Thomas Savage

Le Pouvoir du Chien http://www.lelitteraire.com/article539.html
La Reine de l'Idaho http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/8275

Thomas Savage est considéré comme un des premiers "écrivains du Montana".
Né en 1915, mort en 1988.
The Power of the Dog est paru aux Etats-Unis en 1967.
Une histoire de cow-boys, mais aussi un roman psychologique, une dramatique histoire de vengeance et d'homosexualité.
Paru en France pour la première fois en 2002.

J'ai acheté ce matin son dernier roman : Rue du Pacifique (Belfond)

J'aime vraiment beaucoup cet auteur, méconnu en France, mais qui me semble un auteur majeur de la littérature américaine contemporaine.
Un véritable style, sobre et profond, des histoires passionnantes.

J'ai lu Le Pouvoir du chien que j'ai beaucoup aimé.
Rien à voir avec une banale histoire de cow-boys. Loin des clichés de la ruralité américaine, Savage tisse une histoire de liens humains et familiaux, une histoire éternelle... Les deux frères, Georges et Phil, sont aussi Abel et Caïn. Une histoire aussi de la virilité qui doute d'elle-même, d'homosexualité refoulée... mais rien là de racoleur ni d'effet de mode. D'ailleurs le livre date de 1967, il me semble.
Le récit s'insère dans une nature dont la présence -forte - sert de lien aux événements.
Et l'on n'oublie pas de sitôt non plus Peter, le fils de Rose, "l'intello" malmené...
Pas si méconnu que ça, je crois. Le Pouvoir du chien a bien marché, grâce aux libraires qui l'ont aimé et promu. Efficaces, les libraires, il ne faut pas l'oublier... Moi-même je l'ai beaucoup offert l'année où il est sorti en France.
Tu nous diras ce que tu penses du troisième quand tu l'auras lu, Provence ?

Donc, rien à voir avec tom savage qui a écrit le meurtre de la Saint valentin chez Albin Michel

Ah, ben non ! Rien à voir du tout !

J'ai été un peu déçue par Rue du Pacifique.
Je gardais un souvenir fort de ses précédents livres, j'ai trouvé celui-ci moins intense.

Fin XIXe dans le Montana, la ville de Grayling prend son essor. Deux familles font partie de son histoire. Les Melten, éleveurs, propriétaires du seul hôtel de la ville, couple humaniste, amis des indiesn et défenseurs de leur cause. Les Connor, banquiers arrivistes (cela peut paraître caricatural, mais çà ne l'est pas). A l'origine, John Melten et Martin Connor étaient amis. La vie va en faire des ennemis. Ils auront chacun un fils.

Thomas Savage survole 30 ans de l'histoire des Etats-Unis au travers du développement de Grayling, et de la vie de ses habitants. Peut-être un peu trop vite, justement, j'ai eu le sentiments que tout allait trop vite.
On y retrouve les thèmes qui lui sont chers : la nature, l'attachement à la terre, la nostalgie, la vengeance, l'amour aussi !
Mais peut-être cette impression de rapidité est-elle voulue. Une façon de montrer que le temps passe trop vite, justement ?

Provence, Maïa. Rotko:
Je ne voudrais pas être ( une) des dernières inscrites sur ce Forum et vouloir chambouler vos habitudes : je voulais juste vous suggerer de glisser quelques lignes, montrer un bref extrait, chaque fois que vous commencez un nouveau fil sur un ecrivain dont vous conseillez la lecture aux autres.
Vous parlez de Thomas Savage, mais moi ( et je suppose que je ne suis pas la seule) vous aurez beau me raconter l´histoire, me situer le contexte ou me parler de l´auteur, tant que je n´en lis pas qq lignes, je suis INCAPABLE de savoir si çà peut me plaire.
Peut-être est-ce par ce que proviens du monde plastique ( peinture), mais je me retrouve dans la même situation que si je lisais un article sur Le Tintoret et il n´y avait aucune image pour accompagner la presentation ou l´argumentation.
J´ai regardé les 2 liens proposés par Provence, et j´en suis toujours au même point.
Il n´y a pas de FNAC dans ma ville ( trop petite), je ne pourrais donc pas non plus chercher les livres dont vous parlez et en lire quelques fragments en boutique.
Vous me direz ce que vous en pensez. Si c´est une deformation personnelle, une lubie, n´hesitez pas à me le dire je m´adapterai. Mais je voulais vous en parler.

C'est à mon sens une bonne idée, et que Nathalie Sarraute défend avec vigueur dans la présentation des auteurs.

cf. Simone Benmussa, Entretiens avec Nathalie Sarraute, La Renaissance du livre, collection Signatures.

Mais on a aussi d'autres activités qui nous prennent du temps...

Je suis d'accord avec toi Swallow
Moi aussi j'ai besoin de lire quelques lignes d'un livre pour savoir si celui-ci va me plaire.
Mais.... ne prenant pas de notes pendant mes lectures, j'ai un peu de mal par la suite à choisir des passages à citer. Et puis c'est vrai je cours après le temps !

