Virginia Woolf [Angleterre]

Ce sont les titres qu'on peut donner aux différents "mouvements" de la promenade au phare.

Dans les vagues, Virginia Woolf ponctue la succession des monologues des personnages par une page écrite en italique qui montre la courbe du soleil, depuis l'aube jusqu'au soir.

Ainsi 1er passage : Le soleil n'était pas encore levé
le 5e passage : le soleil avait atteint sa pleine hauteur
le 9é passage : Maintenant le soleil avait disparu

On dirait du Debussy en littérature : De l'aube à midi sur la mer, jeux des vagues et du vent...

Virginia Woolf, les Vagues, Calmann-levy.
traduction de Cecile Wajsbrot.

Une fleur à 7 pétales

Les vagues 1931.
Ce livre novateur repose sur la disparition du personnage et du narrateur central. On suit un groupe de 7 personnes, (comme « une fleur à 7 pétales » dit Cécile Wajbrot ) à différents moments de son existence - depuis l’enfance, à l’école, jusqu’à la maturité. Ces différentes étapes sont des interludes définis par des moments dans la course du soleil - de la « belle aube jusqu’au triste soir ».

Les repères temporels ne sont pas des événements, mais des émotions collectives, transcrites par les différents membres du groupe, sous la forme de monologues intérieurs.

Autant dire que la lecture n’est pas aisée, puisque nous ne sommes pas habitués à ce type de récit.

Je crains bien d’avoir été brouillon et distrait dans ma lecture. Il aurait fallu lire les interludes un à un, et progresser dans le récit comme l’auteur l’a voulu, ie dans un texte scandé par le temps de vie du groupe et la marche du soleil. Ce serait l’idéal à mon sens. On aurait ainsi un livre qui durerait 10 jours et le temps y jouerait son rôle essentiel.

Le lecteur peut ensuite revenir sur les neuf pages qui se succèdent à intervalles réguliers (pp 35, 51, 85, 111 […] 182 203) sortes de poèmes en prose, semblables aux pages qui, dans la promenade au phare, montraient la maison de vacances pendant les dix ans d’absence des Ramsay.

Que sont les vagues ? Ce sont les émotions qui arrivent, submergent et parfois engloutissent.

Virginia Woolf a réparti chez ses protagonistes des traits qui lui sont propres, des émotions de sa vie et des soucis d’écriture. Ce livre est donc une biographie non évènementielle, le journal intérieur d’une femme et d’une artiste tourmentée.

coline a écrit:

je suis maintenant plongée dans la biographie de Virginia Woolf, écrite par Alexandra Lemasson ...

Sujet d'autant plus interessant que Virginia woolf a fait des essais biographiques qu'elle a ensuite reniés -parce qu'ils étaient volontairement inexacts. Moi je lirai Mrs Dalloway, sous peu. C'est prévu.

je renvoie dès maintenant au livre d'agnes desarthe et geneviève Brissac V.W présenté ICI

Coline,tu me diras si Alexandra Lemasson parle de VITA SACKVILLE-WEST dans sa biographie sur Virginia Woolf.
http://www.kirjasto.sci.fi/sackvill.htm
Actuellement, l´ecrivaine espagnole Angeles CASO se penche sur l´oeuvre injustement meconnue de cette écrivaine . Son prochain livre ayant pour sujet de cette britannique ignorée du grand public, peu traduite et Angeles essaie de cerner en quoi l´ oeuvre ( pourtant très valable) de Vita eté comme involontairement eclipsée par l´immense succès de Virginia Woolf.
Angeles Caso travaille dernierement un peu dans le même sens que Quignard, s´efforçant de presenter des auteurs encore ignorés du grand public, sur lesquel le feu de projecteurs ne s´est pas encore posé. Une manière de remedier à certaines injustices. Car il semble bien que Vita soit plus connue par ce qu´elle fut un des grands amours de Virginia, que par les romans qu elle ecrivit. Une manière de ne pas trop de laisser diriger par tout ce qui est officiel et de sortir des sentiers battus, une manière de remettre les choses à leur place!.

Ah oui, Alexandra Lemasson parle de la relation entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West.
Elle la décrit ainsi: "Ses cheveux courts, sa tenue masculineson comportement disent d'emblée sa préférence pour les femmes...Virginia fait sa connaissance en 1922"

Elle parle ensuite de Vita captivée par le charme et l'intelligence de Virginia. De son envie de la protéger.
Au début, Virginia n'aime pas l'allure masculine de cette romancière qui, lorsqu'elle fait sa connaissance, est bien plus populaire qu'elle. Mais le passé romanesque de la famille de Vita la fascine: ancêtres illustres, légendes faites de scandales et exploits...

