Jean Hatzfeld, Une saison de machettes

Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, Seuil



Rwanda : 800 000 Tutsis tués en 12 semaines.

Avec "Dans le nu de la vie, Récits des marais rwandais",l'auteur donnait la parole aux rescapés Tutsis, ceux qui avaient assisté et survécu aux massacres organisés par les Hutus.
Ici, il donne la parole aux tueurs, pour savoir "ce qui s'est passé dans leurs têtes" et essayer de comprendre les mécanismes d'un génocide.
Dire que le livre est impressionnant est au-dessous de la vérité : la banalité des mots pour revendiquer l'horreur des massacres cloue littéralement sur place. On reçoit en plein coeur l'évocation de scènes insoutenables dites par des hommes ordinaires, aveugles au choquant de leurs propos.

"

Citation :

Nous avons chanté des cantiques en bonne entente avec les Tutsis, nos voix s'entremêlaient encore en choeur. Le dimanche matin, nous sommes revenus pour la messe à l'heure dite ; eux ne sont pas arrivés. Ils s'étaient déjà enfuis dans les brousses de peur des représailles. Ils avaient poussé devant eux leurs vaches et leurs chèvres. Çà nous a grandement frustrés, surtout un dimanche. La colère nous a poussés à la porte de l'église. Nous avons laissé le Seigneur et nos prières à l'intérieur, pour rebrousser chemin vers nos maisons à grands pas. Nous avons échangé nos vêtements endimanchés contre les vêtements des champs, nous avons saisi des machettes et des massues. nous sommes partis directement en tuerie."

On fait ainsi connaissance avec une bande de copains transformés en exterminateurs. L'hostilité d'agriculteurs contre des éleveurs de bétail, une propagande officielle délétère, l'impunité de crimes perpétrés progressivement, deviennent des facteurs décisifs pour déclencher un bain de sang, programmé par une clique d'intellectuels au pouvoir. Un bon encadrement pour les expéditions où chacun doit participer, dans une ambiance de fête et/ou de travail à accomplir, et on passe du crime de guerre au génocide.

La parole même des tueurs est horrible, mais l'auteur n'en fait pas des sauvages. Le génocide rwandais est à une petite échelle, de type rural, ce que fut sur la terre des philosophes allemands un génocide urbain et industriel.

Comment parler de pardon ?

Citation :

"comment vivent ces communautés hutues et tutsies que le destin oblige à cohabiter ?"

Mille questions se posent, et plus que toutes, cette interrogation sur l'homme et sa faculté de commettre le pire.

En effet, ces lignes sont insoutenables... tellement insoutenables que je n'ai pas pu terminer ce livre témoignage tant les mots utilisés renvoient à des images sanglantes et froides. Entendre les assassins parler des massacres à la machettes avec tant de distance, ca glace le sang. COmment ils content les éventrements de femmes enceintes pour abattre de sang froid les foetus...

C'est tout simplement horrible.

Comment l'homme peut-il être amené a commetre de tels massacres? Qui les guident? Leur raison ?

Quel est la place du pardon aujourd'hui dans cette société pour l'éternité ethnicisée en deux clans qui malgré ce qu'on en dit restent pour toujours ennemis...?

Sur le pardon, Hatzfeld rappelle les propos de Paul Ricoeur : le pardon ne peut être accordé qu'à celui qui le demande, et qui doit proposer réparation d'un préjudice récent.

c'est en effet deux textes très durs, mais je suis "heureuse" que Jean Hatzfeld nous ait mis par écrit l'imcompréhensible. D'autant plus qu'il ne juge à aucun moment et qu'il ne prend pas partie, des faits, rien que des faits. IL n'en fait pas trop, ni pas assez, nous savons lorsque nous nous lancons dans la lecture que nous allons être confrontés aux atrocités d'un génocide.

Maintentant, je ne suis pas sûre que j'aurais pu allez voir la pièce (adaptation fidèle de l'ouvrage) que "La Compagnie Passeur de mémoires" proposait jusqu’au 09 avril 2006. (Confluences - Maison des Arts Urbains)

Vu hier dans l'émission de Fogiel, Reverien Rurangwa , le visage tranché à coup de machette, et bien plus encore que le visage...Un miraculé du génocide rwandais qui vient de sortir un livre intitulé "Génocidé" ...Le voir et l'entendre m'a bouleversée...

Pour en savoir plus, taper son nom sur Google et aller sur le site Sentinelles.

c'est ici Reverien Rurangwa : http://www.sentinelles.org/reverien.htm

Au Rwanda, Hatzfeld a consacré deux livres Dans le nu de la vie Récits des marais rwandais et Une saison de machettes.
voici le 3e, La Stratégie des antilopes, paru lui aussi au Seuil.

