Gabrielle Wittkop

Hope, dès que tu l'as lu, merci de te jeter sur GDS* pour donner un avis.



J'attends.



(bon courage.... )

Moi aussi ! Je veux savoir si tu es restée sans manger plusieurs jours

rotko a écrit:

elle pratiquerait la cruauté littérairement.

Il faut imaginer le choc.

Etre une femme intelligente, cultivée, capable de transcender les conneries d'une époque historique (antisémitisme), et se retrouver...TONDUE !

Face à la bêtise crasse de l'humanité. Face à la hargne des ignorants.

De quoi perdre la tête...


Je me dis que son livre monstrueux fut sa réponse : casser tous les codes qui "cimentent" (en temps normal) ladite humanité.

- amour interdit avec un défunt
- amour interdit avec un défunt enfant


Elle a tondu ses semblables.

Certes, l'experience est douloureuse, et injuste.

A lire ce qu'écrit jérôme Garcin, cette cruauté ne fut pas que littéraire.

Aussi j'emploie le conditionnel car bien des ombres demeurent :
- est-ce le journaliste-critique qui force la dose, pour attirer l'attention sur lui ou sur cet auteur ?

- est-ce G.W qui enfonce le clou, pour de multiples raisons ?

autant rester prudent face aux affirmations trouvées dans le texte.

Pas que littéraire ?

C'est à dire ?

Elle laisse entendre à Garcin des pratiques - ou je ne sais quoi, sans préciser.

Si le dédicataire du necrophile était un débauché habitué des mauvais lieux, on peut imaginer un pervers; et ce n'est pas si rare.

Là s'arrêtent mes infos

Si le côté sulfureux de l'auteur t'interesse, elle confie à Garcin qu'elle n'avait que la route à traverser pour voir un psychanalyste. Pour toi, c'est pareil ,

je veux dire qu'Elisabeth Roudinesco mérite tout notre intérêt avec son histoire des pervers.

Armée des données du livre, tu verras la grille et/ou les interprétations/exemples proposés par une autorité en la matière

Voilà qui pourra nous enrichir intellectuellement et humainement.

Vous m'avez donné envie, je me suis commandé "Necrophile"

IzaBzh a écrit:

Moi aussi ! Je veux savoir si tu es restée sans manger plusieurs jours

Ce serait bien la première fois, mais qui sait ? Normalement, je l'ai mercredi prochain.

simon a écrit:

Vous m'avez donné envie, je me suis commandé "Necrophile"

Ah parfait !

Donne-nous vite ton avis.

Fini, comme prévu, hier soir dans mon lit...

Bon...

Ca ne m'a pas empêchée de dormir !

D'accord, c'est beau, poétique, étrange et froid, mais...

Je m'attendais à quelque chose de bien plus révulsif et dérangeant.

Là, c'est gentiment malsain, sans plus, et ce pauvre Lucien qui se fait avoir bêtement... Ca fait un peu doux-dingue, alors que j'aurais préféré un personnage autrement plus vigoureux et qui, surtout, s'en tire en parfaite impunité. Très important, l'impunité !

Je dirais donc que j'ai principalement retenu l'écriture. Il y a de très belle images, d'une précieuse morbidité.

En fin de compte, c'est délicat comme le fumet d'une tombe d'enfant fraîchement ouverte...

Hope a écrit:

En fin de compte, c'est délicat comme le fumet d'une tombe d'enfant fraîchement ouverte...

Tu peux expliciter ? Je n'ai absolument aucune idée de ce qu'est "le fumet d'une tombe d'enfant fraîchement ouverte" ...

Une subtile odeur de Bombyx...

Et si tu veux en savoir plus, faut lire le bouquin !

Ici on échange, on n'envoie pas les gens promener.

C'est pour donner envie de le lire, avec le smiley qui va avec.

Si elle trouve que j'ai été maladroite, je suppose qu'elle est assez grande pour me le dire elle-même.

Non non, je n'ai rien pensé, senti, mal interprété... je trouvais juste ta phrase très étonnante: t'arrive-t-il de déterrer des cadavres d'enfants et de renifler bien fort ?

