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| | Toni Morrison | |
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Auteur | Message |
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Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Toni Morrison Sam 17 Jan 2009, 20:23 | |
| Beloved
Encore une grosse pointure de la littérature Américaine, prix Nobel 1993. Je préfère dire de la littérature « Américaine » et non « Afro-américaine », comme disent certains, car je ne vois pas en quoi son origine ethnique enlève ou ajoute quelque chose à ce qu’elle possède : le don d’écrire.
Cette femme là irradie.
« Beloved » a de quoi secouer plus d’un lecteur averti, par son thème d’une rare charge émotionnelle : une maman Africaine, Sethe, esclave, décide de tuer de ses mains son nourrisson pour lui épargner une vie de violences, de privations et de servitude au service des blancs.
Toni procède par touches symboliques et puissamment évocatrices. La scène s’ouvre sur une description de la maison de Sethe, qui vit avec sa fille et un « fantôme ». Petit à petit, et très douloureusement, l’écrivain remonte le fleuve du parcours sanglant et refoulé de cette mère enfanticide, au nom de l’amour. Le « fantôme », « Beloved » se matérialisera au fil des pages pour finir par fusionner avec la mère salvatrice.
Dire que ce livre est bouleversant relève de la farce.
C’est un moment unique de littérature, totalement foudroyant quand on est soi-même une femme et qu’on finit par comprendre ce geste plein, entier, total, désespéré et porteur de tous les cris des humiliés : sauver l’innocence en la sacrifiant.
On parle beaucoup de Toni en ce moment car elle s’est vivement engagée pour soutenir Obama. Lequel lui rend bien hommage à titre privé, puisqu’elle compte parmi ses classiques, et à titre public, puisqu’il emprunte en ce moment le chemin (dans tous les sens du terme) cher à Lincoln.
Un incontournable qui laisse sans voix.
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| | | Nymphéa pilier
Nombre de messages : 1480 Age : 70 Localisation : Nord Date d'inscription : 28/12/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Sam 17 Jan 2009, 23:02 | |
| Je suis de tout coeur avec toi, Arc Tony Morrison est une grande romancière ; tous ses livres ont la force et la puissance de Beloved et elle traite avec justesse et perspicacité des problèmes de la communauté "noire"; ses histoires sont emplies d'une belle émotion sans condescendance; ses personnages complexes, dignes et fiers malgré les conditions souvent terribles de leur vie. De la littérature avec un grand L! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 18 Jan 2009, 07:53 | |
| Vous me remplissez de honte ! j'ai eu plusieurs fois l'occasion de lire toni Morrison, et je ne l'ai pas fait ! il y a une bonne dizaine de ses livres dans ma mediathèque (sans parler des livres pour enfants). je sais donc ce qu'il me reste à faire. Pourquoi ne pas le proposer pour une lecture du mois ? après tout, on peut avoir le choix entre 2 ou 3 (maximum) livres/auteurs. | |
| | | Monique Rannou pilier
Nombre de messages : 670 Date d'inscription : 21/04/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 18 Jan 2009, 09:21 | |
| Je plussoie ! J'ai vraiment été charmée par le style.. au début, je voulais absolument savoir ce qui était réel, ou pas, la part des rêves et de flash back. J'ai pris mon pied à partir du moment ou je me suis abandonnée. | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 21 Avr 2009, 11:21 | |
| A propos de Beloved :
Un des personnages déclare que l'esclavage est, aussi, un état d'esprit. Qu'avez-vous voulu dire?
T.M. Celui qui prononce cette phrase est un Noir qui n'a jamais été esclave. Je me demande d'ailleurs ce qu'il en sait, de l'esclavage! Mais, comme beaucoup d'autres à cette époque, il pensait que ce n'était pas le travail imposé qui définissait l'esclavage, ni l'absence de liens familiaux, mais ce qui se passe en vous, dans votre esprit. Quand on pense aux trois siècles d'esclavage brutal qu'a connus ce pays et à ce qui en a découlé (la musique, l'endurance, et, d'une certaine manière, l'amour), le résultat est monumental. En aucun cas je ne veux dire que l'esclavage est une bonne chose mais, parfois, il anoblit: tu ne deviens pas le même monstre que ton maître, tu refuses de devenir cela et ça, c'est une forme de liberté.
