Dino Buzzati [Italie]

Dino Buzzati, nouvelles inquiètes, Robert Laffont.

La nouvelle ci-dessous a été publiée par Il Corriere de la sera le 2avril 1961 à une époque où selon Buzzati

Citation :

« le nouveau gouvernement avait entamé une action d’envergure contre les crimes, l’immoralité,les vices et les maladies physiques. Mais la goutte qui fit déborde le vase, ce fut la campagne de vaccination collective contre le péché originel »

Cette nouvelle fait 7 pages, elle est parfaitement cohérente, et comme je ne veux pas vous la raconter, comme vous ne pouvez pas tous la lire, je vous propose de la poursuivre au rayon «  vos productions : biffures et ratures.. » la vaccination est obligatoire

Plutôt que de vous lamenter sur les mauvais penchants de vos congénères, vous mettrez votre grain de sel sur le monde nouveau que crée l’invention du fameux vaccin.

Dans sa préface, la traductrice, Delphine Gachet dit comment elle a organisé ces nouvelles : en les opposant ou en les faisant dialoguer.

Pour la première, le dernier combat, elle a voulu rappeler une oeuvre de Buzzati :

Citation :

"Vers dix heures et demie du soir, le soldat X, sentinelle sur le chemin de ronde de l'enceinte du fort, vit une ombtre glisser aiu fond des douves et grimper le long du talus [...]

La sentinelle cria : "qui vive ?"

Alors l'ombre : "je suis la mort, dit-elle, et tu sais pourquoi je suis venue."

Le soldat savait. Dans le fort était enfermé le vieux et célèbre général condamnné à la prison à vie. Et le général, sous le poids des ans et des chagrins, était tombé malade ; il était sur le point de mourir...".

Tiens, en rangeant-enfin-mes cageots de livres, je suis tombée sur "Le désert des tartares" de Dino...
livre de poche en mauvais état, il date de mon adolescence, mais livre auquel je tiens, il m'a marquée...
"Le chien qui a vu Dieu" et "Le K", font aussi partie de ma bibliothèque.

C'est surréaliste, mais pas trop...
je dirais : oniriste
F

"Le désert des tartares" est son œuvre la plus aboutie, que j’ai lue à l’adolescence et qui, comme toi, m’a marqué… comment pourrait-il en être autrement ? Brel en a d’ailleurs tiré une chanson ironique …

"Le K" résume bien l’esprit de Buzzati et à ce titre, il est intéressant de débuter par lui.
"La Fameuse invasion de la Sicile par les ours " m’inspire une sympathie particulière…

Quelqu’un connaît-il un homme qui a vu "Le chien qui a vu Dieu"…

Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir les filles en troupeaux
Mais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux

Je m'appelle Zangra et déjà capitaine
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir la jeune Consuelo
Mais elle parle d'amour et moi de mes chevaux

Je m'appelle Zangra maintenant commandant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg boire avec don Pedro
Il boit à mes amours et moi à ses chevaux

Je m'appelle Zangra je suis vieux colonel
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois
Alors je vais au bourg voir la veuve de Pedro
Je parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux

Je m'appelle Zangra hier trop vieux général
J'ai quitté Belonzio qui domine la plaine
Et l'ennemi est là je ne serai pas héros.

Est-ce que ce poème n'a pas été mis en musique?

oui, mis en musique et chanté par Brel en 1962, d'après mes sources.

Merci Rotko pour le rapprochement...que je n'avais jamais fait :-(((
Alors que je connais Brel par coeur...
Buzzati est un auteur trop oublié!

fontelle a écrit:

Buzzati est un auteur trop oublié!

le voila qui se rappelle à ton bon souvenir

Bestiaire magique, chez Robert Laffont.

On y trouve des nouvelles destinées à des revues et de petites chroniques d’actualité.

Les nouvelles, de trois pages à peu près, font intervenir des animaux qui permettent de mieux comprendre l’homme.

Je m’intéresse aux chiens

- avec le chien progressiste.

