Alvaro Mutis( Colombie)

Alvaro Mutis, la neige de l'amiral

La remontée du fleuve dure du 15 mars au 29 juin,

Le temps de voir que le but initialement poursuivi n‘en vaut peut-être pas la peine et que comptent bien plus ce dont on n‘avait pas conscience.

La Cordillère des Andes se dresse à l’horizon, devant nous, avec une étonnante netteté. Je m’aperçois que j’avais oublié les sentiments qu’elle m’inspire et à quel point elle représente pour moi un environnement protecteur, une source inépuisable d’exercices tonifiants;[…]elle explique et donne un sens à chaque heure de ma vie : « je suis de là-bas. Lorsque j‘en pars, je commence à mourir »


Flor, ma dame,[…]
J’écris quand je le peux sur des feuilles de qualité et d’origine variables, un journal où je consigne tout, depuis mes rêves jusqu’aux accidents d e parcours[…] je me suis rendu compte de la place de jour en jour plus grande que vous prenez dans ma vie, et de la façon dont votre corps et votre caractère, qui n’est pas toujours doux, régissent les tribulations et le désespoir dans lequel je trouve refuge lorsque je suis las des errances et des surprises.

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On pense à des auteurs comme Conrad, B. Traven (le vaisseau des morts) ou Simenon (pour le personnage principal).

L'Alcyon est l'un de ces vaisseaux délabrés qui parcourt les mers pour de petits trafics. Il porte lamort sur sa coque, et pourtant il ne sombre pas.

L'histoire se déroule en deux temps : d'abord l'auteur raconte comment il a rencontré par trois fois (le destin ?) ce navire rouillé, et l'attirance mêlée de crainte qu'il a eue pour lui, son équipage, et sa destinée.

Puis un hasard le met en présence d'un Basque : celui-ci, au cours de nuits de navigation, lui raconte son histoire. Curieuses coïncidences ! il commandait le bateau les trois fois que le narrateur l'a aperçu !

Vision extérieure, puis intérieure, miroir dont on perce les reflets, le livre de 170 p. séduit par ces deux témoignages d'hommes des mers.

Le récit du capitaine de l'Alcyon est tressé comme un câble marin : l'histoire du capitaine, ponctuée de silences, s'entremêle avec les impressions ou compléments du premier narrateur.

Il me reste une vingtaine de pages, je me les garde, j'ai certes hâte de les lire, mais je veux une ultime pause sur le navire.

Tramp Steamer

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Par ce nom, comme chacun sait, on désigne les cargos de petit tonnage qui ne dépendent d'aucune des grandes compagnies de navigation et voguent de port en port, cherchant un chargement occasionnel à acheminer n'importe où.

Entre le bateau et son capitaine, les ressemblances sont grandes, et l'histoire d'amour d'Iturri avec Warda, une des soeurs de Abdul Bashur, explique la destinée du bateau et de son capitaine.

Un bien beau récit !

Ressemblance aussi entre le bateau et le narrateur-auteur du livre !

Citation :

" Je trouvai en lui un frère malheureux, une sorte de victime de la négligence et de l'avidité des hommes, auxquelles il répondait par sa volonté obstinée de continuer à tracer sur toutes les mers le terne sillage de ses souffrances."

disparition d'un "rêveur de navires"

Álvaro Mutis était un des rares écrivains à savoir parler en termes féconds et exacts de la relation étrange qui lie un homme et son bateau, de leurs voyages avortés, de leurs dérives. Les livres d'Álvaro Mutis ne se résument pas. Il faut les lire du dedans, car aucun ne relate une expérience directe ou autobiographique.

Toutes ces errances, vécues par El Gaviero, dans des lieux connus de l'auteur, se nourrissent de récits imaginaires, aventures physiques et culturelles, faisant d'Álvaro Mutis un gabier des lettres, l'explorateur lucide d'une littérature du voyage intérieur. Álvaro Mutis portait un soin minutieux à l'écriture, à la musique de la phrase, à son rythme.

Pourquoi avoir choisi Maqroll le Gabier, un marin aventureux, comme héros récurrent ?

Citation :

En tant que chef des relations publiques de la Standard Oil en Colombie, j'avais la gestion d'un budget compliqué et j'ai détourné pas mal de fonds destinés aux dames patronnesses et autres institutions charitables. C'était le seul moyen d'aider mes amis aux prises avec la dictature militaire. Un jour, j'ai été sincèrement étonné d'apprendre que j'avais commis un délit très grave. Un ami avocat m'a conseillé de m'enfuir : ‘‘Si tu n'es pas parti dans les vingt-quatre heures, tu vas te retrouver en prison.’’

Citation :

La prison m'a permis de donner à Maqroll une présence humaine. Au début, c'était un alter ego avec plus d'expérience. Il était plus âgé que moi. J'écrivais une poésie d'un amer désespoir. Je ne crois toujours pas en l'espoir, d'ailleurs. C'est l'espoir qui fait souffrir. Ce séjour de quinze mois fut important mais non décisif. A 33 ans, j'avais déjà une philosophie personnelle de la vie. En prison, j'ai fait une psychanalyse qui a certainement marqué mon oeuvre. En prison, comme à la guerre, tout mensonge et toute illusion finissent. La vérité éclate.

tiens ! bonne idée, embarquer sur un bateau de Mutis ....