Thomas Hardy [Angleterre]

Un de ses romans qui m'a bcp plu est Tess d'uberville. Tess est une paysanne fort jolie, intelligente, douce,.... Elle apprend par son père que leur famille descend d'une grande lignée noble, et ses parents la poussent à aller voir une parente éloignée, afin d'avoir un héritage... Sur son chemin, elle rencontre un homme, fils de la parente, qui la désabuse....
On la retrouve ensuite dans un ferme, amoureuse d'un riche garcon tendre, Angel Clare, mais qui la délaisse son tour.....
Ce roman montre la perversion d'une société.

Dans le même genre, les forestiers nous conte l'histoire d'une jeune femme, qui va épouser un homme et va se retrouver entourée par la perversité. Le langage de Thomas hardy est simple, réaliste et cru à la fois......

Les dates de Thomas Hardy : 1840-1928. Tess a connu un renouveau de faveur

cf. le beau film de Roman Polanski avec Nastassia Kinski,

C'était trop tentant, j'ai commencé Tess d'Urberville.

Moon a écrit:

C'était trop tentant, j'ai commencé Tess d'Urberville.

J'ai un très bon souvenir du film Tess de Roman Polanski (sans savoir si l'adaptation était bonne puisque je n'avais pas lu le livre et mes souvenirs sont dans un tel état que je peux maintenant lire le livre sans risque d'être déçue !)

tu vas certainement te régaler

tu nous donneras tes impressions ?

Je suis très prise par l'histoire, je ne sais pas si c'est un effet de la traduction mais le texte est très fluide. Enfin pour le moment je n'ai qu'une seule envie, rabattre le caquet de d'Urberville fils. Il me répugne à distance.
L'auteur arrive à faire passer toute la perfidie de l'animal en quelques phrases et il garde l'impression tenace. Il est tellement bien décrit que j'arrive tout à fait à me le representer comme s'il était tout près. Tout comme Tess, d'ailleurs.

Citation :

ses lèvres fortes et mal dessinées, quoique rouges et lisses, surmontées d'une moustache noire très soignée, frisant au bout ; il ne devait guère avoir plus de vingt-trois à vingt-quatre ans. Malgré ce quelque de légèrement barbare dans les traits, sa figure et ses yeux hardis et mobiles avaient une force singulière
(...)
Et, un peu ennuyée, elle ouvrit les lèvres et accepta la fraise. Ils passèrent quelque temps à flâner ainsi, Tess mangeant avec un plaisir mêlé de répugnance ce que D'Urberville lui offrait.

on te suit dans ta lecture car ce livre m'a beaucoup impressionné :

Certains passages de Tess ( on se rappelle le beau film de Roman Polanski avec Nastassia Kinski, Peter Firth, Leigh Lawson, John Collin) tiennent du cauchemar, en particulier les chapitres XLI et XLIII.

Tess erre dans la campagne par un hiver très rigoureux et dort dans un nide de feuilles qu'elle s'est confectionné.
.

Citation :

"Tess sortit des feuilles et regarda autour d'elle [...]Sous les arbres gisaient plusieurs faisans au riche plumage souillé de sang, quelques uns morts, d'autres agitant faiblement les ailes, certains fixant le ciel, d'autres palpitant encore, d'autres convulsés, d'autres étendus, tous se tordant dans l'agonie..."

Elle doit les achever par compassion.

Ca se pressent dès les premiers chapitres, l'auteur tisse la toile qui se referme petit à petit autour de Tess. Il y a une tension dans ce livre - malgré l'herbe verdoyante de ce vallon isolé.

J'ai hâte de voir le film de Polanski, un de ses meilleurs parait-il.

Voici la vieille édition de la bibliothèque.



L'image de la couverture est une photo du film, le moment où Tess se décide à prendre la fraise je suppose.

Il y a des éditions qui incitent vraiment à entamer un livre !

J'ai retrouvé la photo du film, mais de meilleure qualité.

Rotko a dit :

Tess erre dans la campagne par un hiver très rigoureux et dort dans un nid de feuilles qu'elle s'est confectionné.


Je ne suis pas encore arrivée aux chapitres XLI et XLIII. Mais le nid de feuille rappelle celui du chapitre XI. Un chapitre plein de sous-entendu, celui où d'Urberville fils emmene Tess dans la foret sous le pretexte de la raccompagner à cheval.

