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| | Poème du jour | |
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Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 05 Déc 2009, 12:30 | |
| - Lysandre a écrit:
- je ne crois pas qu'il s'mmerde, la solitude est un royaume intérieur quand elle est consentie
Je ne pense pas qu'il faille prendre ce poème au pied de la lettre, mais plutôt comme une parabole philosophique sur la solitude humaine ... il faut se méfier des grands humoristes, Francis Blanche, tel Pierre Desproges, furent d'immenses poètes ... | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 05 Déc 2009, 13:13 | |
| J'interprète le "berger s'emmerde" comme une chute prosaïque après des tableaux réputés - à tort ou à raison, poétiques. Cette façon de finir un poème par une rupture du charme me plaît bien et relèverait pour moi de l'humour brutal qui remet les idées en place. Après tout, dans les réparties de Nina de Rimbaud, les élans lyriques de son amoureux achoppent sur la dure réalité du monde : une réplique met fin aux illusions et aux espoirs, ou Nina a les pieds sur terre, ou elle est indécrottable avec son âme d'esclave. Les reparties de Nina. ......................... - Spoiler:
Lui - Ta poitrine sur ma poitrine, Hein ? nous irions, Ayant de l'air plein la narine, Aux frais rayons
Du bon matin bleu, qui vous baigne Du vin de jour ?... Quand tout le bois frissonnant saigne Muet d'amour
De chaque branche, gouttes vertes, Des bourgeons clairs, On sent dans les choses ouvertes Frémir des chairs:
Tu plongerais dans la luzerne Ton blanc peignoir, Rosant à l'air ce bleu qui cerne Ton grand oeil noir,
Amoureuse de la campagne, Semant partout, Comme une mousse de champagne, Ton rire fou :
Riant à moi, brutal d'ivresse, Qui te prendrais Comme cela, - la belle tresse, Oh ! - qui boirais
Ton goût de framboise et de fraise, O chair de fleur ! Riant au vent vif qui te baise Comme un voleur,
Au rose églantier qui t'embête Aimablement: Riant surtout, ô folle tête, A ton amant !....
.....................................
- Ta poitrine sur ma poitrine, Mêlant nos voix Lents, nous gagnerions la ravine, Puis les grands bois !...
Puis, comme une petite morte, Le cœur pâmé, Tu me dirais que je te porte, L'œil mi fermé..
Je te porterais, palpitante, Dans le sentier: L'oiseau filerait son andante: Au Noisetier...
Je te parlerais dans ta bouche: J'irais, pressant Ton corps, comme une enfant qu'on couche, Ivre du sang
Qui coule, bleu, sous ta peau blanche Aux tons rosés: Et te parlants la langue franche.... Tiens !... - que tu sais...
Nos grands bois sentiraient la sève Et le soleil Sablerait d'or fin leur grand rêve Vert et vermeil.
..................................
Le soir ?... Nous reprendrons la route Blanche qui court Flânant, comme un troupeau qui broute, Tout à l'entour
Les bons vergers à l'herbe bleue Aux pommiers tors ! Comme on les sent tout une lieue Leurs parfums forts !
Nous regagnerons le village Au ciel mi-noir; Et ça sentira le laitage Dans l'air du soir;
Ça sentira l'étable, pleine De fumiers chauds, Pleine d'un lent rhythme d'haleine, Et de grands dos
Blanchissant sous quelque lumière; Et, tout là-bas, Une vache fientera, fière, À chaque pas...
- Les lunettes de la grand'mère Et son nez long Dans son missel: le pot de bière - Cerclé de plomb,
Moussant entre les larges pipes Qui, crânement, Fument: les effroyables lippes Qui, tout fumant,
Happent le jambon aux fourchettes Tant, tant et plus: Le feu qui claire les couchettes Et les bahuts.
Les fesses luisantes et grasses D'un gros enfant Qui fourre, à genoux, dans les tasses, Son museau blanc
Frôlé par un mufle qui gronde D'un ton gentil, Et pourlèche la face ronde Du cher petit.....
.............................
Que de choses verrons-nous, chère, Dans ces taudis, Quand la flamme illumine, claire Les carreaux gris !...
- Puis, petite et toute nichée Dans les lilas Noirs et frais : la vitre cachée, Qui rit là-bas....
Tu viendras, tu viendras, je t'aime ! Ce sera beau. Tu viendras, n'est-ce pas, et même... - Citation :
- Elle. - Et mon bureau ?
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Dim 06 Déc 2009, 10:24 | |
| Judicieuse comparaison, Rotko ...
Cette poussière des choses
Cette poussière des choses pour jeter les choses dans l'air avec leur traîne de chimère magique.
Les choses en elles-mêmes avec leur air de longue pensée.
