François-René de Chateaubriand

lisez le dernier des Abencerages, vous aimerez Chateaubriand; c'est histoire où se melent le merveilleux et le drame; mais aussi une histoire d'amour rendue vaine par l'intolérance religieuse.

Rotko >> Il s'agit du texte de son départ pour l'Amérique, la toute fin du livre 5. En fait, je n'ai pas manqué de choses à dire, j'ai même été limite dans les temps, mais le problème du texte, c'est qu'il y avait trop de références à l'avant et à l'après. C'était plein de sous-entendus. Or, étant donné que je n'avais pas lu cet ouvrage, à l'origine... Je me suis dis que dans le contexte du véritable oral, j'aurais tout de même été dans la mouise lol Après, pour ce qui était d'analyser le style en lui-même, c'était facile ; l'analyse de détail, c'est mon truc (même si je ne connais pas par coeur toutes les figures de style, loin de là ^^''').

Je suis en train de lire " Les aventures du dernier Abencerage ", quel plaisir que la langue de RFdC. Ecrivain que je viens de découvrir il y a peu et qui me réjouit à chaque découverte. Ne faites pas l'impasse sur cet auteur.

A propos de " Les aventures du dernier Abencerage " :

Chateaubriand qu'il me plait d'avoir découvert il y a peu, nous donne avec ce titre un moment de lecture délectable. Les phrases sont travaillées au ciseau d'orfèvre. Diffiicile de ne pas tomber sous le charme de cette romance entre une Ibère et un Maure. Les envolées sentimentales, la religion, l'honneur et l'amour sont les clefs de voûte du récit. FRdC ensorcèle le lecteur avec tout le talent d'un mage de l'Orient. Je suis scotché par tant d'éloquence et de talent. Je n'ai qu'une hâte, me plonger dans d'autres écrits du maître.
La dernière phrase donne le ton de tout l'ouvrage :
" Lorsqu'on sort de Tunis, par la porte qui conduit aux ruines de Carthage, on trouve un cimetière : sous un palmier; dans un coin de ce cimetière, on m'a montré un tombeau qu'on appelle le tombeau du dernier Abencerage. Il n'a rien de remarquable; la pierre sépulcrale en est tout unie: seulement, d'après une coutume des Maures, on a creusé au milieu de cette pierre un léger enfoncement avec le ciseau. L'eau de la pluie se rassemble au fond de cette coupe funèbre et sert, dans un climant brûlant, à désaltérer l'oiseau du ciel " .
Un seul mot : SUPERBE.

Un petit livre de 127 (me dit Amazon) qui risque fort de se voir ajouté à ma déjà trop longue liste de livres à lire.
Merci Hexagone !

Oui il s'agit d'un livre assez court come Rena et Atala du reste. J'aime ces auteurs de la belle langue française. Je comprends pourquoi Hugo a dit je veux être Chateaubriand. J'ai découvert FRdC par hasard.Je lisais un livre de Vincenot qui faisait mention de cet auteur. Je suis allé voir wikipedia et ai plongé dedans. J'attaque bientôt Balzac que je connais pas, il me semble que je vais être ravi.

Je remonte le fil juste pour signaler aux autorités compétentes qu'il y a donc deux fils sur Chateaubriand.

nestor : Merci Cleo !

Hexagone a écrit:

A propos de " Les aventures du dernier Abencerage " :

Chateaubriand qu'il me plait d'avoir découvert il y a peu, nous donne avec ce titre un moment de lecture délectable. Les phrases sont travaillées au ciseau d'orfèvre. Diffiicile de ne pas tomber sous le charme de cette romance entre une Ibère et un Maure. Les envolées sentimentales, la religion, l'honneur et l'amour sont les clefs de voûte du récit. FRdC ensorcèle le lecteur avec tout le talent d'un mage de l'Orient. Je suis scotché par tant d'éloquence et de talent. Je n'ai qu'une hâte, me plonger dans d'autres écrits du maître.
La dernière phrase donne le ton de tout l'ouvrage :
" Lorsqu'on sort de Tunis, par la porte qui conduit aux ruines de Carthage, on trouve un cimetière : sous un palmier; dans un coin de ce cimetière, on m'a montré un tombeau qu'on appelle le tombeau du dernier Abencerage. Il n'a rien de remarquable; la pierre sépulcrale en est tout unie: seulement, d'après une coutume des Maures, on a creusé au milieu de cette pierre un léger enfoncement avec le ciseau. L'eau de la pluie se rassemble au fond de cette coupe funèbre et sert, dans un climant brûlant, à désaltérer l'oiseau du ciel " .
Un seul mot : SUPERBE.

