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| | Jean Rhys [Dominique] | |
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Moon Animation
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| Sujet: Jean Rhys [Dominique] Ven 29 Fév 2008, 16:52 | |
| Je viens à peine de commencer La prisonnière des Sargasses que j'ai déjà envie de parler de cette romancière à la voix si particulière. Jean Rhys est née aux Antilles le 26 août 1894. Elle est décédée le 14 mai 1979. Sa mère était créole, son père un médecin gallois. Elle vécut son enfance aux Caraïbes et voyagea avec ses parents. Jean Rhys arrive à Paris dans les années 20 et publie son premier livre, un recueil de nouvelles intitulé Rive gauche, en 1927. Entre 1928 et 1939, quatre romans importants ponctuent l'itinéraire de Jean Rhys : Postures (1928), Voyage dans les ténèbres (1934), Quai des Grands-Augustins (1937) et Bonjour minuit (1939). Plus tard, après un long silence, paraîtront deux livres qui connaîtront un grand succès : Les tigres sont plus beaux à voir et La prisonnière des Sargasses (1966), deux récits pudiques et mélancoliques. "C'est en vérité une grande contemporaine, non seulement par une maîtrise elliptique du récit dont je ne vois guère d'exemple comparable aujourd'hui, mais par l'énergie, faite de souffrance et de compassion indignée, avec laquelle elle nous exhorte à cesser d'être des tigres, puisque nous n'en avons pas la beauté. "
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Ven 29 Fév 2008, 17:00 | |
| La Prisonnière des Sargasses...
Page 2 éd. L'imaginaire Gallimard. La prisonnière des Sargasses. - Citation :
- [...] Je ne sais pas ce que le docteur lui dit ni ce qu'elle dit au docteur, mais il ne revint jamais, et après cela elle changea. Tout d'un coup, non peu à peu. Elle maigrit et devint silencieuse, et finalement elle ne voulut plus quitter la maison du tout.
Notre jardin était grand et beau comme celui dont il est question dans la Bible - où croissait l'arbre de vie. Mais il était devenu sauvage. Les sentiers étaient envahis par l'herbe et une odeur de fleurs mortes se mêlait à la senteur vivante et fraîche. Sous les fougères arborescentes, aussi hautes que celles de la forêt, la lumière était verte. Les orchidées fleurissaient hors d'atteinte ou, pour telle ou telle raison, il ne fallait pas les toucher. L'une d'elles avait l'aspect d'un serpent, une autre ressemblait à une pieuvre, avec ses longs et minces tentacules bruns sans feuilles, pendant d'une racine torse. Deux fois par an, cette orchidée fleurissait - et alors on ne voyait plus un pouce de tentacule. C'était une masse de blanc, de mauve, de violets foncés, admirables à voir. Son parfum était très suave et très fort. Je ne m'en approchais jamais. Je me suis arrêtée dans ma lecture pour vous faire partager cet extrait qui même hors contexte m'apparaît comme implacable et absolument magnifique.
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Sam 01 Mar 2008, 09:02 | |
| Je continue ma lecture toujours aussi enthousiasmée. Même si parfois quelques problèmes de traduction (?) gênent la lecture - des phrases qui se terminent en queue de poisson. . . p. 69/70 - Spoiler:
C'est alors que, pour la seconde fois, j'eus mon rêve : J'ai de nouveau quitté la maison, à Coulibri. Il fait encore nuit et je vais à pied vers la forêt. Je porte une longue robe et de minces pantoufles, aussi je marche avec difficulté, en suivant l'homme qui est avec moi et en soulevant le bas de ma robe. Elle est blanche et très et je ne veux pas le salir. Je suis cet homme, malade de peur, mais je ne tente rien pour échapper à mon sort ; si quelqu'un voulait essayer de me sauver, je refuserais. Il faut que cela arrive. Nous avons maintenant atteint la forêt. Nous sommes sous les grands arbres sombres et il n'y a pas de vent. "Ici ?" Il se tourne pour me regarder, le visage empourpré de haine, et voyant cela, je me mets à pleurer. Il sourit cauteleusement. "Non, pas ici, pas encore", dit-il et je le suis en pleurant. Maintenant, je ne tâche plus de soulever ma robe ; elle traîne dans la poussière, ma belle rob. Nous ne sommes plus dans la forêt, mais dans un jardin clos, entouré d'un mur de pierre, et les arbres, ici, sont différents. Je ne les connais pas. Il y a un escalier qui monte. Il fait trop sombre pour voir le mur ou l'escalier, mais je sais qu'ils sont là et je pense : "Ca arrivera quand j'aurai gravi cet escalier. Quand je serai tout en haut." Je trébuche en marchant sur ma robe et ne puis me relever. Je viens à toucher un arbre et je m'y cramponne des deux bras. "Ici, venez ici." Mais je me dis que je ne veux pas aller plus loin. L'arbre se balance et donne des secousses comme s'il cherchait à se débarrasser de moi. Je continue à me cramponner et les secondes passant et chacune semble durer mille ans. "C'est ici, ici dedans", dit une voix inconnue, et l'arbre cesse de se balancer et donner des secousses.