Et ailleurs rien que la transparence et le silence et c'est là qu'il faut assigner leur fantôme plus beau plus étrange et plus brillant qu'elles.
Voici le bruit et le signe voici la bouche et la main la parole et l'écriture le mot accouplé au mot ...
Alain Borne
(In Les fêtes sont fanées)
Toile de Wolfgang Mattheuer, dont je n'ai pu trouver le titre | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Lun 07 Déc 2009, 09:18 | |
| Ils vous ont enlevé vos couteaux, vos lacets, Vos maisons, vos jardins.
Ce n'était pas assez.
Ils vous ont poursuivis, ils vous ont pourchassés, Sur vos mains, sur vos pieds, leurs yeux se sont posés Pour guetter le non-sens.
Ce n'était pas assez.
Ils ont fermé sur vous les portes successives.
Ce n'était pas assez.
Vous preniez trop d'espace, Ils entendaient vos voix, ils entendaient vos pas. Ils ont poussé sur vous l'ombre Et les murs Qu'ils vous avaient laissés.
Ce n'était pas assez.
Ils auraient bien voulu murer vos cris, vos yeux. Ils auraient bien voulu que vous disparaissiez.
André Henry
Toile "La cour de prison", de Vincent Van Gogh | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 08 Déc 2009, 08:52 | |
| Cinq cents hivers Et que me sert de dire que tu avais raison Indien de ma mémoire ? Tu parlais de la Terre ta mère nourricière que le Blanc convoitait ... On ne croit pas au pire, on apprend la chanson qui sera notre Histoire : Fandango de la guerre, berceuse pour l'enfer et musées pour la paix ... Comme un vol de couteaux traversant l'Atlantique, de funèbres galions se sont plantés au Sud. Les soldats calibrés au modèle catholique n'ont pas su remercier l'Indien agenouillé ... Indien, mon frère, cinq cents hivers ont recouvert tes chants sacrés. Des rois, des reines, des mercenaires et des curés t'ont crucifié. Les clans et les tribus groupés dans les Nations vivaient dans le respect de notre Terre nourricière. Mais la foudre est venue, vomie par les canons; de nouveaux conquérants ont dévoré le Nord. De défaite en réserve, les vrais Américains ont perdu leur espoir et refermé leur esprit. Piétinée lentement par les Européens, la fierté des survivants a sombré dans la nuit ... Indien, mon frère, cinq cents hivers ...
Serge Utgé-Royo Discours du Chef Sealth dit Seattle (1854)- Spoiler:
L'homme blanc devra traiter les bêtes de cette terre comme ses frères...
Le Grand Chef de Washington nous a fait part de son désir d'acheter notre terre.
Le Grand Chef nous a fait part de son amitié et de ses sentiments bienveillants. Il est très généreux, car nous savons bien qu'il n'a pas grand besoin de notre amitié en retour.
Cependant, nous allons considérer votre offre, car nous savons que si nous ne vendons pas, l'homme blanc va venir avec ses fusils et va prendre notre terre.
Mais peut-on acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? Etrange idée pour nous ! Si nous ne sommes pas propriétaire de la fraîcheur de l'air, ni du miroitement de l'eau, comment pouvez-vous nous l'acheter ? Le moindre recoin de cette terre est sacré pour mon peuple. Chaque aiguille de pin luisante, chaque grève sablonneuse, chaque écharpe de brume dans le bois noir, chaque clairière, le bourdonnement des insectes, tout cela est sacré dans la mémoire et la vie de mon peuple. La sève qui coule dans les arbres porte les souvenirs de l'homme rouge. Les morts des hommes blancs, lorsqu'ils se promènent au milieu des étoiles, oublient leur terre natale. Nos morts n'oublient jamais la beautée de cette terre, car elle est la mère de l'homme rouge; nous faisons partie de cette terre comme elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos soeurs, le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères; les crêtes des montagnes, les sucs des prairies, le corps chaud du poney, et l'homme lui-même, tous appartiennent à la même famille. Ainsi, lorsqu'il nous demande d'acheter notre terre, le Grand Chef de Washington exige beaucoup de nous. Le Grand Chef nous a assuré qu'il nous réserverait un coin, où nous pourrions vivre confortablement, nous et nos enfants, et qu'il serait notre père, et nous ses enfants.
