Patrick Modiano

On n'en a jamais parlé, ici. Je ne vais pas faire une fiche sur un roman en particulier (rotko fait ça très bien, moi j'en ai horreur ) mais j'ai lu tout ce qu'il a écrit. On se demandait ce qu'était un vrai écrivain, il y a quelques jours. Je dirais : quelqu'un qui a une écriture, ou plutôt une "voix" tellement personnelle que l'on peut le reconnaître même sans avoir vu son nom sur une couverture.

Modiano possède ce son unique. Ecriture classique, sans fioritures, mais serrée, dense. Toujours au bord du précipice dans cette quête éperdue d'identité, dans le sillon farouchement tracé de la recherche du pardon possible à accorder au père. Né en 45, Modiano raconte surtout des histoires de trahison, de collaboration, des petites horreurs banales commises pendant la sale période de l'occupation. Il recherche, il analyse, il tente de comprendre les méfaits du père - et de ses semblables - sous sa plume de fils.

Et puis ces figures étranges qui traversent les livres, familières et pourtant toujours un peu décalées, ce Paris immémorial qu'il connaît par coeur, dont il trace une géographie bistrotière et cryptée...

Bref, une petite musique qui me va droit au coeur...

maïa a écrit:

. Je ne vais pas faire une fiche(1) sur un roman en particulier j'en ai horreur )

Et puis ces figures étranges(2) qui traversent les livres, familières et pourtant toujours un peu décalées

(1) Bien sûr, chacun fait comme il l'entend ! on peut parler d'un auteur "a batons rompus" et même "à couteaux tirés" si tu veux

je crois que c'est rue des boutiques obscures qu'il ya (2) une sorte de prédateur : "le cavalier bleu" qui lance des messages. On croirait que c'est sur internet, mais c'est plutôt me semble-t-il par minitel. il recrute des partenaires sexuels pour ""les dévorer mon enfant" !

là j'ai senti un danger diffus bien rendu dans l'ecriture, mais je reconnais que ce livre , je l'ai lu il ya qq années.

je retrouve un post sur Patrick Modiano, une jeunesse, Gallimard.
Les souvenirs remontent. Au hasard d'une chanson -"les roses de Hawaî", ou d'une affiche -"une semaine en Engadine ".

Tous deux ont trente cinq ans, et forment un couple. Retour à leurs vingt ans : Louis, desoeuvré, est vaguement pris en charge par une sorte de camelot, occupé à on ne sait quel trafic. Elle, Odile, voudrait se lancer dans la chanson, et ses "protecteurs" sont louches, ou paumés. Ombres à la dérive, ils ne voient ce qui les entoure qu'à travers une vitre embuée. A moins que leur passé ne soit un aquarium d'où remontent, incertaines, des bulles.

Tous les personnages ont un passé qui englue leur présent. Il faudra pourtant vieillir, et se décider...

Modiano campe une atmosphère, et déplie le fantasme des origines, plus ou moins culpabilisant. Presque malgré soi on participe, à un monde interieur, où le mystère est développé avec logique.

Lire Modiano, c'est retrouver le quotidien dans la brume de photos jaunies.

Quartier perdu - Patrick Modiano


C'est d'abord un vrai plaisir de suivre le personnage dans ces rues de Paris, pour ceux qui cherchent à découvrir la ville ou à réveiller des souvenirs.
C'est aussi une belle écriture et une histoire sur les souvenirs, le passé, une sorte de réveil de promenade dans celui-ci et du suspens.

Un jour d'été torride, Ambrose Guise, auteur de romans policiers, revient à Paris pour la première fois et il éprouve un sentiment d'irréalité au milieu d'une ville qui lui paraît fantomatique. Il va profiter de ce voyage pour élucider les mystères de son passé.

Et un petit extrait que j'ai mis de côté à propos d'un couple qui ne lit pas :

Nous en avions parlé tous les deux et vous m'aviez expliqué gentiment qu'il existe deux sortes de gens : ceux qui font les livres, et ceux sur qui les livres se font, et qui n'ont pas besoin de lire. Ils les vivent.