Aucun problème avec toi, Amarande, je m'en doutais bien !

J'ai écrit cela pour être dans l'esprit du héros du livre, tout simplement.

Une sorte d'hommage !

J'ai volontairement omis de préciser : "Comme aurait dit le héros..."

Et jusqu'à présent, non, je ne vais encore déterrer de frais cadavre de jeunes femmes pour en profiter... Mais ce livre m'a fait penser à ce que l'on doit ressentir en baisant les lèvres d'une jeune morte, j'avoue !

Preuve qu'il est bien écrit, selon moi.

D'accord, cela m'éclaire un peu plus ...

Pas certaine de m'y coller, tu ne m'en voudras pas pour ça; j'en suis restée à la morte amoureuse de Gautier (Arria Marcella), c'est déjà pas mal.

Ouf !
Contente que tu n'en sortes pas choquée, Hope !

Moi, ça m'a ébranlée.

Eh oui, la langue rappelle le 18è, par moments. Plus concise sans doute mais elle possède l'esprit du siècle.

Sur l'impunité, elle casse l'aspect strictement fictionnel et nous ramène d'un coup à la réalité, à savoir qu'en gros, il y a délit.

Le personnage a retenu quand même mon attention car il est finalement plutôt malheureux : ses amours sont voués à l'échec, par définition, et il y a cette scène dans les catacombes, que je trouve terrible : l'impossibilité d'aimer une femme vivante.

Le lecteur se demande ce qui lui est arrivé. On sait juste que la mort de sa mère est mêlée à un moment érotique intense.

Dérangeant.

Crevette a écrit:

Ouf !
Contente que tu n'en sortes pas choquée, Hope !

Merci, mais je ne me faisais pas trop de soucis. Me choquer, c'est pas facile-facile .

Citation :

Sur l'impunité, elle casse l'aspect strictement fictionnel et nous ramène d'un coup à la réalité, à savoir qu'en gros, il y a délit.

Ben oui, justement, c'est ça qui m'embête. J'aurais préféré qu'il n'y ait pas cette notion de délit.

Citation :

Le personnage a retenu quand même mon attention car il est finalement plutôt malheureux : ses amours sont voués à l'échec, par définition,

D'ailleurs, il le dit très bien lui-même : Pendant 14 jours, j'ai été indiciblement heureux. Indiciblement mais pas absolument car, pour moi, jamais la joie ne vient sans le chagrin de la savoir éphémère, tout bonheur porte le germe de sa propre fin. Seule la mort, la mienne, me délivrera de la défaite, de la blessure que nous inflige le temps. P. 41.

Citation :

et il y a cette scène dans les catacombes, que je trouve terrible : l'impossibilité d'aimer une femme vivante.

En même temps, quand on voit comme elle sont chiantes, parfois !... Non, je déconne !

Citation :

Le lecteur se demande ce qui lui est arrivé.

Il y a des passages très forts avec son grand amour, Suzanne...

Avec Suzanne, j'éprouvais tous les plaisirs sans les épuiser. Je la couvrais de caresses, je léchais tendrement son sexe, je le broutais avec avidité (...) P. 42

Suzanne, mon beau Lis, la joie de mon âme et de ma chair, se marbrait de plaques violâtres. P. 42

Suzanne verte, Suzanne bleue, déjà habitée, je crois. P. 43 (Ca, c'est très fort ! Comment imposer immédiatement à l'esprit une idée particulièrement répulsive, l'air de rien !)

La Seine avait accueilli son corps, pendant deux semaines saturé de ma sueur et gorgé de ma semence, ma vie, ma mort, mêlées en Suzanne. P. 43

Je pense à l'amour que lui inspire ce corps mort, cette chair morte pleine de sperme et de vers, qu'il embrasse à pleine bouche...

Citation :

Dérangeant.

Je ne sais pas... Ce n'est pas le mot que j'emploierais. Je te tiens au courant si je parviens à mieux préciser ce que je ressens !

Cela te semble t-il (osons le mot) voluptueux ?