Nous allons donc considérer votre offre d'acheter notre terre, mais cela ne sera pas facile, car cette terre pour nous, est sacrée. L'eau étincelante des ruisseaux et des fleuves n'est pas de l'eau seulement; elle est le sang de nos ancêtres. Si nous vendons notre terre, vous devez vous souvenir qu'elle est sacrée, et vous devrez l'enseigner à vos enfants, et leur apprendre que chaque reflet spectral de l'eau claire des lacs raconte le passé et les souvenirs de mon peuple. Le murmure de l'eau est la voix du père de mon père. Les fleuves sont nos frères: ils étanchent notre soif. Les fleuves portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devrez vous souvenir que les fleuves sont vos frères et les vôtres, et l'enseigner à vos enfants, et vous devrez dorénavant leur témoigner la bonté que vous auriez pour un frère. L'homme rouge a toujours reculé devant l'homme blanc, comme la brume des montagnes s'enfuit devant le soleil levant. Mais les cendres de nos pères sont sacrées. Leurs tombes sont une terre sainte, ainsi, ces collines, ces arbres, ce coin de terre sont sacrés à nos yeux. Nous savons que l'homme blanc ne comprend pas nos pensées. Pour lui un lopin de terre en vaut un autre, car il est l'étranger qui vient de nuit piller la terre selon ses besoins. Le sol n'est pas son frère, mais son ennemi, et quand il l'a conquis, il poursuit sa route. Il laisse derrière lui les tombes de ses pères et ne s'en soucie pas. Les tombes de ses pères et le patrimoine de ses enfants sont oubliés. Il traite la terre, sa mère, et le ciel, son frère, comme des objets qu'on achète, qu'on pille, qu'on vend, comme des moutons ou des perles brillantes. Son appétit va engloutir la terre et ne laissera derrière lui qu'un désert. Je ne sais. Nos voies diffèrent de vos voies. La vue de vos villes blessent les yeux de l'homme rouge. Peut-être parce que l'homme rouge est un sauvage qui ne comprends pas. Il n'y a pas de lieu calme dans les villes de l'homme blanc, pas de place où entendre les feuilles qui se déroulent, au printemps, ou le bruissement des ailes d'insectes. Mais peut-être est-ce parce que je suis un sauvage qui ne comprend pas. Le fracas qui règne seul insulte l'oreille. Et à quoi bon vivre, si l'homme ne peut écouter le cri solitaire de l'engoulevent ou les palabres des grenouilles autour de la mare ?
Je suis un homme rouge, et je ne comprends pas. L'Indien préfère le doux bruit du vent effleurant la surface d'un étang, et le parfum du vent, lavé par la pluie de midi ou chargé de la senteur des pins. L'air est précieux à l'homme rouge, car toutes choses partagent le même souffle; les bêtes, les arbres, l'homme, tous participent au même souffle. L'homme blanc paraît indifférent à l'air qu'il respire. Comme un homme à l'agonie depuis des jours, il est insensible à la puanteur. Mais si nous vendons notre terre, vous devez vous souvenir que l'air nous est précieux, qu'à tous les êtres qu'il fait vivre il fait partager son esprit. Le vent qui a donné son premier souffle à notre aïeul reçoit aussi son dernier soupir. Et le vent doit aussi donner à nos enfants l'esprit de la vie. Si nous vendons notre terre, vous devez la conserver comme un lieu à part et sacré, où l'homme blanc lui-même puisse goûter la douceur du vent parfumé par les fleurs des prairies.
Nous allons donc considérer votre offre d'acheter notre terre. Si nous décidons de l'accepter, ce sera à une condition : l'homme blanc devra traiter les bêtes de cette terre comme ses frères. Je suis un sauvage et ne comprends pas les autres usages. J'ai vu mille buffles pourrir sur la prairie, abandonnés par l'homme blanc qui les avait abattus d'un train en marche. Je suis un sauvage qui ne comprends pas que le cheval de fer fumant puisse être plus important que le buffle, lui que nous tuons que pour rester en vie.
Qu'est l'homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes disparaissaient, l'homme mourrait de grande solitude de l'esprit. Car tout ce qui arrive aux bêtes ne tarde pas à arriver à l'homme.
Toutes choses sont liées.
Vous devez enseigner à vos enfants sur la terre, sous leurs pieds, est faite des cendres de nos grands-parents. Afin qu'ils la respectent, dites à vos enfant que la terre est riche de la vie de notre peuple. Apprenez à vos enfants ce que nous apprenons à nos enfants, que la terre est notre mère.
Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre.
