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| | Poème du jour | |
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Auteur | Message |
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nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 19 Jan 2010, 17:59 | |
| La vie et moi
Le soleil brille, c'est commun La pluie mouille, c'est banal Le coeur saigne, ça fait mal Le jour se lève, c'est le matin.
De banalités en banalités De mots en mots récités, De frivolités en frivolités De phrases en vain répétées,
La vie passe et se suivent les ans, Les rides s'installent et ravagent Les visages autrefois si vivants, On appelle cela le grand âge.
Vieillir c'est la vie, disent certains C'est la mort, répètent les autres Il faut mourir, disent les uns Il faut accepter, disent les autres
Et moi j'erre dans tout cela Toujours de l'avant je vais Je ferme les yeux et... Je reste avec moi.
Marie Chevalier - Douleur et plaisir des mots | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Mar 19 Jan 2010, 18:04 | |
| ces deux là me font écho. comme une blessure mal dissimulée merci | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Mar 19 Jan 2010, 19:25 | |
| je suis fatiguée, fatiguée d'être mal je voudrais être heureuse encore un peu quelques lunes quelques jours de bonheur je voudrais..... est-ce trop demander ?
s'il vous plais avoir encore l'impression de vivre. | |
| | | nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 19 Jan 2010, 22:11 | |
| Courage, Lysandre, tu as plein d'ami(e)s par ici. Il y aura encore quelques lunes de bonheur pour toi, c'est sûr ! Amitiés. | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Mer 20 Jan 2010, 11:30 | |
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 20 Jan 2010, 13:50 | |
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Nous
Nous les extravagants, les bohèmes, les fous, Nous qui aimons les filles, les liqueurs fortes, la nudité mouvante des tables où s’érige, phallus, le cornet à dés. Nous les écorchés de la vie, les poètes. Nous qui aimons tout, tout; l’église, la taverne, l’antique, le moderne, la théosophie, le cubisme. Nous aux coeurs puissants comme des moteurs qui aimons les combats de coqs les soirs élégiaques, le vrombissement des abeilles dans les matins d’or, la mélodie sauvage du tam-tam, l’harmonie rauque des klaxons, la nostalgie poignante des banjos. Nous, les fous, les poètes, nous qui écrivons nos vers les plus tendres dans des bouges et qui lisons l’Imitation dans les dancings. Nous qui n’apportons point la paix, mais le poignard triste de notre plume et l’encre rouge de notre coeur !
Carl Brouard
("Anthologie secrète", édition "Mémoire d'encrier") Biographie de ce grand poète haïtien : - Spoiler:
Carl Brouard naît le 5 décembre 1902 à Port-au-Prince d'une famille bourgeoise. Son père, Rafaël Brouard, est un négociant de la Place ; sa mère, Cléomie Gaetjens, une bourgeoise puritaine. Le couple a eu quatre enfants. Brouard vit une enfance heureuse dans les frais ombrages de Bizoton. En octobre 1907, Carl Brouard est inscrit à l'école Erima Guignard. En 1912, il est accepté au Collège des Pères du Saint-Esprit en classe de huitième. Il est déjà un grand amateur du Moyen-Âge. L'année d'après, il quitte le Collège du Saint-Esprit pour étudier sous la supervision de Catts Pressoir, alors en deuxième année de médecine. Carl Brouard a seize ans quand les marines débarquent en Haïti. Le jeune Brouard en est meurtri : « 28 juillet 1915. L'Américain foulait notre sol. Bien qu'alors en pantalons courts [...] la mélancolie dilata nos yeux ». En 1919, Brouard achève son cycle d'études scolaires chez Catts Pressoir. C'est un jeune homme curieux qui se nourrit de la vision nationaliste de Jean Price-Mars, auteur de La vocation de l'élite.
À vingt ans, Brouard se brouille avec son père. Alcoolique, le jeune Brouard mène une vie de bohème, qui effraie les gens de sa classe sociale et il commence à s'intéresser au vaudou.
Les parents de Carl Brouard partent pour la France où le jeune Brouard séjourne brièvement, fasciné par la vie parisienne. En 1922, il revient au pays où il suit de près les débats de son temps et considère Price-Mars comme « le seul écrivain à avoir eu de l'influence sur sa génération ».
