Louis Calaferte

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Louis Calaferte, FAIRE-PART, Deyrolle Editeurs.

20 poémes élastiques

Sur la couverture le tableau d'un visage distordu, en couleurs. On retrouve entre les poèmes un visage dessiné à traits d'encre épais, face grossière d'un homme, puis d'une femme semble-t-il, le dernier visage fait de taches étant comme en proie à une décomposition.

Les poèmes sont composés de mots disposés irrégulièrement dans ce carré que constitue la page. Les mots, comme dans une cellule de prison. Calaferte joue sur leur taille, leur disposition dans le carré car ils se lisent horizontalement ou verticalement, ils se regroupent ou se séparent. Ils crient le désespoir et la violence en petites et grosses dimensions.
Voyons le premier. (extraits)

Citation :: DECOMPOSITION DU HOMARD

W le monde
est
un
cabinet C

*********

Citation :: REGARDEZ-MOI J'AI UNE TETE DE REVOLVER
Grandes vacances de la mort

Ces poêmes écrits avec un "stylo-sexe"

je pense à vous mon stylo-sexe à la main

Ces poèmes sont des fragments de nuit et de cauchemar où affleure une tendresse - impossible.

pilier Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006

Alors là...c'est une poésie qui ne me parle absolument pas!...Je ne crois même pas que j'appellerais cela "poésie"... :| Je suis désolée Rotko...

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

coline a écrit:: Alors là...c'est une poésie qui ne me parle absolument pas!...Je ne crois même pas que j'appellerais cela "poésie"... :| Je suis désolée Rotko...

Faut pas être desolée ! Calaferte est un auteur cru et violent, révolté et excessif ; il ne peut pas plaire à tout le monde. Il a pourtant de farouches partisans. Je n'ai lu que ce recueil, j'aurais peut-être trouvé mieux ailleurs.

Citation :: N'obéissez pas,
N'obéissez pas,
N'obéissez pas,
Vous n'avez de supérieurs nulle part,
L'obéissance est une maladie
Vous ne devez l'obéissance à
Personne - qu'à la vie.

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

L'ami

Il vient bouffer votre rôti
Lorgner le cul de votre femme
Fumer votre dernier havane
Salir vos draps pendant des nuits
Et quand on a besoin de lui
Il se débine à toutes rames

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Laissez moi vous dire

être poète ou être fou
c’est à peu près la même chose
parler des amours ou des roses
de la lune en métamorphose
des belles femmes qu’on suppose
et tout et tout et autre chose
turlututu tourloutoutou
c’est une espèce de névrose
ça ne rapporte pas un sou

Vous trouverez d'autres textes ou extraits, dont certains fort drus.
ICI

précision : ce n'est certes pas du Marceline Desbordes-Valmore et Calaferte peut choquer. N'hesitez-pas à donner vos réactions. Elles ont leur place sur ce forum. D'ailleurs, je suis curieux de les connaître...

pilier Nombre de messages : 11113 Date d'inscription : 12/06/2006

Il y en a pas mal que j'aime beaucoup ! C'est cru peut-être, je ne le ressens pas en tout cas. Et puis j'aime bien la dérision de nos vies d'humain(s?)...

J'aime bien celui sur l'obéissance et "Faut bien", "Elle(s)"

Hommes et femmes

Insectes de familles différentes
Se croisant sur un brin d’herbe.
Quelques attouchements d’antennes,
Puis chacun repart de son côté.

et celui-là est savoureux...

Prière pour quand je mourrai

Voudrais qu’on m’enfougère
qu’on m’envente
qu’on m’enrose
qu’on m’encoquelicotte
qu’on m’enféminise
qu’on m'endoucisse
qu’on m’enciélise

Voudrais pas qu’on m’enterre

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Après-midi femelle

Elles lacent leur sensualité dans des frissons de robe.

Il y a les tissus-cuisses,
les tissus-seins,
les tissus-fesses,
les tissus-tailles,
les tissus-hanches,
les tissus-pinces,
les tissus de l’ampleur qui sont l’entrée promise,

il y a les durs tissus-pubis, carénés, ostensibles.

