Tanguy Viel

Tanguy Viel, Cinéma, Éditions de minuit.

Tout est vrai dans cette histoire !

Le narrateur est ce voisin insupportable qui vous raconte le film dans les moindres détails, vous dit combien il l’aime. Chaque scène, il l'anticipe, il juxtapose sa première impression et les suivantes, inlassablement, avec sa voix monocorde. Il vous dit même comment ça se termine.

D’ailleurs il invite les gens pour voir ce film :

Citation :

« Souvent je les aide à se concentrer, bien avant que tout soit dit dans l’écran, je vends la mèche je préviens du pot aux roses, je préfère,parce que s’ils doivent penser que c’est formidable, au moins que ce soit pour les bonnes raisons, c’est-à-dire surtout pas d’avoir été mystifiés pendant vingt minutes par le maquillage de Milo. Aussi la plupart du temps, je vends la mèche dès le départ.. »

Il se montre d’une obligeance rare avec ses amis :

Citation :

"Je les invite, je leur donne rendez-vous en bas de chez moi, et dans l’escalier j’opère un résumé complet du film, avant d’arriver chez moi, avant d’avoir enclenché la cassette dans le magnétoscope, un résumé complet de… »

Toute la malice de cette histoire consiste à faire un récit naïf et indiscret du film, mais qui en montre, comme malgré lui, la saveur et la complexité. Le narrateur joue du pince sans rire, mais à son insu.

Citation :

« On sourit souvent, il faut le dire depuis le début de cette histoire, je veux dire quand on la regarde. C’est exprès que moi je gomme toujours la partie comique, parce que rire on met tout à distance, de la distance, je n’en veux pas… »

Naïf, le récit de Thierry Viel ne l’est pas, et on le trouvera même amusant.

Mais l’est-il jusqu’au bout ? That is the question.

Si vous voulez des détails, mais rapidement donnés, je pourrai vous dire où se trouve la fiche du film, ça ira plus vite !

Lorsqu'ils s'accouplent, c'est pour le meilleur et pour le pire. Ainsi contractualisés, les deux tourtereaux agencent leur pire projet commun espérant retrouver plus tard ce qui les rassembla : l'amour.
L'amour des situation peu banales, comportant cette part vitale de risques .
L'amour de maîtriser leur destin, en tant que calculateurs, manipulateurs.
L'amour des sensations de peur, face au danger, cousues d'adrénaline et de frissons, ceux qui donnent les mains moites, car ils fricotent avec l'inconscience.
L'histoire se déroule comme une aventure policière avec des bons et des méchants, sauf qu'ici les robins des bois ne sont pas des enfants de caeur.
Agréable à lire, jusqu'au bout, même si la fin me laisse un indésirable goût de fil interrompu.
L'invraisemblance des situations me confirme combien le romancier à l'imagination débordante de vitalité.

Est-ce un roman noir ? Si oui, la chambre des morts (proposé comme lecture de décembre) ne sera pas mon premier policier.

bertrand-môgendre a écrit:

Est-ce un roman noir ? Si oui, la chambre des morts (proposé comme lecture de décembre) ne sera pas mon premier policier.

Même chose alors pour moi ,mais ce roman ne m'a pas laissé un souvenir impérissable ...Je n'ai pas été convaincue et l'ai trouvé un peu plat ,un peu creux.
Cette façon d'écrire aussi ,de façon ininterrompue (pour augmenter le suspens ,certes ) m'a laissée froide .Il doit y avoir quelque chose d'autre ,mais qui m'a échappé ...
Je ne suis pas le bon public ,surement .
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bertrand-môgendre a écrit:

Agréable à lire, jusqu'au bout, même si la fin me laisse un indésirable goût de fil interrompu.

fin surprenante mais dés le début on s'attend au pire, j'ai beaucoup apprécié le style, ces longues phrases qui à la fois mettent en scène l'action présente, se raccrochent au passé des personnages et à leur futur sous le regard mélancolique, désabusé, parfois caustique du narrateur.....

tout est si invraisemblable que je suis restée à distance mais toujours dans l'attente.....jusqu'à cette fin énigmatique

Paris-Brest,paraît aux éditions de Minuit

Citation :

A Brest, un jeune homme désoeuvré vit dans l'appartement situé sous celui de sa grand-mère. La femme de ménage de cette dernière n'est autre que Kermeur, un ancien camarade d'école du narrateur. Un mauvais garçon, qui l'incite à dévaliser sa propre grand-mère...

On retrouve ici l'habileté scénaristique de Viel, qui campe des personnages faibles dans des décors puissants. Il déjoue le risque d'une écriture ciselée, mais froide, en ouvrant les fenêtres. S'il demeure un grand ironiste, ses personnages ont l'épaisseur des « sombres héros de l'amer ».