Un pedigree

Citation :

J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Les événements que j'évoquerai jusqu'à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence — ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d'autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie.

j'ai lu il ya plusieurs années "rue des boutiques obscures" et "villa triste"

« Villa Triste » a été adapté au cinéma sous le titre de « Le parfum d’Yvonne ». je ne l'ai pas vu.

extrait:
Le train est arrivé en gare. Ils montent à l'assaut, se bousculent dans les couloirs, baissent les vitres, se passent les valises. Certains chantent: Ce n'est qu'un au revoir... mais la plupart préfèrent hurler: Mon Beau Sapin... Il neige plus fort. Meinthe se tient debout, immobile, sa main en visière. Le jeune blondinet, derrière la vitre, le considère, un sourire un peu méchant au coin des lèvres. Il tripote son béret de chasseur alpin. Meinthe lui fait un signe. Les wagons défilent emportant leurs grappes de militaires qui chantent et agitent les bras.
Il a enfoncé ses mains dans les poches de sa veste et se dirige vers le buffet de la gare. Les deux garçons rangent les tables et balayent autour d'eux à grands gestes mous. Au bar, un homme en imperméable range les derniers verres. Meinthe commande un cognac. L'homme lui répond d'un ton sec qu'on ne sert plus. Meinthe demande à nouveau un cognac.
- Ici, répond l'homme en traînant sur les syllabes, ici, on ne sert pas les tantes.Et les deux autres, derrière, ont éclaté de rire. Meinthe ne bouge pas, il fixe un point devant lui, l'air épuisé. L'un des garçons a éteint les appliques du mur gauche. Il ne reste plus qu'une zone de lumière jaunâtre, autour du bar. Ils attendent, les bras croisés. Lui casseront-ils la figure? Mais qui sait? Peut-être Meinthe va-t-il frapper. de la paume de sa main le comptoir crasseux et leur lancer: « Je suis la reine Astrid, la REINE DES BELGES ! », avec sa cambrure et son rire insolent d'autrefois.


Patrick Modiano a reçu le Prix Goncourt pour l’ensemble de son œuvre en 1978.
« Le Prix Goncourt, c'est un peu comme l'élection de Miss France. Sans avenir. » Patrick Modiano.

un "petit" site réseau modiano présente les textes, leslivres, les films et les chansons de Modiano. On y voit aussi différents illustrateurs du romancier.

Pierre Le-Tan illustre Memory Lane de Modiano

et parfois c'est Modiano qui fait la préface d'un livre de Pierre Le-Tan

Memory Lane de Patrick Modiano, avec les dessins de Pierre Le-Tan, chez Hachette P.O.L.

Plusieurs chansons portent ce titre, mais c’est celle-ci :

Citation :

Memory lane

Only once do horses go down Memory Lane
But the traces of their hooves still remain…

Ce qui est traduit par

Memory lane

Les chevaux ne passent qu’une fois sur memory Lane
Mais il reste la trace de leurs sabots..

Memory Lane de Patrick Modiano

Rappel de bons moments avec un groupe d’amis, dans la brume des souvenirs. Ce sont des gens agréables, un peu opaques, dont on se dit qu’ils brillent sans doute de leur dernier éclat.

Citation :

Nous nous promenions en forêt et elle me donnait le bras. Elle portait une veste de cheval couleur rouille. Les jours de pluie, nous écoutions, dans le salon peu à peu noyé de pénombre, ses disques favoris. Parfois nous dansions mais le plus souvent je contemplais cette belle femme nonchalante, étendue sur le canapé et qui fumait une cigarette. Un après -midi je l’embrassai et je sentis la caresse de ses cheveux blonds sur ma joue mais l’arrivée inopinée de Paul et des autres nous empêcha d’aller plus loin et je dois dire -à mon grand regret- qu’une occasion comme celle-ci ne se présenta jamais plus.

Modiano joue avec précision sur l’imprécis, sur le fil qui tient du souvenir et du rêve. C’est l’impression que j’ai ressentie en lisant « des inconnues ». (1)

Trois textes qui ne sont pas désignés comme des « nouvelles ».

La narratrice, dont on ne sait pas grand-chose du présent, se souvient de son premier séjour à Paris, lorsque fuyant Lyon et l’armoire à glace de sa chambre d'enfant, elle loge chez une femme, connue l’ été sur la plage de Torremolinos.

Les silhouettes sont floues - un homme en imperméable ou une femme en peignoir, les faux noms - Guy Vincent, aussi romanesques que les vrais patronymes, Mireille Maximoff, ou Alberto Zymbalist. Quant aux occupations des personnages, aux manèges auxquels il se livrent, on les devine vaguement, comme on doit imaginer les intrigues qui mettent fin à leur fréquentation.

Citation :

Citation :

« Près de nous, des femmes et des hommes, l’aspect de bourgeois cossus. Des Français, avec quelque chose de désuet dans leurs manières et d’un peu fané dans leurs habits ».

C’est le monde des ombres de Modiano.


(1) Gallimard ou Folio n°3408.