Elles sont l’oecuménisme des foules ;
faites pour être communiées,
conduites entre les glaives,
jugées et condamnées,
souffletées, flagellées,
bardelinées d’épines et cassées sous nos croix.
Elles sont le noir reflux d’une vieille démence.
Les dimanches de la Passion

Je les crucifie flegmatiquement dans mon oeil.

pilier Nombre de messages : 11113 Date d'inscription : 12/06/2006

rotko a écrit:: Après-midi femelle

Elles lacent leur sensualité dans des frissons de robe.

Ah oui celui-là aussi j'aime, je viens de le lire sur le site !

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Dans le poème ci-dessus, la cruauté surgit de la brutalité des mots (2e strophe), et le dernier vers me donne l'impression d'un rapace. Est-ce une défense, ou une agression ? j'y vois une guerre des sexes, comme dans ce "baiser" de Picasso.

Louis Calaferte Baiser39gv

Sujet: Re: Louis Calaferte Sam 10 Oct 2009, 15:25

Etant une inconditionnelle de l'oeuvre de Louis Calaferte, autant que de l'homme révolté qu'il fut jusqu'à sa mort, je pense que nombre de lecteurs sont dans l'erreur en le pensant en guerre contre "la femme" ... ce poème est-il l'oeuvre d'un misogyne ? Wink

Louis Calaferte Zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzyk3

Pendant que j'allumais une autre cigarette
tu as quitté tes bas
assise au bord du lit
et maintenant tu n'oses pas
dans cette chambre où nous n'avons jamais dormi
lever les yeux sur moi

C'est soudain comme si le temps meurt ou s'arrête
un long alinéa
je m'approche du lit
et viens te prendre entre mes bras
dans cette douceur triste et qui nous engourdit
j'ai aussi peur que toi

Il y a au dehors des rumeurs vagabondes
nous ne nous en irons que pour un autre monde

A Londres, c'est l'automne
Il est presque minuit.

(Extrait de "Londoniennes", in Rag-Time)

Sujet: Re: Louis Calaferte Mar 27 Oct 2009, 22:29

C'est vrai qu'il pleut à Londres

C'est vrai qu'il pleut à Londres
et que les ponts s'ennuient
Le ciel mourant et hypocondre
aux nuages noués de suie
À Londres il pleut à Londres
paillettes de la pluie
On voyait la ville se fondre
comme irréelle comme enfuie
Un peuple indécis correspondre
sous les dômes des parapluies
Nos ombres allaient se confondre
dans l'ombre grise de la pluie
C'est vrai qu'il pleut à Londres
et que je t'ai suivie

(Londoniennes, in Rag-Time)

Sujet: Re: Louis Calaferte Sam 31 Oct 2009, 17:17

Tes yeux ne sont pas ceux
d'une sorcière experte
mais c'est pourtant en eux
que se tisse ma perte
Que se tisse ma perte aux couleurs de tes yeux
et je me perds cent fois sur leurs îles désertes
le fil cent fois perdu qui tisse ce fiévreux
des enchevêtrements de troubles découvertes
sans que je sache enfin si je suis malheureux
ou si je n'aide pas à y tisser ma perte
repris pour me reperdre et nous y perdre à deux
Tes yeux ne sont pas ceux
d'une sorcière experte
et c'est pourtant en eux
que se tisse ma perte
Cent fois enseveli dans leurs foulards soyeux

(Londoniennes, in Rag-time)

Sujet: Re: Louis Calaferte Dim 01 Nov 2009, 15:18

Tu ne sais pas ce que je sais
tu n'as pas l'âge d'un passé
et c'est moi qui suis l'insensé
Le temps est un miroir glacé
pour lentement nous détrousser
à la fin de tout énoncé.

Tu ne sais pas ce que je sais
tu n'as pas l'âge d'un passé
et c'est moi qui suis l'insensé
Dans l'enjeu d'un destin pressé
qui voudrait se recommencer
le faussaire est embarrassé.

Tu ne sais pas ce que je sais
tu n'as pas l'âge d'un passé
et c'est moi qui suis l'insensé
Quel est ce chantage inversé
et qui fait que te délaisser
me laisserait le coeur percé.