J'avoue que le passage que tu cites est magnifique. Peut-être me pencherais-je dessus cet été, puisqu'il n'est pas trop long...

Suis en ce moment avec " Le génie du christianisme ". Nettement moins aborbale que René et Atala ou le dernier des Abencerage. Néanmoins cela me permet d'aboder l'auteur plus précisément et me forger une idée de son style avant d'attaquer " Mémoires d'Outre tombe". En tout cas un pivort de la littérature , sans conteste.

A propos du " Génie du christianisme " :

Un chemin de croix par moment.

M'étant lancé avec enthousiasme et fougue dans la lecture de Chateaubriand. Après avoir été ébloui par René, Atala, Les aventures du dernier Abencerage, j'ai poursuivi ma quête par cet ouvrage apologétique sur le christianisme. Autant le dire, cette oeuvre n'a aucun rapport avec les sus citées. L'auteur s'empare avec brio, certes, du christianisme et par un jeu de comparaison habile, démontre la suprématie ou du moins la supériorité de cette religion sur les autres. Quand nous disons les autres il faut entendre celles de l'antiquité. Aussi, se plaît-il à comparer les textes des grands écrivains antiques aux Ecritures et parvient avec talent, a donner aux Ecritures un avantage certain. Il ne refourgue pas aux oubliettes les textes anciens, on sent que Chateaubriand est pétri de cette culture ancienne, mais il transcrit sur le papier les avantages que le christianisme a dans son coeur.

Différents chapitres abordent différentes expression artistiques, la sculpture, la peinture, la musique et le chant. C'est parfois indigeste, souvent amphigourique, jamais lassant car Chateaubriand a le sens des mots et des phrases. Difficile de nier comme le font certains, après avoir lu ce livre, que la culture européenne n'est pas fondée sur le christianisme, tant celle-ci est traversée, pétrie, façonnée par cette culture religieuse.

Je ne pense pas lire le second tome, en revanche les Mémoires d'outre tombe me font de l'oeil, et même si " Le génie du christianisme " m'a donné des difficultés, tant les exemples cités sont riches et féconds de culture ancienne, rien ne m'arrêtera dans l'approfondissement de ma curiosité envers l'auteur.

Il faut resituer l'oeuvre dans son contexte, avant d'en tirer des conclusions sur la "christianité européenne"

Publié en France en 1802, le Génie du Christianisme est un ouvrage apologétique écrit entre 1795 et 1799 par François-René de Chateaubriand, alors en exil

On est là dans un contexte très nettement contre-révolutionnaire. Chateaubriand nourrit le rêve d'un retour à l'ancien régime (ce qui donne la signification au mot Restauration qui désigne la periode 1815-1830). L'essentiel est de se repentir par la religion des "horreurs de la révolution" . Tout est de la faute des Lumières, et le résultat d'un complot maçonnique, pensent les Emigrés.
Chateaubriand sera ministre sous la Restauration (poste dont il sera "chassé comme un laquais".)

C'est donc à mon sens un livre à lire et à "prendre avec des pincettes".

Même si Chateaubriand égratine un peu Voltaire, le livre n'est pas un pamphlet contre les lumières. Il est évident qu'il met en avant le christianisme et son rôle d'agent d'accélérateur dans la culture.

Je rejoins rotko : c'est un livre contre les Lumières. Chateaubriand fait l'apologie du christianisme car il représente le Sentiment contre la Raison. Senancour fera une bonne critique du Génie en égratignant notamment les "mystères". Je renvoie au chapitre de Bénichou "Contre-révolution et littérature" où il consacre une partie au Génie du christianisme : "Le "Génie du christianisme" ou la conversion de l'homme sensible".

