Bruno Bettelheim - le psychanalyste des contes de fees

Sa vie

Né à Vienne en 1903, Bruno Bettelheim s'intéresse aux enfants psychotiques en tant que psychanalyste. En 1938, il est déporté à Dachau puis à Buchenwald. Il y est confronté à l'expérience de ce qu'il nommera la "situation extrême", situation que l'homme ressent comme devant irrémédiablement le détruire. Cette expérience orientera toute son activité ultérieure quand, ayant échappé à l'extermination et émigré aux Usa, il dirigera "l'école orthogénique" de Chicago, qui est le centre le plus connu du traitement de la psychose infantile. Il enseigne l'éducation, la psychologie et la psychiatrie à l'université de Chicago.
Son internement en camp de concentration lui a fait comprendre combien les structures concentrationnaires pouvaient anéantir rapidement des hommes psychologiquement équilibrés. Ainsi, une grande partie de ses travaux s'inspire de ce qu'il a connu dans l'enfer S.S.

Ses théories

Bruno Bettelheim considère que l'angoisse est un élément important dans la psychose.

Spoiler:

Bruno Bettelheim agit donc systématiquement avec ces enfants pour supprimer les sources d'angoisse : c'est ainsi par exemple que les portes de son établissement s'ouvrent de l'intérieur, les enfants pouvant donc sortir, sans craindre d'intrusions inopinées du monde extérieur. Tous les placards sont ouverts, sauf ceux qui contiennent ciseaux, couteaux, ou autres objets dangereux.
Les enfants accueillis compensent leurs carences affectives par des sucreries, du chocolat, des sandwichs, accessibles partout à volonté.
Dans "La Forteresse vide", Bettelheim décrit trois enfants autistiques enfermés dans leur "forteresse vide", figés dans leur mutisme et leur monde fantasmatique. Il expose ses vues théoriques sur la constitution du "soi".
Dans l'ouvrage collectif : "Pour ou contre Summerhill", Bruno Bettelheim explique la différence, déjà formulée par Alexandre Sutherland Neill, entre la "liberté" et la "licence", différence que bien des parents n'arrivent pas à saisir, c'est-à-dire en fait le respect des autres :
"Le fond de la philosophie de Neill est naïvement rousseauiste : l'enfant humain naît foncièrement bon ; si seulement la société, mauvaise en soi, et les mauvais parents, laissaient l'enfant se développer sans angoisse ni refoulement, il arriverait tout seul à maturation et serait le plus magnifique des êtres humains. Quant à la psychanalyse, Neill n'a retenu d'elle que deux choses : que seule la répression est mauvaise, et que les névroses sont provoquées par les refoulements sexuels. (...) Neill savait très bien que le fait de céder à la force conduit l'enfant et l'adulte à n'avoir l'un pour l'autre que de la haine ou du mépris. Si nous permettons à une personne de nous imposer sa force ou de nous intimider, nous ne pouvons plus faire grand chose pour elle.

Spoiler:

suite

Pour surmonter les épreuves successives, Alice au pays des merveilles doit faire preuve de sagesse et d'expérience.
L'ultime paragraphe du roman nous ramène définitivement à la réalité par l'évocation de la chaîne des générations: suivant le point de vue tout à fait raisonnable de la soeur aînée d'Alice, les parents doivent transmettre à leur progéniture la capacité précieuse de rêver.
Quelques décennies plus tard, Bruno Bettelheim développera des propositions identiques dans "La psychanalyse des contes de fées" lorsqu'il montrera la fonction thérapeutique des contes de fées et leur rôle dans la construction de la personnalité.
Alice enonce par elle-même le pourquoi de ces rites : « C'est une façon de grandir ! »

J'ai lu ce livre il y a fort longtemps et il m'a beaucoup marquée.

La sagesse populaire incarnée par les contes de fées avait plusieurs siècles d'avance sur Freud, Jung et compagnie.

Que Peau d'âne fasse tout pour ne pas épouser son père.... c'est le complexe d'Oedipe et la prise de conscience de l'interdit de l'inceste.

Qu'à l'adolescence, Cendrillon doive monter le long d'un escalier étroit pour aller se piquer le doigt au rouet: le sang = les règles. La peur du passage à l'âge adulte la plonge dans un sommeil long de cent ans. Seul l'homme qui lui est destiné parviendra à bout des ronces qui ont envahi le château, elle est protégée, elle aussi, de l'inceste ou de tout autre rapport interdit ou inadéquat.

