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Nombre de messages : 244 Age : 73 Date d'inscription : 15/01/2010
Sujet: Bernardo Atxaga - [Espagne] Lun 01 Mar 2010, 16:05
Bernardo Atxaga
Né en 1951 près de San Sebastian,José Irazu Garmendia,diplômé en économie de l'Université de Bilbao, a également étudié la philosophie à l'Université de Barcelone. Il a publié dans sa langue maternelle,l'euskera, dès les années soixante-dix et, après avoir exercé plusieurs métiers, se consacre à l'écriture à temps complet depuis 1980.
Il écrit sous le pseudonyme de Bernardo Atxaga et traduit ses textes lui-même en castillan. Son recueil de nouvelles, Obabakoak, publié en 1988, lui a valu de nombreux prix et une notoriété internationale.
Une intéressante interview de l'auteur publiée en 1995 par Le matricule des anges : http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=3781
Dernière édition par ECaminade le Lun 01 Mar 2010, 17:02, édité 1 fois
ECaminade pilier
Nombre de messages : 244 Age : 73 Date d'inscription : 15/01/2010
Sujet: Bernardo Atxaga / Obabakoak Lun 01 Mar 2010, 16:29
Obabakoak est le titre basque d'un étrange recueil de contes et de nouvelles qui s'inscrit intellectuellement dans le sillage de Borges mais en s'incarnant dans le territoire poétique de l'enfance, en s'insérant dans un décor villageois, montagneux et forestier , irradié par la magie des mythes ancestraux du pays basque espagnol.
C'est un livre plein de nostalgie et de tendresse, d'humour et de merveilleux où les références et les clins d'oeil abondent , les histoires se faisant écho ou s'enchâssant les unes dans les autres de manière jubilatoire.
Cet ouvrage peut s'analyser comme une métaphore de la langue basque. L'auteur s'y ancre en effet dans la tradition en utilisant « tout le passé littéraire » universel à sa disposition, des contes soufis aux récits fantastiques de Villiers de l'Isle-Adam, proposant même, malicieusement, une méthode de plagiat ! Il montre ainsi que l'euskera peut accéder à l'universel.
Un livre magique à lire – et à relire - absolument!
Obabakoak , (Les gens d'Obaba),Bernardo Atxaga, Christian Bourgeois éditeur 1991, 408 p. (traduction de André Gabastou d'après la version espagnole, selon les voeux de l'auteur) Obabakoak , Editorial Erein 1988, pour la version originale en langue basque, Ediciones B.S.A. Barcelone 1989, pour la version espagnole.
Le livre a été traduit dans une vingtaine de langues et a été porté à l'écran en 2005 par Montxo Armendàritz sous le titre d'Obaba.
Nombre de messages : 244 Age : 73 Date d'inscription : 15/01/2010
Sujet: Bernardo Atxaga / Obabakoak Lun 01 Mar 2010, 16:57
EXTRAITS:
ENFANCES Esteban Werfell, p. 9
Ce recueil s'ouvre par une nouvelle sublime, bouleversante et envoûtante: un véritable moment de grâce...
Reliés en cuir pour la plupart et sévèrement alignés sur les rayonnages, les livres d'Esteban Werfell couvraient presque en entier les quatre murs de la pièce; il y avait dix ou douze mille volumes qui résumaient deux vies, la sienne et celle de son père, et qui formaient en plus une chaude enceinte, une muraille qui le séparait du monde et qui le protégeait chaque fois que, comme en ce jour de février, il s'asseyait pour écrire. La table sur laquelle il travaillait – un vieux meuble de chêne – était elle aussi, de même que bien des livres, un souvenir paternel; il l'avait fait venir, alors qu'il était encore très jeune, de la maison familiale d'Obaba. Cette muraille de papier, de pages et de mots avait toutefois une brèche;une fenêtre de laquelle il pouvait voir, tout en écrivant, le ciel, et les saules, et le lac, et le petit abri pour les cygnes du grand parc de la ville. Sans rompre son isolement, cette fenêtre se frayait un passage à travers l'obscurité des livres, et apaisait cette autre obscurité qui, bien souvent, fait naître des chimères dans le coeur des hommes qui n'ont pas appris à vivre seuls. (...)
