Le choix de lire et de relire

Tout ceci me rappelle une grande prise de bec avec mon prof de francais en prepa.

Sujet de la dissertation : une phrase de Barthes qui disait en somme que le plaisir de la lecture etait de comprendre la structure des phrases, l'intention de l'auteur, etc...

Et moi j'ai mis 15 pages à m'énerver et à expliquer que le plaisir de la lecture c'était d'abord d'entrer dans une histoire.. et qu'apres, peut etre, on pouvait relire et apprécier, rechercher, décortiquer tous les mécanismes littéraires qu'on voulait..


Bref, ni mon prof ni moi n'avons gagné, mais le débat a animé la classe pendant 2 heures

roudita a écrit:

et qu'apres, peut etre, on pouvait relire et apprécier, rechercher, décortiquer tous les mécanismes littéraires qu'on voulait..

Il y a d'ailleurs une citation d'auteur, que je ne retrouve pas malheureusement , et qui revient à dire qu'à la deuxième lecture commence la littérature.

Je les relis quand on me les rappelle. Par exemple, pour deux euros chez Folio, on trouve "Bonheur de lire", auteurs renommés ou héros fameux plongés dans des lectures, en une sorte de mise en abyme, qui rappelle à quel point il existe un bonheur de lire, ce à quoi Pennac dit: "Toute bonne lecture sauve de tout, y compris de soi-même."

Voici donc le contenu:

Emma Bovary lit Paul et Virginie

Marcel Proust évoque ses Journées de lecture.

JJ Rousseau et ses lectures dans un extrait des Confessions

Nathalie Sarraute en témoigne dans Enfance, son autobio

J. P Sartre lui, c'est dans Les mots qu'il écrit sur son bonheur de lire

Calaferte, incontournable avec son Septentrion

Bernard Schlink narre son rôle de liseur dans Le Liseur, of corse

Pour Stendhal, le plaisir de la lecture est évoqué dans Un Père et un fils

Le RËve pour Zola

Farenheit 451 pour Ray Brabury bien sûr et son système totalitaire dans ce génial roman

Daï Sijie est incontournable pour Balzac et la petite...

Dans A Rebours, c'est Huysmans qui orgasme stylistiquement sur le bonheur du livre

Montaigne, inévitable, dans Les Livres

Pennac, intarissable dans Comme un roman.


On m'aurait consulté chez Folio, j'aurais indubitablement ajouté Le Nom de la rose d'Umberto Eco, m'enfin! Ca leur apprendra.

Belle brochette, variée en tout cas ... :!:

colbrune a écrit:

Il y a d'ailleurs une citation d'auteur, que je ne retrouve pas malheureusement , et qui revient à dire qu'à la deuxième lecture commence la littérature.

Petit florilège

Lire est doux ; relire est - quelquefois - plus doux encore.
[Emile Faguet] Extrait de L'art de lire

"Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es", il est vrai, mais je te connaîtrai mieux si tu me dis ce que tu relis.
[François Mauriac] Extrait des Mémoires intérieurs

Il faudrait qu'on pût me relire avant de me lire:on m'aimerait bien mieux.
[Jules Renard]

Relis, relis. Des choses que tu n'as pas comprises hier, tu seras tout étonné de les comprendre aujourd'hui.
[Jules Renard]

Ce qui importe ce n'est pas de lire mais de relire.
[Jorge Luis Borges] Extrait de Le livre de sable


Ça fait toujours plus chic de relire que de lire un auteur.
[Charles Hamel] Extrait de Prix David

Et pour le plaisir du beau verbe...

L'arbre de la tristesse, ne le plante pas dans ton coeur.
Relis chaque matin le livre de la joie.
[Omar Khayyâm] Extrait de Rubâ'iyyât


Collectées sur www.citationsdumonde.com ...

Onteressante la question de dona (les autre, aussi !) de savoir ce que lisent les protagonistes de roman : julien Sorel et le memorial de saint helene mais aussi tous les textes en filigrane qui jalonnent l'oeuvre : Stendhal a lu attentivement Rousseau et choderlos d elaclos par exemple

maïa a écrit:

Combien de fois par jour se dit-on "faudrait que je relise...", en entament un "jamais lu" qui risque de se révéler décevant ?

Je crois que l'on pourrait en parler.

