Ambrose Bierce

le mot lecture a deux sens : l'acte de lire à voix haute, et l'interprétation du texte,

c'est le second sens que je visais, mais tu auras une surprise, je ne sais pas encore sous quelle forme, faudrait que j'y réfléchisse

rotko a écrit:

le mot lecture a deux sens : l'acte de lire à voix haute, et l'interprétation du texte,

c'est le second sens que je visais, mais tu auras une surprise, je ne sais pas encore sous quelle forme, faudrait que j'y réfléchisse

Je te mets la pression Rotko !! J'adore!! Sous toutes les formes, Rotko, soyons fous!!
Supprime le "faudrait" et réfléchis, réfléchis, nous avons hâte d'être à la semaine prochaine!

Pauvre Ambroce Bierce !! Que devient-il entre les mains des grains!!

Hello les Grains ! La question que j'ai posée au bar (d'accord, ce n'était pas le lieu ) étant passée inaperçue, je la repose ici : qui a lu la nouvelle de Bierce proposée par Rotko, An Occurrence at Owl Creek Bridge ? Malgré mon anglais approximatif, j'ai pu découvrir ce texte que je ne connaissais pas et je l'ai beaucoup apprécié. Est-il trop tôt pour en parler ?

nicyrle a écrit:

An Occurrence at Owl Creek Bridge ? Malgré mon anglais approximatif, j'ai pu découvrir ce texte que je ne connaissais pas et je l'ai beaucoup apprécié. Est-il trop tôt pour en parler ?

je suivrai dès que possible, vas-y !

J'y vais !
An occurrence at Owl Creek Bridge : cette nouvelle de Bierce a été publiée en 1890 et, tant dans sa construction que dans son écriture, je la trouve étonnamment moderne. Je pense qu’elle devrait intéresser nombre de Grains mais si vous ne l’avez pas encore lue ou si vous ne l’avez pas terminée, laissez de côté mon commentaire car il est difficile d’en parler sans en dévoiler le contenu !

Le thème en est l’exécution capitale d’un homme par pendaison sur le pont d’Owl Creek, dans le nord de l’Alabama. Le début, assez brutal, adopte un ton neutre pour évoquer en une phrase le condamné qui contemple l’eau trente pieds en-dessous de lui. Suit une description minutieuse et froide de la technique mise en oeuvre afin que cette pendaison soit techniquement réussie tout en étant entourée d’un certain cérémonial. Le lecteur en a froid dans le dos ! Survient alors le portrait physique du condamné, un civil d’environ 35 ans, probablement un planteur d’après sa mise. De façon subtile, le ton du narrateur a changé et un soupçon de dérision s’insinue, confirmé par une expression comme :

Citation :

a kindly expression which one would hardly have expected in one whose neck was in the hemp.

Et surtout la phrase qui termine le paragraphe :

Citation :

The liberal military code makes provision for hanging many kinds of persons, and gentlemen are not excluded.

Les préparatifs s’achèvent, le temps est comme suspendu. Le condamné pense aux siens, rêve en contemplant le courant ; un bruit insolite le perturbe, on dirait les coups de marteau d’un forgeron. Avec le personnage, le lecteur se retrouve comme englouti dans l’insaisissable mais un je ne sais quoi le retient de partager sa souffrance et sa peur ; le narrateur apporte alors l’explication attendue en une phrase cinglante : ce bruit insupportable est celui de la montre de l’homme !

La première partie de la nouvelle, clairement indiquée, s’achève sur les rêves d’évasion du condamné survenant par flashes très courts comme prend soin de le préciser le narrateur ajoutant que dans le même temps le sergent fait un pas de côté sur un signe de l’officier.

A plus tard pour la suite !

An occurrence at Owl Creek Bridge (suite) : la 2e partie de la nouvelle est constituée d’un retour en arrière dans la vie du héros, Peyton Fahrquhar. Ce qui était suggéré auparavant est précisé maintenant : il s’agit d’un riche planteur, fervent partisan de la cause sudiste, il rêve d’être un héros mais n’a jamais rejoint l’armée pour des raisons « impérieuses » non précisées par le narrateur dont on perçoit le mépris ironique pour ce genre d’homme. Un soldat nordiste déguisé en sudiste vient demander à boire et Fahrquhar s’informe sur les événements en cours ; dans un court dialogue surréaliste transparaissent la fatuité et l’inconscience de Falhrquhar prêt à faire sauter le fameux pont.

Dans la 3e partie, on retourne sans transition à la scène initiale de la pendaison au moment même de l’exécution : l’homme est quasi mort, la corde se rompt et il tombe à l’eau, inconscient. Il semble peu à peu revenir à la vie, et même, quoique souffrant du cou, il réussit à s’échapper et à retourner chez lui auprès de sa belle épouse. Toute la description, à nouveau très minutieuse, oscille entre l’irréel et le réel, entre le rêve et le cauchemar.