Amoureux d'Anna Lerebours, femme d'origine modeste, Brouard l'épouse en 1936. De cette union, naîtront deux filles, Cléomie et Olga.
En 1927, Brouard fait paraître son unique recueil Écrit sur du Ruban rose. La même année, à la parution de La Revue indigène, on le retrouvera membre du comité de rédaction à côté des écrivains Émile Roumer, Normil Sylvain, Jacques Roumain, Antonio Vieux, Philippe Thoby-Marcelin et Daniel Heurtelou. Brouard collabore à La Trouée, revue éphémère fondée en 1927 par Richard Salnave, Daniel Heurtelou, Max Hudicourt et Jacques Roumain.
En 1928, Brouard publie un article dans lequel il affirme : « Après tout, le vaudou est notre seule originalité » à la suite de la parution du monumental essai Ainsi parla l'oncle de Jean Price-Mars. Il s'initie au vaudou. En 1929, Brouard devient gérant-responsable du journal Le petit impartial. Comme ses précédents directeurs Georges Petit et Jacques Roumain, il sera emprisonné. La cause : une interférence de lignes dans le compte-rendu du procès de Roumain : « Louis Borno s'est hissé au rang de malfaiteurs » au lieu de « au pouvoir ».
Brouard prend une part active dans la vie culturelle haïtienne, en publiant des articles critiques sur Stéphen Alexis, Jacques Roumain, Jean Price-Mars entre autres.
En 1930, reprochant aux marxistes haïtiens leur vision sociale étroite, Brouard évite le cénacle de Jacques Roumain et intègre le groupe Les Griots, composé des trois D : Louis Diaquoi, Lorimer Denis et François Duvalier. Chef de file des Griots, Brouard travaille à valoriser le folklore haïtien et écrit cette célèbre formule : « Nous remîmes en honneur l'assotor et l'açon ».
Carl Brouard continue à écrire et à publier dans les journaux, mais son errance et sa vie de bohème ne lui permettent pas de poursuivre son œuvre.
En 1963, les amis de Carl Brouard, à l'initiative de l'historien Roger Gaillard, forment le « Comité Soixantième Anniversaire de Carl Brouard » qui publie une anthologie des œuvres de Brouard sous le titre de Pages retrouvées.
Affaibli et miné par l'alcool, Carl Brouard meurt à Port-au-Prince en novembre 1965, seul, en pleine rue. Il aura des funérailles officielles. Chantées le 29 novembre, les funérailles, dit un journal de l'époque, étaient officielles et populaires. (Ile en île)
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Jeu 21 Jan 2010, 08:55 | |
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Sarah, voluptueuse et rousse, charme les serpents : dans sa tunique de satin vert constellé de verroterie, elle appelle lascivement les étreintes larges et molles, intenses et lentes et persuasives. Le tambourin nasille sur d'étranges rythmes, de plus étranges motifs selon les paresseux enveloppements des boas engourdis et des tendres pythons.
Et les quinquets encrassent l'atmosphère crapuleuse de la baraque en planches : des odeurs stagnent, senteurs des chairs moites et chaudes, parfums d'aisselles trempées, de toisons prostituées à toutes les luxures, parfums violents où se définit l'infecte puissance des muscs et des cambouis ... La flamme des lampes est lourde et charnellement triste. Et tous sont là : troupeau de mâles énervés, les maxillaires durs et cruels, avec le même pli douloureux des lèvres et la fixité du regard.
Sarah danse, souple dans la spirale mouvante des monstres : elle s'échauffe peu à peu, petite prostituée nerveuse, petite prostituée du délire ... Elle entrelace la complexité des rythmes et là danse l'enivre et les bêtes la violent d'une possession totale : une étreinte lui lie la taille et l'enserre d'une volupté morbide. Elle danse les cuisses baguées d'écailles, la gorge serrée d'une tendresse sans nom, crispée, souillée, pamée, radieuse. Et, d'un geste grave, elle élève la tête en triangle des monstres à fleur de bouche, les yeux démesurément élargis, pétrifiés de peur, de terreur consentante.