Toute l'interview ici : http://www.lire.fr/entretien.asp/idC=53374/idR=201/idG=4 | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 21 Avr 2009, 18:34 | |
| ah ! merci Crevette, pour cet entretien très utile. Il me semble qu'il y a au début de Sula une incompréhension entre les noirs qui furent esclaves et les autres. Les références de Toni Morrison à Baldwin me plaisent bien car effectivement j'avais remarqué au début de Sula page 12 une analyse du rire proche de la douleur déjà remarquée chez Baldwin dans la prochaine fois le feu et dont on a parlé à propos du Jazz. j'aime bien aussi ce passage dans l'entretien : T.M. - Citation :
- Le racisme n'existerait pas s'il n'était pas profitable. Il sert non seulement des intérêts politiques mais aussi ceux d'autres populations pauvres: celle des petits Blancs. On peut faire remonter cela à un événement qui s'est produit en Virginie, en 1676, justement, peu de temps avant le début de ce roman: la «rébellion de Bacon» au cours de laquelle quatre ou cinq mille personnes tentèrent de renverser le pouvoir en place. Parmi eux se trouvaient des petits propriétaires ainsi que des esclaves noirs, indiens ou blancs. Ce groupe était très mélangé. Ils ont réussi... pour quelques mois. Puis ils furent capturés et pendus.
Après cela, de nouvelles lois furent promulguées. Elles stipulaient notamment qu'aucun Noir n'aurait plus le droit de détenir une arme, et que tout Blanc pouvait désormais tuer n'importe quel Noir sous n'importe quel prétexte. C'est cela qui a séparé les Blancs pauvres des Noirs, en leur conférant un statut. Les Blancs ne sont pas devenus plus riches, ils restèrent pauvres, mais ils avaient désormais le pouvoir de regarder de haut d'autres pauvres qu'eux. C'est ainsi que tout a commencé. On se pose parfois la question : comment se fait-il que des ouvriers soient racistes ? tout simplement parce qu'ils ne veulent pas se reconnaître dans ceux qui sont proches d'eux. Mépriser qui est pareil que soi, c'est retrouver sa propre estime, en utilisant un repoussoir. | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Mer 22 Avr 2009, 11:40 | |
| Le racisme devient donc une simple réaction sociale.
Moi je suis bluffée par le passage que j'ai cité : l'idée que l'esclavage peut être conçu comme une forme de liberté, celle de ne jamais être bourreau.
De mémoire, il me semble que nos classiques Grecs préféraient de loin le rôle de victime à celui de bourreau.
Quelle grandeur d'esprit il faut pour s'en convaincre.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 26 Avr 2009, 05:50 | |
| Sulaun récit assez déconcertant, à mon avis, qui commence par la célébration de la "fête nationale du désespoir et du malheur" et se termine sur le mot "douleur". Entre ces deux étapes, on voit vivre, rire et souffrir, des Noir(e)s dans des lieux et conditions qui échappent à nos valeurs habituelles Les plus belles pages furent pour moi l'amitié entre les deux filles Neil et Sula, et la peine d'amour de Sula quand elle se rend compte de l'absence d'Ajax. je suis curieux de connaître vos réactions sur ce livre. un article récent sur Toni Morrison. - Citation :
- Femme, noire, d'origine modeste, écrivain de grand talent, Prix Nobel de littérature (en 1993), professeur dévouée, elle jouit d'une immense notoriété, mais surtout d'une autorité morale, mise au service des causes qui lui sont chères. Celle de la communauté africaine-américaine, d'abord, et, tout récemment, celle d'Obama, qu'elle a soutenu pendant sa campagne électorale.