" Après le malheur de naître, je n'en connais pas de plus grand que celui de donner la vie à un homme " Chateaubriand dans les M.O.T, ne dirait-on pas un aphorisme de Cioran ? Qu'en pensez-vous, Cioran évoque t-il Chateaubriand dans ses écrits ?

J'ai lu ces Mémoires trente fois au moins. Il y a des morceaux d'anthologie à savoir par cœur. Chateaubriand, par son style, assure une harmonieuse continuité entre le XVIIIe siècle et le XIXe, exactement comme en musique le classicisme de Mozart mène du baroque au romantisme. C'est une charnière, en quelque sorte, un fil d'Ariane.
C'est aussi un réactionnaire, quoique éclairé, ce qui est logique à une époque où la Révolution avait jeté à bas les piédestaux des rois et les statues des églises. Il fallait bien un peu d'onguent pour cautériser les plaies faites par Voltaire et les philosophes.
Ah, son coup de génie à jamais immortel : Tout à coup, une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment.

Trente fois Tu m'impressionnes

Je suppose qu'il s'agit de ses premiers livres. Pour la remarque concernant les rapports entre Cioran et Chateaubriand, à mon avis, c'est purment accidentel. Chateaubriand aime emailler ses textes de réflexions sur la vanité de la vie, la chute des civilisations, mais c'est là une "attitude d'outre tombe" qui lui donne du relief en penseur méditant sur son siècle.

Avec bien entendu des périodes d'éloquences qu'il affectionne : phrases amples, comparaisons puissantes et un peu artificielles. Comparez le style de Chateaubriand parlant de sa jeunesse et celui de Rousseau, vous trouverez l'authenticité et la modernité chez le plus vieux, JJR.

Hexagone a écrit:

Trente fois ! Tu m'impressionnes

Les bons ouvrages sont comme le bon vin, on en fait une cave où l'on puise à discrétion...

Hexagone a écrit:

" Après le malheur de naître, je n'en connais pas de plus grand que celui de donner la vie à un homme " Chateaubriand dans les M.O.T, ne dirait-on pas un aphorisme de Cioran ? Qu'en pensez-vous, Cioran évoque t-il Chateaubriand dans ses écrits ?

A mon avis, rien de commun entre les deux hommes. Et si on me montrait une citation de chateaubriand chez Cioran, j'avalerais mon casque de cycliste (prêté par Hexagone car le mien est encore chez le marchand).

Le vrai disciple de Chateaubriand, c'est d'Ormesson, toujours prêt à expliquer à la télévision qu'il n'aime pas les medias, dans les salons qu'il méprise les mondanités, et que la célébrité le gène plus qu'autre chose.

Hexagone, demande donc à son coiffeur si Chateaubriand était un solitaire se lamentant comme un anachorête dans le désert...

rotko a écrit:

j'avalerais mon casque de cycliste

J'ai mieux : la paire de chaussures de foot d'Anelka.

C'est bien rotko, tu mets ton casque .
En fait cette phrase citée plus haut m'a fait penser à certains aphorismes de Cioran. Je progresse dans les MOT et cela me plait bien, il faudra que je lise " le coiffeur".

Les mémoires d'outre-tombe

Fini le tome 1. Hâte de commencer le 2è.
C'est vous dire mon enthousiasme.

J'ai aimé vous lire sur la question de la "pose romantique" qu'il peut se donner.
Parfois, j'ai aussi été un brin agaçée par l'opinion qu'il a de lui-même, mais elle fluctue.
Tantôt il se représente quasi néantisé par la vie et ses tourments, tantôt il démontre ce qu'il a apporté de différent dans la littérature (l'idée : j'ai inspiré Byron mais personne ne le dit est assez prétentieuse !).

Mais pour moi, ce rapport à lui-même est TRES TRES secondaire quand on mesure l'ampleur de son talent.

Cette faculté de soulever le coeur du lecteur qui devient tour à tour un aventurier, un sentimental, un historien, et j'en passe... Il nous fait jouer tous les rôles et nous fait tout ressentir de cette vie riche, une vraie dramaturgie, au passage, avec des moments grandioses (révolution, voyages, rencontres, fantasmes...).