Francis Carco
(In "Poèmes" ) | |
| | | Genji pilier
Nombre de messages : 205 Date d'inscription : 07/06/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Ven 22 Jan 2010, 08:30 | |
| EMPORTEZ-MOI
Emportez-moi dans une caravelle, Dans une vieille et douce caravelle, Dans l'étrave, ou si l'on veut dans l'écume, Et perdez-moi, au loin, au loin.
Dans l'attelage d'un autre âge. Dans le velours trompeur de la neige. Dans l'haleine de quelques chiens réunis. Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.
Emportez-moi sans me briser, dans les baisers, Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent, Sur les tapis des paumes et leur sourire, Dans les corridors des os longs, et des articulations.
Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.
Henri MICHAUX, L'espace du dedans | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Ven 22 Jan 2010, 19:53 | |
| Hors des soupirs
Hors des soupirs quelque chose naît Qui n'est pas le chagrin, car je l'ai abattu Avant l'agonie. L'esprit pousse Oublie et pleure. Quelque chose naît qui est goûté et trouvé bon, Tout ne pouvait pas décevoir. Il y a heureusement, quelque certitude : Autant ne pas aimer si on n'aime pas à la folie, Et cela reste vrai après une défaite perpétuelle.
Après le combat que connaissent les faibles Il y a plus que la mort. On oublie les grandes peines, ou bouche la blessure. On souffre trop longtemps, Mais pas à regret de laisser une femme Attendant son soldat souillé par le crachat des mots Qui éclaboussent un sang si âcre.
Si cela suffisait, suffisait à calmer la douleur, Le regret éprouvé quand s'est consumé Ce qui faisait ma joie dans le soleil. Que j'étais heureux tant qu'elle a duré, Il y avait des choses vagues et de doux mensonges à foison, Les mots creux pouvaient contenir toute la souffrance Et me guérir de tous mes maux.
Si cela suffisait, l'os, le sang, les tendons, Le cerveau tortueux, le rein aux belles formes, Cherchant à tâtons les débris dans l'écuelle du chien, L'homme devrait être guéri du mal, Car tout ce qu'il y a à donner je l'offre : Des miettes, une grange et un licou.
Dylan Thomas
("Vingt-cinq poèmes", in "Ce monde est mon partage et celui du démon", collection Points) | |
| | | Merwyn Animation
Nombre de messages : 5375 Date d'inscription : 05/06/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 23 Jan 2010, 19:26 | |
| Absence
Rideaux tirés sur une vie languide en lit de félicité, Les lèvres jointes, muettes d'avoir trop espérées, Les yeux rougis s'abreuvant en la vaine sanguine, D'un coeur tremblant en son ventricule finissant. Murmure d'un battement funeste qui se meut en l'instant Et nous rapproche frémissant d'un pas, d'une ravine.
Hector de Parnasse in The Last Breath (extrait) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 23 Jan 2010, 20:58 | |
| Ne connaissant pas Hector de Parnasse, j'ai fait des recherches sur le Net, afin de me familiariser avec ce poète ... mais celles-ci s'étant avérées infructueuses, pourrais-tu le situer, Merwyn ... ? | |
| | | Merwyn Animation
Nombre de messages : 5375 Date d'inscription : 05/06/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 23 Jan 2010, 21:17 | |
| Hector de Parnasse (1831-1873) est un poète anglais du XIXème siècle proche du mouvement préraphaélite. Il est en effet très difficile à trouver et d'ailleurs, plus édité. Enfin, en chinant bien, tu peux le découvrir dans certains recueils de poésie édités au XIXème siècle. - Spoiler:
Ps: heureusement que tu ne me demandes le nom du traducteur car là... aucune idée.
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| | | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Dim 24 Jan 2010, 13:52 | |
| Dernier lied, Pâles amours solennelles ...
Derniers feux.
Derniers jeux.
Pour mon guignol À mon trépas écarquillé Sur les quais du silence.
