Balzac IV, l'Auberge Rouge et autres.

l'auberge rouge de Balzac

L'histoire commence par un banquet de la bonne société bourgeoise recevant un négociant allemand.

"Pour faire honneur à son hôte, le maître du logis avait convié quelques amis intimes, capitalistes ou commerçants, plusieurs femmes aimables, jolies, dont le gracieux babil et les manières franches étaient en harmonie avec la cordialité germanique."

"cette joyeuse réunion de gens avaient rentré leurs griffes commerciales pour spéculer sur les plaisirs de la vie, il vous eût été difficile de haïr les escomptes usuraires ou de maudire les faillite. L'homme ne peut pas toujours faire le mal."

"Nous aimons alors à rester dans je ne sais quel calme, espèce de juste milieu entre la rêverie du penseur et la satisfaction des animaux ruminants, qu'il faudrait appeler la mélancolie matérielle de la gastronomie."

Le bien-être de l'assemblée va donc être troublé par l'histoire que va raconter Hermann.

Je suis totalement tombée sous le charme de cette histoire, la description du banquet est tellement précise qu'on a réellement l'impression de la "voir".
L'histoire du crime, me semble bien moins passionnante, que ce qui se passe dans ce salon bourgeois.

Fait un peu dans le genre d'un conte moral, avec un gros cas de conscience du narrateur... peut-on épouser la fille d'un assassin et jouir de sa fortune ? la question restera bien entendu sans réponse.

En conclusion, j'ai adoré le style, les pointes et l'humour de Balzac sur la bourgeoisie, dans cette petite nouvelle ; ni trop ni trop peu... juste envie de poursuivre avec ce livre avec " La Peau de chagrin - Les proscrits - Jésus-Christ en Flandres - L'auberge rouge - Le réquisitionnaire - Le chef-d'oeuvre inconnu - Maître Cornélius - Le Message - Madame Firmiani"

Parfait ! merci à toi, Mazel, toi qui tiens parole avec beaucoup d'exactitude.

Je vais m’attarder sur quelques bas-côtés de l’auberge rouge (Chez Folio) pour ne pas couper l’herbe sous le pied d’Amadak.



- Une remarque sur la couverture du Folio : elle renvoie au film de Josiane Balasko, avec Christian Clavier, Gérard Jugnot , ce qui en ferait une comédie dans le sillage de Claude Autant-Lara avec Fernandel. Je n’ai vu aucun de ces films, mais sauf la caricature du narrateur allemand par Balzac, je vois mal pourquoi cette nouvelle de 66 pages serait réduite à une comédie.

- j’ai eu le plaisir de retrouver Victorine Taillefer, celle qui dans le Père Goriot faisait les yeux doux à Rastignac : assoiffée d’amour, car reniée par son père, elle était si naïve (= jeune dans la connaissance du monde) qu’elle croyait, contre toute raison, à la bonté de son géniteur.

En ce sens elle faisait le contrepoint au père Goriot qui, lui, sera renié par ses filles.

On sait comment Victorine devint héritière de son père : Vautrin, le démoniaque tentateur a fait tuer le fils Taillefer par un maître d’armes de ses amis, pour donner à Rastignac l’accès à la fortune : il lui suffirait d’épouser Victorine.

Décidément le crime sévit dans la famille Taillefer, bien nommée !

C’est une petite digression, mais dans l’esprit de Balzac, non ?

Rotko, sans aucune peine tu peux me couper l'herbe sous les pieds, puisque le malin de mon ordinateur le fait sans cesse, Aujourd'hui pour mon post sur Martinezj'ai eu des sueurs froides, la moitié de mon texte avait disparu, enfin la vie est dure!!
Sur l'auberge rouge, le style de Balzac est toujours agréáble à lire, ses descriptions de ce diner fabuleux et les paysages qui semblent des tableaux, avec quel soin il les expose,
De même les invités et l'histoire malheureuse qu'il va raconter, histoire d'ambition ,de culpabilité innocente, de trahison et d'honneur, Je laisse pour demain la suite du conte que j'ai apprecié.