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| | | marie chevalier pilier
Nombre de messages : 6350 Age : 123 Date d'inscription : 11/01/2006
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 26 Avr 2009, 15:55 | |
| Sula
4 ème de couverture :
« l’âge venant, Sula la rebelle part rouler sa bosse dans les grandes villes, alors que Nel la sage accomplit sa vocation de mère et d’épouse …
…40 ans après, elles font leurs comptes, s’opposent et incarnent chacune à sa manière la farouche énergie de la femme noire face aux hommes si vulnérables… »
Je n’ai pas tout à fait le même point de vue. J’y ai plutôt vu une chasse à la sorcière et la candeur parfois méchante des autres personnages de ce roman. Sula fait peur, parce qu’elle est émancipée et libre mais elle fait peur. Elle est considérée un peu comme une sorcière. Nel, la trahie… la trompée ? …. Pas sûr ! En tous cas deux femmes au destin semblable : Pour Sula la recherche du plaisir, même si cela fait mal à sa meilleur amie, puisqu’elle « couche » avec son compagnon. Quand j’ai terminé ce roman, je ne sais toujours pas laquelle des deux a traversé la vie avec le plus de chance et de liberté : la femme libre ou l’autre, mère de famille ? Bref .. chacun y verra ce qu’il voudra bien y voir . | |
| | | marie chevalier pilier
Nombre de messages : 6350 Age : 123 Date d'inscription : 11/01/2006
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 26 Avr 2009, 15:57 | |
| L’œil le plus bleu
Trois petites filles, des femmes dans leur condition de « servantes » que ce soit au foyer ou dans ceux des familles riches et blanches. Des hommes qui boivent, qui frappent leur femme, mais qui leur font aussi l’amour …. Tous ces gens s’aiment, dans la dure vie qui est la leur et les fillettes rêvent…. La misère dominante engendre des coups, de l’inceste, la mort et va parfois jusqu’à la folie. Toni Morrison ne pleurniche pas, elle explique, elle est simple et efficace. Pas de fioritures mais pas d’abus de langage non plus, c’est ce qui fait que lorsque l’on a terminé on est un peu moins bien dans sa conscience.
elle a du talent et ce qui ressort de ma lecture est qu’il ne faut pas être pauvres et noires, quand on est une petite fille ou une femme dans une Amérique de blancs. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Lun 27 Avr 2009, 06:13 | |
| A propos de l'oeil le plus bleu - marie chevalier a écrit:
Toni Morrison ne pleurniche pas, elle explique . dans Sula je n'ai guère trouvé d'explications à des conduites étranges qui mènent à l'incendie d'un enfant dans son lit, j'ai eu l'impression d'être devant des conduites insensées (= qui relèvent de la folie). | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 28 Avr 2009, 11:32 | |
| http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/04/25/toni-morrison-dans-toute-sa-gloire_1185409_3246.html#ens_id=1185517 | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 28 Avr 2009, 11:42 | |
| j'aime bien ce passage : - Citation :
- En recevant le prix Nobel, l'écrivain s'est dit : "A l'avenir, une petite fille noire qui voudrait devenir écrivain pourra se dire : le Nobel est à ma portée." Et puis, avec une certaine malice : "Les jeunes étudiants blancs qui n'ont jamais lu de littérature africaine-américaine seront obligés de me lire moi." Servir de modèle, ouvrir les portes, transmettre : c'est aussi pour cela qu'elle consacre encore deux jours par semaine à l'enseignement de la littérature, dans l'enceinte de la prestigieuse université de Princeton
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| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 28 Avr 2009, 13:55 | |
| En outre, je trouve cette femme très belle. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 10 Mai 2009, 15:38 | |
| émission du lundi 11 mai 2009 Tout arrive sur france culture