Lorsque les hommes crachent sur la terre, ils crachent sur eux-mêmes. Nous le savons: la terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la terre. Nous le savons: toutes choses sont liées comme par le sang qui unit une même famille. Toutes choses sont liées. Tout ce qui arrive à la terre arrive au fils de la terre. L'homme n'a pas tissé la toile de la vie. Il n'est qu'un fil de tissu. Tout ce qu'il fait à la toile, il le fait à lui-même. Mais nous allons considérer votre offre d'aller dans la réserve que vous destinez à mon peuple. Nous vivrons à l'écart et en paix. Qu'importe où nous passerons le restant de nos jours. Nos enfants ont vu leurs pères humiliés dans la défaite. Nos guerriers ont connu la honte; après la défaite, ils coulent des jours oisifs et souillent leurs corps de nourritures douces et de boissons fortes. Qu'importe où nous passerons le reste de nos jours ? Ils ne sont plus nombreux. Encore quelques heures, quelques hivers, et il ne restera plus aucun enfants des grandes tribus qui vivaient autrefois sur cette terre, ou qui errent encore dans les bois, par petits groupes; aucun ne sera là pour pleurer sur les tombes d'un peuple autrefois aussi puissant, aussi plein d'espérance que le vôtre. Mais pourquoi pleurer sur la fin de mon peuple ? Les tribus sont faites d'hommes pas davantage. Les hommes viennent et s'en vont, comme les vagues de la mer.
Même l'homme blanc, dont Dieu marche avec lui et lui parle comme un ami avec son ami, ne peut échapper à la destinée commune. Peut-être sommes-nous frères malgré tout; nous verrons. Mais nous savons une chose que l'homme blanc découvrira peut-être un jour: notre Dieu est le même Dieu. Vous avez beau penser aujourd'hui que vous le posséder comme vous aimeriez posséder notre terre, vous ne le pouvez pas. Il est le Dieu des hommes, et sa compassion est la même pour l'homme rouge et pour l'homme blanc. La terre est précieuse à ses yeux, et qui porte atteinte à la terre couvre son créateur de mépris. Les Blancs passeront, eux aussi, et peut-être avant les autres tribus. Continuez à souiller votre lit, et une belle nuit, vous étoufferez dans vos propres déchets. Mais dans votre perte, vous brillerez de feux éclatants, allumés par la puissance de Dieu qui vous a amenés dans ce pays, et qui, dans un dessein connu de lui, vous a donné pouvoir sur cette terre et sur l'homme rouge. Cette destinée est pour nous un mystère; nous ne comprenons pas, lorsque tous les buffles sont massacrés, les chevaux sauvages domptés, lorsque les recoins secrets des forêts sont lourds de l'odeur d'hommes nombreux, l'aspect des collines mûres pour la moisson est abîmé par les câbles parlants. Où est le fourré . Disparu. Où est l'aigle ? Il n'est plus. Qu'est-ce que dire adieu au poney agile et à la chasse ? C'est finir de vivre et se mettre à survivre. Gardez en mémoire le souvenir de ce pays, tel qu'il est au moment où vous le prenez. Et de toute vos forces, de toute votre pensée, de tout votre coeur, préservez-le pour vos enfants, et aimez-le comme Dieu nous aime tous. Ainsi donc, nous allons considérer votre offre d'acheter notre terre. Et si nous acceptons, ce sera pour être bien sûrs de recevoir la réserve que vous nous avez promise. Là peut-être, nous pourrons finir les brèves journées qui nous restent à vivre selon nos désirs. Et lorsque le dernier homme rouge aura disparu de cette terre, et que son souvenir ne sera plus que l'ombre d'un nuage glissant sur la prairie, ces rives et ces forêts abriteront encore les esprits de mon peuple. Car ils aiment cette terre comme le nouveau-né aime le battement du coeur de sa mère. Ainsi, si nous vous vendons notre terre, aimez-la comme nous l'avons aimée. Prenez soin d'elle comme nous en avons pris soin. Nous savons une choses: notre Dieu est le même Dieu. Il aime cette terre. L'homme blanc lui-même ne peut pas échapper à la destinée commune. Peut-être somme-nous tous frères.
Nous verrons.
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 09 Déc 2009, 07:24 | |
| Mon Pays
Je vous viens d'un pays en dedans des souffrances Où je dois me créer grâce à mes créatures; J'y possède depuis mon premier souvenir Un cheval immobile qui mâche de biais Son trèfle et j'y possède ce trèfle qui lui tire En gamin sur les dents pour être enfin mangé.
Dans ce pays en dedans des souffrances, Le chuchotis du Temps n'alourdit plus les branches, Les mots tombent de moi, sans poids, plus nuls qu'un songe Où jamais ne s'émut que le remous d'une ombre; Trop imagés de mort pour n'être pas présages, Mes héros délivrés m'ont laissé leurs blessures.
Dans ce pays en dedans des souffrances, Voici ma joie, oui, joie, - semblable à ma torture: J'y murmure très seul des silences plus ténus Que moi-même ou parfois, triste plaisir trop pur, Au paradis de l'art d'où nul ne revient plus, Je poursuis sans nul but l'aventure des nues.
