Rêves

Que savons-nous des rêves d'autrui ? et que reste-t-il de nos rêves le matin et les jours suivants ?

Il ya des periodes où je rêve beaucoup, et je crois que ces rêves sont des pratiques culturelles car je m'y reconnais volontiers. L'étonnant est que dans des situations invraisemblables, mes réactions et celles de mes partenaires de rêves correspondent bien à ce que je connais.

les personnages hésitants dans la vie hésitent dans mes rêves, ceux qui sont odieux le restent, les gentils aussi. Finalement je les retrouve tels qu'ils sont.

je fais aussi des rêves recurrents. Il m'est même arrivé d'en poursuivre certains.

Et vous ? vos proches rêvent-ils ?

Ce fil pourrait aussi accueillir des rêves racontés par des romanciers et poètes. Quitte ensuite à déplacer des messages sur d'autres fils.

Citation :

Quelquefois, comme Ève naquit d'une côte d'Adam, une femme naissait pendant mon sommeil d'une fausse position de ma cuisse. Formée du plaisir que j'étais sur le point de goûter, je m'imaginais que c'était elle qui me l'offrait. Mon corps qui sentait dans le sien ma propre chaleur voulait s'y rejoindre, je m'éveillais. Le reste des humains m'apparaissait comme bien lointain auprès de cette femme que j'avais quittée il y avait quelques moments à peine; ma joue était chaude encore de son baiser, mon corps courbaturé par le poids de sa taille.

Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d'une femme que j'avais connue dans la vie, j'allais me donner tout entier à ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s'imaginent qu'on peut goûter dans une réalité le charme du songe.

Peu à peu son souvenir s'évanouissait, j'avais oublié la fille de mon rêve.

Marcel Proust.

rotko a écrit:

les personnages hésitants dans la vie hésitent dans mes rêves, ceux qui sont odieux le restent, les gentils aussi. Finalement je les retrouve tels qu'ils sont.

Mais Rotko...tous les personnages de tes rêves...ce sont des représentations de toi-même!...

non pas des representations de moi-même, mais ils correspondent tout à fait à l'image que j'ai d'eux. Or j'aimerais qu'ils soient différents.

Quant à moi, je me reconnais assez dans mes comportements de rêve, à cette reserve près que je suis beaucoup plus passif que dans la réalité.

Tu rêves de nous ? ... ou tu cauchemardes

J'ai quelques rêves récurrents sur des années dont je tairai le contenu, bien sur

Je me souviens très bien de mes rêves, certains ne sont pas utiles, ils ne sont que des réminiscences de ce que j'ai vécu ou entendu. En tout cas je m'en souviens très bien... ça fait comme de longues histoires. Souvent les personnes y sont comme en réalité mais dans des situations à ma sauce .

Ma fille se souvient de ses rêves et a du mal à comprendre qu'il est préférable de ne pas les raconter au petit déjeuner, si elle veut une interaction mais elle a de longues histoires aussi.

Une femme qui a perdu son mari, me racontait l'autre jour qu'elle rêvait de lui mais dans son rêve, il était invisible mais elle pouvait lui parler, le quotidien était le même à part que personne ne le voyait, sauf elle, qu'elle montait en voiture avec un conducteur invisible, qu'ils se parlaient etc. que cela faisait quelques situations curieuses dans les lieux publics, où les gens croyaient qu'elle parlait seule. Rêve très révélateur... très beau aussi je trouve.

Ca serait bien sinon de trouver des passages sur les rêves de personnages dans les livres, des poèmes ...
Il y a aussi les livres sur les rêves, je ne sais pas si je retrouverai les titres, je n'ai plus les livres

rotko a écrit:

non pas des representations de moi-même, mais ils correspondent tout à fait à l'image que j'ai d'eux. Or j'aimerais qu'ils soient différents.

Quant à moi, je me reconnais assez dans mes comportements de rêve, à cette reserve près que je suis beaucoup plus passif que dans la réalité.

Pendant les rêves, l’inconscient exprime ce que tu refoules en mettant en scène des personnages …le personnage en tant que tel n’a pas de valeur, c’est la scène qui symbolise quelque chose !

Les livres sur les rêves sont abondants, tous les nombreux courants de la psychanalyse en parlent…

Mon rêve familier Verlaine


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,
Ni tout à fait une autre, qui m'aime et me comprend.