La peur de l'abandon dans le Petit Poucet.
La nécessité de surmonter toutes sortes d'épreuves pour parvenir à l'âge adulte.

Une lecture vraiment très intéressante!

J'ai dans un temps passé plus qu'admiré (et lu) , Bruno Bettelheim qui m'a ouvert les yeux sur divers sujets ; entr ' autres l'éducation des enfants avec "Dialogue avec les mères" - "Psychanalyse des contes de fées". J'ai suivi son travail dans "la Forteresse vide", "Un lieu où renaître" à travers son école de Chicago...Merci de lui rendre hommage, il reste pour moi (un de plus) humaniste qui a formé mon esprit, en particulier avec "Le Coeur conscient" et "Survivre" où il rend compte de sa déportation et à travers elle au danger de « la société de masse, l’Etat de masse, la civilisation de masse… » . Voici le "coeur conscient" qui me semble aujourd'hui avoir encore toute sa place :

Sans doute la cible des nouveaux censeurs ?

Pas de doute ...ils font feu de tous bois ! déjà s'amorce la remise en question de la peine de mort...cela m'inquiète... n'y aurait-il rien qui ne reste des cycles de connaissance dans la pensée de l'Homme ? ou bien ne sait-on pas la communiquer ?

Les manipulateurs sont de meilleurs communicateurs, sans doute.

je pense relire Blanche neige dans la traduction de Marthe Robert, et voir ce qu'en dit bettelheim. Rien ne vaut un cas concret   

je ne connais pas Bettelheim et je suis très tentée ! j'ai lu tant de contes de fées, petite, avalés comme ... des couleuvres ! il serait temps que je regarde quels impacts ils ont eu sur moi ?  maintenant que j'ai eu le temps de faire connaissance avec moi-même ......     

je vais lire son analyse de Blanche neige

le fantasme de la méchante marâtre p 107

La reine jalouse de Blanche neige et le mythe d'oedipe p 293

et je donne les références précises   

merci   

Bettelheim analyse la pensée magique de l'enfant, particulièrement à l'aise dans les contes de fées : ils conviennent à son animisme (les animaux et objets sont des êtres avec des intentions, pas étonnant qu'ils parlent ! et qu'on passse de l'animal à l'humain et inversement !) et à son egocentrisme. L'enfant y trouve des réponses suggérées à son identité, à son intégration dans le monde.

L'enfant, veillé par ses parents imagine que d'autres puissances tutélaires peuvent veiller sur lui, que le vent peut lui servir de guide et que les animaux sont des compagnons de vie sur lesquels il peut compter.

Le conte de fées est un miroir qu'on interroge (on retrouve Tomboy).

La Bible est-elle un conte de fées ? s'interroge Bettelheim. Réponses plus tard   

source Rue 89.

     

Très intéressant le livre de Bettelheim sur les comparaisons entre mythes (pessimistes) et contes de fées( toujours une porte de sortie pour les enfants, sont concernés les enfants, leurs relations avec les parents, mais aussi les parents et leur désirs/jalousies face aux enfants.

Blanche neige - et ses multiples variations, s'avère riche à l'analyse...

La Bible semblait l'outil indispensable pour bien comprendre le monde, mais n'offre "aucune solution aux problèmes obscurs de nos personnalités, sinon la répression de toutes nos pulsions !"

D'un côté nous devons nous réjouir davantage du pécheur repenti que devant l'homme qui n'a jamais péché, de l'autre nous devons vivre saintement sinon gare aux conséquences désastreuses. Implicitement et explicitement, la Bible exprime les commandements de Dieu imposés à l'homme.

l'analyse de la jalousie Caïn-Abel : des horreurs naissent de cette relation conflictuelle.

Or l'enfant a besoin de croire qu'un jour son avenir sera victorieux, et s'il sait que ses souffrances actuelles seront récompensées plus tard, il ne se laissera pas mener par sa jalousie comme le fit Caïn.

Les récits bibliques, les mythes et les contes de fées : une littérature destinée à édifier tout le monde, enfants comme adultes.