Seuls les jeux des oiseaux, des ruisseaux, des herbages, M'aident lorsque je veux descendre en votre sang Pour céder tous mes cris à l'amour des vivants, (Oh! pleurs, détruirez-vous d'eux à moi la distance?) A l'amour des passants, moi qui suis de passage Et qui ne prétends plus qu'à mon trop haut tourment.
Et lorsqu'au sol enfin j'accède en égaré, J'y suis contrebandier d'indicibles souffrances En me cachant de tous je les porte au marché, Contre elles dans un coin je demande en silence De ce vin qu'il me faut pour ne pas trop pleurer, Mais je n'insiste pas, je suis contrebandier.
Armand Robin
(In Ma Vie Sans Moi)
Toile "Turkey Pond", de Andrew Wyeth Pour faire connaissance avec ce poète : http://armandrobin.org/ | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Jeu 10 Déc 2009, 07:51 | |
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A la fenêtre, je sais qu'il y a des roses, des roses rouges d'arrière-automne, les plus hautes du rosier grimpant. Je n'ose les regarder, elles sont d'un autre monde, celui qui s'arrête au bord de ma fenêtre. Je me souviens d'avoir aimé les roses ; ce souvenir m'est odieux. Ne pas pouvoir oublier, voilà ce qui me dévore, et ces roses ne sont là, fleurs avancées du monde aux portes de l'enfer, que pour aviver le feu du souvenir ! Au-dessus des roses, je vois des arbres et des maisons, des arbres et des maisons quelconques; là-bas, la vie continue ; des femmes se penchent à la fenêtre, des enfants crient dans une cour, un tram démarre, une cloche sonne les heures; ici, le temps s'est arrêté.
Le tintement de l'horloge, au-dessous de ma chambre, n'est plus qu'un son bizarre, hallucinant, dont j'écoute les vibrations, dans mes nuits d'insomnie ; le sommeil, lui aussi, s'est arrêté. Il n'y a plus de temps ni de sommeil : rien qu'une effrayante mémoire. Petites dents d'une scie aiguë, les vibrations de l'horloge me font mal au cerveau. Je voudrais pouvoir les saisir au vol. comme on fait des mouches irritantes, et les réduire au silence. Par-dessus les arbres, il y a le ciel, visible par petits carrés, entre les barreaux de ma fenêtre, toujours hermétiquement close.
La maison dort, mais non ceux qui l'habitent. Un long cri, soudain, rompt le silence, secouant les chiens de garde, sévères molosses. D'autres chiens, au loin, leur répondent. Un pas sourd fait craquer le bois de l'escalier, une porte s'ouvre, se referme. A côté de ma chambre, une femme se traîne, en poussant des soupirs qui montent d'un abîme. Elle s'assied. Avec effroi, j'épie un bruit sec et saccadé, frottement d'un faible doigt sur la table. On dirait que cette femme s'épuise à effacer une tache, une petite tache imaginaire, qui lui ôte le repos. Je crois voir cette femme dormant, les yeux ouverts. Chaque nuit, la scène se répète, invariablement la même. "Arrête !" lui criai-je enfin. "Par pitié, ne me tourmente pas ainsi, ou demain, le jour se lèvera sur un homme mort, mystérieusement frappé, sans blessure apparente !" Il n'y a pas eu de réponse. La maison dort, mais ceux qui l'habitent continuent le jeu, mûs par la force qui gît dans les ténèbres, devant d'impassibles témoins.
Edmond-Henri Crisinel
(Alectone)
Toile "Les coteaux de Colleville", de Van Gogh | |
| | | Constance pilier
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| | | | Constance pilier
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| | | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 15 Déc 2009, 08:38 | |
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Les bois, les ruines
Et l'élégie se renouvelle Au silence - et comme un fleuve Dans nos voix s'y perdant. Que l'homme, sa dernière heure Le reçoive sans cris, Comme une gare mal éclairée Mais chaude encore. Je le suis, Ne voulant pas partir, ne voulant Qu'une voix, parmi les servantes Et l'eau des quais.
Mais, derrière la vitre, Tu étais la récitation Des prés et de l'histoire, le don Des hommes blancs, des bois Anéantis. Et ton silence est haut Comme l'auberge des idées, Avec sa chèvre Scintillante et les premiers chants, Puisque toute chose a reçu son nom Dans cette odeur de terre Et le premier silence.
Et puisque l'épée du temps Se refuse Et que les champs ameutés, Les douces plaines, S'accompagnent du soleil blanc Comme un berger, Marcher, se perdre, et se sentir Transi, sans aucune clôture Qui puisse retenir Tout le flot anuité, les perçantes Étoiles, les ombres, C'est cela, dans la clarté Du gaz ou la pluie, Que tu aimes à laisser s'enfuir Comme si peu d'années Pesaient sur tes épaules.