Table-ronde Littérature /spéciale Toni Morrison
de 12 h à 13 h30, émission en deux parties. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Lun 11 Mai 2009, 10:57 | |
| je l'ecoute sur france culture en ce moment, 12 h 57, ce lundi, vous pourrez l'ecouter en différé à l'occasion de la sortie du Don chez Christian Bourgois. | |
| | | Edgar Mint habitué(e)
Nombre de messages : 10 Age : 34 Localisation : Suisse Date d'inscription : 17/05/2009
| Sujet: Re: Toni Morrison Dim 17 Mai 2009, 19:53 | |
| Je me permets de réagir sur ce sujet Je "connais" assez bien Toni Morrison, pour avoir du écrire un travail de 20 pages sur son roman Beloved et avoir lu plusieurs autres de ses livres. J'ai peut-être été moins "touché" que je pense la majorité de vous, parce que je ne suis pas une femme et que sa littérature tourne souvent autour des femmes. C'est peut-être pas non plus une coïncidence si le roman que j'ai préféré était Song of Solomon, le seul où les personnages principaux sont des hommes. Mais je vous rejoins sur un point, c'est très bien écrit. Même si je suis un peu moins sensible à l'écriture très symbolique de Toni Morrison, il faut avouer que c'est de la grande littérature. Mais en tant que personne, j'avoue que je ne l'aime pas beaucoup. Elle dédicaçait son nouveau livre en Suisse ce vendredi, alors évidemment que je suis allé lui faire signer son nouveau livre. Mais je l'ai trouvée très "distante", elle signait uniquement son nom (et pas par exemple "Pour ..., de Toni Morrison"), et c'est son agent qui lui tendait les livres qu'on lui donnait avant, donc on n'avait pas réellement de contact avec elle. J'ai essayé de lui faire signer le travail que j'avais fait sur Beloved en m'adressant directement à elle, mais elle a refusé de signer quelque chose qu'elle n'avait pas lu. Bon, au delà de la déception, ça m'aura permis de parler directement avec une lauréate du Prix Nobel, qui m'a même glissé un " thank you, though" après qu'elle ait refusé de signer mon travail. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Lun 18 Mai 2009, 05:36 | |
| je comprends ta déception, mais si certains ecrivains adorent les seéances de dedicaces d'autres les ont en horreur pour la perte de temps que cela entraîne, notamment. | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 19 Mai 2009, 15:55 | |
| - Edgar Mint a écrit:
- Mais en tant que personne, j'avoue que je ne l'aime pas beaucoup. Elle dédicaçait son nouveau livre en Suisse ce vendredi, alors évidemment que je suis allé lui faire signer son nouveau livre. Mais je l'ai trouvée très "distante", elle signait uniquement son nom (et pas par exemple "Pour ..., de Toni Morrison"), et c'est son agent qui lui tendait les livres qu'on lui donnait avant, donc on n'avait pas réellement de contact avec elle.
J'ai essayé de lui faire signer le travail que j'avais fait sur Beloved en m'adressant directement à elle, mais elle a refusé de signer quelque chose qu'elle n'avait pas lu. Bon, au delà de la déception, ça m'aura permis de parler directement avec une lauréate du Prix Nobel, qui m'a même glissé un "thank you, though" après qu'elle ait refusé de signer mon travail. J'ai lu ton témoignange hier et j'avoue que je ne trouve pas cette attitude très sympa non plus. Un écrivain n'a pas à être le jouet de son public, mais tout de même, autant de distance me déçoit. Les journalistes la présentent plutôt comme une femme simple. Elle était peut-être mal lunée ? | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 19 Mai 2009, 18:12 | |
| Mettez-vous à sa place, c'est usant ces signatures quand on aimerait être ailleurs...D'autre part croyez-vous qu'elle aime corriger des copies ? je crois qu'il ne faut pas lui faire unprocès ce que ne fait d'ailleurs pas notre ami Edgar.