En attendant ton message, je continue ma petite promenade dans l'auberge rouge en précisant qu'on n'y trouve nulle digression ou élément inutile. J'y reviendrai.

En attendant

Citation :

« Je dois vous dépeindre les dispositions intérieures de l’auberge ; car la connaissance exacte des lieux dépend l’intérêt de cette histoire. La salle où se trouvaient les trois personnages dont je vous parle avait deux portes de sortie.. »

Étonnante cette manie de Balzac de faire un descriptif précis des lieux et notamment de la double issue .

On a déjà vu dans le Père Goriot, cette double issue qui servait bien les dispositions de Vautrin et les visites nocturnes qu'il recevait à la pension, elle expliquera aussi l’arrestation de l’ancien forçat.

On sait aussi que la maison de Balzac à Paris comportait à l’arrière une sortie qu’il empruntait pour échapper à ses créanciers.

Enfin la maison Gorbeau dans les Misérables comportait aussi cette double issue.

Rien de tel pour stimuler l’imagination du lecteur que cette disposition prudente : elle sert aux fugitifs, et explique aussi bien des plans criminels.

LAllemand va raconter une histoire sur deux jeunes chirurgiens militaires, qui après une longue randonnée arrivent à L'auberge Rouge, endroit modeste mais acceuillant où ils trouvent abri et nourriture. Un troisème hôte se présente, et regardant le noble regard des jeunes Français , naïvement il leur fait connaître que dans sa valise il ya cent mille francs en or et diamants .Prosper Magnan, le conteur a oublié le nom de l'autre, éprouve un malaise pensant à cette fortune qui aurait fait le bonheur des siens et de lui même.

Citation :

Citation :

Tout en rêvant la
mort du négociant, il voyait distinctement l’or et les diamants. Il en avait les yeux
éblouis. Son coeur palpitait. La délibération était déjà sans doute un crime. Fas-
ciné par cette masse d’or, il s’enivra moralement par des raisonnements assassins

Faire attention à ce que dit Rotko, sur les trois issues; un indice essentiel pour le ´deroulement de l'action.Le moment venu d'exécuter le crime, une voix qu'il croyait entendre arrêta le bras meurtrier et il échappa par la fenêtre ouverte.

Citation :

Citation :

La raison finit par dissiper complètement sa frénésie momentanée. Les enseignements de son éducation, les préceptes religieux, et surtout, m’a-t-il dit, les images de la vie modeste qu’il avait jusqu’alors menée sous le toit paternel, triomphèrent de ses mauvaises pensées. Quand il revint, après une longue méditation au charme de laquelle il
s’était abandonné sur le bord du Rhin, en restant accoudé sur une grosse pierre,
il aurait pu, m’a-t-il dit, non pas dormir, mais veiller près d’un milliard en or. Au
moment où sa probité se releva fière et forte de ce combat, il se mit à genoux
dans un sentiment d’extase et de bonheur, remercia Dieu, se trouva heureux, lé-
ger, content, comme au jour de sa première communion, où il s’était cru digne des
anges, parce qu’il avait passé la journée sans pécher ni en paroles, ni en actions,
ni en pensée. Il revint à l’auberge, ferma la fenêtre sans craindre de faire du bruit,
et se mit au lit sur-le-champ. Sa lassitude morale et physique le livra sans défense au sommeil.

Balzac nous livre un récit d'un dénouement tragique; J'en suis à la moitié et je ressens déjà, les misères humaines, si bien décrites par l'auteur dans toutes ses oeuvres.
Profond connaisseurde l'âme humaine, il regarde, juge et fait parler ses personnages toujours passionnés dans le bien ou dans le mal. Ici on va trouver un homme prisonnier de son passé, et saisi par des remords.Être au sommet d'une entreprise ne quitte pas l'insomnie.

Quant aux personnages, ils sont essentiellement quatre sur l’avant-scène :

- le narrateur, un certain Hermann, qui veut captiver son auditoire,
- un acteur qui se confesse : Prosper Magnan,

- un témoin qui comprend à demi-mots et demandera ensuite l’avis de ses amis sur sa propre conduite,
- un auditeur attentif et troublé dont les réactions scandent le récit et intriguent le témoin.

