André Malraux

je n'ai pas été sensible à May.
C'est un personnage féminin qui ne m'a pas touché, alors que récemment j'ai bien aimé les femmes mises en présence par Ariella Kornmehl.

Aucun rapport entre les deux auteurs, je le dis en passant.

j'aggrave mon cas : je n'ai pas trouvé de personnages féminins qui m'interessent chez Malraux : ni dans l'espoir, ni dans la voie royale, ni dans les Conquérants.

Les personnages de femmes sont rares dans l’oeuvre de Malraux, ce fut souvent remarqué. Or, justement, celui de May mérite qu’on s’y attarde. On peut d’abord observer que c’est elle qui a le dernier mot puisque ses propos viennent clore le roman : c’est important car cela permet une fin ouverte ; May veut poursuivre le travail commencé par Kyo afin de ne pas oublier son sacrifice et de lui donner un sens. Elle peut apparaître comme dure, voire insensible, mais sa détermination est avant tout à la mesure de ce qui l’a unie à Kyo, elle choisit d’agir en réaction à ce qui fait « la condition humaine » (à l’inverse de Gisors qui, lui, choisit la voie de la contemplation à la manière orientale, afin d’être en harmonie avec le cosmos). Pour ce faire, May doit dépasser son chagrin et renoncer au sentiment : « Je ne vais pas là-bas pour aimer », dit-elle. A rapprocher je crois d’une réflexion qu’on trouve dans le roman bien avant :

Citation :

… accepter d’entraîner l’être qu’on aime dans la mort est peut-être la forme totale de l’amour, celle qui ne peut pas être dépassée.

On peut noter aussi que La condition humaine aurait très bien pu s’arrêter à la fin de la 6e partie et offrir ainsi une fin fermée. Mais Malraux a choisi la difficulté en ajoutant un second explicit, lequel instaure une certaine distance avec les événements qui viennent d’être racontés et offre l’espoir d’un renouveau de l’action révolutionnaire (d’où le rôle important tenu là par May), symbolisé par la radieuse journée de printemps. Néanmoins, l’auteur laisse le lecteur choisir entre l’attitude de Gisors et celle de May sans lui-même trancher.

à mon avis Gisors, est le sage, il cherche une vie plus calme à Kobé,déçu de la révolution il s'essaie de convaicre May à reconstruire sa vie Il ne la persuade pas. Elle , pour la mémoire de Kyo, veut continuer la lutte.

Amadak a écrit:

à mon avis Gisors, est le sage, il cherche une vie plus calme à Kobé,déçu de la révolution il s'essaie de convaicre May à reconstruire sa vie Il ne la persuade pas. Elle , pour la mémoire de Kyo, veut continuer la lutte.

Je ne crois pas qu'on puisse dire que Gisors est "déçu de la révolution". Il ne renie pas son passé de militant marxiste ; à la fin du livre, il s'est détaché complètement du monde des hommes. Il se sent "libéré de tout, même d'être homme" ; encore une fois, il cherche l'harmonie avec l'univers entier, avec l'aide de l'opium, par la méditation, la musique aussi... On peut quand même noter que tant que son fils était vivant, il était à l'écoute des autres, se tenant à l'écart de l'action mais sensible à la détresse d'autrui, cherchant avec bienveillance à mettre tous ceux qui venaient se confier à lui sur la voie d'une meilleure connaissance de soi. En revanche la mort de son fils le pousse à se séparer du reste des hommes qui "lui semblaient tous fous", sans pour autant qu'on puisse parler de repli total puisqu'il cherche une sorte de communion avec le cosmos. Son dialogue avec May est empreint d'une profonde tristesse et on peut dire, je crois, qu'il fait une ultime découverte de sage :

Citation :

Il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans de sacrifices, de volonté, de... de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand vraiment, il est homme, il n'est plus bon qu'à mourir.

que puis-je ajouter à tes remarquables commentaires sur l'oeuvre de Malraux. moi j'admire l'homme et l'auteur, mais c'est le premier livre que je lis de lui, une honte,´pourtant j'ose mettre ma conclusion sur l'épilogue.
« Epilogue : Gisors et May »

Suite à la mort horrible de Kyo, Gisors et May sont en effet face à face, et au delà du chagrin, chacun semble avoir trouvé une voie dans sa condition humaine : la solitude et l’oubli pour Gisors et l’action, la lutte pour May.

aussi l’évasion de Gisors dans la musique, la drogue ...

