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| | Jean Giono | |
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Auteur | Message |
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Clertie pilier
Nombre de messages : 404 Age : 32 Date d'inscription : 11/08/2011
| Sujet: Re: Jean Giono Ven 02 Mar 2012, 09:26 | |
| RegainPas par esprit de contradiction, mais par pur hasard, j'ai commencé la trilogie de Pan par la fin... J'ai beaucoup aimé Regain, même si j'ai eu un peu de mal au début à faire le lien entre les différents personnages. Le fil est déjà bien garni de très beaux commentaires sur l'écriture de Giono, à la fois simple, presque frustre comme ses personnages, et en même temps très poétique et agréable à lire. Je suis totalement Hexagone sur son interprétation de Regain en une parabole chrétienne. Ce qui m'a frappé aussi, c'est la simplicité avec laquelle les choses se passent : la rencontre entre Panturle et Arsule débouche presque aussitôt sur l'installation d'Arsule chez lui, l'ellipse entre le début de l'exploitation de la terre et le moment où Panturle va vendre son grain donne l'impression que les efforts fournis ne comptent pas. Je pense que ça fait partie du côté "conte", ou "parabole". S'ajoute à cela une identification de l'homme à la terre clairement mise en évidence à la fin : d'abord en friche, puis bonifié(e) et qui finalement fructifie. Pour moi, la fin est le plus beau passage du roman : - Spoiler:
Il est debout devant ses champs. Il a ses grands pantalons de velours brun, à côtes ; il semble vêtu avec un morceau de ses labours. Les bras le long du corps, il ne bouge pas. Il a gagné : c'est fini. Il est solidement enfoncé dans la terre comme une colonne.
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| | | nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| Sujet: Re: Jean Giono Ven 02 Mar 2012, 18:33 | |
| - Clertie a écrit:
- Regain
Pas par esprit de contradiction, mais par pur hasard, j'ai commencé la trilogie de Pan par la fin... J'ai beaucoup aimé Regain, même si j'ai eu un peu de mal au début à faire le lien entre les différents personnages.
Le fil est déjà bien garni de très beaux commentaires sur l'écriture de Giono, à la fois simple, presque frustre comme ses personnages, et en même temps très poétique et agréable à lire. Je suis totalement Hexagone sur son interprétation de Regain en une parabole chrétienne. Ce qui m'a frappé aussi, c'est la simplicité avec laquelle les choses se passent : la rencontre entre Panturle et Arsule débouche presque aussitôt sur l'installation d'Arsule chez lui, l'ellipse entre le début de l'exploitation de la terre et le moment où Panturle va vendre son grain donne l'impression que les efforts fournis ne comptent pas. Je pense que ça fait partie du côté "conte", ou "parabole".
Sans vouloir le moins du monde imposer mon point de vue, je pense que c'est une erreur de voir dans Regain une parabole chrétienne. Il faut se rappeler que le roman est le 3e volet de La trilogie de Pan. Et Pan incarne le Tout (sens du mot en grec), la Nature et la Terre avec ses mystères. Giono a donné des explications dans un petit Essai qui date de 1930, intitulé Présentation de Pan. Il écrit ceci : - Citation :
- Le récitant exalte la sensation («Si l'on a ce don du ciel d'avoir de beaux sens, il n'y a qu'à se servir de ces instruments-là pour pénétrer le monde»), le printemps «qui ne choisit pas, mais qui pèse d'un poids égal sur l'amandier qui veut fleurir, sur la chienne qui court sa course, et sur l'homme». Il s'efforce de dévoiler les secrets de Pan qui est également un souffle poétique issu de la terre et des êtres humains qui vivent à son contact. Transporté par l'ivresse dionysiaque, il célèbre cette force «qui ne choisit pas mais qui pèse d'un poids égal sur l'amandier qui veut fleurir, sur la chienne qui court sa course, et sur l'homme. »