Ces quatre personnages, on l’apprend plus tard, sont impliqués à divers titres dans l’histoire racontée, ce qui montre une grande « préméditation » de Balzac.

On relève la « ficelle » du début : Balzac se décharge de toute identification préjudiciable au suspens de ce drame : Parlant des deux compagnons, il nomme le premier, mais non le second :

Citation :

« j’ai oublié le nom de l’autre jeune homme »

dit le narrateur Herman, qui nous sert un subterfuge

Citation :

« je l’appellerai Willhem pour donner plus de clarté au récit de cette histoire. »

, ce qui est une malice de Balzac.

On a droit ensuite à des « révélations » qui accroissent l’intérêt du lecteur pour le drame initial et ses conséquences ultérieures. Un drame avec des prolongements

Curieux, le narrateur donne un nom allemand au deuxième soldat, je pense qu'il le fait exprès pour rassurer l'un des convives. Balzac ne va rien cacher, il a déjà mis des pièces à conviction dans le début.

Prosper , son âme apaisée tomba dans un sommeil profond, éveillé par d’épouvantables cris, il voit la tête tranchée du pauvre homme, et son instrument de chirurgie sur le lit. Son compagnon avait disparu, horrifié pensa-t-il, tandis que lui était là, trempé en sang. On vient l’arrêter comme assassin, il sera jugé, malgré ses clameurs d’innocence. Hermann, raconte que lui aussi était en prison pour un fait mineur et là il a connu Frédéric, Oh, il s’est souvenu du nom ! IL lui offre son amitié, il est sûr que ce n’est pas lui le tueur. Frédéric ne sait pas se défendre, il pense à sa pauvre mère que ce procès tuera. Il croit qu’il est puni car ce crime s’était germé dans son esprit.

Amadak a écrit:

Prosper croit qu’il est puni car ce crime s’était germé dans son esprit.

On n’en dira pas plus sur l’intrigue policière, mais Amadak soulève une question importante pour Balzac : la nature et la force de la pensée.

- Si imaginer qu’on commet un crime équivaut à l’avoir commis, la pensée devient un acte qu’il faut assumer, ce que croit Prosper Magnan. Il en supportera les conséquences, ainsi que sa mère.

- Serait-il aussi possible que l’idée d’un crime envisagé par Prosper pousse un autre individu à le commettre ?

Voila des théories qui fascinent Balzac.

Déjà il expliquait la force de certaines pensées lorsqu’il créait le personnage de Vautrin, tout d’énergie.

Arrêté, Vautrin jette un regard intense sur sa dénonciatrice :

Citation :

« mademoiselle Michonneau, à laquelle ce jet de volonté cassa les jarrets »;

Enfin on sait les dégâts physiques qu’entraîne une passion chez le personnage balzacien : elle le ronge, le consume, le détruit, lui, et même son entourage, comme chez Balthazar Claes dans la Recherche de l’Absolu.

Dans l’Auberge rouge, les remords de l’assassin sont d’insupportables tortures :

Citation :

« Ce pauvre homme prétend avoir dans la tête des animaux qui lui rongent la cervelle, c’est des élancements, des coups de scie, des tiraillements horribles dans l’intérieur de chaque nerf »

mazel a écrit:

L'histoire du crime, me semble bien moins passionnante, que ce qui se passe dans ce salon bourgeois.

Fait un peu dans le genre d'un conte moral, avec un gros cas de conscience du narrateur... peut-on épouser la fille d'un assassin et jouir de sa fortune ? la question restera bien entendu sans réponse.

Comme tu le remarques, plusieurs histoires s'emboitent : la peinture du salon bourgeois, l'affaire criminelle, le drame du faux coupable, ce qu'il advient du vrai coupable (encore que le mot et la désignation ne soient pas prononcés explicitement par Balzac, je crois) et le cas de conscience moral du témoin.

Il soumet ses hésitations à ses amis qui doivent voter, sans qu'une décision nette en résulte : on a l'impression d'un vote à la "Ponce Pilate".