Le temps, nous sommes tous à dire qu'il nous faudrait plus de temps.

Je pense que le temps est parfois une excuse, en tout cas il n'est pas le seul en question, il y a les choix que nous faisons.

J'aimerai lire comme Duras écrivait, allant à l'essentiel (chacun le sien).

Je trouve que mes choix sont plus justes en avançant, donc moins de déception, je suis plus attentive et puis surtout je connais mieux mes goûts, mais il m'arrive d'être déçue bien sur !

Je suis en train de penser à l'utilité pour moi, de prendre des notes, cela m'aiderait et éviterait la relecture !

. . Je suis en équilibre entre deux penchants : découvrir un nouvel ouvrage et relire un déjà lu dont j'ai su à la première lecture n'en avoir saisi qu'une petite part.

. . Ce temps qui me sépare de ma mort s'étiole comme la peau de chagrin et il me faut l'emplir au mieux.

. . Les livres sont les pièces du puzzle de ma vie ; pour consolider celle-ci je dois trouver ceux-là qui s'emboîtent fermement.

Y'a tellement de livres à lire que je préfère ne pas relire...
Cependant y'a des livres pour lesquels on peut faire des exceptions , et je sais que je relirai Proust et Zola encore et encore.
Mais globalement, je préfère avancer et découvrir toujours plus de livres et d'auteurs

Par contre, relire un livre qu'on a lu à une époque où l'on était peut-être trop jeune et où l'on pense ne pas avoir tout compris, là,je dis OUI

j'ai relu Zola "la famille rougon etc..." je l'avais lu à 16 ans et je voulais savoir ce que je pouvais en penser devenue depuis peu longtemps adulte . Eh bien je n'ai pas été déçue ! par contre j'évite car trop de nouveaux livres d'intérêt alors passons allons marchons mais c'est dommage ! :silent:

Relire un livre en entier ? je préfèrerais picorer des morceaux ici et là, mais il arrive qu'on se laisse entraîner, et c'est tant mieux. Oui j'ai envie de relire certains auteurs, comme Proust ou Dostoievski, ou lire l'homme sans qualités par exemple.


Hélas, ce sont de très gros livres, alors je diffère, je procrastine (!).
Quand j'aurai tout mon temps...

Ranger des livres est une tentation permanente de s'y replonger, c'est pourquoi je ne range rien, c'est plus sage

troglodyte a écrit:

. . Les livres sont les pièces du puzzle de ma vie ; pour consolider celle-ci je dois trouver ceux-là qui s'emboîtent fermement.

J'aime bien ce que tu as dit, mais sur ce passage là, j'ai l'impression que cela ne s'emboite jamais fermement, cela se déglingue toujours à la découverte d'une autre lecture, non ?

Je pense que nous ne sommes tous, humains, que des funambules et finalement cet équilibre éphémère nous maintient sur terre...

peut-être ...

Un nouveau livre lu, s'il est intéressant, donne à voir une chose jusqu'à présent enfouie. Cette apparition me place en déséquilibre, elle me déglingue, elle bouscule mon point de vue. Mais j'ai une propension à retomber sur mes pattes, après un temps. En parlant de pièces qui s'emboîtent fermement, je voulais dire que si le paysage de mon savoir est bousculé par une nouveauté, il me faut le ré-équilibrer par une autre nouveauté. Et c'est dans le choix de cette nouveauté, de ce nouveau livre à lire, que j'essaye de faire preuve de discernement, dans l'espoir que cette nouveauté viendra emplir une place laissée vacante dans le paysage.
Je m'efforce d'assortir mes connaissances comme un peintre les couleurs, et afin que ma toile soit forte je cherche les liens entre les éléments de la composition.

sans doute Troglo sans doute ! c'est une question d'équilibre ! :arrow: :arrow:

quelle palette, Troglo, quelle palette !!

mais il y a aussi la sculpture et l'architecture ! tu vas te battre sur tous les fronts...

troglodyte a écrit:

Je m'efforce d'assortir mes connaissances comme un peintre les couleurs, et afin que ma toile soit forte je cherche les liens entre les éléments de la composition.