Jonas et la baleine : il entreprend un voyage qui lui permettra de s'affirmer...

citation a écrit:

D'un côté nous devons nous réjouir davantage du pécheur repenti que devant l'homme qui n'a jamais péché, de l'autre nous devons vivre saintement sinon gare aux conséquences désastreuses. Implicitement et explicitement, la Bible exprime les commandements de Dieu imposés à l'homme.

grand merci à mes parents qui ne m'ont pas obligé à lire la Bible, et à moi, qui n'a réussi à en lire qu'un bout et ne s'en porte pas plus mal !  

le texte des frères Grimm pour Blanche neige

Tandis qu'elle cousait négligemment tout en regardant la belle neige au-dehors, la reine se piqua le doigt avec son aiguille et trois petites gouttes de sang tombèrent sur la neige. C'était si beau, ce rouge sur la neige, qu'en le voyant, la reine songea: "Oh! si je pouvais avoir un enfant aussi blanc que la neige, aussi vermeil que le sang et aussi noir de cheveux que l'ébène de cette fenêtre !" Bientôt après, elle eut une petite fille qui était blanche comme la neige, vermeille comme le sang et noire de cheveux comme le bois d'ébène, et Blanche-Neige fut son nom à cause de cela. Mais la reine mourut en la mettant au monde.

Pour Bettelheim, ce sang est à la fois celui de la naissance, il annonce la puberté et la perte de la virginité. Le trois est souvent un chiffre sexuel dans la mesure où il introduit un troisième élément dans le couple. Rivalité sentimentale entre les trois éléments, avec jalousie de part et d'autre, l'enfant imputant à autrui la jalousie que lui-même ressent, à la fois sur le père ou la mère, ainsi que face aux privilèges des adultes dont il est envieux.

tu crois que les frères Grimm ont pensé à tout ça en écrivant Blanche neige ?  

le lecteur a le dernier mot. Dans le conte de fées tout est vu et conçu pour les yeux de l 'enfant, il s'y sent à l'aise, il y flaire les interdits et l'issue de secours, il fait son initiation à son niveau. Pourquoi toujours réclamer la même histoire sinon qu'il y sent une proximité...

ce serait interessant de voir d'autres grilles d'interprétation. Propp s'est penché sur les contes russes,
.


205 p Chez Points Essais.

Les Racines historiques du conte merveilleux de Vladimir J.A. Propp, Daniel Fabre, Jean-Claude Schmitt et Lise Gruel-Aper

512 p Gallimard, sciences humaines.

je réclamais une chanson que ma maman me chantait dès que je suis née, je l'ai demandée longtemps .....  

Paroles de la chanson Berceuse à Nounours :
Minet qui s'est mis en pelote
Le nez dans son poil soyeux
Ronfle ainsi qu'une bouillotte
Que l'on aurait mise au feu
Dort comme un enfant bien sage
La pendule, vieille souris,
Qui croit manger du fromage
Grignote un morceau de nuit


[Refrain]
Fais dodo mon petit Nounours
Fais dodo mon joli poulot
Je fouillerai pour toi dans ma bourse
Et demain, t'auras du lolo
Fais dodo, dodo l'enfant do


Va cueillir à l'aveuglette
Un bouquet de rêves bleus
Ou la lune qui te guette
Te fera de vilains yeux
Si tu fais l'insupportable
Avec tout son bric-à-brac
Monsieur le marchand de sable
T'emportera dans son sac


{au Refrain}


Mais j'ai ma vaisselle à faire
Et mon linge à repasser
Je dois, bonne ménagère,
Arrêter de te bercer
Puisque la douceur en sorte
T'éveille comme à plaisir
Des coups d' balai dans la porte
Finiront par t'endormir


{au Refrain}

  

Citation :

La reine sursauta et devint jaune, puis verte de jalousie; à partir de cette heure là, elle ne pouvait plus voir Blanche-Neige sans que le coeur lui châvirat dans la poitrine tant elle la haïssait. L'orgueil poussa dans son coeur, avec la jalousie, comme pousse la mauvaise herbe, ne lui laissant aucun repos ni de jour, ni de nuit. Elle appela un chasseur et lui dit: "Tu vas prendre l'enfant et l'emmener au loin dans la forêt: je ne veux plus la voir devant mes yeux. Tu la tueras et tu me rapporteras son foie et ses poumons en témoignage."

Le chasseur obéit et emmena l'enfant; mais quand il tira son couteau de chasse pour plonger dans le coeur innocent de Blanche-Neige, elle se prit à pleurer et lui dit:
- Oh ! Laisse moi la vie sauve, mon bon chasseur: je m'enfuirai à travers bois et ne reparaîtrai jamais !