Après cela, on change de point de vue. C'est autour du jeune mari anglais d'Antoinette, enfoncé dans son point de vue étriqué et trop perdu pour goûter la nouveauté. p.81 - Spoiler:
Il y a trop de tout, telle était mon impression tandis que je chevauchais avec lassitude derrière Antoinette. Trop de bleu, trop de violet, trop de vert. Les fleurs sont trop rouges, les montagnes trop hautes, les collines trop proches. Et cette femme est une étrangère. Son expression implorante m'est désagréable. Je ne l'ai pas achetée, c'est elle qui m'a acheté, ou, en tout cas, elle le pense. Je baissai les yeux sur la crinière rude du cheval... Cher Père. On m'a versé les trente mille livres sans discussion ni conditions.
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Mer 05 Mar 2008, 16:53 | |
| C'est un livre d'une éblouissante cruauté. Celle d'un homme qui ne parvient pas à percevoir sa femme autrement que comme une étrangère et qui finit par la haïr. La haïr pour l'emprise qu'elle possède sur ses sens, pour son incapacité à l'aimer, pour les promesses qu'il lui a faites et qu'il n'arrive pas à tenir. . . Bref, parce qu'elle lui a montré qu'il était faible. Ce qui est étonnant c'est que le perçoit véritablement ce dégoût pour elle qui le submerge petit à petit et vers la fin du livre on parviendrait presque à le comprendre tant elle est ravagée. Mais c'est aussi l'histoire de cette femme qui aime en vain, à en devenir folle. Je mets quelques extraits pour souligner mes propos, mais si vous voulez conserver toute la saveur du livre autant le lire en entier. . . p. 113 - Spoiler:
"Vous êtes en sécurité", lui disais-je. Elle aimait cela - qu'on lui dise "vous êtes en sécurité". Ou bien je lui touchais doucement le visage et je sentais ses larmes - ce n'est rien ! Des mots - c'est moins que rien ! Quant au bonheur que je lui donnais, c'était pire que rien. Je ne l'aimais pas. J'avais soif d'elle mais ce n'était pas là de l'amour. Je ressentais très peu de tendresse pour elle, elle était une étrangère qui ne pensait ni ne sentait comme moi. Un après-midi, la vue d'une robe qu'elle avait laissée par terre dans sa chambre à coucher me rendit haletant de désir furieux. Quand je fus épuisé, je me détournai d'elle et m'endormis, toujours sans un mot ni une caresse. Je m'éveillai et elle était en train de m'embrasser - de légers et tendres baisers.
p. 121. Un passage qui à mon avis est d'une terrible cruauté. - Spoiler:
Je me levai enfin ; le soleil, maintenant était ardent. Je marchais avec raideur et ne parvenais pas à me forcer à réfléchir. Puis je passai à côté d'une orchidée avec de longs rameaux fleuris d'un brun doré. Une des fleurs toucha ma joue et je me souvins d'en avoir cueilli quelques-unes pour Antoinette, un jour. "Elles vous ressemblent", lui avais-je dit. A présent, je m'arrêtai pour en casser un rameau et je l'enfonçai dans la boue en le piétinant.
Dernière édition par Moon le Sam 30 Mai 2009, 15:41, édité 3 fois | |
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Mer 05 Mar 2008, 16:59 | |
| Il paraît difficile de séparer Jean Rhys et son oeuvre d'une réflexion sur l'identité culturelle. Il y a les réflexions du mari, qui ne supporte pas l'héritage culturel de sa femme. p. 77 - Spoiler:
- Non, la pluie va cesser." Elle souleva la jupe de son costume de cheval et traversa la rue en courant. Je la regardai d'un oeil scrutateur. Elle portait un tricorne qui lui allait bien. En tout cas, il faisait de l'ombre sur ses yeux qui sont trop grands et parfois déconcertants. Je crois bien qu'elle ne bat jamais des paupières. Des yeux en amande, tristes, sombres, étrangers. Elle a beau être une créole de pure descendance anglais, ces gens-là ne sont pas anglais ni non plus européens.