(In Déchu)
Ombres et Reflets
I
Sur la page blanche, nos crayons immobiles dorment sous le halo de mes lampes. Premières heures pacifiantes du soir, crépuscule ouaté de silences après les siestes longues, yeux et chair reposés, la jactance du poème n'est pas l'espoir des hommes. "Pensez aux maux dont vous êtes exempts", édicte la sagesse musulmane: L'abjection du "toboute" (cellule d'inculpés) du bureau de la police, la prison, et la cruelle solitude de l'esprit, le mal dormir, l'injustice des aigris, l'inquiétude douloureuse des lendemains éthyliques, les paroles irritées qui attristent et blessent nos amis ... Voici la table jonchée de cendres sur les vains discours de nos grimoires. Filles indolentes de minuit à l'effigie des stances esquissées, mon bel émoi étend son ombre sur mon buvard.
II
Avant l'aurore, l'haleine de la mer salue l'espoir de l'homme, et, vers l'orient, son regard embrasse l'horizon des montagnes couronnées d'étoiles. Fumées parfumées de la pipe culottée, cafés des bouges, balayeurs, et les mégots du soir, encore humides de la salive des beautés du bal, au bistrot, ma bouche recèle le dentifrice de la Muchacha. Gabriel Rousseau, au "National", et Elie Bazile, au "Matin", distribuent les journaux aux facteurs. Quatre heures du matin, Grand'Rue, c'est la halte, chez Angèle, des escogriffes en manches de chemise, voyous soûls, roulures, viragos dépeignées, pickpockets, sans-domiciles, dévoyés, pochards silencieux aux mines équivoques de mouchards ... Mais orientés vers la mer, nos pas, le long des trottoirs du boulevard, rejoignent ceux des villageoises, pieds menus dans des sandales de cuir. Échos multipliés des mélodies rehaussées, la Tanagra a perdu son porte-bonheur, et Djoméca, au dancing, rejoue la valse de Tennessee.
Magloire-Saint-Aude
(Le Nouvelliste, 22 décembre 1956) Biographie de Magloire-Saint-Aude : - Spoiler:
Le récit de la vie de Magloire-Saint-Aude ressemble à ce portrait contrasté qu'il fait de lui-même dans Dimanche. Comme si dans sa vie même, il avait voulu déjouer les tentatives de ceux qui essaieraient de mettre à jour son énigme, de donner à son oeuvre comme à sa personne une quiète permanence, une forme, un nom et un message, une promesse rassurante de signification. Mais que sait-on au juste de Magloire-Saint-Aude ? Des événements, quelques faits parfois contradictoires. Il naît à Port-au-Prince le 2 avril 1912, il porte alors le nom de Clément Magloire fils. Héritier d'une famille notable (son père est le célèbre fondateur du journal Le Matin), il étudie dans plusieurs écoles fréquentées par l'élite (Le Petit Séminaire Collège Saint-Martial, L'Institution Saint-Louis de Gonzague et L'Institut Tippenhauer). Il publie ensuite très jeune, ses premiers poèmes dans les revues "La Relève et Le Matin". Il participe au mouvement indigéniste des « Griots » aux côtés du poète Carl Brouard et du jeune François Duvalier qui allait devenir celui qu'on sait. Clément Magloire fils est alors secrétaire général de la revue du mouvement intitulée Les Griots et cette revue sera le premier espace où sa révolte trouvera à s'exprimer. Mais il se distancie assez rapidement des Griots pour suivre « d'instinct » une nouvelle voie et une nouvelle pratique d'écriture que Philippe Thoby-Marcelin préfaçant son premier recueil qualifiera de surréaliste. Adoptant cette appellation, il la fera sienne en revisitant et adaptant à sa propre recherche poétique le surréalisme de Breton.