- «Gisors se réfugie dans l’art pour oublier sa douleur, l’art qui représente pour Malraux, l’échappatoire : « Depuis que Kyo est mort, j’ai découvert la musique... ».

May : son militantisme se trouve renforcé par la mort de Kyo. Elle lutte ainsi et représente la femme libre, mais elle était aussi capable d’aimer.

Quand Kyo disparaît, c’est un peu cette partie d’elle-même qui meurt, et qui laisse place à une véritable femme d’action. Elle se réfugie dans le travail.
.
lAu contraire de Gisors, renfermé sur lui même, May est tournée vers l’avenir, ouverte à la vie : il faut vivre avec sa douleur et continuer d’agir: elle est l’espoir.

Cette conclusion à La condition humaine est ouverte à notre compréhension, quelle est la réponse ? l’évasion ou la lutte ? Malraux ne donne pas de réponses à ces questions.

Bravo Amadak Superbe conclusion
Pourquoi aurais-tu honte ? Il y a tant de livres à découvrir ! Et nous sommes tous concernés...

Si tu as envie de lire un autre Malraux, lis L'espoir : c'est également un magnifique roman.

Chère amie, je suis émue de tes bons mots, tu es trop généreuse à mon égard, mais cela me fait du bien, j'adore la langue française, mais ce n'est pas simple pour m'exprimer correctement, je fais souvent des fautes, que je ne vois qu'après le post envoyé
merci de nouveau,mille et une fois, tu m'encourages

A ceux qui aiment Malraux, je proposerais "La tentation de l'Occident" - essai en forme epistolaire entre un europeen et un chnois sur leurs cultures respectives. Ecriture et pensee brillantes.

Un commentaire, p. ex. ici

https://www.dailymotion.com/video/xm57q5_podcast-culture-andre-malraux_creation

Bonjour un bon podcast sur l'anniversaire de la mort du grand André Malraux.
S'il y a d'autre fan de l'auteur sur le forum n'hésitez pas à commenter.

J'aimerais évoquer avec vous le livre de Sophie de Villemorin " Aimer encore " la dernière compagne de Malraux.

Très bon témoignage sur l'homme d'Art . sans voyeurisme.

Cela m'a donné donné envie de relire " Antimémoires " de cet écrivain et l'ouvrage de Clara Malraux " Nos vingt ans".
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Toscane a écrit:

J'aimerais évoquer avec vous le livre de Sophie de Villemorin " Aimer encore " la dernière compagne de Malraux.

Très bon témoignage sur l'homme d'Art . sans voyeurisme.

Cela m'a donné donné envie de relire " Antimémoires " de cet écrivain et l'ouvrage de Clara Malraux " Nos vingt ans"..

C'est le deuxième tome des mémoires de Clara Malraux, qui figure dans le volume que je possède avec Apprendre à vivre et Les combats et les jeux. Une lecture très intéressante en effet.
J'ai commencé à présenter L'espoir parce que cette oeuvre est celle qui a été choisie pour la lecture accompagnée de ce mois d'avril.

Vous avez lu l'Espoir de Malraux, pas traduit en bulgare, dommage.
Mais je mets un extrait de La tentation de l'Occident et je dirais que Malraux nous ouvre plein de portes afin de comprendre des choses qui sont passes a cote de vous comme un vent leger:

Spoiler:

Dommage en effet, Maya, je crois que L'Espoir te plairait beaucoup, c'est une œuvre magistrale, le livre comme le film.