Mais aussi les questions que se pose Antoinette et qui font échos aux propres questionnements de l'auteur. Je signale tout de même qu'Antoinette est la fille, la petite-fille. . . de propriétaires d'esclaves. P. 125 - Spoiler:
C'était une chanson sur un cancrelat blanc. C'est moi. C'est comme ça qu'ils nous appellent nous tous qui étions ici avant que les gens de leur propre race, en Afrique, ne les vendent aux marchands d'esclaves. Et j'ai entendu des anglais nous appeler des nègres blancs. Aussi, entre vous tous, je me demande qui je suis, et où est mon pays et à quelle race j'appartiens et pourquoi je suis née du reste !
Dernière édition par Moon le Ven 07 Mar 2008, 09:14, édité 3 fois | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Ven 07 Mar 2008, 09:10 | |
| J'ai oublié un élément assez important ! A la fin du livre on fait une découverte surprenante. Enfin, tout dépend. Sauf si comme moi on ne peut pas s'empêcher de feuilleter le livre pendant la lecture et que le nom vous saute à la figure. Hum... Je viens de m'apercevoir que dès le début du livre on peut s'en rendre compte s'il on est attentif. Le nom du mari est visiblement indiqué dans le premier tiers. Enfin, comme le prouve mon oubli je ne pense pas du tout que cela soit fondamental. Je trouve que c'est une belle idée si c'est celle qui a donné naissance au livre puisque l'auteur l'a enrichi de son expérience personnelle. Mais au final ce roman est une oeuvre tout à fait indépendante. D'autant plus que l'auteur n'insiste pas lourdement sur l'origine de ses personnages. Tout lecteur averti comprends de lui même. Néanmoins la fin est peut-être un peu décevante. J'ai eu un sentiment de confusion et d'urgence à arriver au bout de l'histoire. Mais c'est un tout petit bémol. Au risque d'en dire trop, je ne peux pas taire ce qui semble être également au coeur de ce livre même si cela n'apparaît qu'en filigrane, presque à la sauvette. Cette forêt, sa lumière verte et ce secret qu'elle renferme. Je vais arrêter de blablater maintenant.
Dernière édition par Moon le Dim 13 Avr 2008, 19:21, édité 1 fois | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Lun 10 Mar 2008, 18:23 | |
| je te mets une citation de Rosetta Loy dans Un chocolat de chez Hanselmann. - Citation :
- "tu aurais été une sacrée allumeuse. » Maman était devenue rouge, et une expression de défi était apparue sur son visage, mais quand les petites avaient demandé ce que ça voulait dire allumeuse, elle avait répondu très vite : « qui allume les coeurs ». « Beaucoup plus que les coeurs » avait protesté Arturo
oui, c'est notre curiosité que tu allumes ! je suis maintenant sûr de lire cette prisonnière des Sargasses dans un mois ou deux. C'est quand même étonnant qu'on fasse des lectures convergentes ! | |
| | | Marine habitué(e)
Nombre de messages : 15 Age : 35 Localisation : Dijon Date d'inscription : 05/03/2008
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Lun 10 Mar 2008, 21:35 | |
| C'est fabuleux, La Prisonnière des Sargasses!!
Une atmosphère oppressante, la folie ambiante, la végétation luxuriante qui participe à cette sensation de trop-plein, de prolifération malsaine...
