Une colonisation qui a laissé des traces

j'ai ecrit. mais je pense que Pram ananta Toer avec le monde des hommes serait tout indiqué...

Je prends bonne note de tous les titres indiqués ! Merci à toi !

Je lirai très certainement le dernier, j'ai sur ma liste depuis un petit moment Pram ananta Toer

Le blackbirding.

Après l’interdiction de la traite des esclaves, et après la guerre de Sécession (1861-1865), eut lieu le blackbirding, ie le recrutement de main d’œuvre pour aller cultiver le coton en Australie ;

Citation :

Les habitants des Nouvelles-Hébrides des Salomon ou des Gilbert étaient attirés sur les navires par des distributions de cadeaux, et kidnappés pour être revendus sur les plantations de coton ou de canne à sucre, au Queensland, aux Fidji ou dans les mines de nickel de la Nouvelle-Calédonie. Les salaires étaient rarement versés, ou permettaient à peine aux travailleurs d’acheter leur nourriture dans les magasins de la compagnie.

Afin de lever de plus ne plus de main-d’œuvre, les bateaux organisaient de véritables razzias sur les côtes des nouvelles Hébrides. […]

L’impression d’angoisse qui plane sur ces rivages, l’isolement des villages perchés au flanc de montagnes parlent encore du temps maudit où chaque apparition d’une voile semait la crainte chez les habitants.

Le Clézio, Raga, Seuil.

Parution d'une étude ambitieuse :

Mission civilisatrice : le rôle de l'histoire coloniale dans la construction de l'identité politique française de Dino Costantini à La Découverte

l'ouvrage montre la contradiction entre les principes républicains affichés, et la pratique du colonialisme :

Citation :

le colonialisme français a régulièrement violé dans les colonies les principes démocratiques et humanistes dont il se faisait le chantre dans sa patrie et, grâce à l'idée de « mission civilisatrice », il a progressivement transformé ces principes en un instrument de justification de la domination.

la dernière partie du livre étudie des oeuvres d'Aimé Césaire, d'Albert Memmi et de Frantz Fanon, pour que la catégorie d'humain ne soit plus réduite à celle d'Européen.

Bien intéressant ce topic. Je voulais justement me renseigner sur la colonisation après avoir discuté avec un professeur d'anglais sur les différences entre la colonialisme français et le colonialisme britannique. J'aimerais bien trouver un livre à ce sujet.

Je reviens vous parler d'un livre que j'ai déjà évoqué : Immigrés de force Les travailleurs indochinois en France (1939-1952) de Pierre Daum, journaliste, grand reporter au Monde diplomatique , publié chez Actes Sud dans sa collection "Archives du colonialisme".

Voici la 4e de couverture :

Citation :

Après soixante-dix années de silence, voici enfin mise en lumière une page enfouie de l’histoire coloniale française : le recours, pour travailler dans l’Hexagone, à une main-d’oeuvre immigrée de force. Déjà, en 2006, le film Indigènes, de Rachid Bouchareb, avait révélé un aspect peu connu de l’utilisation des peuples colonisés lors de la Seconde Guerre mondiale. Or, à cette époque, la France n’avait pas seulement besoin de soldats, mais aussi d’ouvriers, afin de remplacer les Français mobilisés.Pour les travaux les plus pénibles, comme ceux du maniement des poudres dans les usines d’armement, la France fit venir en 1939 vingt mille Indochinois de sa lointaine colonie d’Extrême-Orient. Recrutés pour la plupart de force, débarqués à la prison des Baumettes à Marseille, ces hommes furent répartis à travers la France dans les entreprises relevant de la Défense nationale. Bloqués en Métropole pendant toute la durée de l’occupation allemande, logés dans des camps à la discipline très sévère, ils furent loués, pendant plusieurs années, par l’Etat français à des sociétés publiques ou privées – on leur doit le riz de Camargue –, sans qu’aucun réel salaire ne leur soit versé.Ce scandale se prolongea bien après la Libération. Renvoyés vers le Viêtnam au compte-gouttes à partir de 1946, ce n’est qu’en 1952 que les derniers de ces hommes purent enfin revoir leur patrie. Un millier fit le choix de rester en France.Après trois ans de recherches en archives et d’enquête, menée dans les banlieues de Paris et de Marseille, et jusqu’à Hanoi et aux villages les plus reculés du Viêtnam, Pierre Daum a réussi à retrouver vingt-cinq des derniers acteurs encore vivants de cet épisode si peu “positif” de l’histoire coloniale française. C’est leurs récits qu’il nous restitue dans ce livre