Elle était si,belle que le chasseur s'apitoya

La jalousie des adultes face à l'enfant serait moins courante que celle des enfants, envieux des prérogatives des adultes, Il y aurait donc un transfert implicite. Quant à l'abandon des enfants, ce serait le désir inconscient de l'enfant, de rester seul avec un des parents, en éliminant l'autre.

Le chasseur : conçu comme un allié, le protecteur sauve la situation et permet ainsi l'espoir...

Citation :

Sept petits lits s'alignaient côte à côte le long du mur, bien faits, et tous avec de beaux draps blancs et frais.

Blanche-Neige avait si grand-faim et si terriblement soif qu'elle prit et mangea un petit peu dans chaque petite assiette, puis but une gorgée de vin dans chaque petit gobelet; à chaque place aussi, elle avait pris une bouchée de pain. Après, comme elle était si fatiguée, elle voulut se coucher, mais aucun des petits lits n'était à sa taille: celui-ci était trop long, celui-là trop court, un autre trop étroit; bref, elle les essaya tous et le septième enfin lui alla parfaitement. Elle y resta couchée, fit sa prière et s'endormit.

Bettelheim s'intéresse évidemment à ce choix d'un lit. Les nains sont des hommes en miniature à un stade prépubertaire, et Blanche neige met ainsi ses désirs en sommeil. Ils se réveilleront quand la reine sous différents déguisements l'induira en tentation avecdes objets d coquetterie, malgré les conseils de prudence du plus avisé des nains

En attendant, Blanche neige se rend utile, comme une parfaite petite ménagère, au service des "prisonniers du boulot" qui ne semblent pas avoir beaucoup de loisirs

Citation :

- Veux-tu prendre soin de notre ménage? lui demandèrent les nains. Tu ferais la cuisine, les lits, la lessive, la couture, le tricot, et si tu tiens tout bien propre et bien en ordre, nous pourrions te garder avec nous et tu ne manquerais de rien.

petite irruption du conte de fées dans la vie quotidienne.

Citation :

Blanche-Neige sur les monts
Là-bas, chez les sept nains,
Est belle plus que vous, et mille fois au moins !

Il y aurait dans les contes des vestiges des anciens cultes paiens. Blanche-Neige serait le soleil et les sept nains, les sept planètes qui tournent autour du soleil.

Rapprocher les nains des gnomes des légendes teutoniques qui extraient des métaux des profondeurs de la terre, chaque métal étant rattaché à une planète...

Les nains sont essentiellement masculins, ils évoquent des associations phalliques, même si leur façon de vivre, leur goût des biens matériels, leur méconnaissance de l'amour évoquent une existence pré-oedipienne

Au stade où est Blanche-Neige ils lui apprennent à s'occuper des autres, à se rendre utile par son travail. Ils représentent aussi les sept jours de la semaine.

blanche neige et les sept nains

Citation :

Parce que la pomme avait été faite si astucieusement que la moitié rouge était seule empoisonnée. Blanche-Neige avait grande envie de cette belle pomme, et quand elle vit la paysanne croquer à belles dents dans sa moitié de pomme, elle ne put pas résister et tendit le bras pour prendre l'autre moitié. Mais à peine la première bouchée fut-elle dans sa bouche qu'elle tomba morte sur le plancher.

Rien n'y a fait, les conseils de prudence des 7 nains n'ont pas été écoutés, leurs pouvoirs sont inefficaces, et Blanche neige qui avait mis ses désirs en sommeil, a franchi le cap : la pomme rouge est un symbole d'érotisme depuis longtemps. L'enfant comprend que passer à un autre stade est dangereux, qu'il ya des appréhensions, mais la récompense en est le prince. Blanche-neige renaît dans une autre dimension.

La fin de la marâtre est à la mesure de sa méchanceté et de sa perfidie :

Citation :

Lorsqu'elle fit son entrée, elle reconnut immédiatement Blanche-Neige, et la peur qu'elle en eut la cloua sur place, sa terreur l'empêcha de bouger. Mais on lui avait préparé des souliers de fer qui étaient sur le feu, à rougir: on les lui apporta avec des tenailles et on les mit devant elle, l'obligeant à s'en chausser et à danser dans ces escarpins de fer rouge jusqu'à sa mort, qui suivit bientôt.