Car elle me comprend et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seul, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et pour sa voix, lointaine, si calme et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

(Poèmes saturniens)


Mais bon à part cela, je rêve énormément et selon l'heure de ces rêves je m'en souviens ou pas, ils me réveillent en sursaut ou pas. Car je dois dire que je cauchemarde plus que je ne rêve. Récurrents? oh ! que oui ! toujours dans un même lieu que je ne connais pas mais par contre , avec des gens que je connais???

Je ne voudrais pas faire ma rabat-joie, mais mettre un rêve en mots, en faire un texte, ou le raconter, c´est le dénaturer completement. Quoiqu´en disent les psy.

Je pense comme toi car même si on veut l'écrire on ne rendra jamais l'atmosphère d'un rêve, et à partir de là, il ne sera plus un rêve mais une belle ou terrible histoire, soit étrange soit banale....

Oui, Marie, il faut au moins être Verlaine pour "parler" d´un rêve. Il reprend dans ses vers toute l´etrangeté de ses images mentales, la femme est inconnue, brune, blonde ou rousse? Peu importe.
Le rêve a ses caprices et ses licences et la syntaxe du langage le torture et l´assujettit. Il n´a rien à faire des systèmes, encore moins du linguistique.

Citation :

En promenade. A partir de la place de l'Opéra, où quelque autobus a dû me transporter, faisant quelques pas dans une rue médiocre, qui en traverse une plus large, je me détache progressivement dse grandes artères et des boulevards dont j'entends encore faiblement la rumeur s'amenuisant...Soudain je débouche sur une vaste étendue d'eau, dont je ne fais qu'entr'apercevoir l'autre rive dans le lointain, avec ses baies, ses plages, ses criques, ses villas éparses ou groupées.
Comment! Un lac! Si près de l'Opéra! Je n'en reviens pas.
Il est vrai que je prends souvent les mêmes autobus, sur les mêmes trajets, un peu en maniaque, qui n'accepte pas d'être longtemps détourné de sa vie propre. Tout de même! A ce point! C'est impardonnable! Depuis des années que je vis à Paris...Enfin je l'ai trouvé. Et cet horizon! Justement ce qui manquait à cette capitale un peu usée...et sans chercher détails et explications, je me laisse envahir et gonfler de la joie inespérée.Quel avenir! Une existence nouvelle va commencer.
L'impression a tellement pénétré en moi que, réveillé, je ne m'en réveille pas tout à fait, et sans doute je n'y tiens pas, j'aurais trop peur de retrouver une ville où, à nouveau, un lac manquerait.

Henri Michaux, Façons d'endormi façons d'éveillé.

Dans ce carnet de rêves, Michaux analyse sa vie onirique, raconte ses rêves et avance des interprétations. Très intéressant.
J'aime bien cet extrait car je rêve souvent qu'en déambulant en ville je découvre des endroits que je ne connaissais pas .

Une autre description de rêve récurrent, sur des errances dans la ville, m'a marquée. Au début de Sarinagara, un superbe livre de Philippe Forrest. Quand je remets la main dessus, je vous poste ça.

Verlaine parlait plutôt de ce qu’il rêvait avoir plutôt que de ses rêves, ce qui n’est pas tout à fait la même chose… Dans ce poème, je constate qu’il n’a pas besoin de la comprendre, lui… Difficile à trouver une déesse avec un comportement d’esclave…une statue ?

Les rêves que l’on fait quand on dort n’ont généralement rien de poétique et sont plus ou moins clairs suivant les tabous qu’ils violent…le message « réel » d’un rêve est donc rarement agréable…

un petit coup d'oeil chez Maupassant : la nuit,

LA NUIT


CAUCHEMAR

J'aime la nuit avec passion. Je l'aime comme on aime son pays ou sa maîtresse, d'un amour instinctif, profond, invincible. Je l'aime avec tous mes sens, avec mes yeux qui la voient, avec mon odorat qui la respire, avec mes oreilles qui en écoutent le silence, avec toute ma chair que les ténèbres caressent. Les alouettes chantent dans le soleil, dans l'air bleu, dans l'air chaud, dans l'air léger des matinées claires. Le hibou fuit dans la nuit, tache noire qui passe à travers l'espace noir, et, réjoui, grisé par la noire immensité, il pousse son cri vibrant et sinistre.