Pourtant la dernière phrase de cette nouvelle me paraît pleine d'une vision sarcastique de la société :

tous ces jeunes gens cyniques (les boules rouges) ou les jeunes gens en apparence vertueux (les boules blanches) se rejoignent en réalité sur un point.

Fermer les yeux sur ce qu'on sait ou voit, c'est la loi du milieu !

Mazel a dit la vérité , il s’agit d’un cas de conscience qui n’obtiendra pas de réponse.
Ces sujets de troubles moraux son chers à Balzac, dans toutes ses œuvres il y a toujours certains passages où les protagonistes souffrent de remords et d’ expiation.

Dans l’ « Auberge Rouge » on voit l’hypocrisie des supposés juges, ils ne sont d’accord sur rien de ce que demande l’amoureux, Celui-ci pour moi, fait preuve d’une naïveté déconcertante. Il aime, il est aimé, à quoi bon demander des conseils.

La force de l’amour doit surmonter les obstacles, surtout que la jeune fille est innocente. Il se creuse la tête cherchant à résoudre tous les problèmes, tâche impossible, il est sur le point de perdre son amour.
Je trouve que ce personnage à force de vouloir être un exemple de morale, devient un niais et le dernier mot que lui adresse celui qui était en silence, résume toute l’histoire.

C’est un joli conte, agréable à lire, tout à fait Balzacien.

J’ai toujours eu l’impression que Balzac avait dû beaucoup s’amuser en écrivant ce petit roman qui, pour moi, ressemble plutôt à une nouvelle de la meilleure facture. Cette façon d’emboîter les histoires, tel un virtuose, a d’ailleurs quelque chose de réjouissant pour le lecteur aussi, ou tout au moins de savoureux. Il y a aussi le thème du crime resté secret très longtemps, sorte de cliché dont joue Balzac. Et que penser d’un personnage certes mineur mais d’un cynisme qui répond en somme à celui de l’auteur narquois, je veux parler de « L’honnête homme, cet espèce de puritain [anglais] » à qui revient le mot de la fin : « Imbécile, pourquoi lui as-tu demandé s’il était de Beauvais ! »
Tout en s’amusant donc - je le crois - Balzac philosophe le plus sérieusement du monde, entrelaçant le complexe de culpabilité de Prosper Magnan, le remords qui ronge Taillefer et le cas de conscience du narrateur. Un vrai chef-d’œuvre que cette Auberge rouge !

pour Nicyrle:
Tout à fait d'accord, un vrai petit bijou; Balzac s'est amusé à l'écrire, sachant sans doute qu'il amuserait les lecteurs.

nicyrle a écrit:

l’auteur narquois, je veux parler de « L’honnête homme, cet espèce de puritain [anglais] » à qui revient le mot de la fin : « Imbécile, pourquoi lui as-tu demandé s’il était de Beauvais ! »

Entièrement d'accord avec toi, et cette "remarque narquoise" que je signalais comme une "vision sarcastique" (on est bien dans le ton) est la réponse réelle au cas de conscience (et non "les boules rouges et blanches").
Balzac aime bien ces remarques finales, en apparence banales, qui terminent ses textes cf.

Citation :

« elle est morte de la poitrine ».

dans la fille aux yeux d'or.

Madame Firmiani

Une superbe introduction, un vrai plaisir à lire ces lignes, ce langage si cher aux écrivains classiques, la vraie langue Française qui a séduit les lecteurs du monde entier.
Ce conte est une histoire très petite, pas de pathos, de scènes troublantes dont le charme consiste dans la manière de Balzac de tisser la trame. Les différents regards sur une même femme Madame de Firmiani, d’après nombreux personnages, hommes ou femmes, selon leur point de vue positif ou négatif.

