Imré Kovacs [Hongrie]

Imré Kovacs, Le Vengeur, Fayard, 2006.



Couronné du prix du témoignage biographique, ce livre, dont les notes manuscrites furent retrouvées par un des fils d'Imré Kovacs juste après son décès en 2003, relate le destin inouï d'un juif hongrois, qui, suite à la perte de la quasi-totalité de sa famille dans les camps de la mort, a passé sa jeunesse à traquer les nazis. Engagé dans la Waffen SS pour servir de « taupe » à la Résistance juive, il fit partie des 300 000 soldats hongrois qui furent internés, dans des conditions épouvantables, dans les camps d'incarcération soviétiques. Dès son retour en Hongrie, il rejoignit clandestinement la Palestine afin de participer à la fondation de l'État d'Israël et y affronta d'abord les Anglais, avant de prendre part à la guerre d'indépendance contre les arabes. Il s'engagea ensuite dans la Légion étrangère, où beaucoup d'anciens SS, sous de fausses identités, portèrent le « képi blanc » pour échapper à la justice. De la guerre d'Indochine à celle d'Algérie, de Diên Biên Phu au Djebel, le « Vengeur » n'aura de cesse de fournir des renseignements sur les anciens nazis aux tueurs du réseau Nakam (Vengeance en hébreux), même si la plupart d'entre eux tomberont dans les batailles, sous ses propres yeux. A trente ans, il se retire de cette vie mouvementée, pour embrasser un dernier nom d'emprunt : « Monsieur Serge » est... serveur de la brasserie Lipp à Paris !

Le titre est-il bien choisi ?
Remettre des criminels à la justice n'est pas acte de vengeance mais d'etablissement (ou retablissement) d'une justice bafouée et réparation - dans tous les sens du terme, aux victimes. Cf Serge Klarsfeld.

A lire ton compte rendu, il s'agit d'eliminer d'anciens bourreaux ?

Rotko a écrit:

Remettre des criminels à la justice n'est pas acte de vengeance mais d'etablissement (ou retablissement) d'une justice bafouée

Il ne s'agissait pas de remettre des criminels à la justice, mais de repérer des anciens nazis afin de les éliminer purement et simplement - le réseau Nakam était tout à fait informel.

Citation :

Basé à Paris, le réseau Nakam exécute des dizaines de cadres supérieurs de la SS, pour la plupart directement impliqués dans la gestion des camps de la mort. Ces hommes tentent par ailleurs d'empoisonner à l'arsenic quinze mille soldats allemands détenus dans un camp de prisonniers gardé par l'armée américaine près de Nuremberg, en Allemagne.

C'est, me semble-t-il le theme de la traque d'herbert Lieberman, fiction que j'ai trouvé bien inférieure à Necropolis.

Je préfère de loin l'action de l'allemandeBeate Klarsfeld, la mère du trop médiatique Arnaud Klarsfeld, qui a recherché les criminels nazis pour qu'ils soient traduits devant la justice. Elle raconte tout cela dans un livre passionnant Partout où ils seront

Beate Klarsfeld:
"Tout a commencé avec mon action en Allemagne. Je me sentais personnellement concernée. J'étais révoltée de voir, qu'en Allemagne, d'anciens membres du parti nazi, d'anciens criminels, pouvaient encore occuper des fonctions de responsabilités: aux affaires étrangères, à la police, et, jusqu'au premier ministre, le chancelier Kiesinger. Mon premier engagement fut contre le chancelier Kiesinger en 1968. Le monde devait savoir que le chef du gouvernement allemand était un ancien nazi propagandiste. Après une campagne d'informations traditionnelles qui ne donnait rien, nous avons commencé à employer des moyens plus spectaculaires.

1968:Je suis allée à Berlin et j'ai giflé le chancelier au congrès de son parti. J'ai crié "Kiesinger, nazi, démissionne". Les médias étaient présents. Symboliquement, je représentais la jeune génération qui gifla le "père" nazi. C'était une action spectaculaire. Une gifle, ce n'est pas une violence, mais ça a marqué le peuple allemand et montré que la jeunesse allemande refusait que d'anciens nazis occupent des postes importants dans leur gouvernement.

J'ai commencé avec l'affaire Kiesinger et Serge (son mari) m'a beaucoup aidé. Après, nous avons commencé à travailler ensemble sur le problème des criminels nazis ayant agi en France. Pour beaucoup de monde Serge et moi représentions surtout une promesse. Celle d'un couple franco- allemand, de surcroît Juif et non-juif qui s'engageaient pour une cause, une petite équipe, sans moyen financier et sans aide mais qui faisaient changer les choses."



Serge et Beate Klarsfeld . Lui est le fils d'un déporté assassiné à Auschwitz, elle est allemande, ensemble, ils traquent les nazis et réussissent à identifier Klaus Barbie en 1971.

J'aime bien le coup de la gifle, on ne verrait plus ça aujourd'hui (à part l'entarteur)

coline a écrit:

Je me sentais personnellement concernée. J'étais révoltée de voir, qu'en Allemagne, d'anciens membres du parti nazi, d'anciens criminels, pouvaient encore occuper des fonctions de responsabilités: aux affaires étrangères, à la police, et, jusqu'au premier ministre, le chancelier Kiesinger.

Malheureusement, il n'y a pas qu'en Allemagne :

Citation :

On l'a appelé « Le docteur La mort ». Un vrai meurtrier et hélas, un vrai médecin ! Un émule à la sud-africaine du trop sinistre Dr Mengele, le médecin nazi du camp d'extermination d'Auschwitz qui a procédé à de nombreuses expériences sur des détenus. Wouter Basson, tel est son nom, médecin militaire avec le grade de général, s'est expliqué peu ou prou lors de son interminable procès : cet ardent partisan de l'apartheid a en effet déclaré cyniquement : "Je voulais trouver des solutions médicales aux problèmes politiques !" Nous allons y revenir avec Monsieur X qui a décortiqué cet incroyable dossier. Incroyable, étant donné les charges qui pèsent sur Basson… Incroyable aussi car, contre toute attente et malgré ses nombreux crimes, ce médecin a été acquitté, réintégré dans l'armée sud-africaine, et exerce toujours son métier dans son pays.

Source et infos complémentaires : BASSON

Merci Seuguh pour l'info complémentaire.

coline a écrit:

Je préfère de loin l'action de l'allemande Beate Klarsfeld, la mère du trop médiatique Arnaud Klarsfeld

Oui et Oui

Toutefois le souci de justice peut être bien frustrant ! Intellectuellement et moralement, c'est la position idéale qui permet de faire connaître et de restaurer l'éthique bafouée, j'en suis bien d'acccord.

Toutefois que d'echappatoires ! et on voit des vieillards [Pinochet et Papon] s'en tirer à bon compte ou même s'en tirer tout court !

Alors... ?

ces gens-là avaient moins de scrupules pour leurs victimes ... on peut comprendre que d'autres solutions que d'interminables procès, aux chefs d'accusation rétrecis, soient envisagées.