Le jour me fatigue et m'ennuie. Il est brutal et bruyant. Je me lève avec peine, je m'habille avec lassitude, je sors avec regret, et chaque pas, chaque mouvement, chaque geste, chaque parole, chaque pensée me fatigue comme si je soulevais un écrasant fardeau.

Mais quand le soleil baisse, une joie confuse, une joie de tout mon corps m'envahit. Je m'éveille, je m'anime. A mesure que l'ombre grandit, je me sens tout autre, plus jeune, plus fort, plus alerte, plus heureux. Je la regarde s'épaissir la grande ombre douce tombée du ciel : elle noie la ville, comme une onde insaisissable et impénétrable, elle cache, efface, détruit les couleurs, les formes, étreint les maisons, les êtres, les monuments de son imperceptible toucher.

Alors j'ai envie de crier de plaisir comme les chouettes, de courir sur les toits comme les chats ; et un impétueux, un invincible désir d'aimer s'allume dans mes veines.


La suite est ici

sousmarin a écrit:

Verlaine parlait plutôt de ce qu’il rêvait avoir plutôt que de ses rêves, ce qui n’est pas tout à fait la même chose… Dans ce poème, je constate qu’il n’a pas besoin de la comprendre, lui… Difficile à trouver une déesse avec un comportement d’esclave…une statue ?

Les rêves que l’on fait quand on dort n’ont généralement rien de poétique et sont plus ou moins clairs suivant les tabous qu’ils violent…le message « réel » d’un rêve est donc rarement agréable…

Il y a en effet un monde entre rêver de et rêver à...

on pourra séparer le bon grain (les récits de rêves par des auteurs) de notre expérience du rêve ou des rêves. Les raconter ne les épuise pas, on les mentionne, quitte à donner à d'autres des cauchemars

Quant aux interprétations de Freud, du désir refoulé et le toutim, je veux bien, mais ça ne m'empêche pas de rêver, et les psy qui connaissent le terrain jouent-ils à cache-cache avec leur savoir ? ils cadenassent leur refoulé au-delà d'interpretations au troisieme ou quatrième degré, et l'inconscientl resurgirait encore plus masqué

bref, j'ai rêvé une fois que j'étais tout en haut d'un sommet : pas de neige, mais de l'herbe verte, et tout en bas, très loin, une vaste plaine. Panorama garanti : mieux que la vision d'un Indien dans un western, tellement le regard portait loin et surtout en bas. Belle satisfaction esthétique, un peu effrayante quand même, vu la hauteur vertigineuse.

La suite est bien plus inquiétante : je devais descendre de ce sommet, non face à la paroi, mais face au vide ! frayeur, jambes qui tremblent etc... Pour couronner le tout, j'ai eu plusieurs nuits de rang le même
film.

Moi je fais souvent le même rêve: je suis tout en haut d'une colline dans une maison indéterminée et pour descendre au village, il faut passer à travers une prairie ! alors qu'à cela ne tienne je mets mes jambes sous mes cuisses, et je descend cette prairie en pente à 50 cms du sol .. je ne vole pas je plane je crois?
est ce grave docteur ? et cela fait partie de mes rêves récurrents l

Il y a une sensation absolument fabuleuse que je ne peux ressentir qu'en rêvant, hélas pas très souvent, c'est la sensation du vol. Le vertige, la vitesse, l'ivresse. Sur un tapis volant, une fois. Je visitai une expo de tapis, et je montai sur un tapis... volant. Waou! c'était... inexprimable. Et que le rêve soit agréable ou pas, la sensation, elle, reste la même: une bonheur enivrant.
Dans le dernier rêve, après quelques péripéties, j'étais devenue une sorte de journaliste-prophète, et j'écrivais des messages à la peinture noire sur le ciel. Mais les messages devenaient de plus en plus courts, jusqu'au dernier qui n'était qu'un cercle, ni un o ni un zéro, plutôt un rond de fumée comme dans les messages d'indiens, et ça annonçait... la fin du monde.

Je ne sais pas ce que j'exprime ou refoule quand je vole, je ne comprends pas d'ailleurs comment on peut créer une sensation pareille de toutes pièces, puisqu'à l'évidence, je n'ai jamais volé, pas même en parapente, parachute, etc. La psychanalyse et tout, ouais bof...

Vous faîtes là des rêves bien agreables et qui correspondent à ce que Bachelard relate dans l'air et les songes, se fondant sur des textes litteraires notamment.
j'aimerais savoir si le rond de fumée annonçant la fin du monde était une interpretation a posteriori ou si la signification était connue dans le rêve.