Au moment de leur rencontre, Virginia et son mari (qui ont monté une maison d'édition )éditent "Les Edouardiens" de Vita qui devient un best-seller.
En 1926, la relation entre les deux femmes prend un caractère plus passionné. Lorsque Vita se détournera de Virginia, cette dernière écrira Orlando dont le personnage est un double au masculin et féminin de Vita. Dans Orlando, le héros éponyme, qui vit trois cents ans ,tantôt homme, tantôt femme, tantôt les deux à la fois fut inspiré à Virginia Woolf par Vita Sackville-West à qui le livre est dédié.


Pour l'instant, j'en suis là de ma lecture de cette biographie. Je ne sais pas si Alexandra Lemasson parlera encore de Vita Sackville-West. Si c'est le cas, je complèterai...

Si vous en êtes d'accord, je deplacerai les deux messages précédents sur le fil Virgina Woolf dans le forum "litterature anglo-saxonne", ce qui permettra de les retrouver plus facilement.

En ce moment je lis Mrs Dalloway, très impressionné par la virtuosité de l'auteur à passer d'une époque à une autre, et a traiter simultanément des sujets différents sans embrouiller le lecteur - et sans utiliser les chevilles à gros boulons des apprentis romanciers.

Merci Coline pour les details que tu nous fournis à propos de Vita. Je crois que la grand-mère de Vita etait gitane, tout celà melangé aux origines aristocratiques de la famille de Vita et aux scandales, exploits de sa famille...comme tu le dis.

Grâce à ce forum, je regarde ma bibliothèque d'un autre oeil et vos fils me forcent à retourner dans les rayons des livres lus. Un régal. Suite à une infructueuse tentative de classement (j'aime décidément beaucoup trop les bibliothèques bordéliques), j'ai enfin remis la main sur deux ouvrages consacrés à Virginia Woolf.
Le premier dans la collection "Voyager avec..." (co-édition La Quinzaine Littéraire / Louis Vuitton). Cela peut paraître curieux de placer Virginia Woolf dans une telle collection, alors qu'elle semble n'avoir porté que peu d'intérêt au voyage, dans sa vie ou ses romans. Mais cet éclairage inhabituel sur ses journaux et lettres est intéressant.
Le deuxième "Virginia Woolf ou l'aventure intérieure" de Hermione Lee (Autrement), une biographie très documentée de 900p. A réserver aux inconditionnels...

Merci à tous pour ces vagabondages littéraires (et explorations au grenier) : il suffit de tirer le fil.

Merci pour les infos sur ces livres que je note sur une de mes listes...
De fil en fil, les listes, piles s'allongent mais on fait de jolies découvertes

Bienvenue à toi !

Je n'ai lu que Mrs Dalloway mais je n'ai pas aimé...
Pourtant je n'ai rien contre le monologue intérieur, mais je me suis pas mal ennuyée tout au long du livre

Essaie alors la promenade au phare

ou the hours de Cunningham (je ne l'ai pas lu !).

J'ai mis très longtemps à rentrer dans Mrs Dalloway. Vingt ans en fait . Je l'ai repris il y a quelques mois, et cette fois, c'était la bonne. J'ai réussi à être transportée dans un univers poétique, un peu vain d'apparence (les affres de Clarissa sur les fleurs de la réception), mais caustique au second degré. Et puis le tour de force de raconter une vie en une journée...

Puis je me suis lancée dans Le journal d'un écrivain et là j'ai été séduite par la femme écrivain, ses doutes, son cheminement, ses questions sur son style, la façon qu'elle a d'écrire, ses joies (toutes aussi profondes que ses moments d'abattement, perceptibles au fil des jours).
Et puis sa description d'elle lectrice, son choix de livres, ses critiques.
Bref, le style est simple, celui d'un journal, mais le propos passionnant.
C'est Leonard Woolf qui a choisi les passages du journal, ne retenant que ce qui avait trait aux livres. L'on ne pourra qu'être surprise quand Virginia précise qu'au bout de presque 20 ans de mariage, c'est Leonard qui lui donne son argent de poche : 13 shillings par semaine (alors qu'elle est journaliste et a déjà fait paraître plusieurs livres...)
Un moment de grand partage.

