Poème du jour

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 13:34

Un court poème, plein de sensiblilité, tiré du dernier recueil de notre amie Darabesque, intitulé Pleurer ou rire

Gris

Le gris du ciel rejoint la mer :
Même couleur, même ton.
Celui de l'envie, du désespoir
Celui surtout de l'abandon.
Il partit un matin
Sur les eaux troubles.
Un matin de tempête,
Un matin de chagrin.
Ces matins où tout nous paraît noir,
Ces matins où tout nous paraît vain :
Respirer, bouger, sourire...
Et même vivre.

Marie Chevalier

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 14:04

Je ne sais pas si je serai là le 8 mars alors pour toi Nicole et pour les femmes de GDS ce petit poème (de moi Embarassed

)

FEMMES

Femmes de menuisiers
Ou femmes de peintres,
Femmes d’ouvriers
Ou femmes de cadres
Nous sommes nous.
Tout d’abord nous,
Rien que nous !.
Nous n’appartenons
A personne et surtout
Surtout pas à ceux
Qui, imbus de leur virilité
S’imaginent, naivement,
Que dans leurs bras
Allons tomber !
Non messieurs,
L’heure est passée
De nous « dresser »
Comme un animal adopté,
Nous sommes des femmes
Et fières de l’être,
Mais près de vous

Pas à vous .

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 14:17

Ce que tu as écris me touche beaucoup, merci Marie! merci

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 14:20

Merci à toi Soussou biz

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 14:20

Merci, Marie. Très joli texte, engagé ! Le cadeau me touche beaucoup.

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 16:15

Chanson de cirque

Corrida de Muerte

Les hauts barons blasonnés d'or,
Les duchesses de similor,
Les viveuses toutes hagardes,
Les crevés aux faces blafardes,
Vont s'égayer. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme est bon enfant.

C'est du sang vermeil qu'ils vont voir.
Jadis, comme un rouge abattoir,
Paris ne fut pour eux qu'un drame
Et ce souvenir les affame ;
Ils en ont soif. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Peut-être qu'ils visent plus haut :
Après le cirque, l'échafaud ;
La morgue corsera la fête.
Aujourd'hui seulement la bête,
Et demain l'homme. Ah ! oui, vraiment
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Les repus ont le rouge aux yeux.
Et cela fait songer les gueux,
Les gueux expirants de misère.
Tant mieux ! Aux fainéants la guerre ;
Ils ne diront plus si longtemps :
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Louise Michel

(Jacques Bonhomme était un sobriquet donné aux ouvriers et aux gens du peuple par les classes aisées)

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 16:20

très joli texte Constance merci
cette femme est un monument pour nous autres femmes de maintenant. quel courage !

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 16:26

darabesque a écrit:: très joli texte Constance merci
cette femme est un monument pour nous autres femmes de maintenant. quel courage !

Ce poème a été mis en musique, pour devenir une chanson très populaire en France, mais je n'ai pas trouvé de vidéo, Darabesque ... col

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 16:27

Pensez au film de ce samedi 6 mars sur FR 3, encore qu'il n'intéresse qu'une partie de sa vie.

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 16:28

Ca m'étonnerait que l'on en trouve une mais pas grave les mots sont puissants !

Sujet: Re: Poème du jour Sam 06 Mar 2010, 16:29

Oui ma cassette est dans le magneto faut voir ..

Sujet: Re: Poème du jour Dim 07 Mar 2010, 23:18

Poème du jour - Page 11 Sverinepineauxhiver

Ah que les arbres m'enchaînent
Et que leurs branches s'enroulent
Nids d'astres torturés
Aux herbes mortes de ma chair

Entends mon coeur l'eau des étoiles
Entends ma chère
Le grincement des veines
Hisse ma chair des seaux de sang

Moi je tombe
Arbres ma mémoire et les robes de l'air
Tout fuit et rien ne me retient
- Voulez-vous me lâcher la main.

André Gaillard

(Oeuvres poétiques, cahiers du sud, 1940)

Toile "Hiver", de Séverine Pineaux

Sujet: Re: Poème du jour Mar 09 Mar 2010, 07:01

La tête de métal

La tête de métal détachée de son corps de glaise,
de cette pesanteur de glaise,
de sa matrice barbelée sous le soleil des miradors,
gravite désormais dans l'espace liquide.

Elle dit le visage inconnu des astres,
les pluies de fer, la respiration des planètes.
Mais que dit-elle de notre amour,
du tremblement des mains qui se rejoignent,
de l'ombre entre nos corps, de l'aube sur ta bouche
lorsque parfois la nuit des âmes se dénoue ?
Mais que dit-elle de notre mort ?

Chaque nuit, sur la maison de verre,
vole cette balbutiante poussière d 'homme
entre notre sommeil et le fracas des étoiles.