Mais voilà :

Pendant ce temps, John se disait que si l'on bâtit une maison en pierre on ne peut pas se tromper car la pierre dure. On met plus de temps pour la construire, aussi il engagea un maçon allemand très adroit et une demi-douzaine de manoeuvres car il avait été bien loti. Quand deux pièces furent terminées et que le plâtre eut séché, Lizzie vint le rejoindre à Grayling avec deux chariots remplis de trésors : ses livres, son harmonium, un service en porcelaine et des couverts en argent, des malles pleine de linge et de soieries. Elle apporta aussi un appareil photographique avec un capuchon noir qu'on mettait sur la tête pour ne pas laisser entrer la lumière, des piles de plaques, des bocaux de gélatine, des bouteille d'acide et de chlorure d'argent. Ses Indiens s'étaient méfiés de son appareil. Ils avaient l'impression que, si leur spectre apparaissait sur le papier, c'était parce qu'ils avaient perdu une part d'eux-même.
"Ne traite jamais ces Indiens de troglodytes, dit Lizzie. Comme si chacun n'avait pas sa tribu et sa propre valeur !
- Je ne le ferai jamais" déclara simplement John, parce qu'il ne l'avait jamais fait.
..........................

L'histoire de l'Ouest était si courte qu'un homme brutalement appauvri ne pouvait pas s'enorgueillir de sa naissance ou de sa famille ; il ne pouvait pas se parer de la robe de ses ancêtres. Seuls les Indiens le pouvaient en montrant des tombes anciennes. L'éleveur était une sorte d'exemplaire unique, et seuls ses efforts lui avaient permis de passer de la pauvreté à la richesse. Dès lors qu'il perdait sa position au sein de la société locale, on ne l'accueillait plus avec déférence aux tables de poker et dans les halls des grands hôtels ; on ne demandait plus à sa femme de verser le thé. S'il y avait une aristocratie dans l'Ouest, elle reposait sans ambigüité sur la propriété terrienne ; sans terre, un homme n'avait que les vêtements qu'il portait et ses deux mains.

Merci pour le temps consacré a copier le fragment, Provence.
Il n´y a avait rien de tel pour "goûter" et tester Savage.
C´est vrai qu´avec tout la ribambelle de livres vous brassez, il doit vous être impossible d´avoir à chaque instant tous ces romans sous la main. Je n´y avais pas pensé. Sûrement lisez-vous en bibliothèque, des livres pretés, etc. Et vous n´êtes plus necessairement en possession du volume quand vous laissez ici un message. Je comprends!

C'est vrai qu'il y a de çà aussi. Mais en ce moment, je lis peu, et je n'ai même plus le temps d'aller à la bibliothèque !!!
Mais j'ai compris ta remarque, puisque je pense la même chose
Et enfin.... j'ai pris plaisir à copier ces quelques lignes (tout comme les poèmes que je présente aussi). C'est un exercice qui me convient, et qui est parfait pour mon état d'esprit actuel

Merci à Swallow pour la suggestion (excellente comparaison avec le domaine de la peinture) et à Provence pour les extraits qu'elle a pris le temps de citer...
J'aime, moi, aussi, lire des extraits pour me faire une idée de l'écriture...mais je ne prends pas toujours la peine d'en recopier moi non plus.

Provence, quand j´ai lu les liens que tu indiquais au sujet de T. Savage, j´ai vite pensé à Brokeback Mountain, Sylvie, dans le résumé qu´elle fait sur son BLog au sujet du " Pouvoir du chien", en parle justement:
"Moi qui a priori ne suis pas très fan de la littérature américaine, j'ai été émerveillée par ce roman ! Le pouvoir du chien allie de magnifiques descriptions de paysages (Montagnes Rocheuses, ranchs, grandes plaines) à une étude très fine de la psychologie des personnages.

Voici l'intrigue : au milieu des années 20, dans les plaines sauvages du Montana, deux frères d'une quarantaine d'années tiennent seuls les rênes du vaste ranch familial. Le cadet, Georges, surnommé par son frère "Gras-double" , maladroit et timide, est un homme très bon et serviable. L'aîné, Phil, est un esprit brillant, sociable et cultivé. Conscient de sa supériorité, il aime vexer autrui et se moquer des plus faibles. Méprisant vis à vis des conventions sociales, il apparaît souvent comme une brute, mal lavée et mal rasée. Malgré ces différences de caractères, les deux hommes vivent en parfaite entente et partagent la même chambre.

Jusqu'au jour où George épouse Rose, la veuve d'un médecin que Phil a poussé au suicide suite à ses humiliations répétées. Phil ne supportant pas l'intruse, il va tout faire pour la pousser à bout. Personne très chétive, Rose a peur de cette brute et sombre peu à peu dans l'alcoolisme...Peter, le fils éfféminé de son premier lit, va venir passer un été dans le ranch des Burbank. Attiré mystérieusement par le pouvoir de Phil, il va être partagé entre l'amour pour sa mère et son attirance pour Phil....