Le livre se présente comme un ensemble de témoignages des derniers survivants de ces « immigrés de force » vietnamiens, recoupés par une enquête minutieuse dans des services d’ archives, à travers les journaux de l’époque et la thèse d’un administrateur-adjoint des Colonies de 1946. Une préface de l’historien Gilles Manceron souligne l’importance de cet essai qui fait « revivre un épisode emblématique de la période coloniale » et resitue les faits dans leur contexte historique.

Dans son introduction, Pierre Daum explique sa démarche née de circonstances fortuites : la visite d’un musée privé du riz à Sambuc montrant clairement que des Vietnamiens ont été les premiers planteurs du riz camarguais en 1941. Il dit n’avoir pas fait œuvre d’historien mais de journaliste « cherchant à retrouver les morceaux éparpillés d’une histoire inconnue » et soucieux de sauvegarder des sources historiques pour de futurs chercheurs.

Les 19 chapitres qui suivent retracent clairement l’histoire de ces 20000 Indochinois presque tous amenés de force en 1939, depuis le recrutement (chaque famille ayant au moins deux fils de plus de 18 ans était tenue d’en mettre un à la disposition de la France), le voyage cauchemardesque de 40 jours, à fond de cale, de ces esclaves modernes jusqu’au rapatriement parfois très tardif pour certains ou le choix de rester, en passant par leurs conditions de vie lamentables, leurs salaires de misère (un Vietnamien gagnait dix fois moins qu’un Français), leurs rapports avec la population française (amour mais aussi racisme le plus sordide), leurs révoltes parfois (Saint-Barthélémy indochinoise au camp de Mazargues en 1948).

Le livre s’achève par un épilogue émouvant pour dire ce que sont devenus les 25 témoins qu’a rencontrés P. Daum en France ou au Viêtnam.

J’ai trouvé cet essai limpide et passionnant. On le lit comme un roman. Il s’en dégage une impression de sérieux mais aussi de respect voire de tendresse pour ces ONS (ouvriers non spécialisés). J’avoue avoir été effarée par ce que j’ai appris sur un pan d’Histoire que j’ignorais totalement. A la suite de cette lecture, j’ai assisté à Montpellier à une conférence débat très intéressante avec l’auteur, l’historien G. Manceron, Joël Pham descendant d’ONS qui a bâti un site dédié à la mémoire de ces hommes oubliés http://www.travailleurs-indochinois.org/ et un homme plein d’humour qui coule des jours paisibles à La Grande-Motte, Pham Van Nhân, 89 ans, recruté à l’époque comme interprète, retourné au Viêtnam et revenu en France où il fut cinéaste.

Je recommande chaudement la lecture de cet ouvrage original et surtout particulièrement instructif pour qui ne serait pas vraiment convaincu des « aspects positifs » de la colonisation.

Dans la collection "points", des textes historiques qui ont marqué l'evolution d'une pensée sur la colonisation.

Intéressant.
Merci rotko

Citation :

Bien intéressant ce topic. Je voulais justement me renseigner sur la colonisation après avoir discuté avec un professeur d'anglais sur les différences entre la colonialisme français et le colonialisme britannique. J'aimerais bien trouver un livre à ce sujet.

Je n'ai pas d'ouvrage à proposer, cependant il me semble que les anglais n'ont considéré leurs colonies que comme des partenaires commerciaux, tandis que les français ont privilégié l'assimilation, tout en annexant les terres conquises, à la République ... d'où la difficulté pour les colons français d'accepter l'indépendance des colonies, puisqu'ils éprouvaient une profonde charge affective pour ces terres qu'ils pensaient leur appartenir ...

Hélé Béji, Nous, décolonisés, Collection Essais chez Arlea

Citation :

« liberté » est le maître mot de sa brillante analyse sur la fin du colonialisme, l’Indépendance et la démocratie dans son pays, la Tunisie - qui est ici parangon de tous les jeunes États ayant gagné leur indépendance de haute lutte dans les années 1950-1960. Si, parmi les causes des errements et des incuries des « jeunes pays », elle n’oublie pas les crimes et les injustices des ex-puissances coloniales, ce sont surtout les responsabilités de ces jeunes nations qu’elle entend stigmatiser dans cet essai.