Je l'avais lu en anglais en hypokhagne et j'ai beaucoup apprécié ; ainsi que faire le lien avec Jane Eyre . | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Mar 11 Mar 2008, 14:13 | |
| - Marine a écrit:
- Je l'avais lu en anglais en hypokhagne et j'ai beaucoup apprécié
Si j'en ai l'occasion j'aimerais le relire en anglais. Mais j'avoue que j'ai eu la flemme. | |
| | | Sweety pilier
Nombre de messages : 134 Age : 34 Localisation : Dans le monde que je me suis créé Date d'inscription : 13/03/2008
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Ven 14 Mar 2008, 16:53 | |
| Ah la prisonnière des Sargasses! Toute une année j'ai trvaillé dessus en option anglais! Donc la version anglaise Wide Sargasso Sea. Excellent bouquin! Un avant Jane Eyre pour la prospérité d'une malade mentale dont la vie a été rude. Très bien écrit.... J'ai adoré. | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 16 Mar 2008, 14:33 | |
| Voyage dans les ténèbres...clic ! - Citation :
- Anne a quitté ses Antilles natales pour l'Angleterre. A dix-huit ans, sans ressources, elle se retrouve à Londres, figurante dans une troupe de théâtre minable. La ville est froide et triste, la pension de famille où elle habite, sinistre. D'expédients en expédients, de bras en bras, elle s'enfoncera petit à petit dans les ténèbres... Récit de la désillusion, Voyage dans les ténèbres retrace l'histoire d'Anne, jeune fille paumée qui erre dans la vie, de débâcle en désastre. Un roman poignant, sans concession, sur la misère des femmes - trop naïves pour vivre.
Le prochain !
Dernière édition par Moon le Lun 04 Avr 2011, 08:47, édité 2 fois | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 13 Avr 2008, 09:36 | |
| Décidément Jean Rhys est l'une de mes plus belles découvertes. J'ai presque terminé Voyage dans les ténèbres (Voyage in the dark) et c'est encore une fois une vraie perle. On quitte les îles des caraïbes pour l'Angleterre, mais l'atmosphère si particulière des Antilles est largement évoquée. Avec finesse, Jean Rhys nous raconte la vie de cette jeune femme abandonnée par tous, loin de son île natale : dépendante du bon vouloir des hommes et profondément déracinée. Je crois que c'est ce déracinement qui est le mieux rendu. Ce contraste entre la chaleur des Antilles et la froideur de Londres, ce lent dépérissement. Mais, pour autant, les Antilles ne sont pas non plus présentées comme un paradis absolu. Les premiers mots : - Citation :
- C'était comme si un rideau était tombé, dissimulant tout ce que j'avais connu. C'était presque comme de venir au monde une seconde fois. Les couleurs n'étaient plus les mêmes, plus les mêmes les parfums, plus la même impression laissée par les choses tout au fond de soi. Pas simplement la différence entre chaud et froid ; violet et gris ; lumière et ténèbres. Mais une différence dans ma façon d'avoir peur et ma façon d'être heureuse. Pour commencer, l'Angleterre me déplu.
p.83/84 - Citation :
- Je poursuivis mon chemin sans plus regarder Francine, passai près des massifs de roses et du gros manguier et gravis la colline. Les tourterelles ne cessaient de voleter. Il était à peu près deux heures, le moment où le soleil est le plus chaud.
Il avait un aspect stérile cet endroit, un aspect brûlant, rébarbatif, infertile, à cause des gros rochers gris qui jonchaient le sol - une éruption il y a bien longtemps à ce qu'on disait. Mais je ne veux pas dire que ce n'était pas un bel endroit. La terre était bonne - du moins c'est ce que mon père disait toujours. Il y a récoltait du cacao et de la noix muscade. Et du café sur les pentes de la colline. Quand les jeunes muscadiers fleurissaient pour la première fois, il m'emmenait avec lui pour voir si l'arbre était mâle ou femelle, car les bourgeons étaient si petits qu'il fallait un regard perçant pour faire la différence. - Tu es jeune et tu as de bons yeux, disait-il. Viens avec moi. Je vieillis, disait-il. Mes yeux ne sont plus ce qu'ils étaient. Comme je me sentais malheureuse quand il disait cela. Je m'éloignai passablement de la maison. Je m'assis contre un rocher à l'ombre. Le ciel était d'un bleu terrible, et tout proche de la terre. Je me sentis plus seule au monde que jamais personne avant moi, me répétant sans cesse : "Non... non... non..." simplement, comme ça. Puis un nuage passa devant mes yeux et parut effacer la moitié des choses que j'aurais dû pouvoir voir devant moi. C'était toujours comme ça, quand j'allais avoir la migraine. "Très bien, me dis-je. Cette fois je vais mourir." Alors j'enlevai mon chapeau et allai me mettre debout au soleil.