Citation :

Il tourna la tête du cheval vers les buissons, l'attacha à une branche et fit pour elle une sorte de couche ou de nid dans la masse épaisse de feuilles mortes

J'avais déjà prévu de relire Tess, et ce fil a achevé de me convaincre. Je l'avais lu en français il y a très longtemps, acheté d'occase en VO pour le bon souvenir que j'en gardais, mais ça faisait un moment qu'il trainait sur mes étagères.
Je sais que tout le monde ne lit pas couramment l'anglais sur ce forum, svp excusez-moi, je n'ai que cette version-là, que ceux qui sont en train de lire le roman apprécieront sans doute plus que les autres.


La bouche d'Alec d'Urberville

Citation :

He had an almost swarthy complexion, with full lips, badly moulded, though red and smooth, above which was a well-groomed black moustache with curles points, though his age could not be more than three- or four-and-twenty. Despite the touches of barbarism in his contours, there was a singular force in the gentleman's face, and in his bold rolling eyes.

La bouche d'Angel Clare

Citation :

Angel Clare rises out of the past not altogether as a distinct figure, but as an appreciative voice, a long regard of fixed abstracted eyes, and a mobility of mouth somewhat too small and delicately lined for a man's, though with an unexpectedly firm close of the lower lip now and then; enough to do away with any inference of indecision.

La bouche de Tess

Citation :

(...) her mouth he had seen nothing to equal on the face of the earth. To a young man with the list fire in him that little upward lift in the middle of her red top lipwas distracting, infatuating, maddening. He had never before seen a woman's lips and teeth which forced upon his mind with such persistent iteration the old Elizabethan simile of roses filled with snow. Perfect, he, as a lover, might have called them haffhand. But no - they were not perfect. And it was the touch of the imperfect upon the would-be perfect that gave the sweetness, because it was that which gave the humanity.

Tiens, c'est étonnant que tu aies comparé ces bouches... Est-ce par hasard ?

Dans Tess d' Urberville C’est la première fois que j'ai trouvé un graffitteur idéologique. J'en ai trouvé un autre plus tard chez Narayan (1)

Tess rencontre un homme dans la campagne.
.

Citation :

« Il déposa le panier et le pot de fer-blanc et après avoir remué la couleur avec le pinceau qui s’y trouvait, il se mit à peindre de grandes lettres carrées sur l’une des trois planches de la barrière, celle du milieu, en plaçant une virgule entre chaque mot comme pour en donner à ce mot le temps de pénétrer dans le cœur de celui qui le lirait.

TA DAMNATION, NE, SOMMEILLE, PAS.

Ces mots énormes en vermillon éclataient sur le paysage tranquille, sur les teintes pâles des taillis en train de se flétrir, sur l’air bleu de l’horizon et sur les planches couvertes de lichen. .Ils semblaient se crier eux-mêmes à pleine voix et faire retentir l’atmosphère.»

Plus loin Tess découvre une inscription encore inachevée :

TU, NE, COMMETTRAS, PAS

L’homme s’explique :

Citation :

« j’ai fait à pied des centaines de kilomètres l’été dernier pour peindre des textes sur touslesmiurs, toutes les barrières, toutes les clôtures, dans toute la longueur et la largeur du pays. Je laisse aux gens dupays le soin de les appliquer

(1) Chez R.K. Narayan, En attendant le Mahatma, Belfond, on trouve un militant nationaliste qui peint des slogans invitant les Anglais à quitter l'Inde.

rotko a écrit:

Tiens, c'est étonnant que tu aies comparé ces bouches... Est-ce par hasard ?

Je trouve étonnante cette systématisation de Hardy de vouloir poser et marquer le caractère de ses principaux personnages en parlant de leur bouche, c'est pour ça que je l'ai relevée. Et encore, j'aurais pu ajouter d'autres passages, mais ces trois-ci me paraissaient les plus pertinents (et puis ça prend du temps de tout copier!).
Il décrit ses personnages de façon beaucoup plus complète, en fait, mais il en revient toujours à ce que leur bouche, leurs lèvres, expriment de leur caractère.
Et sachant ce que les baisers donnés/volés/espérés pèsent sur ce roman, je trouve le procédé tout-à-fait joli et subtil.