Une bouffée de négrophilie dans un monde de négriers :

Citation :

J'achète en ce moment une petite négresse de deux ou trois ans pour l'envoyer à Mme la duchesse d'Orléans. Si le bâtiment qui doit la porter tarde quelque temps à partir, je ne sais comment j'aurai la force de m'en séparer. Elle est jolie, non pas comme le jour, mais comme la nuit. Ses yeux sont comme de petites étoiles, et son maintien est si doux, si tranquille, que je me sens touché aux larmes en pensant que cette pauvre enfant m'a été vendue comme un petit agneau. Elle ne parle pas encore, mais elle entend ce qu'on lui dit en yolof : kay filé, viens ici ; toura man, baise-moi. Si tu la vois au Palais-Royal, ne manque pas de lui parler son langage et de la baiser en pensant que je l'ai baisée aussi, et que son visage est le point de réunion de nos lèvres.

René Vautier, un cineaste de talent et qui n'hésite pas à traiter des sujets qui dérangent.

Édifiant...

rotko a écrit:

Le blackbirding.
Après l’interdiction de la traite des esclaves, et après la guerre de Sécession (1861-1865), eut lieu le blackbirding, ie le recrutement de main d’œuvre pour aller cultiver le coton en Australie

Autre époque, autre dénomination, mais toujours les mêmes pratiques...

Le "care drain" : l’immigration féminine a récemment dépassé les flux d’immigration masculine, et ce en lien avec la crise du care* dans les pays riches amenant à une délégation de celui-ci vers une immigration féminine en provenance des pays pauvres (care drain). Cf. Barbara Ehrenreich, Global Woman: Nannies, Maids, and Sex Workers in the New Economy, 2003.

Extrait du film Paris, je t’aime : Loin du 16e :



* Care : il s'agit de donner une priorité et une visibilité à la préoccupation morale (sollicitude, souci de l’autre, attention) dans l'action quotidienne ("politique de l’ordinaire"). Cf. Carol GILLIGAN, Une voix différente, 1982, et Joan TRONTO, Un monde vulnérable, pour une politique du care (2009), dans le prolongement du Solidarisme de Léon Bourgeois.

documents indispensables et incroyables sur la notion de colonisation de tous les temps. Le cher Aristarque me comble avec ses descriptions sur les croisades vues par les Arabes, on nous avait mis dans la tête que c'etait une expédition glorieuse de l'histoire de France, et tous les évènemments postérieurs, toujours la cruauté que certains auteurs s'avanturent à raconter. En lisant ce fil, notre concept d'êtres civilisés montre le côté faible de notre morale.

Le 3 juillet 1962 marquera les cinquante ans de l'indépendance de l'Algérie.


Nos pères ennemis (Privat) est un livre à deux voix, croisées et emmêlées dans une conversation en forme de réconciliation, celle de Hélène Erlingsen-Creste et celle de Mohamed Zerouki. L’une est fille d’un militaire français tué en 1958 lors d’une embuscade, l’autre est fils d’un martyr de la cause indépendantiste, disparu en 1959 dans la même région de l’ouest algérien.

Deux pères, morts hier sur le même champ de bataille, mais l’un « pour la France en Algérie » et l’autre « pour l’Algérie en Algérie ». Et deux enfants qui, aujourd’hui, en se découvrant, retrouvent le chemin, trop longtemps enfoui sous l’injustice et l’indifférence, d’une histoire commune. A Mohamed qui lui dit : « Nous sommes comme un couple qui, un jour, dans la douleur, s’est séparé, mais qui ne peut oublier qu’il s’est aimé et qu’il a une histoire commune », Hélène répond « avec les mêmes mots ou presque : pendant huit ans (1954-1962), la France, mon pays, a sacrifié et fait sacrifier des milliers de vies d’hommes et de femmes, quels que soient leur camp et la couleur de leur peau, sur l’autel du prestige colonial ». (Mediapart)