Ah qu'un charriot qui grince Au sommet d'une pente, Ou le gardien d'une maison fermée (Ses vergers, L'ombre des colonnes), Soient comptés par le silence Dans le récit sans nom. Rien ne nous connaît plus Sinon la crue des jours ; Rien ne nous veille, peut-être, Enfants à la mamelle, Et la barque est si proche ! Il faut tout dire, prier Pour qu'un livre lointain nous reçoive.
Tu te rapprocheras, tes yeux Attristés verront le vin des jours, Tu auras peur Un instant, Et tu verras l'Antiquité.
Une berge, l'éclair d'un fleuve, Et ce qui m'inspirait, La lumière se perdant, le vin, Le rêve des abeilles Affamées, C'était un autre fleuve, Comme une métaphore du flot des mains Priantes sur les feuilles, Ô combien, jour d'été, Je fus limon, mémoire, et flux, Je ne demandais rien.
Je m'arrêtais sous la meule Du soleil, je regardais, Dans les briques et les affiches sales, La piété du temps. Or toi, Tu t'exclamais, jeune fille Aux yeux de génisse, Sauvant des airs les phrases Ou la beauté d'un temple Parmi les pins, Comme si la chaussée, les douces Prostituées assises sur un talus Devaient être aussi là Pour ton amour.
Un vin sanglant Sur la jeunesse du ciel, Une moto passait Près des ruines.
Michel Orgel
(in Élégie, suivi de Parva Domus)
Toile "Les ruines d'Hampi", de Laurence Koenig | |
| | | Izoux pilier
Nombre de messages : 60 Age : 71 Date d'inscription : 19/11/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 15 Déc 2009, 22:13 | |
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| | | Izoux pilier
Nombre de messages : 60 Age : 71 Date d'inscription : 19/11/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mar 15 Déc 2009, 22:25 | |
| Elle donna un coup d’œil aux fauteuils assemblés devant la cheminée, à la table à thé, qui brillait dans l'ombre, et aux grandes gerbes pâles des fleurs, montant au-dessus des vases de Chine. Elle enfonça la main dans les branches fleuries des obiers pour faire jouer leurs boules argentées. Tout à coup, elle se regarda de loin dans une glace avec une attention sérieuse. La taille cambrée, la joue sur l'épaule, elle suivait de l'œil les ondulations de sa forme longue dans le fourreau de satin noir autour duquel flottait une tunique légère, semée de perles où tremblaient des feux sombres. Puis elle s'approcha de la glace, curieuse de connaître son visage de ce jour-là. L'image lui renvoya un regard tranquille, comme si cette aimable femme, qu'elle examinait et qui ne lui déplaisait pas, vivait sans joie aiguë et sans tristesse profonde. Aux murs du grand salon vide, les figures des tapisseries, vagues comme des ombres, pâlissaient parmi leurs jeux antiques, en leurs grâces mourantes. Comme elles, les statuettes de terre cuite élevées sur des colonnettes, les groupes de vieux saxe et les peintures de Sèvres, étagés dans les vitrines, disaient des choses passées. Sur un socle garni de bronzes précieux, le buste de marbre de quelque princesse royale, déguisée en Diane, le visage chiffonné, la poitrine audacieuse, s'échappait de sa draperie tourmentée, tandis qu'au plafond une Nuit, poudrée comme une marquise et environnée d'Amours, semait des fleurs. Tout sommeillait et l'on n'entendait que le pétillement du feu et le bruissement léger des perles dans la gaze. S'étant détournée de la glace, elle alla soulever le coin d'un rideau et vit par la fenêtre, à travers les arbres noirs du quai, sous un jour blême, la Seine traîner ses moires jaunes. L'ennui du ciel et de l'eau se réfléchissait dans ses prunelles d'un gris fin. Le bateau passa, l'Hirondelle, débouchant d'une arche du pont de l'Alma et portant d'humbles voyageurs vers Grenelle et Billancourt. Elle le suivit du regard tandis qu'il dérivait dans le courant fangeux, puis elle laissa retomber le rideau et, s'étant assise à son coin accoutumé du canapé, sous les buissons de fleurs, elle prit un livre jeté sur la table, à portée de sa main. Sur la couverture de toile paille brillait ce titre en or : Yseult la Blonde, par Vivian Bell. C'était un recueil de vers français composés par une Anglaise et imprimés à Londres. Elle l'ouvrit et lut au hasard :
Quand la cloche, faisant comme qui chante et prie, Dit dans le ciel ému : « Je vous salue, Marie », La vierge, en visitant les pommiers du verger, Frissonne d'avoir vu venir le messager Qui lui présente un lys rouge et tel qu'on désire Mourir de son parfum sitôt qu'on le respire.