« Les gens du monde, les gens de lettres, les honnêtes gens,
et les gens de tout genre répandaient, au mois de janvier 1824,
tant d’opinions différentes sur madame Firmiani qu’il serait
fastidieux de les consigner toutes ici. Nous avons seulement
voulu constater qu’un homme intéressé à la connaître, sans vouloir
ou pouvoir aller chez elle, aurait eu raison de la croire également
veuve ou mariée, sotte ou spirituelle, vertueuse ou sans
moeurs, riche ou pauvre, sensible ou sans âme, belle ou laide ; il
y avait enfin autant de madame Firmiani que de classes dans la
société »

à suivre

suite
Beaucoup de commérages circulaient sur son compte, on disait qu’elle avait ruiné un jeune amoureux, qui était le neveu et seul héritier de Monsieur de Bourbonne, de Touraine. Lui qui plantait des peupliers pour son cher neveu ! un soir lors d’un copieux dîner, un envieux cousin vient lui apprendre, qu’une femme, madame Firmiani, est la cause du malheur d’Octave de Camps, le neveu. Pour survivre ce dernier donne des cours de mathématiques et habite dans une chaumière.

Ici on va trouver un peu de l’humour Balzacien. Une telle nouvelle peut coûter la vie à quelqu’un de plus faible que Monsieur de Bourbonne.

Citation :

« Certains coups portent sur le coeur, d’autres
sur la tête ; le coup porté par l’arrière-cousin tomba sur les entrailles et produisit peu d’effet, parce que le bonhomme avait un excellent estomac. »

Sous un faux nom il va se présenter au salon de Madame Firmiani en ancien gentilhomme, courtois, qui ne manquait de bonnes manières,et savait tenir sa place où il devait.

Lui aussi tomba sous le charme de la maîtresse de son neveu, qui ce soir était de toute beauté et féminité.

Citation :

Comme les descriptions de Balzac sont hautes en couleurs et inoubliables.

Madame de Firmiani subira des reproches de l’oncle, et pourtant elle est innocente et aime Octave d’un amour réciproque, qui après des événements que je ne dévoilerai pas va se terminer par une fin heureuse.
Ce qui suscite l’intérêt du conte, c’est la vie et les mœurs de l’époque, les salons fréquentés par toute sorte de gens, que Balzac énumère « les Pontifs, les Flâneurs, les Personnels, le Fat, l’Amateur de tableaux, l’Original, les Ducs, les femmes envieuses, et d’autres encore, même des fripons s’ils sont de Qualité.
Je trouve que Balzac fait une critique à peine voilée de cette société qu’il a dévisagée avec un certain mépris.

Parfait, Amadak. Tu as bien su montrer l'humour de Balzac, pas plus tendre pour ses personnages que pour ses contemporains.

Albert Béguin, un critique littéraire moins bienveillant que notre amie Amadak, n’est pas tendre pour cette oeuvre dans sa préface de Madame Firmiani, mais le lecteur de Balzac suit son auteur, pour le meilleur et pour le pire.

A vrai dire, ce n’est pas si mauvais, mais c’est « convenable » au sens d‘ « édifiant » , et bien ressemblant à Balzac !

En effet 4 points :

- L’auteur aborde, comme souvent, son personnage (Madame de Firmiani) de l’ extérieur, mais en disciple de Geoffroy Saint-Hilaire et de Cuvier, ie en adepte de la classification des espèces, ici humaines, il la montre par les yeux et la voix d’un Flâneur, d’un Positif etc, ce qui sert moins à la peinture du modèle qu’à la caricature du regardeur. Ensuite on aura la vraie nature du personnage.

- Le jeune protagoniste de l’histoire a un oncle bienveillant comme dans le Contrat de mariage, et ce dernier mène l’enquête sur les affaires financières de son neveu, devenu bien pauvre.

- La problématique de Madame Firmiani répond directement à la question posée dans l’Auberge Rouge : « peut-on jouir d’une fortune dont on sait qu’elle est mal acquise ? »

- Enfin, comme dans le contrat de mariage, le fin mot de l’histoire sera donné par une lettre, procédé qu’aime bien Balzac, mais que ses lecteurs ont tendance à bouder.