Mais j'en vois (sur GDS*) qui reprochent à Paul Auster de n'avoir pas été gentil au moment de la signature : est-ce vraiment un grief à lui faire ? faut être sérieux quand même... | |
| | | Edgar Mint habitué(e)
Nombre de messages : 10 Age : 34 Localisation : Suisse Date d'inscription : 17/05/2009
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 19 Mai 2009, 21:47 | |
| - rotko a écrit:
- Mettez-vous à sa place, c'est usant ces signatures quand on aimerait être ailleurs...D'autre part croyez-vous qu'elle aime corriger des copies ? je crois qu'il ne faut pas lui faire unprocès ce que ne fait d'ailleurs pas notre ami Edgar.
Mais j'en vois (sur GDS*) qui reprochent à Paul Auster de n'avoir pas été gentil au moment de la signature : est-ce vraiment un grief à lui faire ? faut être sérieux quand même... Oh mais alors quelle déception, Paul Auster... Il a pas le droit de ne pas être gentil Effectivement pour Toni Morrison j'ai compris sa décision, faut pas non plus oublier qu'elle a 78 ans. Je l'ai trouvée un peu froide mais c'est compréhensible, il y a peut-être des gens qui aiment moins rencontrer leurs lecteurs que d'autres. Par contre, après avoir reçu ma dédicace je suis assez rapidement parti, mais j'ai entendu qu'une fois les dédicaces finies, elle a "publiquement" lu un bout de son livre dans la librairie après quoi le public pouvait lui poser des questions. Il parait que ça se fait beaucoup plus souvent aux Etats-Unis que dans les pays francophones. | |
| | | Tchipette Animation
Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007
| Sujet: Re: Toni Morrison Jeu 17 Sep 2009, 18:37 | |
| Le chant de SalomonCommencé il y quelques mois...et puis dévoré en trois jours, j'avoue que j'ai été séduite par Toni Morrison et ce livre magnifique. Le jeune "Laitier" surnommé ainsi non par moquerie mais parce qu'il tétait le sein de sa mère très tard, est né dans une famille noire aisée, émigrée au Nord des Etats Unis. Son père est agent immobilier, sa mère fille de médecin, et il rencontre un peu par hasard sa tante, Pilate (!) que son père refuse de fréquenter, trop pauvre, trop bizarre. Entre sa pré-adolescence et sa jeune vie d'adulte, il va se laisser ballotter au fil d'une vie plutôt traçée (agent immobilier avec son pôpâ), puis sur la foi d'une histoire un peu légendaire, va chercher un trésor en remontant dans l'histoire familiale. Un sombre roman où contrairement à ce qu'en dit Edgar Mint, les personnages principaux ne sont pas tous des hommes, parce que Pilate, hein, Pilate c'est une sacrée bonne femme. Un roman en tous cas sur l'identité des noirs américains. Entre l'esclavage qui ignorait les noms de famille pour abolir les filiations, et son abolissement qui permit à certains blancs de jouer sur les nouveaux noms attribués, il est difficile aux afro-américains de remonter l'histoire de leur famille. Une écriture limpide et superbe, et le tableau d'une Amérique noire d'après l'esclavage, dure, amère, prête à la révolte. Un vrai coup de | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Toni Morrison Jeu 17 Sep 2009, 18:53 | |
| le Don Le livre m'a paru difficile à la lecture, en particulier pour reconnaître les personnages et leurs liens de parenté. Par contre le magazine litteraire dans un compte rendu succinct mettait clairement les choses au point. je mets donc l'article en caché : - Spoiler:
- Citation :
- Nous sommes à la fin du XVIIe siècle, et l’esclavage, contrairement au contexte de Beloved, n’est pas encore associé à la race. Mais les choses changent : un conflit vient de s’achever, qui opposait « une armée de Noirs, d’indigènes, de Blancs et de mulâtres – Noirs libres, esclaves et engagés », menée par des membres de la gentry, à d’autres grands propriétaires locaux afin de renverser le gouverneur de Virginie. Pour la première fois, le pouvoir a été attaqué par un groupe dont les intérêts transcendaient le statut, la classe et la race, et, afin que cela ne se reproduise pas, on a édicté des lois donnant aux Blancs des droits que les Noirs n’ont pas, permettant notamment aux premiers de tuer les seconds pour n’importe quelle raison sans être poursuivis. La fiction d’une identité définie par la couleur de peau se met en place avec les tragiques conséquences que l’on sait.