Le titre déjà renvoie à l’idée de renouveau et on peut noter que chaque partie commence en automne et s’achève au printemps : c’est l’éternel recommencement du cycle de la mort et de la vie. A la fin du roman, Arsule porte un « fruit » dans son ventre, elle est comme cette « terre grasse, pleine d’air et qui porte la graine. » Panturle est « tout embaumé de sa joie », unissant instinctivement dans son amour la femme et la terre, ce qui signifie que le village va renaître. Panturle, le bien nommé, est d’abord « un morceau de bois qui marche », « c’est un arbre », une force brute de la nature. De chasseur plein de sauvagerie, il devient agriculteur et découvre à la fin « la grande victoire [sur] la terre ancienne, renfrognée et poilue avec ses aigres genêts et ses herbes en couteau » Lui-même est devenu "une colonne”, dernier mot du texte. Tous ces éléments montrent bien, selon moi, qu’on est dans le mythe à la manière antique et pleinement païenne mettant en scène des êtres frustes qui retrouvent une harmonie profonde avec la nature, la dominant tout en se soumettant à ses lois. D’ailleurs, la nature aussi, constamment personnifiée, participe du mythe: les éléments, comme le vent par exemple, deviennent des personnages symboliques qui donnent au roman sa dimension mystérieuse et puissante. On pourrait développer des idées analogues à propos de La Mamèche, mère et sorcière, véritable prêtresse... On trouve dans la trilogie ( Colline, Un de Baumugnes et Regain) le thème récurrent de la nature impitoyable, terrifiante et dangereuse, que l’homme doit combattre mais respecter pour parvenir à s’y intégrer pleinement, comme Panturle “enfoncé dans la terre comme une colonne”. | |
| | | Clertie pilier
Nombre de messages : 404 Age : 32 Date d'inscription : 11/08/2011
| Sujet: Re: Jean Giono Ven 02 Mar 2012, 20:13 | |
| Vu comme ça, c'est vrai que tu as raison Nicyrle ! (surtout pour la colonne, j'ai cité le passage en plus, comment je n'ai pas pu le voir ) Ok je pense que j'ai eu tort de parler de "parabole chrétienne" (à vouloir faire trop vite on raccourcit et on dit des choses fausses), malgré ça je crois qu'il y a des références assez évidentes, qu'a souligné Hexagone (baptême purificateur, suivi d'une remise dans le "droit chemin"). Par contre, je crois que les deux ne sont pas contradictoires ; sur l'homme sorti de la terre, n'est-il pas écrit dans la Bible que "Dieu modela l'homme avec la glaise du sol" (Gn 1, 7) ? En fait, Giono inverse plutôt le sens biblique : sur l'agriculture, Adam et Ève ont été forcés de travailler la terre parce qu'ils ont péché, tandis que pour Panturle, c'est un aboutissement salvateur. Merci en tout cas pour ta critique Nicyrle, elle m'a permis de regarder le texte d'un meilleur œil ! | |
| | | nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| Sujet: Re: Jean Giono Ven 02 Mar 2012, 23:17 | |
| Pour moi, le passage que tu cites, Clertie, ne renvoie pas à l’idée de baptême. C’est l’équivalent d’un rite de passage comme on en trouve dans de nombreuses traditions du monde entier et d’abord païennes. Lorsque Panturle perd connaissance après sa chute dans l’eau, il traverse symboliquement la mort puis il revient à la vie : « Depuis un moment, il a recommencé à vivre. » Arsule aussi connaît un rite de passage quand elle traverse le plateau et croit voir une ombre noire qui fait « hop », incarnation de la mort à travers le personnage de La Mamèche, laquelle évoque irrésistiblement la Déméter (Terre-mère) enveloppée de voiles sombres ; et Arsule à son tour renaîtra, « à l’aube », entre les bras d’un homme ; tous deux auront « de grands corps calmes, des cœurs simples comme des coquelicots. » A l’unisson de la terre au printemps, ils s’étreignent. Le mythe de Déméter est omniprésent et Arsule me fait penser à Perséphone : comme elle, au premier labour, la voilà « qui monte », elle surgit de la terre préfigurant la future récolte. C’est justement La Mamèche qui a amené Arsule comme Déméter ramène sa fille sur terre pour que le cycle de la nature reprenne. Non décidément, je ne crois pas à la thématique chrétienne dans ce roman ! J'apprécie nos échanges sur ce livre magnifique, Clertie, merci | |
| | | Razorbill Animation
Nombre de messages : 4361 Date d'inscription : 07/10/2011
| Sujet: Re: Jean Giono Sam 09 Mar 2013, 22:09 | |
| j'ai vu ce soir sur Arte un documentaire sur un français vivant à Madagascar qui essaie de reboiser une vallée malgache completement devastée par les hommes ayant tout coupé pour se chauffer, cet homme passe son temps à replanter de jeunes pousses et incite les malgaches à suivre son exemple, tres beau documentaire à la fin duquel cet homme cite "l'homme qui plantait des arbres" de Giono....