Ben, je sais vraiment pas... Disons que ça m'interpelle... Je pense à ma copine que je regardais dormir ce matin, et je me dis : si elle avait été morte ?... L'aurais-je embrassée ? Qu'aurais-je éprouvé en l'embrassant ?

Un frisson ?... Normal, mais... Peut-être un frisson inédit, jamais ressenti jusqu'alors...

Lucien a vraiment aimé Suzanne... Sauf qu'il ne l'a jamais connu vivante ! Ce n'est donc pas un amour "fou", dans le sens où il se poursuit au-delà de la mort, c'est l'amour de la mort, tout court.

Disons, que ça m'intrigue. voilà. Je n'ai pas mieux pour l'instant, il faut que je continue à réfléchir/fantasmer.

T'as déjà lu des livres sur ce thème ?

D'ailleurs, y en a t-il avec ce talent là ?


Gautier a été évoqué plus haut. Il faut que je le relise, j'ai oublié...

Carnets d'Asie oscille entre le journal de voyage et l'intime expérience extrême-orientale : chaque récit nous plonge avec une sensibilité exacerbée dans des cultures, des épopées mythiques, des instants de vie uniques.

dit l'éditeur, Verticales.

L'auteur précise

Citation :

" J'ai dîné à la table des princes et à celle des camionneurs et des soldats, rpêché un cancrelat dans mon whisky. Lelectur me pardonnera de n'avoir pas fait sauter la banque de Macao, de ne pas avoir arrêté un buffle par les cornes etc."

De quoi parle-t-elle donc ? des insectes, et des rencontres :

aux anecdotes piquantes dont raffolent certains lecteurs de récits de voyages, Gabrielle Wittkop préfère des réflexions politiques et d'émouvantes contemplations.

A propos de la Thaïlande :

Citation :

"J'ai vu ses rocs chevelus et ses vertes rizières, ses dragons et ses lions gardiens. Insecte, j'ai erré entre des tours qui montrent du doigt les nuages. J'ai entendu ses cloches, ses gongs, respiré ses étranges senteurs."

Cela n'empêche pas la voyageuse de croquer quelques portraits saisissants. Celui de la transsexuelle Shushma, avec qui elle partage une cabine de première dans un train en direction de Singapour, est inoubliable. Dans la nuit, enivrée par une gorgée de whisky, sa compagne éphémère lui révèle imprudemment les secrets des hijira, castrats indiens transformés en femmes.

in le Monde des livres.

Chers amis, je viens de lire la suite de vos échanges sur Gabrielle WITTKOP. Je comprends votre émotivité à la lecture du Nécrophile. Le sujet nous conduit dans l'horreur, la mort, le devenir du cadavre et la perversion du nécrophile. Faut-il pour autant s'horrifier ? Après tout, comme le souligne "Dindon", l'écriture est belle... Elle est belle car nous avons entre les mains un livre écrit par une femme qui est, et a été certainement, l'un des plus raffinés auteurs français du XXème siècle ; Gabrielle WITTKOP est à mon avis un auteur majeur.

Ah oui c'est horrible... mais mon dieu, qu'entends-je à la radio : deux jeunes hommes battus à mort près de Grenoble dans des conditions atroces. Que vois-je à la télé : des charniers au Rwanda et ailleurs. Que lis-je dans des livres : les millions de morts de Pol Pot, dont plusieurs milliers tués à coups de marteau pour que leur corps servent d'engrais à la terre, des millions de juifs martyrisés dans des camps de concentration et utilisés comme cobayes vivants pour des expériences médicales réalisées par des bouchers. Il parait que la cannibalisme se pratique en certains lieux. Il parait que de nombreuses femmes mexicaines périssent près de la frontière du Mexique avec les Etats-Unis, violées, torturées, démembrées pour le tournage de snuff movies selon la rumeur et les possibles interprétations, à la vue de leur corps mutilé. Notre monde est violent, abject, barbare car l'homme est capable des pires horreurs. Heureusement, notre monde n'est pas que çà. Gabrielle WITTKOP, comme tous les écrivains majeurs, se saisit de l'homme pour fouiller les replis de son cerveau, pour mettre en scène ses turpitudes, ses angoisses, sa fragilité, sa perversité. Elle ne gaspille pas des pages pour évoquer ses dernières vacances, les répercussions d'un régime, les plaisirs de la coke, les angoisses de la célébrité... Elle nous parle de nous, de ce que nous sommes et de ce que nous pourrions devenir car nulle autre que Gabrielle WITTKOP ne sait mettre en lumière la fragile frontière, le frêle mur qui sépare la civilisation de la barbarie.