Jean Joubert

(In Corps désarmé à la merci des arbres, Guy Chambelland éditeur)

Sujet: Re: Poème du jour Mer 10 Mar 2010, 16:04

J’ai descendu, en te donnant le bras

J’ai descendu, en te donnant le bras, plus d’un million d’escaliers,
et maintenant que tu n’es plus là c’est le vide à chaque marche.
Même ainsi notre long voyage a été court.
Le mien dure encore, et je n’ai plus besoin
des correspondances, des réservations,
des embûches, des déboires de qui croit
que la réalité est celle qu’on voit.
J’ai descendu des millions d’escaliers en te donnant le bras,
et non parce que quatre yeux y voient sans doute mieux.
C’est avec toi que je les ai descendus, sachant que, de nous deux,
les seules vraies pupilles, malgré leur épais voile,
c’étaient les tiennes.

Eugenio Montale

(Satura)

Photo "Marcel Duchamp descendant l'escalier", de Eliot Elifoson

Sujet: Re: Poème du jour Jeu 11 Mar 2010, 14:04

Le poète est un ouvrier

On gueule au poète :
” On voudrait t’y voir, toi, devant un tour !
C’est quoi, les vers ?
Du verbiage !
Mais question travail, des clous ! “
Peut-être bien
en tout cas
que le travail
est ce qu’il y a de plus proche
de notre activité.
Moi aussi je suis une fabrique.
Sans cheminée
peut être
mais sans cheminée c’est plus dur.
Je sais, vous n’aimez pas les phrases creuses.
Débiter du chêne, ça, c’est du travail.
Mais nous
ne sommes-nous pas aussi des menuisiers ?
Nous façonnons le chêne de la tête humaine.
Bien sûr,
pêcher est chose respectable.
Jeter ses filets
et dans ses filets, attraper un esturgeon !
D’autant plus respectacle est le travail du poète
qui pêche non pas des poissons
mais des gens vivants.
Dans la chaleur des hauts-fourneaux
chauffer le métal incandescent
c’est un énorme travail !
Mais qui pourrait
nous traiter de fainéants ?
Avec la râpe de la langue, nous polissons les cerveaux.
Qui vaut le plus ?
Le poète
ou le technicien
qui mène les gens vers les biens matériels ?
Tous les deux.
Les coeurs sont comme des moteurs,
l’âme, un subtil moteur à explosion.
Nous sommes égaux.
camarades, dans la masse des travailleurs,
prolétaires du corps et de l’esprit.
Ensemble seulement
nous pourrons embellir l’univers,
le faire aller plus vite, grâce à nos marches.
Contre les tempêtes verbales bâtissons une digue.
Au boulot !
La tâche est neuve et vive.
Au moulin
les creux orateurs !
Au meunier !
Qu’avec l’eau de leurs discours
ils fassent tourner les meules !

Vladimir Maïakovski

(Traduction Elsa Triolet)

Statue de Maïakovski à Saint Petersbourg

Sujet: Re: Poème du jour Ven 12 Mar 2010, 16:25

Le brouillard

Le brouillard a tout mis

Dans son sac de coton ;

Le brouillard a tout pris

Autour de ma maison.

Plus de fleur au jardin,

Plus d’arbre dans l’allée ;

La serre du voisin

Semble s’être envolée.

Et je ne sais vraiment

Où peut s’être posé

Le moineau que j’entends

Si tristement crier.

Maurice Carême

Sujet: Re: Poème du jour Dim 14 Mar 2010, 19:39

Temps nouveaux

C'est maintenant le temps des herbes sur les ruines
la pluie noire arrachée au drame
les lauriers les plaies divines
c'est maintenant le temps des promeneurs solitaires.

C'est maintenant le temps de la vraie peur des poètes
dans les bois les yeux bleus de la terre
des mains de beau temps sur les genoux d'une mère
c'est maintenant le vent qui dort un peu après la fête.

C'est maintenant la voix des lilas sur Paris
les vergers en feu tout sifflant d'enfants
le hasard le premier mort de la paix qui sourit

voici venir le temps des libertés en sang.

Jean Cayrol

(Poèmes de la nuit et du brouillard, in "Chacun cherche son silence", Anthologie, Points poésie)

Citation :: Résistant de la première heure, Jean Cayrol (1911-2005) est arrêté en 1942, puis déporté au camp de Mauthausen-Gusen. Il survit à l'enfer concentrationnaire, mais reste marqué à vie par cette expérience. [...] il a écrit le commentaire du film d'Alain Resnais, "Nuit et brouillard", inspiré de son recueil "Poèmes de la nuit et du brouillard", titre également repris par Jean Ferrat

Sujet: Re: Poème du jour Lun 15 Mar 2010, 15:36

J'attends ...

J'attends. Le vent gémit. Le soir vient. L'heure sonne.
Mon cœur impatient s'émeut. Rien ni personne.
J'attends, les yeux fermés pour ne pas voir le temps
Passer en déployant les ténèbres. J'attends.
Cédant au sommeil dont la quiétude tente,
J'ai passé cette nuit en un rêve d'attente.
Le jour est apparu baigné d'or pourpre et vif,
Comme hier, comme avant, mon cœur bat attentif.
Et je suis énervé d'attendre, sans comprendre,
Comme hier et demain, ce que je puis attendre.
J'interroge mon cœur, qui ne répond pas bien ...
Ah ! qu'il est douloureux d'attendre toujours - rien !

