Stendhal, Lucien Leuwen

Lucien Leuwen, chapitre VI

Citation :

La religion [de Lucien] : la vertu et l'honneur, et suivant cette religion, sans vertu, point de bonheur.

j'ai lu le chapitre VI qui parle de l'ennui de Lucien, et de son impossibilité de vivre en Amérique, le plaisir d'une ancienne civilisation lui manquerait.
Moi je reviens à l'histoire d'amour; après les lettres échangées avec plus ou moins de fortune ,ils décident de passer une journée au "Chasseur Vert"

je suivrai

Au Chasseur Vert"
Il y avait ce soir là au café Haus du Chasseur vert des cors de Bohème qui éxécutaient d'une façon ravissante une musique douce, simple, un peu lente, Rien n'était plus tendre, plus occupant, plus d'accord avec le soleil qui se couchait derriere les grands arbres de la forêt ; de temps à autre, il lançait quelque rayon qui perçait à travers les profondeurs de la verdure, et semblait animer cette demi-obscurité si touchante des grands bois. C'était une de ces soirées enchanteresses, que l'on peut compter au nombre des plus grands ennemis de l'impassibilité du coeur,

Pendant cet après midi, Lucien perd sa timidité et sa manière de parler à sa bien aimée devient de plus en plus sincère, elle qui l'aime aussi, tombe sous le charme de ses paroles. Elle lui demande de pas faire attention aux lettres qu'elle lui a envoyées. L'un et l'autre ont les yeux humides, l'emotion est très forte.

Leuwen s’arrêta involontairement, il la regarda ; il vit ces
yeux tendres et amis de la conversation au bal ; mais, cette fois,
ils semblaient voilés de tristesse. S’ils n’eussent pas été dans une
clairière du bois, à cent pas des demoiselles de Serpierre qui
pouvaient les voir, Leuwen l’eût embrassée, et en vérité elle l’eût
laissé faire. Tel est le danger de la sincérité, de la musique et des
grands bois.

Il lui demande d'aller la voir chez elle. Elle accepte, mais dans la crainte d'être seule avec lui , elle fait venir une affreuse gouvernante, qui finit par gâcher ce rendez-vous, Lucien devient furieux, tout son amour se transforme en haine Il pense qu'elle le méprise et il méprise aussi cette royaliste.
Ils se rencontrent quelques jours plus tard, et leurs yeux succombent de nouveau à la passion. Elle lui promet de le revoir sans la présence de Mlle Berard.
un nouveau obstacle se présente ,Les lanciers sont appelés à réprimer une prétendue révolte ouvrière, Lucien jette un regard sur cette pauvreté, cette saleté, cette misère, et il pense que pour obtenir quelques croix on les pousse à une vilainie. En fait il ne se passe rien et c'est la première campagne militaire de Leuwen.

La seconde partie de Lucien Leuwen m’a intéressé pour deux raisons principales :

- Une vue particulièrement lucide du monde politique dont l’auteur, par différents moyens, met à jour les manœuvres et les différents acteurs : étouffement des affaires gênantes (Korbis) et manipulations des élections, avec toutes les intrigues nécessaires.

L’oeil de Lucien, les commentaires de son compagnon Coffe, les remarques et intrigues de Leuwen père, offrent une vue pessimiste des mœurs politiques de province et de la vie parlementaire.

- Une attention toute particulière est portée au domaine de la parole : les déclarations orgueilleuses de parvenus, comme les insupportables longueurs des discours cauteleux, sont épinglées par les personnages et l’auteur lui-même, qui dévoile ainsi ses soucis d’écriture :

le sens du détail convaincant, la nécessité des ellipses, la puissance des mots (les épigrammes) qui emportent l’adhésion, sans pourtant résoudre les problèmes de terrain.

Stendhal transmet à son lecteur un esprit à la fois vigilant et caustique sur la politique et le langage : des leçons bien utiles et valables sous tous les régimes.

La deuxième partie m'a semblé bien plus intéressante en effet. On ne peut s'empêcher de faire référence entre les politiciens de l'époque et ceux d'aujourd'hui... et il ne semble pas que le fossé entre les deux époques soit bien large.

mazel a écrit:

La deuxième partie m'a semblé bien plus intéressante en effet. On ne peut s'empêcher de faire référence entre les politiciens de l'époque et ceux d'aujourd'hui... et il ne semble pas que le fossé entre les deux époques soit bien large.

Evidemment, un président qui attaque en justice un ancien premier ministre, suite à des manoeuvres perverses, des conflits ou des participations d'interêts financiers entre le pouvoir et "le grand capital",, des condamnations dans le domaine du racisme, ou d'abus divers : nos contemporains sont bien servis.