« On ne peut pas comprendre cette explosion de violence si on ne la relie pas à l’inégalité profonde du système colonial qui règne alors en Algérie. Il y a d’un côté une minorité, les Européens venus s’installer en Algérie après 1830, qui sont environ un million en 1954. Et de l’autre la majorité, les “indigènes” que l’on appelle aussi les “Algériens musulmans”, qui sont environ neuf millions, et qui n’ont pas les mêmes droits que les Européens. Sur le plan politique, ils sont en quelque sorte de faux citoyens d’une République qui proclame pourtant l’égalité entre les hommes. Aux élections, une voix d’un Européen vaut sept voix d’Algériens. Cette inégalité est aussi économique. Le revenu brut d’un Européen d’Algérie est très supérieur à celui d’un Algérien musulman. »

Intéressant, merci Luca
Il aura fallu du temps pour qu'émergent enfin des "vérités", c'est sûrement normal mais on voudrait accélérer le processus pour être enfin "éclairés" sur des faits d'Histoire, trop souvent occultés.

pour Luca: comme toute colonisation des traces sanglantes restent. La guerre Algérienne est encore fraîche dans la mémoire des deux pays et c'est un sujet dérangeant pour la France. Moi qui suis de l'Amérique du Sud, la colonisation qui est venue avec Christofe Colomb il y a des siècles déjà, et ce qui reste des anciens habitants, les aborigènes, autrefois massacrés, de temps en temps se révoltent et réclament leurs terres; Toute colonisation n'importe quelle entraîne malheur et haine.

Tu as raison, Amadak. Ton pays a connu de véritables tragédies dont il reste plus que des séquelles. C'est triste...

un lien à propos de la colonisation :

colonisation

pour Bill: merci pour la vidéo: je suis en dette avec toi sur le film et l'article sur La Havane: j'etais en panne d'electricité, ici dans le premier monde, comme l'avaitdit notre ancien président Memem!!
Ni bien pueda te contestaré lo que te debo, y charlaremos un poco sobre Cuba, la bella, quién la conoció no la olvida.

Amadak a écrit:

pour Bill: merci pour la vidéo: je suis en dette avec toi sur le film et l'article sur La Havane: j'etais en panne d'electricité, ici dans le premier monde, comme l'avaitdit notre ancien président Memem!!
Ni bien pueda te contestaré lo que te debo, y charlaremos un poco sobre Cuba, la bella, quién la conoció no la olvida.

Buenas amigo, ce n'est pâs grave ne t'inquietes pas, j'ai aussi connu cela dans cet autre monde l'électricité qui se coupait à l'heure de preparer le repas ou sous la douche le matin c'était quotidien à une epoque à Cuba (mesures d'économie que nous n'avons pas le bonheur de connaitre en europe ), as tu été à Cuba...?Parlons en sur le fil Cuba si tu veux bien....

Ann Laura Stoler,
 
La chair de l'empire : Savoirs intimes et pouvoirs raciaux en régime colonial 298 p ma découverte.
 
Du ventre des maîtresses au sein des nourrices, l'empire (qu'il soit français, britannique, néerlandais, ou autre, en Afrique, en Asie et ailleurs) est obsédé par la police de l'intimité : il régule les relations sexuelles, entre prostitution, concubinage et mariage, en même temps que la reconnaissance des enfants métis et l'éducation des enfants blancs

Citation :

Les hommes blancs étaient donc incités à vivre en concubinage avec des femmes indigènes, lesquelles assuraient un service à la fois domestique et sexuel. Les enfants nés de ces unions deviennent à leur tour des sources d'inquiétude: et si leur part de sang blanc allait leur faire commettre des actes de rébellion dont les indigènes ne seraient pas capables? Décision est alors prise d'autoriser la venue d'Européennes. Ce qui crée de nouveaux problèmes.

Etre blanc aux colonies, c'est avoir des domestiques qui travaillent à votre place. Mais les enfants s'attachent à leurs nounous indigènes, ce qui affaiblit la séparation entre les races. Journaux des colonies et revues éducatives discutent du problème. On conseille aux jeunes mères blanches de ne pas laisser l'enfant dormir dans le même lit que la nounou: celle-ci devra s'allonger par terre, sur le seuil de la porte.

 
 
entretien avec l'auteur

Chaque fois que GDS* parle de Duras, j'ai envie de relire l'amant il faut que je le retrouve dans le foutoir de ma bibliothèque ! 

Encore un livre que j'aimerais lire ! Merci, rotko   de l'avoir signalé à notre attention. L'interview est intéressante, ce qui est dit me renvoie à ce que m'a raconté à mots couverts Thât mon amie vietnamienne ainsi qu'à L'amant, bein sûr.