Ersi SOTIROPOULOS (Grèce)

Ersi SOTIROPOULOS vit à Athènes.

Auteure de romans, de nouvelles et de poésie, elle a obtenu le Prix National du Meilleur Roman ainsi que le Prix de la Critique en 2000 pour son roman Zigzags dans les orangers, publié en France aux éditions Maurice Nadeau. Dompter la bête traduit par Michel VOLKOVITCH est paru en 2011 aux éditions Quidam


Loin des élans révolutionnaires de sa jeunesse, Aris Pavlopoulos, conseiller particulier d'un ministre, jouit d'une existence confortable à Athènes en dissimulant ses zones d'ombre : l'obsession du sexe et l'ambition refoulée d'être reconnu comme poète.

je le lis actuellement, et je fais le tour de la famille

la maîtresse, l'épouse, la secrétaire, la grand mère un peu à l'ouest, le fils, sans parler d'un excité qui, au volant de sa vieille peugeot blanche, joue aux stockcars dans les rues de Patras...

On attend tes impressions quand tu auras fini alors
Moi, dès qu'on parle de littérature grecque je tends l'oreille...

oui, ça ne saurait tarder, et j'ajouterai sans doute des réponses de l'auteur recueillies lors d'un prochain échange.

en attendant, tu peux faire connaissance avec Chrystos Chryssopoulos

Merci rotko! Ma liste de lectures à faire s'allonge : c'est bon signe

Dompter la bête,

1/2

un livre qui s’enrichit au cours de la lecture.

Au départ le conseiller du ministre est seul en scène ou du moins ne pense qu’à lui, laissant les autres sur le bas-côté, chacun avec sa marotte, une série télévisée pour la grand-mère, obsédée par une idylle ancienne, la vie d’Hypatie pour feu le grand père, un copain loufoque pour son fils Paolo, etc.

L’idée fixe d’Aris est de faire grand bruit avec un poème inédit :

« Ce serait un poème contemporain, quasi post-moderne, mais de facture classique. Les mots seraient simples, quotidiens, sans aucune affectation. Mais les alliances de mots, leur simple juxtaposition à l’intérieur du vers si fluide et d’un charme si discret, qu’à l’écouter lire d’une voix lente, calme, presque blanche, ils en auraient tous le frisson.

Ce poèmes sobre, dépouillé aurait le même effet qu’une bombe à retardement On voit l’éclair, peu après on entend le tonnerre et on est saisi. Eh bien ils seraient saisis, tous ces connards. »

Avant d’en arriver là, Aris devra connaître quelques malentendus comiques dont « Ma vie secrète » livre au lecteur la comédie hilarante.

Sans parler d’un dialogue permanent d’Aris, parfait nombriliste, avec sa petite queue :

« Allez petite redresse-toi. Allons bon, ça remollit. C’est tout mou. Peut-être à cause de cette phrase qui lui était revenue ? Un bout de viande. Hachée ? Depuis quand les femmes sont-elles devenues végétariennes ? Hé, pourquoi tu mollis ? Redresse-toi, qu’on se marre. Toréador, prends garde…un bout de bidoche te regarde… »

Dompter la bête, Editions Quidam, 232 p.

2/2

Tout n’est pas rose, pourtant, et deux dangers récurrents guettent insidieusement le futur poète : un chauffard en Peugeot, et les mystérieuses paroles de sa mère sur une scène du passé.

scènes parfois tragiques ou ambivalentes, comme la lecture en public d’un poème à consonances familiales, la volonté d’affronter, telle une corrida, la vie « les yeux dans les yeux », et autrui, pour créer de vrais rapports

Un livre finement construit, cocasse et inventif, placé sous le signe de la couleur rouge, montrant le désarroi de l’écrivain devant des personnages et des évènements, passés ou présents, qui le prennent au dépourvu.

