Hernan Rivera Letelier - [Chili]

Hernan Rivera Letelier est né en 1950 à Talca (au sud de Santiago) mais a toujours vécu dans le désert des mines de nitrates : le désert d'Atacama, à l'extrême nord du Chili, le désert le plus sec du monde. Il a d'abord été mineur, puis a suivi des cours du soir. Poète et conteur, il a obtenu deux fois le Prix national des lettres du Chili pour "La reine Isabel chantait des chansons d'amour" et "Le soulier rouge de Rosita Quintana".
Rivera Letelier raconte dans ces deux romans la vie dans les salpêtrières d' Atacama.


La reine Isabel chantait des chansons d'amour
Avec amour et truculence, Rivera Letelier nous entraine à l'enterrement de la reine Isabel, la reine des prostituées d'Antofagasta.

Citation :

Comme elle le disait en face à tous ces vieux, elle était prédestinée, inexorablement. Elle le disait carrément quand, pris d'un tardif donquichottisme sentimental, ils lui offraient de la délivrer, de la sauver des navires et de lui acheter une maison. Tremblants comme des collégiens amoureux, ils lui promettaient leur coeur ainsi que l'enveloppe intacte de leur misérable salaire. Tous, ils lui offraient tout en échange de la jouissance exclusive de ses caresses vivifiantes, de l'effleurement léger de ses mains thaumaturges, de l'humidité miséricordieuse de sa douce langue et, surtout- c'est ce qui enflammait le plus ces lions décrépits- en échange du ronronnement tendre de ses déclarations d'amour composées de mots aux couleurs obscènes du coeur, jamais pareilles pour chacuns d'eux.
"C'est à dire, bordel de merde" leur disait-elle alors, pendant qu'elle les regardait se rhabiller, assis, après avoir enflammé l'allumette déjà bien consumée de leur vanité de mâles et les avoir amenés, sinon à l'extase maintenant inaccessible de leurs galipettes d'antan du moins aux douces steppes farineuses qui s'en approchaient (ils en revenaient reconnaissants jusqu'aux larmes, de pauvres larmes insipides et retenues) "c'est à dire, bordel de merde" leur disait-elle souvent, à la fois sentimentale et malicieuse, tandis qu'elle boutonnait les poignets de leur chemise élimée et les aidait à nouer joliment les lacets de leur tristes souliers mortuaires : "c'est à dire, bordel de merde, que je suis née pour être pute comme la poule pour le pot-au feu"

C'est chaleureux et burlesque, Rivera Letelier a de la tendresse pour tous ses personnages aux noms superbes : Deux Virgule Quatre, Le poète Artimon, Dure à Cuire et Fleur de Miche, Cheval Indien et Tête de flotte. Il a de la tendresse pour le désert qui part de la mer et culmine, sous des cieux violets, aux alentours de 6000 ; et il a de la tendresse pour la Ville, Antofagasta, coincée entre les mines, le désert et le port industriel.

Le soulier rouge de Rosita Quintana

Ou la journée d'un jeune garçon Hildebrando del Carmen.
Hildebrando , fils de mineur évangéliste, a 13 ans et est amoureux de la plus belle femme du monde, Rosita Quintana, actrice mexicaine. Debout avant l'aube, il va vendre ses 33 journaux du jour, avoir quelques sous, acheter des petits pains, se battre contre un concurrent féroce et surtout voir, en cachette de son père, quelques films merveilleux...


Nous revoici à Antofagasta, la ville des mines, avec un pré-adolescent pauvre et solitaire mais riche d'images.

Citation :

Il vivait depuis deux ans à Antofagasta mais n'avait pas oublié le désert ; il se rappelait encore avec tendresse la petite compagnie où il avait grandi en bonne santé, agreste comme un renard. Bien qu'il eut découvert en ville des choses qui l'avaient émerveillé jusqu'au ravissement, il avait encore la nostalgie de ces après-midis infinis où il poursuivait des tourbillons de sable tels des poulains sauvages dans les plates étendues de salpêtre.

Hildebrando est un rêveur perpetuellement amoureux, de Mireya la blonde, de la dame aux chemises de nuit à qui il livre son journal, de sa voisine, Orlanda Purissima del Rosario, et bien sûr de Rosita Quintana. Il est amoureux du cinéma et de ses rêves.

Citation :

Sa veste de laine verte sur l'épaule, savourant une sensation de plaisir plus glacé et plus consistante que la menthe du chewin-gum, Hildebrando del Carmen parcourut du regard toute l'étendue de la salle vide. Il adorait entrer le premier au cinéma ; c'était un peu comme pénétrer dans une grotte déjà souvent explorée mais toujours mystérieuse. Ou bien entrer dans un lieu de culte dans lequel, idolâtre délirant, il avait tout le sanctuaire à sa disposition et pouvait choisir la meilleure place pour adorer le veau d'or. Brillant tout au fond, blanc, impassible, fascinant comme un abîme, l'écran était le maître-autel de ce grand dieu païen.

Et puis Hildebrando va trouver un soulier rouge...
Rivera Letelier décrit toujours avec tendresse la vie des petites gens d'Antofagasta, l'omniprésence des mines, le petit monde des évangélistes de la pentecôte, et les rêveries d'un garçon, élevé dans cette religion austère, mais dont l'imagination lui pare le monde de couleurs.

Tchipette a écrit:

C'est chaleureux et burlesque, Rivera Letelier a de la tendresse pour tous ses personnages aux noms superbes : Deux Virgule Quatre, Le poète Artimon, Dure à Cuire et Fleur de Miche, Cheval Indien et Tête de flotte.

Plein d'idées pour des pseudos...

Merci pour tes posts qui me donnent envie de découvrir cet auteur !

Quel éditeur ?


Tu les as ?
Ca voyage ?

F, bougrement tentée....

Peut voyager : la Reine Isabel chantait des chansons d'amour... tout est édité chez Métailié.