Christos Chryssopoulos (Grèce)

209 p. chez Actes Sud.

Sur la place carrée de cette cité en périphérie de la ville déambule un homme sans nom hanté par un souvenir des camps qu'il n'a de cesse de raconter. Les frères Giorgios et Giorgios se promènent avec Nadia, qu'ils ont tous deux prise pour femme. Ici, un beau docker a naguère fini poignardé dans le dos. Là, une adolescente a mis le feu à son lit, un usurier à la jambe de bois se débat avec ses cauchemars, un vieux recueille des chats,...

Le monde clos : Il s'agit du "quartier des réfugiés", proche d'Athènes ou vivent dans des immeubles sociaux insalubres, - façades décrepites etc, des refugiés des guerres blakaniques, des Egyptiens, des Polonais, des Arméniens..

L'auteur a lu la première nouvelle, très réussie à mes yeux : l'histoire croisée d'Olga, 16 ans, mutique, et d'un voyageur mythomane et naïf.

j'aurais voulu vous faire partager la 1ere nouvelle de monde clos ; c'est impossible. par contre je lirai quand ce sera possible, le manucure, 119 p. chez Actes sud : histoire d'un esprit fétichiste et tourmenté, en quête de beauté pure. qui sera fasciné bientôt par le langage des signes d'un sourd-muet.

En prévision, j'ai aussi La destruction du Parthénon dont l'auteur a parlé avec chaleur. Il s'agit d'un vrai projet, mis au point par un obscur écrivain dont on retrouvé la proclamation après sa mort. Or cette revendication a été censurée par la presse, ce qui intrigue.

Que réprésente donc le Panthéon ? un symbole du pouvoir et de la Beauté ? appartient-il à la grèce exclusivement ou au monde tout entier ?

l'auteur raconte comme fait, ce qui n'avait été que projeté...

Pour l'instant, on regarde ensemble la couverture d'Actes Sud.


On en saura plus par la suite...

Le manucure

1/3

Chryssopoulos raconte l’ histoire d’un obsédé solitaire : seules comptent les mains, les siennes, mais aussi celles des autres, il les soigne si elles sont malades, en élimine les défauts, en restaure la beauté perdue ou malmenée.

Le manucure montre donc un artiste soucieux d’une partie de la beauté du monde, celle qui compte à ses yeux. A se demander si lui-même ne vit pas que par ses mains, au point de tenir un journal des effleurements, des objets doux à caresser, et d’envier les aveugles qui connaissent tout par le toucher.

L’auteur observe le manucure, il le perçoit aussi de l’intérieur, à travers son journal, ses chroniques. On en vient à éprouver ses sensations, à partager son obsession.

Susskind dans le parfum nous menait par le nez, Chryssopoulos, lui, nous transforme en doigts !

Le manucure

2/3

Petit jeu (aléatoire ?) de citations aux pages 33-43-53-73

« la main humaine. Un tout harmonieusement assorti. Créé avec simplicité et économie. Rien de superflu. Rien d’inutile. Aucune fioriture, que des éléments sobres; si savamment agencés que de la simplicité surgit la complexité. »

C’est l’art du récit.

« Puis survint une onde de délire […) un cauchemar imprévisible. Ses mains, tout son corps se ratinait, angoissé, comme s’il se battait contre un ennemi invisible [..]une main humide lui serrait la gorge… »

Petite incursion dans le fantastique, souvenir de la main coupée de Maupassant.

Le Manucure, artiste créateur.

- « Philippos consignait méthodiquement un à un, avec la méticulosité d’un lexicographe expérimenté les effleurements qu’il collectait sur l’avenue Chinek. Des effleurements dont il gardait le souvenir dans les moindres détails. »

- « C’est extraordinaire de lire avec les doigts. On sent les mots se former devant soi comme s’ils prenaient naissance à l ’instant même. Et tout comme le mot le monde qu’il représente naît simultanément au bout des doigts. »

Le Manucure

3/3

On voit donc le manucure de l’extérieur et l’intérieur, paume et dos de la main ;

Dans la douceur du récit s’intercalent bientôt des éléments douteux, psychologiques et matériels, puis des silhouettes inquiétantes, telle une jeune femme au bras tendu, nouvelle figure du destin, pensais-je.