Cela posé, Un don ne s’intéresse pas qu’à un moment clé de l’histoire afro-américaine, mais plus largement aux fondements d’une nation, dont la ferme de Jacob Van Aark, bâtie au milieu d’une nature encore sauvage (et magnifiquement décrite), est un parfait microcosme. Outre lui et sa femme Rebekka, qu’il a fait venir d’Angleterre, ainsi que Florens, l’enfant noire, ce lieu rassemble une Indienne, Lina, achetée à des presbytériens qui l’ont recueillie après qu’une épidémie a dévasté toute sa tribu, une faible d’esprit «aux yeux gris argent», Sorrow, rescapée d’un naufrage, et deux «engagés», Willard et Scully, qui attendent d’avoir accumulé de quoi acheter leur liberté (le passage en Amérique se payait pour les démunis en années de labeur qui pouvaient se prolonger indéfiniment, la dette passant des parents aux enfants).
Chacun des personnages, qui sont autant de fragments de la mosaïque identitaire de l’époque, incarne également une servitude particulière, de Rebekka, dont les perspectives se limitent à «servante, prostituée ou épouse» du fait de son sexe et de son rang social, à Florens, qui troque son asservissement pour un autre en tombant follement amoureuse d’un forgeron, un homme noir et libre – une rareté qui n’est pas encore une anomalie – venu construire pour Jacob Van Aark un splendide portail pour la nouvelle demeure que celui-ci veut bâtir. Une maison qui là encore est un joug, une maison bien trop somptueuse pour le petit fermier et commerçant qu’il est, mais qu’il désire passionnément depuis qu’il a été dîner dans la propriété des d’Ortega. Une maison qu’il considère comme un témoignage de ce qu’il a accompli, et un héritage, mais qui perd tout son sens lorsque Jacob disparaît sans personne à qui la transmettre, et que son épouse elle-même se meurt du mal qui l’a tué, la variole.
Ces drames nous sont rapportés en faisant fi de la chronologie, avec un art de la (dé)construction et des narrations entremêlées dans lequel Toni Morrison a toujours été experte. Jouant avec aisance des temporalités et des points de vue, les histoires de Jacob, Rebekka, Lina, Sorrow, Willard et Scully, contées à la troisième personne, viennent se greffer au récit, ou plutôt à l’adresse à la première personne de Florens, partie sur les routes retrouver le forgeron qu’elle adore, seul à pouvoir guérir sa maîtresse (il a auparavant soigné Sorrow, atteinte bien avant les autres).
Un don est à la fois une remontée aux origines d’une nation – et de l’esclavage – et une traversée des États-Unis, géographique et métaphorique, avec les voyages de Jacob, puis de Florens, qui éclairent les facettes d’un pays se constituant dans le chaos, entre un Sud qui décrète les premières lois racistes et un Nord où font rage les persécutions pour sorcellerie alors que cohabitent ici et là des dizaines de factions religieuses…
Loin de l’idéal pastoral et de l’image bucolique de la terre promise, l’Amérique s’est édifiée au prix du sang et de la perte de l’innocence, nous dit Toni Morrison : l’utopie d’une identité multiple mais harmonieuse – telle qu’elle s’est fugitivement réalisée dans la ferme de Jacob, où le couple, les servantes et les engagés ont un instant réussi à former une famille malgré leurs différences – ne peut que dégénérer sur le long terme. Avec le décès du maître, la communauté à laquelle ils croyaient appartenir se délite : ils ne sont rien de plus qu’une collection d’orphelins et de déracinés. «Baptistes, presbytériens, tribu, armée, famille, il fallait bien quelque chose pour faire un cercle et protéger de l’extérieur.»