Je pense que c'est souvent le regard de l'autre qui marque une personne, sans la connaître en profondeur. L'admiration, la jalousie, les idée politiques différentes jouent aussi un rôle. On peut aimer ou détester une personne pour maintes raisons, justes ou pas.
C'est vrai que dans cette nouvelle il y a aussi un problème de conscience qui ronge l'âme de l'amoureux, comme dans lÂuberge rouge" et je n'avais pas fait attention à
l'importance de la lettre qui achève l'histoire.
J'aime Balzac et tout ce qui vient de sa plume, me semble ravissant.
je serais une mauvaise critique littéraire, puisque je ne vois pas les défauts chez les auteurs que j'aime.

je suis assez d'accord avec toi. Quand on connaît bien un auteur comme Balzac, on le reconnaît jusque dans ses travers : des théories cocasses sur l'apparence exterieure qui révèle la personnalité profonde, ou bien ses développements sur la forme du crâne indiquant des capacités specifiques :

il ne nous reste pas grand chose des considérations phrénologiques de l'époque, sauf quelques expressions comme "la bosse des mathématiques". On voit dans certains romans des individus (ou même Balzac) tâtant le crâne d'autrui ou mesurant l'angle facial (du nez au front etc..)

Balzac est capable de déduire des "pattes d'oie" (les rides qui partent en éventail du coin des yeux ) de quelqu'un, sa vie amoureuse ou son goût des plaisirs.

Autant il peut être rigoureux dans certaines constructions de romans, autant parfois dans d'autres oeuvres il nous sert un bric à brac de théories ou faits bizarres qu'il déclare indispensables "à la bonne compréhension de l'histoire qu'il va suivre".

On en parle librement ici, mais ses portraits de "crétins discoureurs"sont très amusants, comme tu l'as remarqué. Au début de Madame Firmiani, on a l'impression de parcourir un zoo humain où chaque cage renferme un specimen cocasse (et pourtant reconnaissable !).

Balzac n'avait pas prévu la chirurgie esthétique avec laquelle on peut effacer les "pattes- d'oie",alors s'il vivait à notre époque ses observations auront été fausses.
mais comme minutieux observateur, il peut consacrer une page entière sur la description d'un habit, couleur, tissu, boutons etc.. et ensuite le personnage qui le porte.C'est son style.

Contrairement à ce que laisse entendre le titre, l’élixir de longue vie est une nouvelle macabre, effrayante. Elle débute sur une orgie, interrompue lorsque Dieu, déguisé en vieillard aux cheveux blancs, vient chercher Don Juan pour le mener près du cadavre de son père.

Spectacle !

« Les trait étaient décomposés, la peau collée fermement sur les os avec des teintes verdâtres que la blancheur de l’oreiller, sur lequel le vieillard reposait, rendait encore plus horribles ; contractées par la douleur, la bouche ouverte et dénuée de dents laissait passer quelques soupirs dont l’énergie lugubre était soutenue par les hurlements de la tempête […]

les yeux, creusés par la maladie gardait une fixité singulière. Il semblait que Bartolomeo cherchât à tuer par son regard de mourant, un ennemi assis au pied de son lit. Ce regard, fixe et froid, était d’autant plus effrayant que la tête restait dans une immobilité semblable à celle des crânes posés sur une table chez les médecins. »

Ont lieu alors des confidences post mortem et des pratiques qu’on verrait bien chez Bunuel avec los olvidados , notamment dans la scène de l’œil !

On retrouvera cette même scène de confrontation entre un fils et son père moribond à la fin de la nouvelle, mais dans une église : les hymnes à la gloire de Dieu se heurtent à des rires démoniaques et sarcastiques, dans une ambiance d’horreur sacrilège !!

Un petit extrait de l’élixir de longue vie (1)

- Te deum laudamus ! disait l’assemblée.

- Allez à tous les diables, bêtes brutes que vous êtes ! Dieu, Dieu ! Carajos demonios, animaux, êtes-vous stupides avec votre Dieu vieillard !

Et un torrent d’imprécations se déroula comme un ruisseau de laves brûlantes par une irruption du Vésuve […]

Au moment où l’abbé prosterné devant l’autel, chantait :

- Sancte Johannes, ora pro nobis !

Il entendit assez distinctement

- O coglione.

(1) l'élixir est dans une fiole qu'il faut secouer avant l'emploi. Il secoue aussi le lecteur