Pour rejoindre ta vision, dirais-je, digne d'un Gauguin parcourant les îles à la recherche d'une nouvelle typologie de l'arc-en-ciel (en effet pourquoi limiter ce dernier à X couleurs, alors qu'il en offre un panel infini), semblable à la démarche, certes légère, d'Armstrong déviergeant la Lune, j'ai tendance à penser également que, nonobstant une attirance pour la nostalgie que je me dois de réfréner, s'aventurer dans l'inconnu semble bien plus profitable, et contrebalance sans concessions l'hypothétique jouissance - somme toute modérée et sans surprises - tirée d'une satisfaction aisée et sans risques d'une relecture sécuritaire.

Marie kiss la joue a écrit:

Par contre, relire un livre qu'on a lu à une époque où l'on était peut-être trop jeune et où l'on pense ne pas avoir tout compris, là,je dis OUI

Je relirai encore et toujours Tintin quand j'ai la grippe, mais ça ne me prends pas beaucoup de temps (la grippe et Tintin). Et même que ça est pas un livre, ket, quand j'ai trop de snottes, ça me réconforte, lire Kuifje en français dans le texte quand je vais pas trimer aux Marolles.

Le poil de martre paresseux a écrit:

Je pense que nous ne sommes tous, humains, que des funambules et finalement cet équilibre éphémère nous maintient sur terre...

On t'a déjà dit que tu avais parfois des pensées éclairantes ? En tout cas, j'aime bien ce fil (la vie), et restons-y le plus longtemps possible, sans se bousculer les uns les autres (les pieds sur Terre et la tête dans la Lune)

Seuguh a écrit:

Marie kiss la joue a écrit:

Par contre, relire un livre qu'on a lu à une époque où l'on était peut-être trop jeune et où l'on pense ne pas avoir tout compris, là,je dis OUI

Je relirai encore et toujours Tintin quand j'ai la grippe, mais ça ne me prends pas beaucoup de temps (la grippe et Tintin). Et même que ça est pas un livre, ket, quand j'ai trop de snottes, ça me réconforte, lire Kuifje en français dans le texte quand je vais pas trimer aux Marolles.

Lalalala! Seuguh on croirait du Audiard ! super analyse de ta vie de souffrances
mais il est vrai que moi aussi je relis des livres qui m'ont intéressés dans ma jeunesse et que je n'ai pas tout compris j'ai relu Sade cette année fallait y penser non? et bien bof .. je n'aurais pas du ! il a mal vieilli ( à mon avis)

. . Plus l'écart entre l'auteur et le lecteur est grand, moins celui-ci saisira celui-là, et plus il devra le relire pour tenter de s'élever au niveau de l'auteur. Prenez "écart" au sens large : écart de niveau littéraire, de temps, de moeurs, etc.
. . Face aux grands auteurs je suis comme un chien face à son os : il me faut rogner encore et encore pour espérer enfin me nourrir de la substantifique moelle !

troglodyte a écrit:

. . Plus l'écart entre l'auteur et le lecteur est grand, moins celui-ci saisira celui-là, et plus il devra le relire

Si je me sens parfaitement à l'aise avec l'auteur, j'ai envie de laisser tomber le bouquin...

. . Oui, Rotko, on sent que tu aimes le mystère, l'exploration des zones ombragées... le yang masculin, tout feu tout flamme, est irrésistiblement attiré par la femme mystérieuse, le yin.

Un peu d'eau au moulin ...

J'ai une drôle de sensation depuis quelques semaines alors que je parlais de relire Duras, je les ai sortis pour piocher, j'en ai relu un et des bribes dans certains mais sans aller plus loin.
Je vois le fil de Steinbeck et je me dis "ah ouiiiiiiiii il faudrait ...." idem l'autre fois pour Fante, et bien d'autres.

Je crois que j'ai peur d'être décue et en réfléchissant plus, ce n'est pas si simple, c'est presque comme de se regarder dans un miroir après 20/30 ans de non regard.

Vous voyez ? ou je suis :
- à côté de la plaque,
- trop compliquée,
- naïve, c'était évident,
- tordue ...

Osons-nous lire d'anciennes lettres d'amour ... d'amour obsolète.

Quand je relis, j'ai en général l'impression de faire une "lecture neuve", peut-être parce que je laisse passer beaucoup de temps et de livres entre deux lectures? Et même si je garde quelques souvenirs très vifs, je ne (re)trouve jamais le sens de ma toute première lecture.