J’avais tort, même si par certains côtés elle fait penser à la statue du Commandeur.

Au final, le livre est comme le personnage : il séduit, intrigue, et garde une partie de son mystère.

N'est-ce pas normal pour un fétichiste ?

Regardez dans vos bibliothèques, et prenez les livres de Christos Chryssopoulos.

Pour moi c’est clair, le prochain sera la destruction du Parthénon.

pas de titres dans ma biblio

je n'ai pas monde clos dans ma mediathèque, mais j'aurais voulu garder la première nouvelle et la faire partager. On verra plus tard.

La destruction du Parthénon, chez Actes sud.

1/2

Au départ un petit fait divers, la revendication d’un mini groupe d’écrivains révolutionnaires dadaïstes, ou surréalistes, réclamant, dans un tract, la destruction du Capitole.

Or cette affaire, en soi mineure, puisque non réalisée, a été occultée par le pouvoir qui a mis sous le boisseau les archives du concepteur sacrilège, Yorgos V Makris.

Rien de tel pour attiser la curiosité d’un écrivain, Christos Chryssopoulos, qui, comme Makris, fondateur en 1944 de « la Société des saboteurs esthétiques d’antiquités », voit dans le Parthénon, et la censure grecque, un symbole à élucider.

Pourquoi s’en prendre au Parthénon ? Pourquoi cette crainte grecque diffuse de la disparition d’un symbole grec, voire européen et mondial ?

L’auteur met en scène ce qui n’était que projeté, et il distribue les rôles :

- on entend la confession du gardien, puis la réaction des habitants devant la disparition.

- Un monologue du saboteur  tente d’élucider ses motivations,

- ses compagnons témoignent de sa personnalité, et le récit s’empare de ce qui aurait pu, après l’ acte, être le sort de l’iconoclaste.

C’est une œuvre courte (90 p.), vigoureuse, et qui a sur le lecteur un grande résonance puisqu’il parle de la Grèce actuelle, et de notre monde contemporain.

Après tout, nous ne sommes pas loin du 11 septembre.

Grèce : l'Acropole est à louer !

Pour renflouer les caisses de l'État, la Grèce a décidé d'autoriser l'exploitation publicitaire de ses sites les plus prestigieux.


après la vente du Pirée et d'une partie des entreprises publiques du pays, la Grèce fait maintenant appel à son patrimoine ! L'État a en effet décidé d'autoriser l'exploitation publicitaire de ses prestigieux vestiges et sites archéologiques, à commencer par l'Acropole,

l'article

La Grèce va vendre une partie de ses 6.000 îles pour financer son énorme déficit public, rapporte le journal The Guardian

l’île de Nafsika d’une superficie d’environ 500 hectares et située dans la mer Ionienne, est en vente pour 15 millions d’euros. D’autres îles sont affichées à un peu moins de 2 millions d’euros, ce qui est meilleur marché qu’une maison dans le quartier chic de Mayfair ou de Chelsea à Londres.


D'après the Guardian.

Il va sans dire que ce livre n'est nullement une incitation à la subversion.

Il explique pourtant bien à quel point

- la ville d'Athènes se sent écrasée par l'Acropole,

- comment les artistes grecs souffrent de ce passé glorieux unanimement célébré,

- comment la misère présente, et la mainmise de l'Europe sur un pays aux abois, est ressentie comme une humiliation permanente, une crise de désespoir :

Citation :

Ici, dans notre ville nous l’ [= le parthénon] invoquons en permanence. Il ne se passe pas un instant sans que quelqu' un se réfère à lui. A croire que, tous, nous vivons dans l’ombre de son passé. Nous l’invoquons avec déférence quand nous nous sentons minables, chose qui se produit fréquemment…

Ici, dans cette ville, plus rien ne nous appartient, jamais de surprise. Jamais d ‘émotions inattendues.