1941 est une année décisive : il publie coup sur coup "Dialogue de mes lampes" et "Tabou" et devient Magloire-Saint-Aude en rejetant le prénom de son père et en ajoutant à « Magloire » le nom de sa mère. Il se crée ainsi son propre nom et sa propre écriture. Parallèlement à son oeuvre poétique, il se consacre au journalisme : il écrira quasiment jusqu'à sa mort un nombre impressionnant d'articles et de chroniques dans plusieurs journaux et quotidiens. Il vit alors en « paria » dans un quartier pauvre de Port-au-Prince (à Martissant), fréquente les bouges, les bars, les bordels, jouant jusqu'au bout ce personnage qu'il s'était créé. Cependant, ce monde de la rue et de la nuit l'inspire pour ses chroniques et, indirectement, pour sa poésie. Il rencontre et impressionne favorablement Breton lors du passage de celui-ci en Haïti, mais ne participe nullement à la révolte qui suivra ce séjour. Sa recherche poétique par contre s'intensifie : il assume et revendique pleinement son hermétisme et sa révolte.
Il publiera quelques textes en prose, versions retravaillées de ses chroniques et articles dans les journaux, oeuvres courtes, incisives qu'il nommera, avec désinvolture, ses travaux « d'écrivain professionnel ». La qualité de ces textes est en effet inégale, mais certains, brillants au ton direct, ironique et percutant témoignent d’une autre facette très peu connue de son écriture. Son dernier recueil de poèmes, Déchu (1956), met délibérément fin à son aventure poétique. Tous les textes ultérieurs seront en effet des inédits ou des publications posthumes. À partir de 1967, celui qui est maintenant le président Duvalier père lui accordera, dans un geste assez ambigu, une allocation mensuelle dont il bénéficiera jusqu'à sa mort. Son profond pessimisme le tiendra cependant toujours éloigné du pouvoir et du politique, de droite, comme de gauche. Il ira à la même époque à l'hôpital et en prison. Il sera caustique dans ses articles envers les élites, silencieux sur ses intentions, un révolté du désengagement, souvent ivre et seul. Il ne sera l'homme d'aucun parti, d'aucun mouvement, d'aucune cause, d'aucune école.
Il meurt finalement, après plusieurs séjours à l'hôpital, le 27 mai 1971 tout aussi seul et il a, paradoxalement, des funérailles officielles au cours desquelles des discours seront prononcés. Jusque là, il aura de moins en moins publié, ne se sera jamais véritablement expliqué sur rien et n'aura jamais écrit – si l'on excepte quelques articles souvent sibyllins – de manifeste ou d'Art Poétique.
Magloire-Saint-Aude livrera par contre une poésie elliptique, dense, ciselée et traversée par le silence et l'opacité qu'il élève au niveau d'une véritable exigence éthique et esthétique. Ces quelques pages presque blanches constituent, avec la certitude immédiate que seule la beauté peut imposer d'elle-même, l'une des œuvres les plus grandes et les plus accomplies de la littérature haïtienne et mondiale.
(Stéphane Martelly)
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Lun 25 Jan 2010, 11:17 | |
| Oh ! Cet homme que je suis pourrait cesser d'exister
Maintenant je voudrais que cesse le soleil et que les blanches maisons luisantes, les gaies fleurs rouges des balcons et derrière, les montagnes bleuâtres soient brisées entre deux battants de ténèbres; les ténèbres qui tombent, les ténèbres qui montent avec un bruit sourd obstruant tout.
Je voudrais que ce qui soutient les murs de lumière s'effondre et que les ténèbres se ruent lourdement sur nous, et ce serait à jamais ténèbres épaisses et noires. Non pas le sommeil qui est gris de rêve, ni la mort qui vibre de naissance mais lourdes ténèbres qui scellent et silence, immuable.
Qu'est-ce que le sommeil ? Il passe sur moi comme l'ombre sur colline, mais il ne m'abat pas, il ne me conforte pas. Et la mort ferait mal encore, j'en suis sûr; ce serait voilé, malaisé.
Je voudrais qu'il fasse partout obscur sur moi, au-dehors, lourdement obscur absolument.
David Herbert Lawrence
(Vois ! Nous touchons au but, in Poèmes, NRF Gallimard) | |
| | | darabesque pilier
Nombre de messages : 2846 Age : 81 Localisation : picardie Date d'inscription : 03/09/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Lun 25 Jan 2010, 17:03 | |
| Tout d'abord, merci Nicyrle d'avoir posté un de mes poèmes. Parmi tout ceux que je viens de lire, je me sens un peu petite mais je ne vais pas jouer les timides. Ca me fait vraiment plaisir | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Poème du jour Jeu 28 Jan 2010, 08:02 | |
| LA LAMPE SOLITAIRE
Tu es comme le matin. Je suis la lampe qui brille,
Seule, à l'aube. Souris-moi, et je donnerai ma vie.