La promenade au phare

rotko a écrit:

Un roman poétique d'une grande richesse.(1927)
La vie se déroule, avec les pensées et projets de chacun. Les jeunes pensent à l'amour, les "intellectuels" restent dans leur monde abstrait, avec de petites préoccupations de vanité. Lily Briscoe, artiste peintre, pense à un tableau en cours de réalisation, et observe la petite communauté. Les conversations et sous-conversations de chacun suivent leur cours, souvent égoïste, tandis que le monologue intérieur de Mrs Ramsay traduit son souci d'établir une union harmonieuse entre les personnes présentes.

Mrs Ramsay est plus que belle, elle est harmonieuse. Elle est la garante de la famille, celle qui gère conflits et conversations.
Mais elle analyse son entourage et ses propres pensées.

Citation :

Quoi donc l'avait incité à dire : " Nous sommes entre les mains du Seigneur?" Elle se le demandait. L'insincérité qui se glisse dans les vérités l'irritait, lui était désagréable. Elle se remit à tricoter. Comment un seigneur quelconque a-t-il pu créer ce monde? se demandait-elle. Son esprit s'était toujours rendu compte de ce fait qu'il n'y a n'y raison, ni ordre, ni justice, qu'il n'y a que de la souffrance, de la mort, de la pauvreté. Il n'y a si basse perfidie que le monde ne puisse la commettre ; elle le savait. Aucun bonheur ne dure ; elle le savait.

Tchipette a raison d'apprécier le personnage de Mrs Ramsay.

Garante de la famille et de son harmonie, certes, et on voit à la fin du livre qu'elle a rétabli le dialogue entre le père et ses enfants.

Sur Virginia Woolf :


aux éditions de l'olivier.

Citation :

" Je ne veux pas être "célèbre" ni "grande". Je veux aller de l'avant, changer, ouvrir mon esprit et mes yeux, refuser d'être étiquetée et stéréotypée. Ce qui compte c'est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves. "

(Virginia Woolf)

Toujours à la découverte de l'oeuvre de Virginia...

Une chambre à soi
Ou le combat féministe de Virginia Woolf, qui tente de répondre à la question : "Pourquoi, si les femmes sont si intelligentes que vous le prétendez, n'y-a-t-il pas de Shakespeare féminin?"

Un livre intelligent, qui n'est pas dénué de poésie,

Citation :

Sur l'autre rive, des saules, chevelure éparse, continuaient de se lamenter. La rivière reflétait ce qui lui plaisait du ciel et du pont et de l'arbre flamboyant.

mais qui montre surtout Virginia Woolf drôle et caustique :

Citation :

Je me retrouvai donc en train de marcher d'un pas rapide sur l'herbe d'une pelouse. A l'instant même une forme humaine se dressa devant moi pour me barrer le chemin. Tout d'abord, je ne compris pas que les gestes de cet objet étrange, en jaquette et chemise empesée, étaient dirigés contre moi. Le visage de cet objet exprimait l'horreur et l'indignation. L'instinct plus que la raison me vint en aide : l'homme était un appariteur, j'étais une femme. D'un côté il y avait du gazon, de l'autre il y avait une allée. Seuls les professeurs et les étudiants étaient admis sur le gazon, le gravier m'était destiné.

Quel beau texte féministe...
Qu'est-ce qui reste (en dehors de son style admirable) de cette réflexion, qu'est-ce qui est encore actuel ?

Au mieux (c'est à dire au plus optimiste) on pourrait considérer ce livre comme un témoignage, qu'en était-il de la condition féminine en Angleterre il y a 80 ans...


Mais Virginia Woolf se bat pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes certes, mais aussi qu'elles puissent en profiter dans les mêmes conditions. Et cela, bien que j'aie la chance d'être dans un pays où la condition féminine est l'une des meilleures au monde, ce n'est toujours pas vrai.

C'est donc toujours d'actualité .

Sphynx a écrit:

Quel beau texte féministe...
Qu'est-ce qui reste (en dehors de son style admirable) de cette réflexion, qu'est-ce qui est encore actuel ?

je partage l'admiration de tchipette, et pour mieux connaître Virginia Woolf et ses oeuvres, je conseille la lecture de

Dans V.W, éditions de l'Olivier, Agnes Desarthe et Geneviève Brisac font un portrait empathique et discret de Virginia Woolf.