La vierge au jardin clos, dans la douceur du soir, Sent l'âme lui monter aux lèvres, et croit voir Couler sa vie ainsi qu'un ruisseau qui s'épanche En limpide filet de sa poitrine blanche.
Elle lisait, indifférente, distraite, attendant ses visites et songeant moins à la poésie qu'à la poétesse, cette miss Bell qui était peut-être son amie la plus agréable et qu'elle ne voyait presque jamais, qui, à chacune de leurs rencontres si rares, l'embrassait en l'appelant darling, lui donnait brusquement du bec sur la joue, et gazouillait ; qui, laide et séduisante, presque un peu ridicule et tout à fait exquise, vivait à Fiesole, en esthète et en philosophe, cependant que l'Angleterre la célébrait comme sa poétesse la plus aimée. Ainsi que Vernon Lee et que Mary Robinson, elle s'était éprise de la vie et de l'art toscans ; et, sans même achever son Tristan, dont la première partie avait inspiré à Burne-Jones de rêveuses aquarelles, elle faisait des vers provençaux et des vers français sur des pensées italiennes. Elle avait envoyé son Yseult la Blonde à darling avec une lettre pour l'inviter à passer un mois chez elle à Fiesole. Elle avait écrit : « Venez, vous verrez les plus belles choses du monde et vous les embellirez. »
Anatole France " Le Lys rouge" Éditions Gallimard la Pléiade, tome II | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 16 Déc 2009, 06:45 | |
| tiens, Anatole France ! j'ai l'impression que les invectives des surrealistes l'ont mis à l'ombre et que c'est bien injuste.
On ose difficilement parler de lui après les quolibets dont il fut victime. Kundera, jeune débarqué sur l'hexagone et peu au courant des modes, s'etait vu reprocher par son éditeur d'avoir dit en public son admiration pour Anatole France.... | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 16 Déc 2009, 09:32 | |
| "Puisqu'il ne s'agit aujourd'hui que de déposer une palme sur un cercueil, qu'elle soit aussi lourde que possible", écrivit Phillippe Soupault, en réponse aux articles laudatifs et grandiloquents de la presse officielle qui pleurait la mort d'Anatole France ... mais, entre autres, (Joseph Delteil, Drieu la Rochelle, Breton) Eluard ne fut pas en reste : " Tes semblables, cadavre, nous ne les aimons pas" Cependant, il faudrait trouver l'explication de cette haine dans ce propos de Louis Aragon : " Encore un qui a vécu en cet âge d'or, d'avant la guerre, à quoi nous ne comprenons rien" [...] "avec France, c'est un peu de la servilité humaine qui s'en va" ... Ce serait donc une affaire de générations, mais également un rejet de l'écriture académique, érigée en art officiel par les tenants du conservatisme littéraire ... Pour comprendre cette haine, j'ai entrepris de lire "La Rôtisserie de la reine Pédauque", et j'ai très rapidement abandonné : style laborieux, compassé, jouant sur l'effet de périodes, mais hélas en totale disharmonie ... quant au sujet, on comprend pourquoi A. France méprisait le style naturaliste de Zola ... bref ! il était grand temps de dépoussièrer la littérature française ... merci les surréalistes ! | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 16 Déc 2009, 16:42 | |
| La prisonnière
Elle n'est rien pour moi, ni femme, ni maîtresse, Ni fille; mais son avenir, Mais son destin viennent hanter sans cesse Mes nuits sans me laisser dormir;
Et je m'éveille alors en songeant à sa vie Dans la prison humide et sombre, A l'étroite fenêtre avec sa haute grille, A son grabat dans la pénombre.
Elle tourne vers moi ses yeux secs et sévères, Son regard me poursuit sans cesse ... De sa couche s'échappe et tombe jusqu'à terre Sa chevelure aux sombres tresses;
Je vois sa jeune bouche et ses mains qu'elle serre, Pâles et fines sur son sein, Où bat un coeur glacé qui ne s'émeut plus guère Et qui n'attend déjà plus rien.
Qu'est-elle donc pour moi ? Ni femme, ni maîtresse, Ni fille; mais son avenir, Mais son destin maudit, ses traits et leur détresse, La nuit m'empêchent de dormir.