Dernière édition par Moon le Ven 18 Avr 2008, 20:39, édité 1 fois | |
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 13 Avr 2008, 19:17 | |
| Je fais un dernier commentaire sur la fin de ce livre qui est extrêmement poignante. La narratrice établit un parallèle entre l'un de ses souvenirs aux Antilles et le moment qu'elle est en train de vivre. Les deux impressions se confondent et le lecteur plonge dans ce monde qui tourne et s'enfonce. Je voulais également souligner l'impression étrange qui se dégage de tout le roman. Le personnage semble nous échapper alors qu'il s'agit d'un récit à la première personne. Sans doute la passivité d'Anna et le bouillonnement de son monde intérieur. . . | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Ven 18 Avr 2008, 20:36 | |
| A septembre Petronella, suivi de Qu'ils appellent ça du jazz... - Citation :
- Petronella, une jeune choriste, passe quelques jours à la campagne chez un couple qui ne cesse de se disputer. De retour à Londres, elle fait la connaissance d'un homme qui lui donne rendez-vous en septembre... 1914. Accusée de boire et de chanter par ses voisins excédés, la créole Selina est emprisonnée pour avoir cassé une vitre. C'est là qu'elle entend quelques notes de musique qui vont bouleverser sa vie. Deux histoires de femmes malmenées par la vie, dont le destin bascule au hasard d'une rencontre.
J'ai hâte de voir de quelle manière Jean Rhys parle de la musique. Il me semble que c'est un aspect qui n'est pas très présent dans La prisonnière des Sargasses ou dans Voyage dans les ténèbres. Mais je peux me tromper.
Dernière édition par Moon le Lun 03 Jan 2011, 16:53, édité 3 fois | |
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Jeu 24 Avr 2008, 10:14 | |
| La nouvelle, A septembre, Petronella est tirée du recueil Les tigres sont plus beaux à voir. Dans ce récit, on découvre une courte tranche de vie de Petronella, une jeune femme qui n'est pas sans rappeler l'héroïne de Voyage dans les ténèbres. Chorus-girl, celle-ci vit des hommes qui l'entretiennent. Alors qu'elle se trouve à la campagne chez l'un d'eux - qui semble d'ailleurs peu l'attirer - elle décide de rentrer à Londres. Sur son chemin elle croise d'abord un fermier prospère puis un homme mystérieux. L'héroïne semble détachée de ce qui lui arrive, comme si elle était continuellement ailleurs. Elle navigue entre deux eaux, ne sachant pas ce qu'elle veut véritablement et se laissant porter par le courant.
Jean Rhys brosse un portrait rapide mais efficace de ce milieu de "d'artistes" (chanteuse, peintre, musicien...) peuplé de femmes perdues.
Dernière édition par Moon le Lun 04 Avr 2011, 08:46, édité 2 fois | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Ven 25 Avr 2008, 06:56 | |
| Qu'ils appellent ça du jazz... fait partie des plus belles pages écrites par Jean Rhys. L'écriture y est fluide (il faut vraiment que je lise cette romancière en anglais !) et naturelle. Jean Rhys y retranscrit le parlé d'une jeune femme des quartiers pauvres sans tomber dans la caricature. Si l'on retrouve les thèmes favoris de la romancière, l'apparition de la musique dans ce court récit apporte quelque chose en plus et donne naissance à une histoire complètement différente. Alors que jusqu'ici toutes ses héroïnes avaient tendance à s'en remettre au hasard (encore que cela soit difficile à dire), celle-ci éprouve tout d'un coup un sursaut et le brouillard qui l'enveloppait se dégage (au moins pour un moment). Un très beau texte.
Dernière édition par Moon le Lun 03 Jan 2011, 16:55, édité 4 fois | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 27 Avr 2008, 15:42 | |
| Quai des Grands-Augustins...Il attend impatiemment sur ma table de nuit. J'ai hâte de voir le Paris de Jean Rhys (elle y a vécu de nombreuses années). Néanmoins, il va falloir que je ralentisse le rythme si je ne veux pas tous les finir dans les mois qui viennent.
Dernière édition par Moon le Lun 04 Avr 2011, 08:47, édité 1 fois | |
| | | rotko pilier
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Lun 02 Juin 2008, 05:20 | |
| L'Oiseau moqueur et autres nouvelles. The Whistling Bird de Jean Rhys chez Denoèl, traduction par Jacques Tournier. dix-huit nouvelles de femmes au bord du gouffre. clic ! c'est décidé, il faut que je lise Jean Rhys sans tarder. | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Mer 04 Juin 2008, 13:37 | |
| En lisant un texte sur Jean Rhys j'ai appris que les ses quatre premiers romans avaient une certaine unité. Il vaut donc mieux les lire dans l'ordre chronologique où elle les a écrit. A savoir : Quartet, Quai des grands Augustins, Voyage dans les ténèbres et Bonjour Minuit. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Sam 07 Juin 2008, 16:21 | |
| Il ne faut pas tirer les oiseaux au repos est un recueil de 16 nouvelles où reviennent des personnages mentionnés dans d'autres épisodes. Au début du recuei, ce sont des souvenirs de la Dominique et des Antilles, avec une tension palpable entre les communautés : on voit des personnes fières proches de la caricature : - Citation :
- - Bonjour, dit poliment Rosalie.