Son milieu familial, son milieu intellectuel de Bloomsbury :

Citation :

« la joyeuse vie qu’on y menait, toutes conventions jetées par-dessus les moulins une vie consacrée à oublier les contraintes de la précédente, à discuter, à fumer, à boire du v=café et du xhisky, à changer le monde à vivre le plus abstraitement possible, à chercher lmeilleure définition de la beauté en soi, et peindre les murs de couleurs vives ».

On fait la connaissance de ses amis, dont EM. Forster, l’ami de toujours, qu’elle voit comme

Citation :

« un homme candide, transparent, fantasque et détaché, qui ne se soucie guère, je crois, de ce que disent les gens - et qui sait parfaitement ce qu’il veut ».

Ses admirations littéraires vont en particulier à Proust (plus qu’ à Joyce !) avec lequel elle a des points communs : certains sont évidents :

l’ écriture « impressionniste », le goût de la peinture dans l’écriture, la recherche de la métaphore

Citation :

« Métaphore est le mot grec qui signifie transport. La métaphore fait se chevaucher les sens, invente des raccourcis. C’est en ce debut de vingtième siècle l’outil le plus adéquat pour traduire la rapidité, le mouvement ces notions si nouvelles et si importantes pour traduire la modernité L’espace et le temps ne sont plus deux catégories séparées il devient impossible de penser l’un sans l’autre, impossible aussi de concevoir l’immobilité ».

D’autre plus intimes, comme le symbolisme sexuel des fleurs.

V.W, Agnes Desarthe et Geneviève Brisac.

Au passage, sans rien de pédant ni de brutal, les deux auteurs écrivent des pages pertinentes sur les œuvres de V. Woolf, et elles réfutent les accusations d’antisémitisme ou de snobisme.

Elles montrent que

Citation :

les trois grandes dépressions qui marquèrent sa vie se déclarèrent à la suite d’un choc : la mort de sa mère, puis l’année de son mariage - la lune de miel ayant fait retentir l’écho des séances douloureuses infligées par ses demi-frères,

et l’année 1941, marquée par la mort de Julian son neveu, et ce climat de menace, voire de victoire militaire fasciste, qui vit aussi se suicider Walter Benjamin et Stefan Zweig.

Tchipette: est-ce que Virginia Woolf ne serait pas un écrivain que l'on apprécie davantage quand on a, disons, un peu vécu? Est-ce qu'il n'y a pas des auteurs comme ça, qu'on goûte mieux avec la maturité, qu'on a essayés puis laissés pour après, pour plus tard ?

un livre Virginia Woolf de Viviane Forrester, chez Albin Michel, brise le mythe de la femme fragile et dépressive. Elle montre la force du personnage aussi bien dans la vie que dans l'oeuvre.

Citation :

La biographe révèle une singulière inversion des rôles à l'intérieur du couple [Virginia-Leonard] : « il soigne en elle ce qui l'inquiète en lui ». Le premier mensonge de Léonard, c'est la sexualité de Virginia. Lui que les femmes répugnent, s'effraie du désir de sa jeune épouse et ne la comble pas. Viviane Forrester casse [aussi]le mythe de l'épouse frigide et de l'amant floué

Sphynx a écrit:

Tchipette: est-ce que Virginia Woolf ne serait pas un écrivain que l'on apprécie davantage quand on a, disons, un peu vécu? Est-ce qu'il n'y a pas des auteurs comme ça, qu'on goûte mieux avec la maturité, qu'on a essayés puis laissés pour après, pour plus tard ?

Je ne suis pas Tchipette et j'attends avec impatience son avis, mais je me permets d'intervenir par la question m'intéresse grandement.

Mon avis là dessus est qu'il y a en effet des écrivains pour tout âge. Il y a des auteurs qu'on ne peut forcément pleinement comprendre et appréhender tant que l'expérience, le vécu, etc, ne nous ont pas donné les armes pour cela, pour les saisir entre les lignes.

Il m'est souvent arrivé d'entamer des livres et de les reposer parce que je ne rentrais pas "dedans", n'étais pas prête, puis d'y revenir plus tard et de me passionner pour eux.

Heureusement, d'ailleurs, puisque cela permet d'évoluer sans cesse dans ses lectures.

Et moi Hesse et Hamsun.

Grass et Dostoievski..