Jacques Polonski
(Anthologie de la poésie russe, NRF Gallimard)
Toile "La fée déchue", d'Anne Naudhiz- Spoiler:
Poème inspiré par la jeune terroriste Vera Sassoulitch
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| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Mer 16 Déc 2009, 20:19 | |
| il est si beau ce poème, Constance ! suis triste. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Mer 16 Déc 2009, 20:25 | |
| Ne sois pas triste, Lysandre ... ... Vera a finalement été libérée, et elle a ainsi pu continuer à poser des bombinettes ... | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Mer 16 Déc 2009, 20:29 | |
| chic ! j'ai deux grenades à lui filer | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Mer 16 Déc 2009, 20:31 | |
| n'oublie pas que j'habite à deux pas du pays basque !!!!! | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Ven 18 Déc 2009, 17:18 | |
| Vision
A Puvis de Chavannes
Dans l'ambiguë Forêt des Heures, nous rencontrâmes une Dame à la chevelure d'amandier en fleur. Ses pommettes roses mettaient à cette femme un air d'enfance à la Puvis de Chavannes, mais de plus près la figure me parut craquelée de ridettes à la manière d'un Dürer.
- "Jeune et jolie vieille, d'où viens-tu ?"
- "De l'Orient"
- "Jeune et jolie vieille, où donc vas-tu ? "
- "Vers l'Occident."
Sa voix avait le son fané du clavecin.
- "Ton nom, fantôme ? "
- "Ce nom te fait pleurer chaque fois qu'il vient boire au creux de ta mémoire."
Mon coeur se prit à battre ainsi que le balancier de la lointaine horloge de ma nourrice, magistralement ... Alors, m'enrubannant le col de ses deux bras de revenante, à l'ombre fugitive d'un vol suprême d'hirondelles, se nomma la Dame :
- "Ta jeunesse ! " Dit-elle.
Le ciel était couleur de nos cendres humaines.
Saint-Pol-Roux
(La rose et les épines du chemin, in Les Reposoirs de la procession I)
Toile de Pierre Puvis de Chavannes | |
| | | olischnei neophyte
Nombre de messages : 3 Localisation : paris Date d'inscription : 19/12/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Sam 19 Déc 2009, 18:55 | |
| très riche choix de poèmes, merci beaucoup pour la lecture Mais comment faites vous pour dénicher toutes ces merveilles? | |
| | | Genji pilier
Nombre de messages : 205 Date d'inscription : 07/06/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Jeu 24 Déc 2009, 15:22 | |
| Ce Jour-là.
Viendra un jour où je partirai sans me retourner vers cette forêt de bras tendus. Je n'ouvrirai pas les yeux, ayant pour me guider des repères inconnus des hommes. J'aurai quelques regrets de m'en aller ainsi, les yeux clos, mais d'autres certitudes habiteront mon nom. Viendra un jour où les voix nocturnes des sirènes ne réussiront plus à me charmer; j'aurai changé d'avis sur tout. Du moins m'efforcerai-je de le croire. Il sera trop tard, mes amis. Je ne percevrai plus vos voix, vous ne règnerez plus sans partage sur mes jours. Dans mes nuits d'insomnie, le sang ne ruissellera plus sur les draps trop blancs... Le passé sera un suaire, troué, que j'exhiberai farouchement, défendant cette guenille contre les visées des audacieux. Je n'aurai plus de drapeau - en ai-je déjà possédé un, d'ailleurs, sinon dans mon extrême enfance ? Certes, l'odeur de la glycine n'aura pas disparu. Je retrouverai sans peine ce chemin évaporé dans l'éther. Viendra un jour...
Denis Emorine, Au Chevet des Mots. | |
| | | Izoux pilier
Nombre de messages : 60 Age : 71 Date d'inscription : 19/11/2009
| | | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Poème du jour Lun 28 Déc 2009, 13:19 | |
| Tout à fait, Izoux ... Je ne connaissais pas Denis Emorine, Genji ... merci de m'avoir fait découvrir ce poète ...
Minuit
Le vent bouscule les plus gros déménageurs
Dont les meubles sortent en tumulte de la forêt.
A l'hôpital le silence s'étale plus qu'ailleurs
Quand l'homme se démeuble au dernier degré.
Il va mourir. Rien ne bouge et plus rien ne passe.
Il est l'homme étalé comme une bête de surface,
Descendu de ses hauteurs, remonté de ses profondeurs,
A l'hôpital il y a des murs plus qu'ailleurs.
Rien ne passe à travers quand l'attentat ultime
Rapproche les paupières pour qu'elles se suppriment,
Et quand la glace brûlante pose une bonne couche
Au-dessus du mal pour en cautériser la bouche.
Moi je ne dis mot, pour garder l'espoir d'un accord.
Nous serions disposés à abandonner ce corps
S'il n'était déjà si solitaire dans le drame,
Il fait toujours minuit quand on parle de l'âme.
Chahour Kerestedjian, dit Armen Lubin
(In Le passager clandestin, Sainte Patience, Les Hautes Terrasses et autres poèmes / Poésie/Gallimard. )
Visage à l'encre, de Emil Nolde | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: poème du jour Lun 28 Déc 2009, 15:33 | |
| Vision, me déchire le coeur, tant de douceur et de résignation.... | |
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