Tu ne sais pas ce que je sais
tu n'as pas l'âge d'un passé
et c'est moi qui suis l'insensé
De tes jardins jamais assez
jusqu'au jour où même offensé
j'en serais le démon chassé.

Tu ne sais pas ce que je sais
tu n'as pas l'âge d'un passé
et c'est moi qui suis l'insensé
Nancy d'une étrange rencontre.

(Londoniennes, in Rag-time)

Sujet: Re: Louis Calaferte Lun 02 Nov 2009, 10:36

Sous les ponts a passé tant d'eau
ils sont jeunes moi je suis vieux
voici l'âge silencieux
je sens l'automne dans mes os
Rien désormais ne me ressemble
soulé d'indolente tristesse
je regarde mon temps qui cesse
la mort et moi partons ensemble

Ce que j'aimais ne m'aime plus
les désirs perdent leur raison
tout penche à la morte-saison
et mes chemins sont parcourus
Je sens l'automne dans mes os

(in Poèmes ébouillantés)

Sujet: Re: Louis Calaferte Mer 04 Nov 2009, 09:39

Mets ton blouson
Une casquette
A la bouche une cigarette

Ta jeune beauté m’agace les dents

Que ton petit regard m’inquiète
Avec sa goutte de poison
Deviens mon louche confident
Des complicités malhonnêtes

Ta jeune beauté m’agace les dents

Ephèbe aux minces hanches droites
Que mes désirs cachés convoitent
Nous sommes les mauvais larrons
D’une cérémonie secrète

Je n’aime plus les demoiselles

Mets ton blouson
Une casquette
A la bouche une cigarette

Fais le garçon
Qui me querelle

Je ne sais trop comment
L’air vif avait ce goût
De sel et de morlou
Ce matin de bonne heure au marché aux poissons

Ta jeune beauté m’agace les dents

(Londoniennes, in Rag-time)

GENEALOGIE

Par mes arrière-arrière-arrière-
grands-grands-pépères et grand-mères-grand
et mères et pères et pères et mères
et par ceux qui les précédèrent
tous ceux si loin si loin si vieux
si vieux zaïeux
par tous mes macchabées zancêtres
je suis de zorigine humaine.

pilier Nombre de messages : 467 Age : 59 Date d'inscription : 14/05/2010

Citation :: Louis Calaferte, né en 1928, décédé à Dijon en 1994, a vécu en partie à Lyon, Mornant (69) et Blaisy-bas (21).
Auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, romans, récits, essais, carnets, théâtre, poésie, son œuvre est essentiellement autobiographique.

Récompensé en 1978 par le Prix Ibsen et en 1984 par le Grand prix de la ville de Paris pour l'ensemble de son oeuvre dramatique, il reçoit, en 1992, le Grand prix national des lettres.

Parallèlement à sa carrière littéraire, il mènera une activité de producteur-animateur à la radio lyonnaise, devenue par la suite l’ORTF.

Source : Bibliothèque municipale de Lyon.

Son premier et son dernier récit publiés – Requiem des innocents et C'est la guerre – m'ont terriblement impressionnée. Quand j'ai ouvert C'est la guerre, une seule ligne a suffi pour que j'aie la certitude de tenir une pépite littéraire entre mes mains.

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Mag a écrit:: Quand j'ai ouvert C'est la guerre, une seule ligne a suffi pour que j'aie la certitude de tenir une pépite littéraire entre mes mains

tu devrais citer cette ligne pour qu'elle me fasse le même effet Smile

J'ai rencontré des gens "fiables", très enthousiastes pour Calaferte.

Moi, je suis sans doute tombé sur des oeuvres moins réussies, ou j'étais mal luné, je n'ai pas été conquis - ce qui ne veut pas dire que Calaferte n'a pas de talent, j'allais dire au contraire Smile

En réalité, je suis gêné par mes réticences, mais c'est difficile de se débarrasser des premières impressions, fussent-elles injustes !

Alors j'essaie quand même, d'où ma demande. Happy

pilier Nombre de messages : 467 Age : 59 Date d'inscription : 14/05/2010

Hélas Rotko, je n'ai pas le livre sous la main.

J'ai essayé de lire La mécanique des des femmes, impossible. Les deux que je cite sont vraiment d'une autre veine.

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