J'irais bien me promener tous les soirs II. Déclaration de Marie p. 107
(...) C'est donc ce que nous faisions, nous quittions la ferme à l'heure des hirondelles et nous prenions très lentement le chemin de la vallée, et grand-père emportait toujours le mètre dont ma mère se sert pour coudre , puisqu'elle est couturière et fait des robes, et une fois elle en a fait une qui était toute rouge pour la maîtresse d'école, à moi elle me plaisait beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais pas à cet imbécile de Vincent, il se moquait de la robe et disait que la maîtresse l'avait commandée parce qu'elle était amoureuse , qu'elle ressemblait à une tomate à lunettes, et il avait même fait un dessin au tableau, après la maîtresse nous avait tous punis. Mais comme j'étais en train de dire, grand-père emportait toujours avec lui le mètre, et c'était pour mesurer la croissance des plantes, un jour nous mesurions la luzerne, un autre le trèfle, et comme grand-père est très vieux, c'est moi qui m'agenouillais et mettait le zéro à ras de terre, et alors il faisait ses calculs et disait : - Nous pouvons être tranquilles, Marie. Cette plante a poussé de sept millimètres depuis hier. Le monde continue à tourner. (...)
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Bernardo Atxaga - [Espagne] Mar 02 Mar 2010, 12:20
OBABA .
de Montxo Armendariz Interprètes Pilar Lopez de Ayala, Juan Diego Botto, Barbara Lennie, Eduard Fernández, Peter Lohmeyer, Mercedes Sampietro,
Dans ma mediathèque Le fils de l'accordéoniste -- Bernardo Atxaga ; traduit de l'espagnol par André Gabastou chez Christian Bourgois
Ce roman se déroule dans les années 1930 et à la fin du XXe siècle, entre l'enfance, la guerre civile, et les années de violence qui lui ont succédé, et raconte l'amitié entre Joseba, double de l'auteur, et David, le fils de l'accordéoniste, avec, en arrière-plan, les conflits qui ont secoué la société basque entre les lointaines guerres carlistes et le fragile équilibre actuel.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
sept maisons en France 273 p. chez Christian Bourgois
1903. Tout se passe à peu près bien à Yangambi, le poste militaire où un détachement de la Force Publique du roi Leopold II s’est implanté au coeur de la forêt congolaise. Préposés à la récolte du caoutchouc, les officiers blancs souffrent de la chaleur mais s’acquittent vaillamment de leur tâche, au rythme des cris assourdissants des chimpanzés et des mandrills. L’ennui domine cependant. Ils ne s’autorisent que peu de parties de chasse car ils craignent d’être agressés par des lions, des guépards ou des serpents.
Leur seule distraction provient de la lecture des lettres de leurs familles et du journal local, des tournois de tir, des jeux de cartes et des soirées alcoolisées. Tous ne semblent aspirer qu’à rentrer en Belgique. Parmi les chefs de ce détachement, le capitaine Lalande Biran : il se rêve artiste et cultive le caprice d’exiger une vierge par semaine. Il s’enrichit illicitement de trafics des matières premières et attend le moment où il pourra offrir à son épouse la septième maison qu’il lui a promise
J'ai commencé ce récit, caractérisé par un ton en apparence impassible, et qui montre le milieu colonial belge au Congo : société fermée, avide de s'enrichir au plus vite, dont les membres, bien souvent mesquins et ridicules, se jalousent entre eux, et s'accommodent le plus naturel du monde de situations insupportables.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Atxaga ne donne pas le « la » du jugement moral au lecteur, à chacun de réagir comme il l’entend, ou devrait le faire !
A cette exposition d’une société sans scrupules, ridicule, et minuscule, succède la relation d’une rivalité jalouse - et déloyale, entre deux membres de la Force Publique belge de Yangambi, le sergent ex-légionnaire Van Thiegel, et Chrysostome Liège, personnage silencieux et plus profond, égaré dans cette galère.
Tous les personnages ont la parole, les Noirs comme les Blancs, avec leurs hésitations, leurs cultures, voire leurs superstitions et usages respectifs, ce qui donne au récit la densité humaine qui manque à la société coloniale belge..
la narration surprend : les conflits intérieurs des protagonistes s’expriment par des dialogues internes :
Citation :
« la partie officielle de sa tête l’obligea.. » […]
« Mais l’argumentation de la partie rebelle s’avéra plus convaincante… »
Parfois Donatien, le vaguemestre, qui doit prendre une décision importante, entend alors les voix différentes de ses sept frères, et se décide en fonction de ce palabre intérieur.
Pour Van Thiegel, le vertige se traduit par une « roulette » où défilent les images de son ivresse.
Enfin Atxaga joue intelligemment du rythme et des épisodes de la narration : telle scène se déroule au temps local, quasi immobile, puis s’achève brutalement sur une ellipse. On attend des scènes essentielles ? Elles nous passent sous le nez !
Mais au bout du compte, le lecteur trouve une grande satisfaction à lire Bernardo Atxaga, ce qui est l’essentiel. . Merci à Ecaminade qui m’a orienté vers cet auteur.