Cette oeuvre me semble inépuisable, à lire, relire et consulter.

Il a quand même très bien saisi "l'âme Bretonne" (attention, là, je suis partiale, vu que j'appartiens à cette région), mais je reconnais tellement ce tempérament orageux.

J'aime quand il dit "ardent et glacé". Je me sens très proche de sa sensibilité, même si l'emphase littéraire "constuit" le personnage pour en faire un roc admirable, mais délicat.

C'est aussi la mise en scène d'une vie intérieure palpitante, même si souvent macabre. Monde de rêveries, d'idéaux, d'impressions intensément vécues... Et là, il assure !

Quant au style : j'adore. Il est puissant.

J'ai lu également il y a longtemps Atala et René et curieusement, j'ai tout oublié.


A suivre...

Tome 2

Pas fini, mais assez avancé pour que je fixe mes impressions.

D'abord, Chateaubriand a un sens du tragique qui me plaît beaucoup. Il est très émouvant dans ce tome, quand il raconte la mort de Mme de Beaumont, qu'il a assistée jusqu'à la fin et celle du duc d'Enghien.

Qui révolterait n'importe qui, au-delà de toutes les idéologies.

Chateaubriand dénonce.

Le despotisme. Et là, l'odieux Napoléon s'en prend pour son grade. Démontant son prétendu héroïsme, il casse l'image du héros romantique que certains ont bien voulu construire (et à mon grand regret, des peintres comme Gros et David), pour replacer le bonhomme dans son contexte : un égocentrique, épris de pouvoir et de mégalomanie.

Tout cela est traversé par un souffle épique, on croirait lire Homère dans certains passages.

La plume est toujours admirable et soulève le lecteur.

J'aime beaucoup l'antienne du livre : la liberté. C'est un étendard très Celte !


Au-delà d'une certaine auto-complaisance, je crois vraiment que Chateaubriand était habité par des idéaux nobles. Il a croisé un fou sanguinaire et lui a réglé son compte littérairement.

Sans omettre de reconnaître les qualités de son ennemi, ce qui est louable.


Je n'en finis pas de réfléchir sur cette période révolutionnaire et ses dérapages invraisemblables. On passe d'une folie collective à une folie individuelle avec le Corse.


Et le rôle de l'écrivain dans toute cette agitation ? D'être lucide. De rapporter ce qu'il a vu.

De toucher ceux qui n'y étaient pas en animant des personnages historiques, souvent falots et lâches, mais acteurs malgré eux d'épisodes décisifs pour notre histoire.


A suivre...

Tout à fait d'accord avec cette critique (dont j'apprécie aussi bien le fond que la forme !)

En ce qui concerne l'excellence du style littéraire et la puissance émotionnelle de ses écrits, Chateaubriand n'a pas beaucoup de pareils. Il est sans nul doute un grand romantique, dans le sens le plus noble du terme.

D'accord aussi pour dire qu'il se place du côté de l'humain plutôt que du côté idéologique. La souffrance qu'il exprime, ainsi que le sentiment pesant de désillusion qui plane sur Les mémoires d'outre-tombe, ne doivent rien (ou si peu) à quelque narcissisme. L'auteur ne fait qu'exprimer les sentiments que lui inspirent les évènements tels qu'ils les a vécus. Dans ce contexte, sa vision de Napoléon semble, en effet, assez lucide.

D'ailleurs, l'histoire de cet empereur républicain n'est pas sans rappeler celle de Jules César, le vainqueur des Celtes, justement. Les deux étaient aussi bien conquérants, leaders charismatiques et brillants hommes d'État, mais c'étaient également des individus qui symbolisent la transformation d'un système démocratique en une monarchie. Ce sont donc, par la force des choses, des figures complexes et dramatiques.

Citation :

Les mémoires d'outre-tombe, ne doivent rien (ou si peu) à quelque narcissisme

.

C'est une vue bienveillante.

On fait grief à Rousseau de son prologue aux Confessions, pourtant si riche. L'avant-propos de Chateaubriand aux Memoires d'Outre-Tombe le situe d'emblée et délibérement, malgré toutes les qualités qu'on lui reconnaît, dans une Posture.