Les yeux fermés, la lumière chatouillant ses paupières, Àris cherchait son portable. Il tira le drap, fouilla les replis mous de la couverture, sa main effleura sa poitrine chaude et suante. Puis il attrapa quelque chose de dur dépourvu de clavier et comprit aussitôt qu'il tenait sa queue. Il sourit et se rendormit. Dans son rêve il eut une formidable érection, une trique somptueuse, miraculeuse qu'il ne voulait surtout pas laisser filer. Mais sa bouche était sèche, sa langue ne décollait pas du palais et il s'entendit grincer des dents, elles grinçaient près de son oreille, fragiles, branlantes. Il fut pris de panique. Avait-il oublié de mettre sa gouttière ? Sa femme venait de lui en offrir une mais ce jour-là il ne la portait pas.

— Coucou...

Àris changea de côté. En ouvrant les yeux, il aurait vu devant lui Penny habillée, maquillée. Prête à tout, depuis la sortie en boîte jusqu'à l'expédition dans le désert des Tartares.

— Coucou, bébé, réveille-toi !

— Je crois que mon portable a sonné, dit-il, sa trique battant faiblement des ailes.

— Mais non, dit l'autre.

Il ouvrit les yeux. Penny, radieux sourire, dents étincelantes. Une fille canon. Toute à lui.

— Tu me passes mes lunettes ?

La jeune femme se pencha, ramassa les lunettes sur le sol et monta sur le lit, tirant la couverture puis s'agenouillant devant lui.


le début de dompter la bête.

Merci rotko. Voilà un extrait prometteur et qui si j'ose dire ouvre l'appétit !

Les lectures à voix haute rendent bien la qualité, notamment alerte et comique, des textes d'Ersi Sotiropoulos : comédies politiques, commerciales, sentimentales etc.

Dans la traduction, quelques noms de personnages qui faisaient référence à une BD ont été changés pour s'adapter au public français, croit-on. Ainsi le personnage de Mariole, ami du fils.

Les relations entre les protagonistes font écho à des situations grecques, avant la crise, mais déjà présentes :

- Paulo Vs son père : ressentiments des jeunes générations contre les "gens en place",

- l 'addiction de la grand mère aux séries télevisées > un aveuglement généralisé, voire organisé ?

- La couleur rouge correspond bien au thème constant de la corrida en basse continue.

Si le livre a crée de l'émotion à sa sortie, c'est aussi parce qu'il anticipait des évenements graves et une détresse matérielle qui pointait son nez.

L'auteur se montre pessimiste pour l'avenir ; elle constate une sorte de solidarité entre la Grèce et l'Italie, toutes deux durement frappées, un ressentiment contre l'Allemagne qui n'a pas payé des dettes dues à la guerre.

Elle craint que La Grèce, aperçue dans notre retro-viseur national, ne soit notre avenir.

rotko a écrit:

L'auteur se montre pessimiste pour l'avenir ; elle constate une sorte de solidarité entre la Grèce et l'Italie, toutes deux durement frappées, un ressentiment contre l'Allemagne qui n'a pas payé des dettes dues à la guerre.

Elle craint que La Grèce, aperçue dans notre retro-viseur national, ne soit notre avenir.

Oui, il y a effectivement un risque d'effet de dominos ; l'Espagne est également liée au sort des pays du Sud de l'Europe ; en Espagne on suit de près la crise italienne.

L'auteur, en réponse à une question du public, ne s'est pas attardée sur la crise économique, connue de chacun par la presse ; elle a notamment indiqué le malaise préoccupant de l'édition dans son pays.

Crise economique, certes, mais aussi crise culturelle, et quand on sait tout ce que l'Europe doit à l'héritage grec, on n'y reste pas insensible.

Oui, je suis entièrement d'accord !

Pour l'impact de la crise économique sur les Grecs et les autres habitants de la Grèce, je conseille vivement de lire un monde clos recueil de nouvelles de christos Chryssopoulos.