La signification du rond de fumée était connue dans le rêve: en le lisant (parce que les habitants de la ville lisaient mes messages comme on lit le journal), tout le monde savait que la fin du monde était arrivée.

Aerial (1) ekwerkwe

Citation :

que le rêve soit agréable ou pas, la sensation, elle, reste la même: une bonheur enivrant.

Aerial (2) ekwerkwe

Citation :

tout le monde savait que la fin du monde était arrivée.

et tout le monde était content ?

rotko a écrit:

Aerial (1) ekwerkwe

Citation :

que le rêve soit agréable ou pas, la sensation, elle, reste la même: une bonheur enivrant.

Aerial (2) ekwerkwe

Citation :

tout le monde savait que la fin du monde était arrivée.

et tout le monde était content ?

Quoi , qu'est-ce donc qu'est-ce??...

J'ai dû rater un épisode , mais je ne me souviens pas avoir écrit celà!
( ou bien l'ai-je rêvé ?? )

Nestor : J'ai rectifié les erreurs de rotko (gros yeux!)qui t'a attribué les propos de ekwerkwe!!

Voler (dans l’air) est un rêve extrêmement courant, dont je ne donnerais pas la signification car le symbolisme du rêve est personnel, certes on pourrait donner quelques pistes « culturelles », ce que Jung appelait l’inconscient collectif mais là encore tout dépend des écoles…

Cela va du septième ciel (pas obligatoirement sexuel d’ailleurs) à des explications physiologiques, en passant par le désir de puissance ou d’émancipation…bref, il y en a pour tout les goûts…mais le rêve fait passer un message, il n’y a peu de doute là-dessus, et quand celui-ci est récurent, il est judicieux de s’en préoccuper…

sousmarin a écrit:

mais le rêve fait passer un message, il n’y a peu de doute là-dessus, et quand celui-ci est récurent, il est judicieux de s’en préoccuper…

Quand j'étais plus petite je faisais souvent le même rêve. Je me trouvais dans une station de métro et je tombais sur les rails. Je n'arrivais pas à remonter et à ce moment là le métro arrivait.

Ou encore plus banal je me trouvais dans un endroit quelconque et j'étais... pieds nus.

A vrai dire même si ce genre de rêves n'est pas très agréable il y a pire.

Ce qui m'angoisse le plus en ce moment c'est que certaines nuits je me reveille en sursaut totalement paniquée. Je ne reconnais plus rien autour de moi, et pas moyen de me rappeler de quoi je viens de rêver...

C'est grave docteur ?

Moon a écrit:

Quand j'étais plus petite je faisais souvent le même rêve. Je me trouvais dans une station de métro et je tombais sur les rails. Je n'arrivais pas à remonter et à ce moment là le métro arrivait.
Ou encore plus banal je me trouvais dans un endroit quelconque et j'étais... pieds nus.

Impuissance, vulnérabilité ?

Moon a écrit:

A vrai dire même si ce genre de rêves n'est pas très agréable il y a pire.

Ce qui m'angoisse le plus en ce moment c'est que certaines nuits je me reveille en sursaut totalement paniquée. Je ne reconnais plus rien autour de moi, et pas moyen de me rappeler de quoi je viens de rêver...

Ne pas se souvenir de ses rêves peut traduire plusieurs choses:
Déjà les rêves les plus importants se déroulent à la fin du cycle du sommeil, ils sont donc rapidement submergés par notre activité mentale lors du réveil (mémoire à court terme). Il est important pour cela de conserver près du lit de quoi écrire et de prévoir du temps après le réveil pour tenter de s’en souvenir.

Les sommeils profonds liés à une extrême fatigue ou à la prise de médicaments (somnifères ou autres), d’alcool ou de stupéfiants sont des inhibiteurs de rêves.

Les rêves trop dérangeants sont effacés de la mémoire parce que l’individu refuse d’être confronté aux messages qu’ils véhiculent. Aucun rêve ne franchit le barrage de la censure (le réveil brutal et paniqué peut en être le signe)…

on a un vaste champ d'etudes theoriques (1) à explorer, tout en se rappelant qu'il s'agit d'hypothèses, parfois fécondes, c'est vrai

(1) il faudra revoir/relire les classiques, ce qui alimentera le forum "sciences humaines"- ou ce fil, on verra sur le terrain.