Ouest-France

Celui-là je le lirai, je me demande comment a évolué son écriture, lui qui dit vouloir se débarasser du carcan du style auquel il a été très attentif pour faire ses preuves. L'absolue perfection du crime m'avait beaucoup plu.

caroline a écrit:

. L'absolue perfection du crime m'avait beaucoup plu.

On peut imaginer fabrice Lucchini dire l’octosyllabe du titre : l’ab-so-lue/ per-fec-tion/ du-crime, puis se taire en roulant les yeux.

Chez Tanguy Viel, les mots clés sont savourés : CA-SI-NO et suivis de silence.

Le narrateur raconte l’histoire d’un braquage conçu, projeté et exécuté, mais avec un ton plein de retenue qui pourtant ne détruit pas le suspens. Il s’adresse en effet autant à Marin, le complice et la tête pensante, qu’à lui-même, peu enclin finalement à se laisser entraîner dans cette aventure de branquignolles.

Et pourtant ça marche ! l’humour bien camouflé dans des inventions saugrenues (l’intervention d’une montgolfière par exemple) et les malicieux détours du récit (comment expliquer la présence d’un juge au début d’un chapitre ?) révèlent la virtuosité d’un romancier qui détourne les codes du polar : on crédite donc le narrateur des mêmes qualités de toute puissance, et on croit aux risques et périls de l’aventure.

Un beau récit donc, on s’amuse au premier degré de ce polar au ton retenu, sans savoir finalement, second degré, si c’est le romancier ou son narrateur qui est le mythomane de service.

caroline a écrit:

Celui-là je le lirai, je me demande comment a évolué son écriture, lui qui dit vouloir se débarrasser du carcan du style auquel il a été très attentif pour faire ses preuves. L'absolue perfection du crime m'avait beaucoup plu.

je crois que Tanguy Viel soigne son style, ie une manière distante et retenue de percevoir ce qui (lui) arrive. Nulle emphase ou intervention de sentiments.

Voici l'incipit

Citation :

L'écran de télévision au-dessus du comptoir relié à une caméra à l'extérieur pour qu'on voie qui entre, souvent par ennui ou réflexe je le regardais d'un oeil lointain, et c'était à peine si la couleur des cheveux ou la peau de celui qui sonnait dehors, à peine si je les notais à travers l'écran.
Mais ce jour de septembre, cette même télévision au programme unique de la rue, à travers cette même poisse enfumée et lourde et malodorante, le hasard a voulu que mon regard s'y fixât pour le voir arriver, lui, Marin, trois ans plus tard, le même.

un tel début est excellent à mes yeux car il fait attendre au maximum un élément important. J'aime aussi l'emploi du mot poisse.

Ce que je reprocherais à Tanguy Viel, c'est que je passe plus de temps à m'extasier sur son style, son vocabulaire, le rythme de ses phrases, qu'à ressentir son texte. Ca donne au final une froideur qui me perturbe. Mais je vais m'y faire ! J'ai récemment lu Insoupçonnable, il est un cran en-dessous de l'Absolue perfection du crime, pour moi.

caroline a écrit:

Ce que je reprocherais à Tanguy Viel, c'est que je passe plus de temps à m'extasier sur son style, son vocabulaire, le rythme de ses phrases, qu'à ressentir son texte.

C'est ton regard qui est au second degré, est-ce un défaut ? je ne le crois pas (ouf ! ) parce que, comme je le suggère ici,

Citation :

sans savoir finalement si c’est le romancier ou son narrateur qui est le mythomane de service.

on se demande s'il faut croire à l'histoire...

.moi, je n'y crois pas trop...

Alors là Rotko, j'avoue que je ne me suis pas du tout posé cette question, enfin plutôt oui, j'ai totalement cru à l'histoire... Je n'ai rien perçu qui la remette en doute, pour moi l'excès (de la montgolfière, de la course poursuite finale) est une forme d'hommage, pas de mythomanie (si j'ai bien compris ce que tu veux dire.)

Le narrateur est un drôle de gangster, et, élevé dans le milieu, je me méfie beaucoup de ces gens-là.

Spoiler:

J'ai fait l'acquisition de Cinéma aujourd'hui, et dédicacé. Tanguy Viel était de passage à Nantes !

J'ai fini et finalement apprécié L'absolue perfection du crime.

Mais décontenancée, il m'a fallu m'accrocher les 50 premières pages.

A un certain moment, il y a un souffle qui nous happe et jusqu'à la scène finale, on est esclave du bouquin...

Il est vrai que ça a l'air caricatural et pourtant, le style poli et parfois clinique ne s'y prête guère. Pas plus que les profils de malfrats qu'on nous sert. Peu recommandables.

Sur la mythomanie, il y a de quoi méditer.


L'expérience de ce livre est assez troublante finalement.