Droit du plus fort, lutte entre le fort et le faible, entre le machisme et les figures féminines, entre la bonté et le mal... A ce manichéisme, s'ajoute une formidable guerre des nerfs. La tension psychologique est magnifiquement bien traitée et n'est pas sans rappeler Un tramway nommé désir de Tennessee Williams. L'action rédide dans la réaction inattendue des personnages, ce qui crée un formidable suspens.

La chute du récit est mémorable et surprend durablement le lecteur ; il découvre alors un personnage à la profondeur psychologique inégalée...Le faible n'est pas celui que l'on croit.

Quarante ans avant Le secret de Brokebak Montain d'Annie Proulx , Savage aborde sans jamais la nommer le problème de l'homosexualité chez les cow-boys de l'Ouest. Phil Burbank est un homosexuel refoulé ; pour lutter contre ses instincts, il s'est forgé un masque de dur à cuire, rustre, viril et homophobe pour mieux se protéger.
Le BLog de Sylvie :http://passiondeslivres.over-blog.com

Dans le Publisher’s Weekly du 2 janvier 1967, lors de la sortie du roman "Le Pouvoir du Chien", parut le commentaire anonyme mais élogieux suivant :

Citation :

Un roman puissant et nerveux qui, cependant, s’ouvre sur un premier paragraphe d’une brutalité si crue et si gratuite que bien des lecteurs en seront dissuadés de continuer. La scène se passe dans l’Utah de 1924. Sur un fond très rude de pays d’élevage, M. Savage tisse l’histoire de deux frères : George, lent, maladroit, intrinsèquement brave, et Phil, homosexuel refoulé. Lorsque George épouse une veuve et la fait venir au ranch, Phil lui mène une vie si infernale que la femme se met à boire en cachette. Puis Peter, le fils adolescent de cette femme, un garçon à la fois brillant et bizarre, vient passer l’été et se rend compte de ce qui se passe. Alors que Phil complote pour parvenir à une liaison homosexuelle avec le jeune Peter, celui-ci élabore, pour se venger de lui, un moyen si diaboliquement adroit qu’il fait froid dans le dos. Krafft-Ebing sur fond régional western, voilà qui présente un fort intérêt littéraire mais beaucoup moins d’attrait commercial.

Je rajouterai :

Citation :

« Je te dit Maman s’ai chouette d’ettre cow-boy. »

L'univers des cow-boys tel qu'on se l'imagine quand on est gosse, les paysages du Montana, et le soleil se couchant derrière les montagnes... Les grands espaces qui sont parcourus par des chiens sauvages, que l'on chevauche à cheval... La pose des clôtures pour délimiter notre territoire, l'abbattoir et le tannage de peaux... Et puis ce terrible huis-clos entre le viril Phil et l'incomprise Rose, entre le macho Phil et Peter la chochotte !

La reine de l'Idaho

Je vois que personne n'a présenté ce superbe roman que j'ai terminé hier, je me permets de le faire.

Il s'agit de l'histoire d'une famille de puissants éleveurs de moutons, dans l'Ouest américain. Le pilier de cette tribu est une femme au tempérament affirmé, qui mène son ranch d'une main de fer, et que la presse locale a surnommé "la Reine du mouton de l'Idaho". Seulement comme nous le raconte son petit-fils, écrivain établi sur la côte du Maine, cette grande famille a connu de nombreuses blessures et porte un terrible secret qui lui sera révélé par une parfaite inconnue...

Récit très bien construit, belle écriture, personnages nombreux et pleins de subtilité, tout concorde à rendre la lecture de ce livre plaisante. L'écrivain Thomas Burton qui raconte son histoire, l'histoire de ses parents et grand-parents pendant la majeure partie du livre le fait avec pudeur, et donne une épaisseur à chaque personnage, à travers de nombreuses anecdotes. Des moments de joie et de malheur, des regrets, des secrets surtout sont au cœur de l'intrigue. Mais ce qui rend le récit bouleversant, c'est l'histoire de cette femme, enfant abandonné et adopté, qui cherche ses racines. Entre le début et la fin du XXe siècle, le récit autobiographique de Thomas Burton (ou Thomas Savage comme vous voudrez) suit le fil de ses souvenirs pour nous dévoiler tous les acteurs et circonstances d'un drame qui s'est noué en 1912, détails qui nous permettent de comprendre la complexité des choix d'une vie, et de refuser tout manichéisme.

Et je rajoute encore un grain de sel je ne suis pas tout à fait d'accord avec la critique de critiquelibres, dont Provence a posté le lien, qui dit qu'on devine assez vite la fin. Certes, on devine vite que Thomas et Amy sont frère et sœur (surtout si on regarde le titre prévu au départ par l'auteur...), mais on ne comprend qu'à la fin les véritables raisons de l'abandon.