Tu es le deuil de mon cœur, pour les boucles de ta tête
Que ma tombe fleurira d'un tapis de violettes.
Je me tiens, les yeux ouverts, sur le seuil de ton désir.
Dans l'attente d'un regard, ...mais, de moi, tu te retires.
Merci. Que Dieu te protège, ô cohorte de douleurs,
Car, lorsque je serai seul, tu resteras dans mon cœur!
De mes yeux je suis l'esclave, lorsque, malgré leur noirceur,
Le compte de mes chagrins leur fait verser mille pleurs.
Mon idole se dévoile aux regards de tout le monde,
Mais personne ne surprend tant de grâce, que moi seul.
Mon amour, comme le vent, quand tu passes sur ma tombe,
Dans ma fosse, de désir, je déchire mon linceul...
Hafez, poète mystique persan du XIVe siècle
(Traduction Vincent-Mansour Monteil) | |
| | | Merwyn Animation
Nombre de messages : 5375 Date d'inscription : 05/06/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 30 Jan 2010, 19:09 | |
| Dis-moi
Dis-moi mon Amour, dis-moi ce qui ne va pas, Dis-moi ce qui te fane, t'attriste et me noie, Dis-moi cet inconnu, cet inconnu qui me gonfle d'effroi, Dis-moi, oh oui dis-moi pourquoi tu te donnes tout bas.
Dis-moi tout cela, dis-moi plus, tout ce que je ne sais pas, Dis-moi ces mots du silence, ces maux qui t'éloignent de moi, Dis-moi parce que je t'aime, dis-moi parce que je ne saurais vivre sans toi, Dis-moi pour nous retrouver, dis-moi où nous nous sommes égarés.
Hector de Parnasse in The Last Breath | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 02 Fév 2010, 16:49 | |
| LES SOUVENIRS
Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures, Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer, Parce que de vieux parents jadis y moururent. On vit dans la maison où sont ces chambres closes. On sait qu'elles sont là comme à leur habitude, Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose... La maison se remplit ainsi de solitude, Et l'on y continue à vivre en souriant... | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 02 Fév 2010, 16:51 | |
| - vtarallo a écrit:
- LES SOUVENIRS
Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures, Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer, Parce que de vieux parents jadis y moururent. On vit dans la maison où sont ces chambres closes. On sait qu'elles sont là comme à leur habitude, Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose... La maison se remplit ainsi de solitude, Et l'on y continue à vivre en souriant... J'ai oublié le plus important: c'est de Henri Bataille(1872-1922) | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 02 Fév 2010, 16:55 | |
| A DIEU s'il existe...
Si j'avais été toi quand tu fus créateur, Je n'eusse pas créé tes beaux chefs-d'oeuvre immondes ; Je n'eusse pas pétri, sculpteur et tourmenteur De fange et de soleil tes milliards de mondes. Moins féroce que toi, j'eusse aimé mieux au lieu D'inventer tant de servitudes, Rêver sereinement dans ma béatitude, J'eusse dormi, si j'avais été Dieu !
Je sais que les ennuis de ton oisiveté Te torturant les nerfs, t'inspiraient la torture, Qu'il fallait pour charmer ta morne autorité, Des hochets sanglants ; mais quand on est de nature Juste, impeccable et forte, on cherche un autre jeu. Quand on se prétend bon on le prouve, on invente, Un passe temps plus doux . Eh ! parbleu , je m'en vante, J'eusse trouvé, si j'avais été Dieu !
Et pourquoi créas-tu l'homme, ce Dieu raté ? La femme ce démon ? Ces deux bêtes de somme, Faites pour s'accoupler et qui n'ont enfanté Jamais que fils comme eux, tes chefs-d'oeuvre, en somme. Pourquoi nous créas-tu nus, laids, sans feu ni lieu, Avec des yeux en pleurs, des fronts qui s'humilient, De la mort dans le sang et des bras qui supplient ? J'eusse eu pitié, si j'avais été Dieu !
