Louis Berthaud, né le 23 janvier 1810 à Charolles (71), vitrier de son état, s'instruisit seul. Compagnon de Jean-Pierre Veyrat, tant à Lyon où il se consacra à "L'homme rouge" que dans la misère à Paris, il est mort le 17 juillet 1844 à Chaillot et est enterré au cimetière Montmartre.
Qu'avez-vous ?
Souvent, quand par le monde on nous voit solitaires,
Le front triste et les yeux pleins d'étranges mystères ;
A notre air de malheur on s'étonne de nous ;
On cherche quel souci nous donne ainsi la fièvre ;
Et l'on nous dit avec un sourire à la lèvre :
"Vous semblez tristes...- Qu'avez-vous ? "
Oh ! ce que nous avons ? - Lorsque la terre ardente
Tourbillonne à nos yeux comme l'enfer de Dante,
Quand nous voyons partout des misères sans fin,
Qu'il est là devant nous une émeute, affamée
Et près d'ouvrir sa gueule et de descendre armée
Au cirque avec ce cri : j'ai faim !
Quand depuis trente mois nous vivons dans l'orage
Sans pouvoir arracher notre barque au naufrage ;
Quand sur nos fronts en deuil ces mots ont retenti :
"La Pologne se meurt et l'Italie est morte !"
Quand peut-être le flot roulant qui nous emporte
Demain aura tout englouti
.../...
Si vous voyez des pleurs mouiller notre paupière,
Nos fronts rester muets comme la froide pierre ;
Ou si quelques soupirs brûlants gonflent nos corps,
Que notre oeil fatigué se réveille et s'éclaire,
Et que notre poitrine ardente de colère
Bondisse comme un flot !... Alors,
Ne vous demandez pas pourquoi nos jeunes têtes
Rêvent tant de malheurs parmi toutes vos fêtes ;
Pourquoi notre regard brille comme du feu,
Et pourquoi dans ce drame éternel et sans trève
Que commence la faim et que finit la grève,
Nous maudissons hommes et Dieu.