Pour survivre, on a besoin d’une structure, qu’elle soit tribale, raciale, religieuse ou institutionnelle, et c’est ainsi que Rebekka basculera dans une dévotion fanatique, et que les trajectoires autrefois unies des uns et des autres éclateront pour que naisse une autre composante essentielle de l’identité américaine : l’individualisme forcené.
Dans cette parabole d’une rare densité symbolique, où le naturel se fond avec le surnaturel, où les thèmes de la servitude, de la féminité, de l’amour maternel et de la quête de soi sont articulés avec une puissante subtilité, Toni Morrison use d’une imagerie et d’une langue aux accents bibliques pour dire un paradis perdu. Sa chute est causée par deux péchés originels : l’extermination des Native Americans, dont la tribu de Lina est exemplaire, et la tentation de l’esclavage à laquelle Jacob finit par succomber, malgré sa répugnance pour le commerce des hommes – il décide en effet d’investir dans des plantations de canne à sucre avec cette idée qu’« il y [a] bel et bien une profonde différence entre la proximité intime des corps des esclaves [du domaine Ortega] et une main-d’oeuvre lointaine à La Barbade ». La corruption de ses idéaux, à l’image de la maladie qui le dévore, sera le début de la fin, et il n’est pas anodin que le portail de fer forgé ouvrant sur sa demeure rêvée – et maudite – soit constitué par deux serpents dont les crocs ont été remplacés par des pétales de fleurs : dans cette Amérique en devenir, l’enfer découle du paradis, beauté rime avec cruauté, et splendeur avec horreur.
Seule lueur d’espoir, ou presque, le « don » du titre, cette miséricorde terriblement humble et humaine (le roman s’intitule A Mercy en anglais) dont Florens, traumatisée comme tous ses compagnons, a été témoin sans la comprendre, et que le fantôme de sa mère tente vainement de lui révéler, dans un ultime et déchirant effort d’apaisement.
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| | | darabesque pilier
Nombre de messages : 2846 Age : 81 Localisation : picardie Date d'inscription : 03/09/2009
| Sujet: Re: Toni Morrison Mer 26 Mai 2010, 12:30 | |
| me voilà sur ce fil avec un peu de retard concernant Beloved BelovedC’est un roman qui ne peut se lire pour se distraire, il nous prend aux tripes dès les premières pages et nous ne pouvons plus le lâcher. Des mots durs, précis, décrivent dans toute leur cruauté, les sévices corporels, les douleurs, et les vexations imposés aux gens de couleur dans les années 1840 dans le Kentucky Cela aurait pu se passer ailleurs. Des êtres humains qui deviennent des bêtes tellement leurs souffrances sont insoutenables. Une femme, Sethe dans une douleur et des sévices plus forts que d’autres fois, tue sa petite fille pour qu’elle ne vive jamais ce qu’elle endure, elle. Mais tout le roman parle de cette petite Beloved. Tout l’amour que peut porter en elle une mère au bord de l’évanouissement. Beloved revient : est-ce un doux rêve ? est-ce un terrible espoir enfin récompensé ? Mais Sethe y croit, la voit, lui parle. Ce roman est terrible, mais en même temps, il faut que cela se sache. On peut cacher indéfiniment la période d’esclavage où des gens de couleurs ont eu le mors entre les dents, ont été pendus à des arbres encore vivants, ont eu les membres déchiquetés. C’est dur, très dur, mais je crois que nous devons lire cela , simplement par respect pour ces hommes, femmes enfants qui ont perdu la vie, simplement à cause de leur différence. Les chiens, les chevaux et les bêtes de ferme étaient mieux traités que ces esclaves. Il ne va pas être facile de lire autre chose dans l’immédiat sans avoir ce goût amer dans la bouche. Je ne connais pas du tout Toni Morrison, je veux dire physiquement, mais je comprends parfaitement qu'elle n'ait pas envie de faire des pages d'écritures en dédicace. Je sais ça fait toujours plaisir de montrer ce petit mot à des amis, mais l'auteur n'a peut-être pas envie de créer ce genre de liens dans un salon du livre ? c'est mon avis, il n'engage que moi. Et pour moi, un auteur sympa est un auteur qui m'intéresse quand je le lis. peu m'importe d'avoir ou pas "à ma lectrice chérie " sur la première page par contre , avoir sa signature ah oui ! c'est précieux. | |