Citation :

Un matin brûlant de mai 2003, une file de prisonniers franchit les portes du pénitencier de Rilima, en chantant des alléluias. Ces anciens tueurs rwandais viennent d’être libérés, à la surprise de tous, notamment des rescapés qui les regardent s’installer à nouveau sur leurs parcelles, à Nyamata et sur les collines de Kibungo ou Kanzenze

.

Une saison de machettes a une écriture spécifique, et dépasse selon moi, le cadre su simple témoignage ou du recueil de dépositions.

Dans lemonde des livres du 7 septembre 2007, Jean Hatzfeld explique sa methode : il remplit des cahiers de ses entretiens avec les hutus et les tutsis, puis se livre à une véritable élaboration du texte :

Citation :

D'abord, je travaille énormément en aval. J'ai beaucoup lu, en particulier Primo Levi, Charlotte Delbo, Hilberg, Appelfeld... Ça m'a beaucoup aidé à formuler les questions [...] quand le livre a commencé à être mis en route, j'ai repris mes cahiers et j'ai commencé un travail de montage, mêlant leurs propos à des descriptions, des impressions et quelques idées personnelles.

Je suis content que Frank Nouchi dans son compte rendu de la stratégie des antilopes salue le talent d'ecrivain de Jean Hatzfeld :

Citation :

Il y a dans les propos des rescapés et des tueurs qu'il a longuement interrogés quelque chose de l'ordre de la poésie et de la philosophie entremêlées jusqu'à l'essentiel, jusqu'au plus profond de l'humain

et parle de son

Citation :

admirable travail d'écriture.

C'est aussi mon avis pour l'ouvrage précédent, et le lecteur ne doit pas se fier à la modestie de l'auteur qui parle de "montage de descriptions, d'impressions, et d'idées personnelles"

La stratégie des antilopes, Seuil

Citation :

On éprouve, avec une immense gratitude de lecteur, l'honneur que nous fait Jean Hatzfeld de transcrire de tels témoignages formulés dans un français africain, vif et profond. Il a su créer des relations sincères avec les Rwandais déjà rencontrés pour ses précédents ouvrages, Dans le nu de la vie et Une saison de machettes. Remarquable travail saluant le courage des survivants et la mémoire des défunts.

Claude MAINE.

prix médicis pour La stratégie des antilopes, Seuil

Citation :

C'est formidable, pour le livre, pour les gens de là-bas. C'est un livre difficile, on pense que les jurés ne vont pas avoir le culot de le faire et ils l'ont fait",
C'est important pour faire comprendre ce que j'ai voulu faire, de la littérature avec un événement comme celui-ci. Faire entrer les gens par l'écrit dans un univers qui est celui du génocide

",

Jean Hatzfeld avait déjà obtenu le Prix Femina en 2003 avec premier titre de sa trilogie consacrée au Rwanda.

Citation :

Ma tentative a été de dire : on peut créer de vrais personnages de livres à partir de personnages réels, mais je ne suis pas le premier. C'est le récit, la question du personnage, la rencontre de l'écrivain avec ces gens là qui est primordiale

C'est un livre puissant, un rare témoignage. Sans prendre partie, avec tact et humanité, l'auteur nous livre les témoignages des Rwandais dix ans après le génocide. Les rescapés autant que les tueurs s'expriment. La vie quotidienne; le travail de la mémoire ou de l'oubli, ce dont on veut ou ne veut pas se souvenir(ou peut), ce qu'il est préférable d'oublier; la réconciliation, politique gouvernementale et humanitaire vécue par ceux qui doivent la réaliser au quotidien, les gaçaça, les besoins vivriers et économiques; Dieu; la mort et le deuil; se marier ou se remarier, les enfants... Comment vivre ensemble après un tel massacre? Cela représente des milliers de témoignages recueillis avec respect et présentés avec concision; une lecture dérangeante et questionnante, mais un texte d'une grande richesse et d'une écoute véritable et impartiale .

Où en est la nuit, par Jean Hatzfeld, Gallimard, 224 p.,

Frédéric, journaliste, se retrouve coincé quelques jours dans une oasis à la frontière entre
l’Ethiopie et la Somalie, où se déroulent des combats. [...] passionné de
sport, il va faire la connaissance d’Ayanleh Makeda, une
légende vivante de la course à pied. Marathonien surdoué, mais aux JO de Pékin, un contrôle antidopage positif a mis fin à sa carrière. Ayanleh est désormais soldat

l'éditeur.

Où en est la nuit oscille entre le récit journalistique (dans la première partie du livre) et une fiction qui, elle, est plus convaincante.

bibliobs.