J'ai craqué, j'ai lu Paris-Brest alors que je voulais le garder pour plus tard.
A peine entamé j'ai retrouvé avec plaisir le rythme si particulier des phrases de Tanguy Viel, et son univers. J'ai l'impression que ce roman est son meilleur, le plus abouti, équilibré, maîtrisé. Ses précédents romans m'avaient mise à distance, m'extasiant sur la forme sans vraiment être embarquée dans l'histoire. Là, avec ce narrateur qui nous conte son "roman familial", avec beaucoup de subtilité quant au poids des relations humaines dans nos choix, on assiste à un aboutissement (je me répète). Emballée.

1/2

Insoupçonnable, éditions de minuit

Le récit policier traditionnel est bien trop direct, et trop sec pour Tanguy Viel qui prend l’habitude de le faire passer par une conscience.

On écoute donc un récit, - une arnaque amoureuse, qui met le suspens à distance sans l’annuler, puisque l’histoire est racontée par un protagoniste… qui a sans doute des choses à cacher !

Les questions ne manquent pas ! Le narrateur monologue ou raconte, mais il suit sa pensée, autrement dit, il est au courant ; à nous de faire un effort pour suivre les méandres de sa pensée que la phrase labyrinthique de Tanguy Viel dissimule plus qu‘elle ne révèle…

Citation :

« Il a demandé : Sam, Sam, c’est toi ?

Et c’était comme si ça m’avait dessaoulé d’un coup, d’entendre mon prénom, là, à haute voix, en pleine nature, mais qu’est-ce qu’il lui prend, ***, qu’est-ce qu’il lui prend de m’appeler ? Et j’avais l’envie stupide de dire que non, que ce n’était pas moi, que c’était une erreur, le corps désormais immobile comme par une crampe de l’esprit une remontée de fonds où tout affleurait désormais, de ces moments que je revoyais où il posait sa main à lui sur sa cuisse à elle, et sa question me revenait comme une incise répétée à même ma peau, Sam, Sam, c’est toi ? »

2/2

Insoupçonnable, éditions de minuit.
Quelle confiance avons-nous en celui qui raconte ? Il plaisante au moment crucial, atténue ses responsabilités ,

Voyez comme il a bon cœur !

Citation :

« Je crois que c’est par pitié que j’ai eu le courage de tirer une autre balle, son visage effaré suppliant de ne pas, mais je jure, je voulais seulement t’éviter le pire,** , t’éviter l’intenable. »

Lui-même sait-il tout de l’histoire ? N’est-il pas manipulé par d’autres, ou même l’auteur ?

On a l’impression qu’il attire le regard sur l’araignée au plafond, pendant que la vipère pique au talon.

Le récit se termine : quelle est la dupe ? à quel degré ?

On gamberge, et on prend conscience de la sombre ironie de la situation.

En tout cas, le lecteur n’est pas roulé dans la farine.

Super ! Merci à toi de l'avoir signalé.
Je n'ai pas lu encore son ouvrage "Insoupçonnable". Mais je vais faire en sorte à voir le film. J'en dirai quelques mots plus tard.

J'ai commencé Paris-Brest hier, je suis un peu décontenancé par le style, très rythmé, avec un mélange dans la même phrase entre une description, la pensée du narrateur et les paroles des autres personnages : ça fait un peu fouilli au départ, mais une fois habitué on se prend au jeu.

Ma grand-mère maternelle m'avait offert ce livre après le décès de ma grand-mère paternelle (quel sens de l'à propos), et elle est décédée il y a peu à son tour, du coup j'ai eu envie de le lire, et je me dis qu'elle a bien choisi ! Je ris bien, et je découvre un bon exemple de littérature française moderne

Je viens de finir Paris-Brest, je ne sais pas trop quoi en penser !
J'ai aimé, dans l'ensemble, et aimé le style, mais il y a de nombreux détails qui auraient pu être plus fouillés, je suis un peu sur ma fin ! Mais c'est aussi ça son style je pense, taire certaines choses, écrire un ouvrage "rapide", les choses s'enchainent vite, on fait des bonds entre différents moments de la vie du narrateur, on est baladé de détail en détail, en apercevant ces moments de vie sans réellement s'attarder, c'est assez troublant, surtout qu'en parallèle je lis Les Misérables, ou pour le coup on s'attarde pas mal sur de nombreux moments, et j'adore !

Bref, je recommande ce livre, mais c'est une lecture étrange, difficile à classer par rapport à ce que j'ai lu jusqu'ici !

je crois, Alexico, que tu découvres un pan de la litterature moderne qui t'aidera à lire de bons auteurs contemporains comme laurent Mauvignier ou Christian Gailly.

Je m'y intéresserai bientôt alors ! Gailly a l'air très chouette, l'autre peut-être moins, mais faudra que je tente quand même !

oui, lis Gailly, c'est le plus accessible pour les thèmes abordés.

153 pages
Editeur : Les Editions de Minuit

Disparu mystérieusement en 1975 - dans le désert, selon la légende - Jim Sullivan, guitarist, laissa derrière lui un album UFO



c'est en effet intriguant