Albert Lozeau

(L'âme solitaire)

Toile "Le dormeur", de Séverine Pineaux

http://www.scribd.com/doc/13897911/Albert-Lozeau-Poesies-completes-I

Sujet: Re: Poème du jour Mar 16 Mar 2010, 18:41

Poème du jour - Page 11 Pinocolorfularchways

Hospitalité

Ce coin de campagne imprévu
S'adossait par force à la ville,
Lui tournait le dos,
L'ignorait,
Offrant ses arbres, ses chevaux
Aux seuls regards dépossédés.

Le mur ancien bordait le pré,
Souvenir des âges tranquilles,
Et le soleil s'y reposait
Entre deux fuites de nuages.

Le coeur était à l'innocence, à la bonté,
Caresses rares.
On oubliait insulteurs et bourreaux,
Ravageurs têtus de la Terre
Qui n'en ont jamais assez
De l'user, de la mettre aux fers.

Un chant d'oiseau filait parfois
Aux chambres fraîches de l'aube,
Mince comme un fil d'eau pure.

On était calme, on était bien ;
La vie se remettait en place,
Prêtant l'oreille, là, derrière,
Aux voix unies de l'amitié
Comme au bruit d'un ruisseau dans l'herbe.

Luc Decaunes

(Inédit, Rodez, 1981)

Toile de Pino Daeni

Sujet: Re: Poème du jour Mer 17 Mar 2010, 18:11

Ce qui interroge et se perd dans l'interrogé

L’un sans moi et sans toi
Le dur noyau des pulpes galactiques
Le tournoiement à l’intérieur des tournoiements
La particule dans les particules
Le miroir dans les miroirs infiniment
La boîte dans les boîtes
Le plus, le moins dans le tout
Le tout dans d’autres tout
L’un considérant ses multiples
Ses profondeurs
Ses fruits dans leurs noyaux
Sa grande faim comme le ciel
Le pur diamant d’une pensée sans mot
Dans le grand vide, l’absolu
Cette aile avant qu’on la rogne

Roger Milliot

(In "Qui")

Sujet: Re: Poème du jour Jeu 18 Mar 2010, 21:45

Poème du jour - Page 11 LandOfMilkHoney-bruce-riker-crd

L'avenir au bout de la plage ...

L'avenir au bout de la plage
C'est le feuillage de la mer
L'air agile et chargé de sel.
Dans l'amertume des vergers
Les fruits durs que guette le vent
La vigoureuse floraison
des feux de nuit dans les cités.
Et les croisés marqués de sang
Libres traqués chacun ses armes.
Nul n'est seul sous l'âpre soleil.
L'agonie ou l'amour en partage.
Il s'agit d'atteindre la mort
Par les plus fabuleuses routes.

Janine Mitaud

(Hâte de vivre, Seghers)

Toile "Land of Milk Honey", de Bruce Ricker

Sujet: Re: Poème du jour Ven 19 Mar 2010, 15:49

Parler seul

Il arrive que pour soi
l'on prononce quelques mots
seul sur cette étrange terre
alors la fleurette blanche
le caillou semblable à tous ceux du passé
la brindille de chaume
se trouvent réunis
au pied de la barrière
que l'on ouvre avec lenteur
pour rentrer dans la maison d'argile
tandis que chaises, table, armoire
s'embrasent d'un soleil de gloire.

Jean Follain

(Exister)

Sujet: Re: Poème du jour Ven 19 Mar 2010, 16:51

Encore un très joli poème, que je ne connaissais pas... je me souviens avoir lu avec grand plaisir Eclats du temps : merci Constance merci

Sujet: Re: Poème du jour Ven 19 Mar 2010, 18:41

TRAME LUNARI

il suono attutito di perse
memorie riverbera

affiorano brividi d'ombra

da uno spiraglio repentino è desto
un corso d'acqua calmo e chiaro

svela ammutoliti giardini

e questo crucciato profugo è
riflesso in quel vago balocco

o gote rosee o tempie azzurine
o dolcezza d'occhi senza pensieri.

Giuseppe Ungaretti
__________________________________________________
Trames Lunaires (traduction de Frédéric Magne)

le son atténué de souvenirs
perdus se répercute

affleurent des frissons d'ombre

d'une fente soudaine jaillit
un cours d'eau calme et clair

il dévoile des jardins pleins de mutisme

et ce fugitif tourmenté est
reflété dans ce vague jouet

Ô joues rosées Ô tempes azurées
Ô douceur des yeux sans pensées

[Rome, 29 juin 1922]

Sujet: Re: Poème du jour Sam 20 Mar 2010, 10:32

La folle

Elle a les cheveux blancs, très blancs. Elle est jolie
Encore, dans sa robe aux chiffons de couleur.

Elle emporte, en passant, des branches qu'elle
oublie.
Les jardins sont absents et morte est la douleur.

Elle a des yeux d'enfant qui reflètent les jours,
Eau transparente où passe et repasse une fuite.

Sa sagesse est donnée avec des mots sans suite,
Des mots divins qui vont mourir dans le vent lourd.

Edmond-Henri Crisinel

(Le veilleur, in Oeuvres, L'âge d'homme)

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