En effet, je vais regarder à mon tour, mais dans Jude l'obscur que je commencerai bientôt.

Rien vu sur les bouches ou pas "d'histoires de bouches" dans Jude l'obscur. Les baisers sont rares, ou amers !

Le texte en exergue est bien choisi :

Citation :

"Ils sont nombreux ceux qui ont perdu l'esprit pour des femmes, qui sont, par elles devenus esclaves. Nombreux aussi ceux qui pour elles ont péri, ont failli, péché..."

Esdras (1).

On suit avec beaucoup d'intérêt les histoires de Jude, à la fois volontaire et naïf, qui prend la vie à bras-le-corps, dans une lutte où il est difficile d'avoir le dessus.

Curieusement je retrouve les graffitis !

En réponse à une demande de conseil, un "éminent professeur" avait recommandé à Jude d'abandonner des études pour lesquelles il n'était pas fait. Il répond sur le mur de l'établissement :

Citation :

« D'impulsion, il sortit de sa poche le morceau de craie qu'un ouvrier a toujours sur lui et écrivit sur le mur :

"j’ai l'intelligence aussi bien que vous, je ne vous suis pas inférieur : en vérité, qui ne connaît pas ces choses »

(Job. XII, 3)

(1) un personnage biblique.

Jude l'obscur.

Citation :

« Il était étrange vraiment que sa première aspiration vers la science, eût été arrêtée net par une femme et que la seconde, vers l’apostolat, eût eu le même sort. Les femmes se demandait-il, sont-elles à blâmer ? Ou est-ce la faute du système artificiel des choses par les quelles les impulsions sexuelles normales sont changées en pièges domestiques haïssables pour attraper ou retenir ceux qui voudraient progresser »

Jude analyse ainsi son histoire, la faillite de ses efforts pour sortir de la condition paysanne qu’il a connue, employé à jouer l’épouvantail pour corbeaux dévoreurs de récoltes.

Dur itinéraire que celui d’un orphelin sans personne pour le guider, disait Jean Rouaud.

On aime les questions de Jude, même si, comme l’auteur, on s’aperçoit avant lui qu’il fait fausse route. Au moins a-t-il le mérite de se poser des questions au lieu de vivre comme une souche, impression que donnent ses contemporains.

Jude l'obscur

Sur Jude pèse le poids d’un passé accablant, parfois endossé, parfois subi. On lui a répété, ainsi qu’à Sue sa cousine, la malédiction héréditaire : les Fawley ne sont pas faits pour le mariage, ses parents l’ont éprouvé, et que dire de son mariage avec Arabella, la demoiselle aux cochons !

Ses relations amoureuses avec Sue en sont aussi perturbées. S’y ajoutent la morale religieuse ambiante de Christminster (nom évocateur), les préjugés et un puritanisme ambiants qui se nourrissent de bondieuseries - Sue travaille un moment dans une boutique de piété, dans un univers de cathédrales, de chapelles, d’ écoles religieuses, et de personnages, bourrés de préjugés et de puritanisme, à l’esprit étroit.

Or Jude s’ingénie - parce qu’il est ingénu, à tomber naturellement dans les pièges qu’il devrait éviter. Il passe continûment dans les lieux qui lui ont laissé de mauvais souvenirs, il donne ses rendez-vous au pied de la croix ou dans les églises.

Impossible de s’en sortir indemne !

Jude l'obscur date de 1896

Tous les romans de thomas Hardy se déroulent dans le sud-ouest de l'Angleterre. Le Dorset et les comtés voisins forment le Wessex, une province de l'imagination de Hardy, au sud de Bristol



Ce roman fit scandale et la propre femme de thomas Hardy tenta de le faire interdire.

le film de Winterbottom (1996), avec Christopher Eccleston (Jude) Kate Winslet (Sue) obtint le prix du Festival de Dinard, le prix du festival des Cinéastes à Madrid, et le Michael Powell Award du meilleur film britannique au Festival du Film d’Edimbourg.

Citation :

Cette adaptation est assez exemplaire par sa rigueur et sa beauté et ce jeune et insolent cinéaste anglais nous en donne ici une transposition moderne, rageuse et désespérée qui peut faire penser aux films de Bergman. un film étonnant, magnifique, incandescent, à voir absolument

institut jean vigo.

une petite video ?, ça vaut le coup, faute de mieux !