Dernière édition par Bill Camajan le Dim 10 Mar 2013, 03:50, édité 1 fois | |
| | | soussou pilier
Nombre de messages : 14224 Date d'inscription : 25/02/2007
| Sujet: Re: Jean Giono Sam 09 Mar 2013, 22:14 | |
| https://youtu.be/8jQMJTMePSA cadeau Bill! | |
| | | Razorbill Animation
Nombre de messages : 4361 Date d'inscription : 07/10/2011
| Sujet: Re: Jean Giono Dim 10 Mar 2013, 03:50 | |
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| | | Graciak habitué(e)
Nombre de messages : 25 Date d'inscription : 11/06/2013
| Sujet: Re: Jean Giono Sam 14 Sep 2013, 00:01 | |
| J'ai lu Un Roi sans divertissement il y à deux ans. C'était une lecture imposée par les cours en 1ère, et j'avoue que, à la base, je ne l'avais pas fini. Pas très malin, notamment parce qu'au bac je suis tombé sur...le dénouement Je l'ai lu contraint et c'est une lecture assez difficile, a fortiori d'autant plus pour un élève de 1ère. Du coup, et je le regrette, j'en garde peu de souvenirs, sans doute à cause du style, parfois heurté et, si je ne me trompe pas, souvent mouvant. Mais c'est là le miracle des cours(j'avais une prof visiblement hyper calée en terme de littérature mais un peu dingue, et pas très pédagogique) :J'ai pris 100x plus de plaisir à analyser ce livre en classe qu'à le lire. C'est l'effet que m'avait fait également, dans un style très très différent, Zola. Peut-être était-ce également dû à ma jeunesse à l'époque(pas si lointaine, pourtant, mais j'estime avoir pas mal mûri dans mon approche des livres, l'habitude finissant par aider...). Bref, le titre est inspiré d'une phrase de Pascal ("Un roi sans divertissement est un homme plein de misère"), citée à la fin du livre, qui se veut, en partie, une transcription en couleurs de la pensée du philosophe à propos de l'ennui et du divertissement. Du moins, c'est comme ça qu'on en avait parlé en cours, mais c'est sans doute très simplifié, et le roman ne se limite pas à cet aspect. En y repensant, si peu de phrases me reviennent en tête spontanément(excepté peut-être une des dernières :quelque chose à propos d'une explosion d'or et de la tête de Langlois qui pouvait enfin être à la mesure de l'univers...Je n'ai plus le livre sur moi et je n'ai plus la phrase exact, malheureusement), au contraire, certaines scènes sont très bien gravés dans mon esprit. La chasse au loup, par exemple, avec ce face à face entre le loup et Langlois. Bien sûr, le sang sur la neige et la fascination qu'il exerce, référence à Perceval, il me semble. Surtout, c'est le sucide de Langlois qui marque :Egorger une oie, ultime tentative de tromper un ennui accablant, puis cet "explosion d'or", après avoir allumé de la dynamite(il me semble ? C'est quelque peu flou) avec sa cigarette, habitude qu'il avait pris, également, pour tromper l'ennui. Finalement, en y repensant, c'est l'oeuvre que j'ai lu(le roman, tout du moins, j'écarte certains poème, dont un de baudelaire dont j'ai parlé ici il y à quelques temps...) qui retranscrit le mieux l'ennui et son poids.. Le chef d'oeuvre, je trouve, vient principalement du fait que, à moins que je me trompe, l'ennui n'est jamais directement évoqué. En effet, il y à une multitude de narrateurs, qui appartiennent tous à cet armée de personnes très "terres à terres", peu à même de comprendre les tourmentes quasi métaphysique de Langlois, figure de roi, donc de personnage élevé, tant dans l'apparence que dans l'esprit. Du coup, puisque ce sont ces personnages qui sont notre seul moyen d'accès aux faits et geste du personnage principal, et qu'ils sont incapable de comprendre ce dernier, il n'est jamais fait mention directe de l'ennui qui le tourmente. Tout est dit à mot couvert dans ce livre, et il faut lire entre les lignes pour comprendre la tempête sous le crâne de Langlois. Giono sème des indices :Le changement dans sa personnalité, constaté par les villageois, et la lente substitution de sa personnalité et surtout de ses fantasmes à ceux de Monsieur V. Et, bien sûr, les différentes tentatives de tromper l'ennui :La battue aux loups, le sang sur la neige, la recherche d'une femme.... Tout est vain, finalement. La note finale est plutôt pessimiste. Bref, plus j'y repense et plus j'ai l'impression d'être, à l'époque, passé à côté de quelque chose de très grand. Plutôt singulier de comprendre(dans une certaine mesure uniquement, évidemment) et d'apprécier intellectuellement une oeuvre tout en ne l'ayant pas du tout aimé à la lecture, non ? | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean Giono Sam 14 Sep 2013, 05:38 | |
| l'ideal serait de relire le livre, une fois décanté le commentaire "savant".
Il devient alors intégré et assimilé dans la nouvelle lecture. C'est en quoi lire plusieurs oeuvres du même auteur (films ou livres etc.) est formateur, à mon avis. | |
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| | | | Jean Giono | |
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