Citation :

The water, the banks, the forests, the now distant bridge, fort and men, all were commingled and blurred. Objects were represented by their colors only[…]
The trees upon the bank were giant garden plants; he noted a definite order in their arrangement, inhaled the fragrance of their blooms. A strange roseate light shone through the spaces among their trunks and the wind made in their branches the music of Aeolian harps.

La route de retour est longue et douloureuse, tout lui paraît « uncanny », étrange, mais il arrive chez lui et sa belle épouse l’accueille avec un sourire d’une indicible joie.
On y croirait presque, malgré les détails insolites semés ici et là quand arrive la chute laconique, que vous découvrirez quand vous voudrez !

Spoiler:

La « mise en scène » de la nouvelle est très moderne, la façon dont l’auteur sème des indices pour faire comprendre sans le dire explicitement le caractère de son personnage, courageux seulement en rêve, refusant la mort, me paraît à la fois habile et originale surtout quand on pense à la date de rédaction du texte. Enfin, la satire, perceptible sans être écrasante, est une belle réussite, de même que la dimension universelle du condamné qui ressemble à tout homme, condamné à mourir un jour mais qui, jusqu’au bout, esquive l’issue fatale en s’évadant par la pensée.

Je regardera plus tard ce que Nicyrle a écrit sur cette nouvelle que je trouve fort bien construite, et à laquelle la « chute  » donne une tout autre signification.

Ce qui frappe d’abord : le tableau figé et impersonnel des assistants, une scène répétée cent fois et que perçoit la victime, objectivement.

Puis les sensations : la plus étonnante à première vue serait le tic tac de la montre, amplifié jusqu’à devenir un glas symbolique et prémonitoire.

Ensuite les sensations visuelles : on dirait qu’elles relèvent de la macrophotographie, jusqu’à permettre de percevoir les nervures des feuilles.

J’aime bien la succession de scènes, vécues en temps direct, avec un éclair de lucidité qui songe avec un humour - volontaire ou involontaire, qu’une évasion expose à d’autres supplices, du genre « trois en un » comme pour les ventes publicitaires des produits commerciaux : pendaison, noyade, exécution, en un seul programme !

La dramatisation, parfaitement orchestrée, entraîne le lecteur de séquence en séquence, dans un engrenage parfaitement logique, avec une participation active de Peyton Farquhar ; les sensations lumineuses indiquent bien l’attention surexcitée par l’espoir et les différents éléments dans lesquels Peyton baigne, - et qu’on réinterprète ensuite.

Impossible d’en dire plus, c’est à mes yeux un vrai régal ; même si le texte n’est pas à proprement parler réjouissant, on éprouve un vrai plaisir à la virtuosité ambivalente de cette nouvelle sobre, minutieuse, et surprenante !

Un grand merci à Amadak pour cette découverte.

je rappelle le site où on peut lire An Occurrence at Owl Creek Bridge

merci de m'avoir envoyé huile de chien, ton Excellence mais comme il faut bien que tu rentabilises (!) tes envois .... je me dépêche de donner mon impression

Argh ! c’est horrible ! mais raconté par un enfant (innocent ?....), c’est d’une drôlerie !!!!
J’ai lu quelque chose de Spierce, il y a longtemps, mais je ne me souviens que de l’étonnement que j’avais éprouvé en prenant connaissance de son style et de son curieux esprit.
J’avais un peu peur au début… les chiens, n’est-ce pas… je les aime ! Mais à partir du moment où il prenait des humains pour faire son huile, ça changeait tout !!!!!
Voilà ! à monstrueux, monstrueux et demi !

"Ce qui se passa sur le pont de Owl creek"

fait partie du recueil MORTS VIOLENTES -Ambrose Bierce

Les cahiers rouges- Grasset

Tu l'as lu, Fontelle ?

Bien sûr !
Tout le recueil, ainsi que "Contes noirs" et "Histoires impossibles"
Ambrose Bierce est un de mes auteurs favoris depuis longtemps !

Je constate avec plaisir que le cercle des amateurs de Bierce s'agrandit! Chouette nouvelle. Je suis très fâchée avec l'anglais, à ma grande honte ... et je ne vais pouvoir discuter avec vous de cette dernière trouvaille, hélas.
De plus, je ne fais que passer, je pars bientôt en vacances et ne reviendrai qu'au joli mois de mai!

D'ici là, amusez-vous bien!

Bonnes vacances, Esperluette, amuse-toi bien !

fontelle a écrit:

"Ce qui se passa sur le pont de Owl creek"

fait partie du recueil MORTS VIOLENTES -Ambrose Bierce

Les cahiers rouges- Grasset

merci pour ce bon tuyau, je n'avais pas trouvé trace de cette nouvelle en traduction française.