Au départ de ce récit, le chien et le narrateur vivent le parfait compagnonnage. En face de chez eux, un autre chien vit dans une ambassade d’un pays de l’Est, et les deux chiens se fréquentent. Mais les méfaits de l’idéologie communiste perturbent les rapports idylliques du chien et de son compagnon, sur fond d lutte des classes.

On chuchote même que le chien serait devenu un haut dignitaire du parti..
Qui croire au pays du mensonge officiel ? Il n’y a pas que les lendemains qui déchantent.

- L’arriviste

Une jeune épouse de Dino est intriguée par le comportement des chiens : ils semblent éperdus d’admiration devant lui, et elle en prend ombrage. Le jeune mari s’explique…

Humour et fantaisie se conjuguent harmonieusement dans ces textes courts qu’on lit avec plaisir, comme d’habitude chez Buzzati dont chacun connaît le recueil du K.

J'ai lu le désert des Tartares et j'ai beaucoup aimé.

L'auteur arrive a nous faire ressentir l'ennui et le désenchantement du héros sans que son écriture soit barbante bien au contraire.
Je ne sais pas pour vous, mais quand le héros croit à la venue d'un événement majeur qui changerait le quotidien de sa vie, le rythme de ma lecture devient rapide.

Dans mon souvenir, il y a aussi une dimension onirique dans le désert des tartares, et j'ai retrouvé un contexte approchant dans En attendant les barbares de J. M Coetzee. Avec une dimension politique.

Ses nouvelles, notamment dans le recueil le K séduisent par leur économie de moyens et leur inventivité.

Certaines se passent dans un ascenseur, comme le beau texte Dans le noir qu'Amadak nous a livré, d'autres évoquent les rapports troubles d'un automobiliste avec sa voiture, des histoires d'oeufs de Pâques, ou d'enfance génératrice de tyrans.

J'étais très heureux de lire elsa Morante, et je suis tenté par les Nouvelles Oubliees, les Nouvelles inquiètes, les Nouvelles étranges et inquiétantes de Buzzati, un maître du genre.

Citation :

Dino Buzzati, nouvelles inquiètes, Robert Laffont.

La nouvelle ci-dessous a été publiée par Il Corriere de la sera

le 18 juin 1967 (je recycle !)

c'est le vieux chauffeur, 4 pages :

Sous l'impulsion de sa femme qui souhaite un chaffeur plus jeune et moins décati, le riche propriétaire renvoie le vieux chauffeur de la maison : 34 ans de bons et loyaux services !

Puis, quelques jours après, il le retrouve, toujours impeccable avec les gants et l'attitude idoine, au volant de la daimler de son vieux père !!

alors, un spectre ?

et qu'adviendrait-il si tous les licenciés et floués devenaient des fantômes dans la vie courante des employeurs sans vergogne ?

L'histoire vivement brossée, et débouche sur un problème social.

Je ne saurais trop conseiller aux amateurs de nouvelles, de lire les recueils Le Rêve de l'Escalier et le K. De précieuse gemmes où le merveilleux et l'humour se mêlent à l'observation lucide avec une maîtrise qui me laisse aussi interdit qu'une poule devant un évêque. Peu sont les écrivains qui savent vous emporter en quelques pages, et lui je le relis cycliquement...

Je suis entrain de lire le K, et j'aime pas du tout. Je me demande d'ailleurs si je vais le finir, j'en suis à la 16ème nouvelle et je m'emmerde plus qu'autre chose en lisant ses courtes histoires moralisatrices. Nan, je suis salaud j'ai pas envie de jouer au méchant, il écrit super bien, c'est déjà ça mais je sais pas quoi...qu'est-ce que c'est chiant. Je lis une nouvelle, je lui trouve rien, je passe à la suivante et ça recommence. Je vais esssayer de le finir et je donnerai mon avis sur la globalité du recueil.
edit : ah je viens de tomber sur une nouvelle qui sort du lot, elle m'a interessée.

oui, attends un peu, Buzatti est un maître de la nouvelle, et son sens de la chute malicieuse apparaît autant dans le K que dans la nouvelle sur les oeufs de Pâques où tout s'explique dans la dernière réplique.