Jude (enfin, ce que tu en dis, Rotko, ainsi que la BA) me semble très différent de Tess. J'aurais du mal à dire si j'ai aimé. J'ai admiré le travail d'écriture, mais je ne suis pas vraiment arrivée à me passionner pour les personnages, à compatir à leurs malheurs. C'était peut-être trop. La leçon que voulait donner Hardy a fini par quasiment virer au sadisme de l'écrivain envers ses personnages, c'était un peu énervant.

Jude l'obscur est un roman très prenant. Je suis arrivé à la cinquiéme partie, A Aldbrickham et ailleurs et J'apprécie beaucoup le récit et le personnage de Jude. Pour Sue, on verra plus tard, mais comment la juger sereinement alors qu'elle est sans cesse en proie à un sentiment de culpabilité intériorisé, mais imposé de l'exterieur.

Un résumé de l'histoire donnerait l'impression que l'auteur en fait trop, je ne le ressens pas à la lecture. Si on regarde les impressions des acheteurs du DVD , on voit qu'ils sont conquis.

Hardy est moins "sadique" ou "sarcastique" que Flaubert avec Emma, les autres personnages ou Bouvard et Pécuchet ! il ne leur épargne rien et se moque d'eux, cruellement.

Hardy commente l'impulsivité ou les contradictions de Jude et/ou Sue, mais sans aucun acharnement. amha

Sue, la cousine de Jude, soulève le problème du désir contrôlé et règlementé par la société. Hors mariage, il est jugé coupable et réprimé. Dans le mariage, il perd toute autonomie pour devenir un devoir conjugal.

Peut-être pour excuser un manque d’appétit personnel, Sue en vient à dénoncer par l’absurde l’impasse de la situation actuelle

Citation :

« Si la cérémonie de mariage consistait en un serment, signé par contrat, de cesser de s’aimer partir du jour où la possession serait autorisée, et de s’éviter autant que possible en public, il y aurait beaucoup plus de ménages amoureux. Imaginez les rencontres secrètes entre les époux parjures qui affirmeraient ne jamais se voir, grimperaient aux fenêtres des chambres à coucher, se cacheraient dans des placards ! L’amour resterait presque toujours aussi violent.»

Cette opposition de l'amour et du mariage, ou tout au moins de son enregistrement social, trouve un écho actuel dans les propos que tient Philippe Sollers au magazine Muze de juillet :

Citation :

L'amour doit échapper au social. Il est l'irruption d ela gratuité dans la vie humaine. La société emprisonne l'amour. Même dans le mariage une forme de clandestinité doit être respectée.

Interrogé sur les conceptions actuelles des jeunes générations, il dit que malgré l'usage de l'ordinateur et la pratique des messages de toutes sortes,

Citation :

"les jeunes filles actuelles se racontent toujours des romans du XIXe siècle".

Ce n'est pas si faux quand on pense aux grands mariages organisés dans des châteaux, aux "salons de mariage" tellement à la mode et si commercialement rentables !

Faire de Jude un sculpteur de pierres, un restaurateur de cathédrales gothiques, permet la présence constante des différents symboles hiératiques : les dieux de l’antiquité, les statues figées comme figures du dogme chrétien, les inscriptions de la Loi.

Les scènes visuelles abondent et jalonnent l‘itinéraire du jeune homme : impossible d’oublier le défilé des professeurs dans les fêtes commémoratives - avec de beaux contrepoints, ou l’autodafé des livres pieux. Cette omniprésence des objets religieux traditionnels explique l’étroitesse des esprits, les ragots, les manifestations d’intolérance, les scrupules individuels, et la hantise du péché.

Pour Jude et Sue, pas d’insertion possible dans un tel univers sans une observance stricte des rites en vigueur, d’où les condamnations abruptes, les accès d’intolérance et les manifestations d’hystérie religieuse. Le couple tourne en rond dans cette prison sociale, impression accentuée par le retour des différents lieux et personnages, les prises de position du couple, leurs débats et reniements. Thomas Hardy parle aussi dans cette œuvre forte de l’attirance - et de la répugnance, sexuelle.

Jude l’obscur, un très grand roman, une oeuvre majeure à laquelle Tess D’Urberville a injustement fait de l’ombre, et du tort.