Si la deuxième partie de Lucien Leuwen est essentiellement consacrée à l’initiation politique de Lucien et à la peinture des milieux du pouvoir (aux environs de 1832-1835),

l’amour n’est pas totalement absent, en particulier les regrets et les pensées tendres pour Madame de Chasteller.

Cette page rappelle et développe les principales formes de l’amour dans le fameux traité de Stendhal :

- D'abord, l'amour passion.

L'amour passion, celui de la religieuse portugaise, celui d'Héloïse pour Abélard, celui du capitaine de Vésel, du gendarme de Cento.

- L'amour goût, celui qui régnait à Paris vers 1760, et que l'on trouve dans les mémoires et romans de cette époque, dans Crébillon, Lauzun, Duclos, Marmontel, Chamfort, Mme d'Épinay, etc.,

- l'amour physique.

- l'amour de vanité, dont la tentation de Lucien pour Madame Grandet. (à suivre).

J’ai enfin bien aimé dans Lucien Leuwen l’analyse du sentiment amoureux de Madame Grandet ainsi que les réflexions que Lucien s’adresse à lui-même : deux aspects de Stendhal qui le rapprochent de Proust.

trois citations notables :

Chapitre LXV
« Sans se l’avouer, [madame Grandet] n’était plus seulement dominée par l’ambition, elle commençait de prendre du goût pour ce jeune homme qui n’était pas triste comme les autres, mais sérieux. Elle lui trouvait un charme inexprimable. »

Chapitre LXVI
« A vingt six ans, elle [madame Grandet] n’avait jamais aimé. Elle s’était sévèrement interdit même ces amitiés galantes qui peuvent conduire à l’amour. Maintenant , l’amour prenait sa revanche, et depuis dix-huit heures l’orgueil le plus invétéré, le plus fortifié par l’habitude, lui disputait le cœur de Madame Grandet, dont la tenue dans le monde était si imposante et le nom si haut placé dans les annales de la vertu contemporaine.

Jamais tempête de l’âme ne fut plus pénible ; à chaque reprise de cette affreuse douleur, le pauvre orgueil était battu et perdait du terrain »

Chapitre LXVII
« Madame Grandet me [ se dit Lucien] prouve son amour par un sacrifice assez pénible celui de la fierté de toute sa vie […] Ce ne sera pas un amour inspiré par contagion (1) ».

(1) notion importante traitée dans de l'amour.

très intéressant le traité sur les quatres formes de l'amour, j'ai lu la page Stendhal a des idées larges sur le sujet.

Je donne mon avis sur ce que j’ai lu jusqu’ici de Lucien Leuwen. D’abord le charme du Français classique, que j’avais oublié et où Stendhal excelle. La même émotion je l’ai ressentie avec « Le rouge et le noir » comment oublier Julien Sorel, impossible.

Dans Lucien Leuwen, j’ai admiré l’ambiance de Nancy, l’hypocrisie de certains personnages, la division de classes sociales, la rigueur de la vie militaire et surtout l’amour. Cet amour passionné de Lucien pour Madame de Chasteller, que tout oppose mais qui fait battre les deux cœurs à l’unisson. Je m’arrête là, puisque la partie historique est trop complexe pour moi, mais j’attendrai avec plaisir vos commentaires.

Pour ma part j'ai donné mes commentaires sur la 2e partie, sans trop entrer dans le détail.

Tu es, Amadak, une francophile émérite et héroïque, car lire un texte aussi long sur un écran d'ordinateur relève de l'exploit. Grâce à vous, toi et Mazel, j'ai pu me replonger dans Stendhal, un demes écrivains préférés.

On voit dans Lucien Leuwen à quel point tous les partis au pouvoir ont une peur panique des républicains ; ils craignent aussi les mouvements ouvriers (organisés en sociétés mutuelles). Contre ces "classes dangereuses" tous les moyens sont bons, on envoie la troupe, et on emprisonne les meneurs (1). Voilà des données historiques bonnes à rappeler.

(1) un exemple : Auguste Blanqui
Il s’est battu pour des idées neuves à son époque, notamment pour le suffrage universel (« Un homme, une voix »), pour l'égalité homme/femme, la suppression du travail des enfants etc. Il doit son surnom « l’Enfermé » au fait qu'il passa une grande partie de son existence (33 ans) en prison.

merci Rotko pour ton commentaire trop élogieux, et surtout le joli bouquet!! oui, j'aime la France avec sa littérature, son histoire, ses personnages´célèbres dans tous les domaines; à la distance on apprécie mieux le bien et le mal, sans doute il y en a ,mais il s'efface.
J'ai cherché Auguste Blanqui," L'enfermé" qui a lutté contre les maux de son temps.