J'ai acheté le K il y a quelques temps, je le lirai mais ce n'est pas dans mes priorités du moment.

Je rectifie, il ya des nouvelles qui sont intéressantes c'est juste que j'ai eu du mal à commencer, cependant je trouve des défauts quand même. Mais ce ne sont pas des défauts dûs à l'auteur, ça vient de mes gôuts.

je pensais à Buzzati recemment dans un ascenseur. c'est un lieu qu'il affectionne, de même que les descentes d'étages, parfois par la fenêtre. j'aime aussi les rapports qu'il institue entre les personnages et les lieux ou avec leur voiture.

je crois, mais j'ai certainement tort dans certains cas où les nouvelles sont programmées selon un ordre concerté cf. Bernard Comment, qu'il ne faut pas lire trop de nouvelles à la suite.

Espacer les lectures sur plusieurs jours me paraît évident.

Personnellement je lis les nouvelles dans le désordre, j'aime feuilleter et picorer de ci de là.

merde, j'en lis plein d'affilées et toujours dans l'orde. C'est qu'elles sont aussi super courtes ses nouvelles.

alive47 a écrit:

merde, j'en lis plein d'affilée et toujours dans l'ordre. C'est qu'elles sont aussi super courtes ses nouvelles.

je ne prétends pas avoir la bonne methode ! mais la lecture systematique m'empêche de faire mes caprices de lecteur

Buzzati a beaucoup écrit pour les journaux, et le lecteur de journal n'est pas un lecteur ordonné de recueil.

Je viens de finir le K. Bon déjà faut que je le dise, ce mec sait écrire, lui et le vocabulaire ça doit être une grande amitié. Il sait tourner ses phrases dans le sens qu'il veut, nous amener là où il le désire, faire des descriptions, créer une atmosphère etc...Techniquement c'est un très bon écrivain qui sait raconter des histoires et c'est pas donné à tout le monde de faire ça aussi bien.

Donc j'ai lu les nouvelles dans l'ordre, certaines avec des intervalles mais souvent j'en lisais deux, trois, cinq d'un coup. Et je les lisai comme ça parce qu'elles sont dans l'ensemble toutes très courtes et lire deux minutes pour attendre de relire bien plus tard, ça me suffit pas. Et parce qu'elles sont courtes j'ai du mal à apprécier ses histoires, une nouvelle de quatre pages c'est sympa mais pas assez long sur le temps de lecture pour marquer les esprits, donc il m'a fallu attendre de finir entièrement le recueil, puis de lire la post-face pour bien comprendre Buzzati.

Donc comme ça si je devais faire un portrait du personnage par le biais de ses récits, je le décrirai comme un homme qui vieillissait bien et qui se posait de plus en plus de questions au fur et à mesure qu'il se rapprochait de la mort. Des questions sur la nature de l'homme, sur ses conditions de vie en société, sa façon d'agir au quotidien, et quel quotidien ! Un quotidien qui file à une allure halucinante laissant la nostalgie comme seul ressenti possible en fin de vie.

Des thèmes qui reviennent souvent comme le rôle fondamental d'un artiste, la violence excercée par l'homme, des tas de thèmes racontés dans des histoires plus ou moins inspirées mais toujours intéressantes, souvent intriguantes.

Donc en résumé c'était une bonne lecture qui a coulé toute seule, j'ai eu des grosses préférences pour certaine nouvelles qui vont me marquer à vie je pense. Mon seul regret c'est qu'elles soient trop courtes et c'est la raison pour laquelle je n'ai été marqué que par peu d'entre elles. La dernière histoire qui clôt le recueil est superbe. Sa vision de l'enfer c'est la réalité. Quelle plus belle déclaration d'amour à l'imaginaire peut-on faire, franchement ?