Quelques temps avant sa mort, un éditeur digne de ce nom avait décidé d'éditer les derniers textes de Gabrielle WITTKOP et de rééditer ses œuvres parfois fort mal traitées par des éditeurs de moindre envergure. Il s'agit des Editions VERTICALES. Je vous conseille donc de lire "Le nécrophile" dans sa réédition chez cet éditeur, édition qui avait satisfait l'auteur. Cet éditeur est fidèle à Gabrielle WITTKOP. Bientôt sonnera le 10ème anniversaire de sa mort, elle qui a voulu mourir comme elle a vécu, en homme libre ! 10 ans après son décès, les Editions VERTICALES poursuivent le travail de réédition des œuvres de Gabrielle WITTKOP, fidélité de l'éditeur à son écrivain par delà sa mort, fidélité de l'éditeur à sa vocation, chapeau à eux !

"La lame déchire la chemise, troue la peau, s'enfonce dans la paroi adipeuse, dans la paroi musculaire. Elle crève le péritoine, plonge dans le foie, tranche le ligament rond - vestige de la veine ombilicale - puis fait deux demi-tours sur elle même, axe supérieur droit, axe supérieur gauche, détruisant le tissu hépatique sur son parcours, le réduisant en une bouillie brune et noire. La lame tourne encore une fois, rageusement, avant de quitter la plaie avec un sifflement mat, et de revenir à son maître, chaude encore du sang de C. » Cet extrait de « La mort de C. » est emblématique de l’écriture de Gabrielle WITTKOP : précise et baroque, épurée et imagée. Les mots décrivent quelque chose de violent, d’éprouvant, mais c’est fait avec élégance et sans vulgarité. Cette phrase reviendra plus ou moins dans son intégralité dans l’ouvrage. Une répétition comme un film que l’on se repasse pour mieux voir, comprendre et essayer de savoir ce qui s’est passé, comment C. est mort dans une rue de l’Inde, pour intégrer l’idée de sa mort violente, se sevrer une bonne fois pour toute de la violence de son décès pour, peut-être, envisager le deuil.

Lisez « La marchande d’enfants », autre sujet cruel et dérangeant. Plaisir pervers de l’auteur ? Non simple mise en lumière de ce qui s’est passé dans le Paris du 17ème et 18ème siècle avec surement en ligne de mire les forfaits de l’hôpital général ou plutôt les crimes de la compagnie du saint sacrement, au demeurant non reconnue par l’église. Enfin, ce qui s’est passé et ce qui se passe encore de nos jours en certains lieux où des enfants sont kidnappés pour quelques prélèvements d’organes ou pour satisfaire la libido de monstres. La réalité dépasse encore la littérature.

Lisez « Le sommeil de la raison », il y a des monstres, nous sommes dans Freaks ou Elephant man…, lisez « Sérénissime assassinat », la biographie de « Madame Tussaud »…

Lisez un ouvrage merveilleux, merveilleusement documenté : « Paris, histoire illustrée » co-signé avec Justus WITTKOP. Le merveilleux étant notamment l’originalité des choix des thèmes évoqués (l’irrationnel à Paris, le sang de Paris, Paris des ombres, Hôpitaux et prisons, Les tréteaux, Où souffle l’esprit, etc..) et la beauté des illustrations rarement présentées dans ce type d’ouvrage.

Enfin, les Editions VERTICALES viennent de rééditer le recueil de nouvelles « Les départs exemplaires » augmenté de deux nouvelles inédites. Je ne l’ai pas encore lu. Je vous en parlerai une prochaine fois.

A Gabrielle WITTKOP, splendide femme écrivain de langue française.