Mais Mrs Menzies ne lui rendit pas son salut, passant fièrement au son des sabots de son cheval, sanglé dans son costume d’écuyère au tissu épais, de couleur sombre, qu’elle avait rapporté d’Angleterre dix ans auparavant, et gardant bien en équilibre sur ses genoux un gros paquet dégoulinant enveloppé de flanelle
- C’est de la glace. Elle aime bien boire frais, expliqua Rosalie. des épisodes comiques, mais avec des gens rancuniers et mesquins : - Citation :
- Pour une raison inconnue l’évêque ne semblait pas pouvoir se lever de son siège. Il eût beau mettre les mains sur l’accoudoir, s’agiter lancer des regards furieux, essayer à nouveau, rien à faire
. ( la fête de l’évêque) On voit des tensions, des malentendus, des situations équivoques qui créeent une violence latente, à base de rumeurs et de machinations ( Eaux troubles). | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Sam 07 Juin 2008, 16:31 | |
| Il ne faut pas tirer les oiseaux au repos.On retrouve Jean Rhys en Angleterre, faisant au lecteur des confidences que, par méfiance, elle ne faisait pas à ses condisciples au pensionnat. Ce sont des amitiés ratées et des expériences de solitude, ou un sentiment d'exil. C'est aussi le début des expériences théâtrales. La langue est concise, et exige du lecteur une vive attention car Jean Rhys ne repasse pas les plats. Elle montre un caractère fort, des initiatives hardies, et une sensibilité à vif. C'est entendu, je continue ces nouvelles, et je lirai la prisonnière des Sargasses, même si, par un curieux hasard, ma mediathèque ne trouve à offrir que de vieux exemplaires de chez denoel (1978) qu'on croirait par la couverture, avoir été oubliés au soleil | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Lun 09 Juin 2008, 06:12 | |
| je peux avoir plusieurs nouvelles de jean Rhys en anglais, dans des anthologies comme
The Omnibus of 20th century ghost stories -- ed. by Robert Philipps
Nine english short stories -- choix et annotations par Pierre Gallego the sound of the river de jean Rhys
Ce serait sans doute plus satisfaisant que les traductions de Maud perrin(Il ne faut pas tirer les oiseaux au repos.) qui ignore le subjonctif. | |
| | | Nymphéa pilier
Nombre de messages : 1480 Age : 70 Localisation : Nord Date d'inscription : 28/12/2008
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 05 Avr 2009, 12:46 | |
| La prisonnière des SargassesC'est un livre que j'ai aussi aimé. Jean Rhys décrit admirablement le processus des sentiments et leur ambiguité, leurs oscillations de l'amour à la haine, du désir au dégout; et la lente tombée vers la folie; mais aussi le fardeau du passé et le regard des autres. Avec en toile de fond l'omniprésence de cette nature exubérante ressentie comme protectrice et paradisiaque, ou au contraire comme dangereuse et asphyxiante. Et encore le déracinement, l'impossibilité de se comprendre avec les "nègres", jusqu'à la peur ou la haine. Un roman à deux voix, d'abord celle d'Antoinette pendant l'enfance et l'adolescence; puis celle de son mari après leur union; et pour finir à nouveau Antoinette enfermée au sens propre et figuré. Et la fin en effet un peu abrupte. Merci pour cette lecture | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 05 Avr 2009, 13:37 | |
| J'ai encore des Jean Rhys sous le coude. Une relecture de la prisonnière des Sargasses s'impose aussi ! Je suis vraiment contente que tu aies aimé ce livre Nymphéa. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean Rhys [Dominique] Dim 05 Avr 2009, 14:42 | |
| je ne l'ai pas encore lu, mais je le ferai, d'autant que celivre est un echo d'un autre livre anglais célèbre que j'aime beaucoup et que j'ai lu attentivement. Un Mp pour nymphéa | |
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