| | | katie Animation
Nombre de messages : 1264 Age : 64 Localisation : .... dans mes montagnes .... Date d'inscription : 08/02/2008
| Sujet: Re: Toni Morrison Mar 07 Sep 2010, 18:50 | |
| Présentation de l'éditeur : - Citation :
- « Situé deux cents ans avant Beloved, Un don évoque, dans la même prose lyrique et verdoyante qui caractérisait son précédent roman, le monde beau, sauvage et encore anarchique qu’était l’Amérique du XVIIe siècle. Toni Morrison a redécouvert une voix pressante et poétique qui lui permet d’aller et venir avec autant de rapidité que d’aise entre les mondes de l’histoire et du mythe, entre l’ordinaire de la vie quotidienne et le royaume de la fable... Un don, le récit déchirant de la perte d’une innocence et de rêves brisés, est, dès à présent, à ranger aux côtés de Beloved, parmi les écrits les plus obsédants de Toni Morrison à ce jour. » (Michiko Kakutani, The New York Times)
« La force épique avec laquelle Toni Morrison rend compte de l’espace et du temps surpasse encore le talent avec lequel elle décrit ses personnages. Elle excelle à trouver une forme de poésie dans ce monde colonial brutal et décousu, amenant son œuvre au-delà de la simple dénonciation des infamies de l’esclavage et des difficultés d’être afro-américain. » (John Updike, The New Yorker) Je mets la partie suivante en spoiler, car sa lecture peut permettre de comprendre immédiatement qui sont les personnages de ce livre. Ce qui simplifie la lecture bien sur, mais qui d'un autre côté enlève du charme à cette découverte. Ce livre retrace un moment de l'esclavage dans l'Amérique du XVIIème siècle, où il faut savoir qu'à cette époque là la population esclave était essentiellement composée d'Indiens. Plusieurs histoires s'imbriquent, touchant plusieurs personnages liés les uns aux autres, toutes retraçant la difficulté de la vie de ces esclaves, dans un contexte relativement favorable dans le cadre de ce récit, où l'humanité garde une certaine place. Le mode de narration choisi par Toni Morisson nécessite une certaine concentration, et je préconise de lire ce livre dans la foulée (il fait moins de 200 pages), afin de rester imprégné des personnages et des évènements. Très belle histoire touchante et émouvante. - Spoiler:
L'histoire prend place à la fin du XVIIe siècle : à cette époque, les colonies d'Amérique sont à peine nées, l'esclavage des Noirs venus d'Afrique est un fait nouveau et n'est pas encore la pierre angulaire de l'économie américaine. Dans ce nouveau monde, des Européens ont bâti des propriétés isolées au milieu de régions sauvages où la maladie et la mort sont une menace de chaque instant, où tous, à l'exception des Indiens, viennent d'ailleurs. Dans une petite ferme du Maryland, vit Jacob Vaark, un fermier et négociant anglo-néerlandais marié à Rebekka. Cette jeune Anglaise est l'aînée de sa famille. Ses parents, peu soucieux de son sort ont décidé de répondre à l'annonce de Jacob qui recherchait 'une femme en bonne santé, chaste et désireuse de voyager'. Quand on propose à Jacob de prendre à son service la très jeune Florens, en compensation d'un retard de paiement, il y voit la possibilité d'alléger la peine de sa femme dont aucun enfant n'a survécu. Florens est immédiatement prise en charge par Lina, une esclave indienne dont la tribu a été décimée par une épidémie. Cette dernière dirige la maisonnée avec Rebekka, menant la vie dure à l'autre esclave du couple, Sorrow la bien nommée, unique rescapée d'un bateau attaqué par des pirates. Florens n'a jamais compris pourquoi sa mère avait cherché à se séparer d'elle.
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