Ici dans cette ville, tout a l’air de relever de la parodie. Et si on nous interroge, nous chuchotons entre nous qu’on ne pourrait rêver meilleure situation. Car il suffit de dire « regarde là-haut, regarde ! » Et nous avons l’impression d’être à la fois des nains et des géants. »

C'est à chaque lecteur de découvrir les différentes significations d'un symbole.

Comment ne pas penser à ces pays prestigieux par le passé (L'Égypte avec ses pyramides par exemple) et qui se débattent dans des difficultés apparemment insurmontables, au point de perdre leur identité et de se sentir dans une impasse ?

Quel avenir pour des pays qui ont l'impression de sombrer ?

Une lampe entre les dents : Chronique athénienne 112 p. Actes Sud.

Christos Chryssopoulos descend dans la rue. De sa flânerie nocturne, de quelques autres déambulations qui ont suivi, il tire un texte porté par l'urgence et la nécessité de dire ce qu'il advient d'Athènes en ces temps de crise.

Face aux invisibles qui peu à peu investissent l'espace public, il s'interroge sur leur rapport au monde, s'interdisant de les réduire à ce qu'ils semblent devenus, et sur les liens qu'établit la ville avec les individus qu'elle abrite ou qu'elle rejette.

Témoignage littéraire sur les effets de la crise en Grèce, Une lampe entre les dents questionne l'humanité en chacun de nous, avec une distance pudique qui n'exclut pas l'empathie

voir aussi le fil Khaos ou la crise grecque

Merci Rotko. Ce livre pourrait faire partie de mes lectures de vacances

Une lampe entre les dents, 120 p. chez Actes sud.

1/

Christos Chryssopoulos présente son texte comme des flâneries dans Athènes, il utilise le mot français « flaneur », pris à Walter Benjamin. Point de ville sans habitants, dit-il, et ses considérations sur l’espace urbain, ses conversations avec des laissés pour compte, dialogues orphelins de la misère, aèrent un peu ce texte, illustré de photos en petit format : silhouettes allongées sur le trottoir,  ou recroquevillées le nez sur le pavé, c’est bien pire que ce qu’on peut voir chez nous.

"La ville est une chaussette retournée", dit-il, la rue expose des comportements qui relèvent de la vie privée, avec impudeur et indiscrétion.

Une lampe entre les dents, 120 p. chez Actes sud.

2/

Citation :

« j’écris ma flânerie »

« l’écrivain accueille l’absence en lui. Car être écrivain, ce n’est rien d’autre que l’anxiété de se mettre dans la peau de quelque un d’autre que soi et lui donner la parole »

Chryssopoulos dit ce qu’il voit, qui il rencontre et écoute. Il recueille la parole du sans abri, bien soucieux d’éviter un interrogatoire indiscret ou une relation de dépendance. Il témoigne ainsi du malheur des déracinés, des précaires, et de leur survie au jour le jour.

Parfois un entrefilet de journal devient un texte collé : un clochard meurt d’avoir été collecté dans un tas d’ordures, un autre trouve un cadavre dans une valise. La vie et  la mort se côtoient au quotidien.

Chryssopoulos montre le visage crépusculaire de la Grèce : la rue, mais aussi l'université, dans cet article :

La principale université du pays, l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes, est fermée depuis septembre, pour cause de grève totale et continue du service administratif. Autrement dit, les étudiants n’ont pas suivi un seul cours de l’année universitaire

L’université est fermée aux étudiants et aux professeurs depuis la rentrée 2013, et les chercheurs (travaillant notamment pour les programmes internationaux) ne peuvent plus accéder à leurs laboratoires

tout l'article

pour l'occident, c'est un peu la chronique d'une catastrophe annoncée.....?

Ysandre a écrit:

pour l'occident, c'est un peu la chronique d'une catastrophe annoncée.....?

c'est l'avis de Ersi Sotiropoulos

oui.. j'avais pensé aussi à "l'effet domino".