Si tu voulais vouer ma race à tous les maux, Pourquoi donc nous donner des instincts de génie? Et créer, en créant le roi des animaux, Le prêtre qui te vends, le savant qui te nie ? S'il est vrai que tout tourne autour de ton essieu, Meilleur, plus Dieu que toi, poète et réfractaire Moi je te crache au nez les larmes de la terre : J'en rougirais, si je m'appelais Dieu !
Enfin, si j'étais Dieu, si j'étais toi, tyran, J'aurais honte et pitié de l'infini qui souffre ; J'essaierais une fois d'être bon, d'être grand. Et m'engrossant d'éclair, de lave et de souffre, Dans un tonitruant rayonnement de feu, M'irradiant partout, en flamboyante pieuvre, Je me ferais sauter, moi-même avec mon oeuvre Prouvant ainsi que j'étais vraiment Dieu !
Paul-Napoléon Roinard | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 02 Fév 2010, 17:01 | |
| L'AÏEULE
Tous les hôtes joyeux sont partis, et l’aïeule, Errant d’un pas distrait dans le logis désert, Se trouve tout à coup bien étrangement seule En ces lieux désolés, si pleins de vie hier.
Car il lui semble encor, derrière chaque porte, Entendre un pas d’enfant ou quelque cri joyeux ; Mais ce n’est que le vent qui, sombre et triste, emporte Les derniers souvenirs de ces jours radieux.
D’une chambre dans l’autre elle passe incertaine, Ne s’expliquant pas bien ce qu’elle cherche ainsi Et ne s’avouant pas, elle toujours sereine, Que son œil fatigué s’est de pleurs obscurci.
Chaque endroit, chaque salle, et chaque meuble même A son cœur désolé rappelle un souvenir ; C’est là que les petits lui disaient : Je vous aime, Et que tout proche d’elle ils cherchaient à venir.
C’est là, vers cette table, auprès de la fenêtre, Que le cadet mignon aimait à s’établir, Avec tous ses soldats qu’il commandait en maître, Prenant sa grosse voix pour se faire obéir.
C’est là, sur ce vieux banc, dans les belles soirées, Que fatigués du jour, tous arrivaient s’asseoir ; Et le bruit des chansons, les ris, les voix nacrées S’élevaient lentement dans le calme du soir.
Et toute au temps vécu, la grand’mère s’arrête ; Les derniers feux du jour lui font, étincelants, Une auréole d’or qui glisse sur sa tête Et baise avec amour ses nobles cheveux blancs.
ALICE DE CHAMBRIER | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 03 Fév 2010, 16:57 | |
| Volupté des parfums ! — Oui, toute odeur est fée
Volupté des parfums ! — Oui, toute odeur est fée. Si j'épluche, le soir, une orange échauffée, Je rêve de théâtre et de profonds décors ; Si je brûle un fagot, je vois, sonnant leurs cors, Dans la forêt d'hiver les chasseurs faire halte ; Si je traverse enfin ce brouillard que l'asphalte Répand, infect et noir, autour de son chaudron, Je me crois sur un quai parfumé de goudron, Regardant s'avancer, blanche, une goélette Parmi les diamants de la mer violette.
François Coppée | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: Poème du jour Ven 05 Fév 2010, 14:39 | |
| PETITS BOURGEOIS
Je n'ai jamais compris l'ambition. Je pense Que l'homme simple trouve en lui sa récompense, Et le modeste sort dont je suis envieux, Si je travaille bien et si je deviens vieux, Sans que mon coeur de luxe ou de gloire s'affame, C'est celui d'un vieil homme avec sa vieille femme, Aujourd'hui bons rentiers, hier petits marchands, Retirés tout au bout du faubourg, près des champs. Oui, cette vie intime est digne du poète.
François Coppée | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Ven 05 Fév 2010, 15:36 | |
| très joli poème de François Coppée. j'ahère totalement.
merci vtarallo | |
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| Sujet: Re: Poème du jour | |
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| | | | Poème du jour | |
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