemple mauger/poliak/pudal, "histoires de lecteurs" ; cf. aussi le rapport d'enquête décennale sur les pratiques culturelles des français, qui vient juste de sortir sour l'égide du ministère de la culture)

rotko a écrit:

un article avec des références.

merci beaucoup rotko pour ce lien, l'articile a l'air carrément tip top

(qui c'est qui se charge de le lire et de nous le présenter un chouïa ?? - )

Je vais lire tout le post, ensuite je verrai ce que j'ai à dire

je crois que c'est une piste interessante à creuser, et si j'étais au départ sceptique, je trouve les remarques de Geneviève Brisac (La marche du cavalier) assez convaincantes pour les exemples qu'elle donne d'auteurs qui sont sur GDS* et que j'aime beaucoup :

Virginia Woolf, Grâce Paley, Rosetta Loy, Jean Rhys, Karen Blixen,

On devine aussi que ces pages pourraient concerner d'autres auteurs femmes comme Dorothy Parker et carson McCullers

Le lectorat, même s'il évolue, est toujours porté sur les préjugés comme souligné sur un blog :

Citation :

Un Carver sera toujours plus célébré qu’une Dorothy Parker, une Grace Paley ou même une Curson Mc Cullers… Un Sartre plus respecté qu’une Beauvoir qui reste le petit castor que l’on montre fesses nues devant son lavabo (cf : couv’ Nouvel Obs). Un Camus plus admiré qu’une Colette. Un Thomas Bernardt plus valorisé qu’une Elfriede Jelinek toute prix Nobel qu’elle soit. Un Henry Miller plus vénéré qu’une Anaïs Nin « bien loin de lui arriver à la pine »

C'est aussi l'occasion de découvrir deux auteurs, apparemment méconnues :

- Flannery O'Connor

Flannery O'Connor (1925-1964) est considérée comme le plus grand écrivain du Sud depuis Faulkner. Son œuvre brève et intense - cinq ouvrages de fiction, un recueil d'essais et un volume de correspondance - est pourtant méconnue en France.

En mêlant sa propre voix à celle de Flannery O'Connor, Geneviève Brisac nous rend infiniment proche cette femme qui consacra sa vie à scruter le mystère de la Grâce et la folie des mœurs, sans jamais perdre son sens de l'humour.

Les Braves Gens ne courent pas les rues
Un heureux événement : Suivi de La Personne Déplacée sont chez Folio.

- Sylvia Townsend Warner

Musicienne et écrivain, Sylvia Townsend Warner (1893-1978) est, entre autres, l'auteur d'une dizaine de volumes de nouvelles, de quatre volumes de poésie et de sept romans. Ses premiers poèmes furent admirés par Yeats et certains la comparèrent à Thomas Hardy ; elle-même fut influencée par T F Powys et par David Garnett.

Laura Willowes, (Editions Joëlle Losfeld), son premier roman publié en 1926, possède un pouvoir quasi magique de transformer le monde.

on pourrait ajouter christa Wolf, l'auteur d'une Médée chez Stock, et de trame d'enfance chez Folio.

Alice Munro

Alice Munro est née en 1931 au Canada. Lauréate de nombreux prix littéraires, unanimement admirée (notamment par Joyce Carol Oates, Jonathan Franzen, Cynthia Ozick), elle est considérée comme l'un des plus grands écrivains anglo-saxons de notre époque.



Fugitives existe aussi en points seuil.

Citation :

Elles partent. Fuguent. S'enfuient. S'en vont voir ailleurs. Elles : des femmes comme les autres. Par usure ou par hasard, un beau matin, elles quittent le domicile familial (ou conjugal), sans se retourner. En huit nouvelles, Alice Munro met en scène ces vies bouleversées. Avec légèreté, avec férocité, elle traque les marques laissées sur les visages par le temps, les occasions perdues, les petits arrangements que l'on croyait provisoires.

Citation :

Le Centre d'études féminines, aujourd'hui « Centre d'études féminines et d'études de genre », a été fondé à Paris VIII (Vincennes) en 1974 par Hélène Cixous.

Contemporain des tout premiers programmes universitaires consacrés à l'étude des questions féminines ou féministes (Women's Studies), qui virent le jour aux États-Unis au début des années mille neuf cent soixante-dix, il reste à ce jour en France l'un des rares centres de recherche universitaire habilité à délivrer des diplômes dans ce domaine de recherches.

Le Centre d'études féminines et d'études de genre est une « composante spécifique » de l'université, rattachée à l'UFR « Histoire, Littératures, Sociologie, Genre

http://www.univ-paris8.fr/ef/

Je pense qu'il existe bien une ériture féminine. Jane Austen, les soeurs Brontë, Charlotte Lenox, ou Anne Radcliffe, par exemple, ont développé un style et des thèmes très féminins. Il me semble même qu'Austen aborde la question dans les premiers chapitres de Northanger Abbey où l'on peut trouver de longs passages à caractère auto-réflexif, si mes souvenris sont bons ou si je ne confonds pas.

Je constate aussi que les auteurs de sexe féminin ont davantage tendance à utiliser pour personne principal une femme. Nous avons Jane Eyre, La princesse de Clèves..;etc, la liste est longue.

Avec les hommes, cela me semble plus équilibré.

J'ai un peti faible pour le style littéraire de Marguerite Duras notamment pour "Barrage contre le Pacifique et l'Amant".

Il y a également une autre raison qui m'incite à me rapprocher de son écriture. Son enfance dans l'Indochine française en opposition à ce que je n'ai jamais vécu moi-même dans ce coin d'Asie du Sud qui fut mien autrefois.

Pour comprendre les textes de Duras, pour s'immerger pleinement dans ceux-ci, je crois qu'une seule chose est possible. Se rendre là-bas, s'assoir dans une de ses vieilles maisons de maître transformée en restaurant, profiter du moment présent, respirer les senteurs environnantes, écouter les autochtones s'exprimer dans un brouhaha indescriptible. Tout en parcourant les lignes de ce bref moment de vie, par exemple, dans "l'Amant", colmater passé est présent. L'effet est grandiose, je vous assure !

Actuellement, à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le Festival international des écrits de femmes.

Laure Adler, Françoise Laborde, Marie-Monique Robin, Catherine Beaunez et beaucoup d’autres ont participé à la première édition du festival, à Saint-Sauveur-en-Puisaye. Toutes, inspirées par la grande Colette, enfant de la Puisaye.

«Il y avait un vrai manque et une vraie demande. Il y a des festivals littéraires mais très peu sont dédiés aux femmes. Colette a été l’inspiration pour ce festival », précise Frédéric Maget, le président de l’association les amis de Colette.

La première édition du festival international des écrits de femmes a eu lieu ce week-end à Saint-Sauveur-en-Puisaye, au château musée de Colette. Il a attiré plusieurs centaines de personnes.

Plus de détails sur le festival