Agusti Villaronga, Pain Noir, (Espagne)

Pain noir a remporté neuf Goyas, l'équivalent des Césars français. Quatre pour les acteurs, un pour le réalisateur, puis meilleur film, adaptation, photographie et décor. Une seule récompense n'aurait pas suffi, car c'est le soin apporté à l'ensemble des détails qui permet à ce long-métrage de tenir son atmosphère du début à la fin.

Telerama

Citation :

La reconstitution est pesante, l'interprétation, appuyée, et quelques scènes (une castration homophobe) sont pénibles. Rien de bien nouveau sur le thème des ravages moraux de la guerre civile espagnole.

Telerama s'est foutu dedans ! ce film est un chef d'oeuvre, je l'ai vu et j'en parlerai.

1/2

Le pain noir est vu, raconté et compris par un enfant-adolescent, Andreu, ce qui le situe dans une atmosphère de secrets dont les adultes sont détenteurs, et qu’il doit percer à jour, avec les moyens du bord.

- d’abord les règlements de comptes des franquistes contre les « rouges », à l’échelon local, envenimés par la hargne des vainqueurs et des rivalités amoureuses de village.

- Les secrets concernent aussi le sort tragique de certains proches : on les dit exilés en France alors qu’ils ont été exécutés ou se sont donné la mort. D’autres machinations sont camouflées sous des histoires de fantômes ou d’endroits maudits, mais les « accidents » mortels interrogent les enfants et suscitent des commentaires obscurs.

- la cousine d’Andreu a la main gauche déchiquetée par une grenade, signe visible que chacun, y compris les enfants, garde les stigmates douloureux de la guerre. Fort jolie, elle suscite les désirs de l’instituteur, et éveille Andreu à la sensualité/sexualité partout présentes mais occultées dans le contexte.

Le cadre excite le regard curieux de l’adolescent, avec des grottes, des forêts, des falaises dangereuses, une maison immense avec de pièces condamnées, des photos ou objets personnels jalousement gardés. L’ensemble excite l’imagination éblouie du spectateur.

La camera devient le regard de l’enfant, il guette, explore, écoute aussi des conversations comme des ragots, surprend des scènes.

Tout est vu par ses yeux, ce qui justifie des révélations successives, parfois démenties. Le spectateur découvre donc progressivement ce qui a été tu, voire camouflé. L’intérêt ne faiblit pas.

pain noir

2/2

Le début du film est fracassant, au point de provoquer des cris de surprise dans la salle, et débute ensuite l’exploration de l’environnement par un enfant déplacé. Le sentiment de secrets oppressants et dangereux est transmis directement par des consignes de silence données par les adultes, et les commentaires acides des camarades d’école par exemple.

La famille élargie est sous surveillance, et il s’agit pour elle de SURVIVRE, sans trop se renier, mais en s’accommodant des pressions diverses, qu’il s’agisse du maire et de la guardia civil, de l’influence des grands propriétaires, d’une éducation inféodée au fascisme régnant. Andreu, seul garçon , représente celui qui doit avoir un bel avenir, il sera pour la famille la revanche de la pauvreté, de l’injustice, et des humiliations.

Entre elles, les femmes sont dures comme en témoignent leurs visages, ou des mots rapidement échangés, lourds de menaces ou de périls envisagés. Certaines scènes du passé sont si traumatisantes qu’elles peuvent éveiller au présent des cauchemars, et susciter de tenaces rancunes.

Dans la conduite de l’intrigue, j’ai pensé aux mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz.

Il était évident pour moi que les personnages sortaient d’un roman : Pan negre d’ Emili Teixidor car ils sont complexes, au carrefour de plusieurs histoires que le réalisateur fait deviner. Il s’ensuit que le regard sur cette période violente d’après guerre n’a rien de schématique.

l'article du Monde et celui de ciné-espagne

ce film a l'air d'être très intéressant et l'histoire de la guerre civile espagnole ne s'est jamais achevée; En France il y a eu beaucoup d'exilés, certains très connus et dans l'Amérique du Sud, des poètes, des écrivains , des musiciens, Pablo Casals, Manuel de Falla, en Argentine, et Fedérico García Lorca qui a eu tort de retourner en Espagne pour y trouver la mort. La liste serait longue. j'aimerais voir ce film ou lire le livre.
ton compte rendu enthousiaste et parfait donne envie de le voir.
J'espère le voir un jour.

sur la guerre d'Espagne, on m'a conseille les albums de bruno Loth sur cette page.


tome 5 cargo pour Barcelone.

Juillet 1936 dans le Sud de l'Espagne, Ermo, enfant des rues, se cache dans la roulotte d'un magicien ambulant, il veut voyager et découvrir le monde. Commence alors un périple à travers une Espagne meurtrie par la bêtise humaine, la haine et le profit. Pour Ermo, le rêve va bientôt tourner au cauchemar... Ce qui est en train de naître débouchera sur 3 ans de guerre civile et 36 années de dictature.

Dans Pan Negre il s'agit de l'après-guerre, et des années 1944.

L'après guerre a été une époque bien difficile qui a laissé des traces

une planche de ERMO