Le prochain Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, annoncé pour le 11 octobre par Gallimard est une balade dans le Paris des années 60, avec le frémissement du situationnisme qui s'approche. Au-delà des personnages attachants, c'est un portrait du Paris que j'aime (ou que j'ai aimé).
Bref, j'ai vraiment dégusté ce livre, comme une madeleine en quelque sorte !

joce22 a écrit:

Le prochain Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, annoncé pour le 11 octobre par Gallimard
(...) j'ai vraiment dégusté ce livre, comme une madeleine en quelque sorte !

T'es voyante ?
Ou correctrice chez Gallimard ??

maïa a écrit:

joce22 a écrit:

Le prochain Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, annoncé pour le 11 octobre par Gallimard
(...) j'ai vraiment dégusté ce livre, comme une madeleine en quelque sorte !

T'es voyante ?
Ou correctrice chez Gallimard ??

Journaliste, je chronique des bouquins.

ben, voyons ! juste ce qu'il nous faut

rotko a écrit:

ben, voyons ! juste ce qu'il nous faut

Je ne peux pas parler de certains bouquins qui sont sous embargo jusqu'à leur sortie...

les premières pages du café de la jeunesse perdue sont sur le numero de cette semaine des inrockuptibles.

C'est l'histoire de Louki, noctambule dans le quartier interlope de Pigalle. Elle aimait la drogue, l'ésotérisme et la lecture, ce qui amènera à parler de livres...

joce22 a écrit:

maïa a écrit:

joce22 a écrit:

Le prochain Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, annoncé pour le 11 octobre par Gallimard
(...) j'ai vraiment dégusté ce livre, comme une madeleine en quelque sorte !

T'es voyante ?
Ou correctrice chez Gallimard ??

Journaliste, je chronique des bouquins.

Y a t'il mieux comme métier?!
Vivre d'un plaisir ...

Pour revenir à Modiano, j'en ai le souvenir confus, de ses phrases confuses chez Pivot qui lui lançait désespérément des bouées pour revenir au fil de ses pensées. Le résultat c'est que je n'ai rien lu de lui, j'aimerais pourtant, mais voilà par lequel commencer?
Alors je m'en remets à vos conseils , pour voir un peu si un titre sort du lot.

Mon avis sera le plus rapide mais certainement pas le plus compétent ! j'ai commencé par la rue des boutiques obscures, et j'ai continué...

rotko a écrit:

Mon avis sera le plus rapide mais certainement pas le plus compétent ! j'ai commencé par la rue des boutiques obscures, et j'ai continué...

en un mot, ça raconte quoi? ( mais alors vraiment en gros )

Si j'essaie de m''en souvenir, j'en rapporterai des bribes encore plus emmêlées que les interventions orales de Modiano, et sans son talent !

tu pourrais te reporter au fil Modiano et le survoler en 21 secondes chrono pour avoir une vue d'ensemble

Des critiques très élogieuses ici et là, dans Télérama et le journal La Croix
Je vais sûrement l'acheter:)

C'est aussi une vraie stratégie commerciale avec une promotion concertée : larges extraits dans Lire du mois d'octobre + les émissions signalées.

Il est bien lancé

Modiano a-t-il vraiment besoin d'être lancé ?
Les "fans" de toute manière font la queue pour acheter le dernier le jour où il sort
Je fais partie des inconditionnels (sauf que, quand même, je ne fais pas la queue - dans ma province, il n'y a jamais de queues )
Ceci dit, je suis impatiente de lire celui-ci : j'ai eu l'impression qu'avec Un pedigree, le précédent, Modiano était enfin allé jusqu'au bout de quelque chose : cette vérité intime de l'enfance, d'un rapport au père effrayant, traumatisant... Il avait 'dit" pour la première fois, sans voile, ce autour de quoi il tournait depuis tant d'années à travers le filtre du romanesque.
Alors ? Va-t-il se désimpliquer ? Arriver à la fiction pure ? Ou recommencer à tourner autour d'un nouveau secret ??
J'attends !

rotko a écrit:

les premières pages du café de la jeunesse perdue sont sur le numero de cette semaine des inrockuptibles.

C'est l'histoire de Louki, noctambule dans le quartier interlope de Pigalle. Elle aimait la drogue, l'ésotérisme et la lecture, ce qui amènera à parler de livres...

J'avais adoré Rue des boutiques obscures.

Je vais surement me laisser tenter par celui-ci.

maïa a écrit:

Modiano a-t-il vraiment besoin d'être lancé ?

sans doute que non, lemonde des livres aujourd'hui parle de lui, c'est gallimard qui bat le tambour et organise la com

Maia penserait donc qu'il faut lire pedigree pour débuter ?

à moins qu'on préfère les circonvolutions (les romans antérieurs) à la parole plus directe que pedigree ?