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Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
Sujet: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Lun 24 Aoû 2009, 19:01
Toujours mercredi, Un Prophète de Jacques Audiard, avec Tahar Rahim que j'avais découvert dans La Commune sur Canal+.
Citation :
Condamné à six ans de prison, Malik El Djebena ne sait ni lire, ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul au monde, il paraît plus jeune, plus fragile que les autres détenus. Il a 19 ans. D'emblée, il tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers corses qui fait régner sa loi dans la prison. Le jeune homme apprend vite. Au fil des " missions ", il s'endurcit et gagne la confiance des Corses. Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer discrètement son propre réseau...
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Jacques Audiard : un prophète Mar 25 Aoû 2009, 05:25
Jacques Audiard et Tahar Brahim ont réalisé un long-métrage sur la prison d'une facture quasi-documentaire, "Un prophète"
Citation :
Avec son "Prophète", Jacques Audiard livre un film complexe, dur et dérangeant, sans aucun doute proche de la réalité de nos centres de détention, ceux-là mêmes où les prisonniers se donnent la mort, au rythme d'un suicide tous les trois jours.
Ici, le cinéaste français offre à ses spectateurs 2h29 d'immersion totale en milieu carcéral français, un monde quasi inconnu, tant il est fermé aux médias et ignoré par le cinéma. Un huis clos pénible avec ses cellules, ses grillages, ses lits en fer et ses lavabos en émail taché
l'article du nouvel observateur.
Citation :
ce qu'il faut bien appeler un chef-d'oeuvre. Il se livre à une plongée hyperréaliste dans le monde carcéral où règnent la violence, la corruption, le racisme, mais présenté comme une société normale appartenant à une autre dimension. Pas question de document, de pamphlet, de bons et de méchants, de moralité ou d'immoralité.
dit le telegramme journal breton, donc fiable.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Mer 26 Aoû 2009, 05:04
Citation :
C'est un thriller, au sens le plus strict du terme : un film qui fait naître des sensations violentes, qui provoque des poussées d'adrénaline, fait peur, révulse et exalte. Cette fantaisie brutale et virtuose s'appuie sur une constante attention à la réalité, dans ses moindres détails : du décor au vocabulaire, des postures aux costumes, des bruits aux patronymes des personnages, Un prophète est aussi un document sur la prison en France aujourd'hui
.
Citation :
Construit autour d'un duo, le film fait vivre une société d'hommes, d'où émergent des figures séduisantes ou déconcertantes, Ryad, le meilleur ami (Adel Bencherif), Reyeb (Hichem Yacoubi), le maître spirituel (dont je vous laisse découvrir le statut, qui sort un peu des règles du film de gangsters), et des clans. Ici, les Corses de Luciani incarnent l'ordre ancien, et les "barbus", musulmans, la génération montante.
le Monde.
caroline pilier
Nombre de messages : 432 Date d'inscription : 21/06/2008
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Jeu 03 Sep 2009, 09:19
Ah la la, qu'est ce que ça m'énerve dès qu'un film traite d'un sujet disons d'actualité, qu'on ramène toujours ça au "quasi documentaire" ou "réalisme", avec tous les problèmes que ça entraîne ! Un exemple : n'y a-t-il vraiment qu'UN prisonnier par cellule en France ? Quant à y voir un film qui traite du racisme, il faut vraiment chercher à se raccrocher à des sujets d'actualité. Oui, il y a des barbus dans le film, et il s'agit de lutte de pouvoir, pas de racisme !
Sinon le film est magistral de subtilité, d'ironie et de justesse. À voir absolument pour tout ce qu'il montre de ce qu'est devenu notre société. Car à travers le personnage de Malik, Audiard parle selon moi de ce qu'on amène l'individu à faire pour s'en sortir.
Nymphéa pilier
Nombre de messages : 1480 Age : 70 Localisation : Nord Date d'inscription : 28/12/2008
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 20 Sep 2009, 10:25
Vu le film hier et plutôt déçue. Les rapports humains sont bien rendus et surtout par le jeu des acteurs qui sont bons, si ce n'est excellents. Il ne s'agit pas de racisme, comme le dit justement Caroline, mais de rapports de forces. Le grand banditismes et ses trafics vu à l'échelle de la prison. Rapports de force donc et luttes de pouvoir. Quant à la vie des prisons, je trouve le tableau bien édulcoré!!! On est loin d'une dénonciation... Et le côté "oeuvre d'art" avec les visions de Malik et les tableaux oniriques éloigne aussi du documentaire et d'une vision réaliste, donc critique.
Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Lun 21 Sep 2009, 18:30
On est loin du chef-d'œuvre tant promis. Malgré tout, ça reste un très bon film, notamment grâce aux excellents acteurs. A part ça, que dire?? La vision critique n'est pas si présente que ça, même si j'y ai vu, au contraire de vous tous, le racisme omni-présent. Luttes de pouvoirs, violence, corruption... Rien de nouveau sous le soleil. Pour ceux qui connaissent la série Oz, je trouve que ce film n'atteint pas son niveau de réalisme. Alors bien sûr, c'est une œuvre de fiction... Bilan : je suis vraiment partagé, perplexe
caroline pilier
Nombre de messages : 432 Date d'inscription : 21/06/2008
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Mar 22 Sep 2009, 14:01
Nymphéa a écrit:
Quant à la vie des prisons, je trouve le tableau bien édulcoré!!! On est loin d'une dénonciation... Et le côté "oeuvre d'art" avec les visions de Malik et les tableaux oniriques éloigne aussi du documentaire et d'une vision réaliste, donc critique.
Encore faudrait-il qu'Audiard ait voulu faire un film de dénonciation sur l'état des prisons... Le meilleur moyen pour être déçu par un film c'est d'y chercher ce qui ne s'y trouve pas. Ceci dit sans reproche Juste un constat récurrent, comme je le disais précédemment, sur cette quête de réalisme.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Sam 12 Déc 2009, 06:17
"Un Prophète", drame en milieu carcéral du réalisateur Jacques Audiard, a reçu le prix Louis Delluc 2009 du meilleur film français de l'année.
marxou pilier
Nombre de messages : 204 Age : 42 Localisation : europe Date d'inscription : 16/11/2009
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Lun 14 Déc 2009, 22:10
Totalement d'accord avec Caroline sur l'aspect documentaire.
Pour le reste c'est pour moi du grand cinéma populaire, ni arty ni putassier, mais juste, sensible et palpitant. La lettre de Ryad lue en voix off, les confrontations entre le héros et ses deux pères, le Corse et Reyeb, la violence très crue, les bruits incessants de la prison, véritable bande-son lancinante, les jeux dans la neige avec ces durs-à-cuire redevenus l'espace de quelques instants des gosses, la volonté de Malik de rester sur la plage à Marseille (on peut imaginer qu'il n'avait jamais vu la mer) plutôt que de profiter d'une bonne pipe, tout ça a fait mon bonheur.
Audiard reste fidèle à ses thématiques, en particulier la relation père-fils. On se dit aussi que Michel ne devait pas être un tendre.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Ven 22 Jan 2010, 10:11
Bien d'accord avec vous, ce n'est pas un documentaire sur les prisons (impossible de courir dans une cellule de mitard etc.) mais un film oppressant de lutte des clans auxquels on ne peut échapper.
D'un côté le clan corse raciste, l’esprit clanique des Maghrébins qui compromet jusqu’à l’imam et retentit sur la famille.
C'est le monde des trafics en tout genre auxquels participent malgré eux avocats, matons, amis, et co-religionnaires, avec conspirations, trahisons, et doubles jeux : tout finit par se savoir, de tous, et viendront les règlements de comptes.
Acteurs excellents, avec visages de circonstance, à frémir !, couleurs ternes, et violences inattendues des tabassages eclairs qui rompent l'espionnage permanent et la tension constante.
Comme Marxou, j'ai apprécié la bande-son, le bruit des portes et les cris en arrière-fond.
Sur le coup, on est fortement impressionné par les prestations, le decor et les pratiques.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Ven 22 Jan 2010, 17:25
rotko a écrit:
Sur le coup, on est fortement impressionné par les prestations, le decor et les pratiques.
Le film souffre de la comparaison avec Vincere de Bellocchio, dans la façon de filmer...
Citation :
Ce drame carcéral, déjà récompensé du Grand Prix du Festival de Cannes et du Prix Louis-Delluc en 2009, concourt dans les catégories du meilleur film, du meilleur scénario et du meilleur réalisateur. En lice pour six Césars techniques.
Révélation du film, Tahar Rahim figure à la fois sur la liste des meilleurs espoirs masculins...
L'oeuvre de Jacques Audiard représentera la France dans la catégorie du meilleur film étranger aux Oscars américains, le 7 mars prochain à Los Angeles.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 28 Fév 2010, 06:47
Césars : victoire sans partage d'Un Prophète de Jacques Audiard. 9 trophées, meilleur film, meilleur réalisateur, et double trophée pour Tahar Rahim, à la fois meilleur acteur et meilleur espoir.
Meilleure actrice : Isabelle Adjani dans La journée de la jupe Meilleur acteur dans un second rôle : Niels Arestrup pour Un Prophète Meilleure actrice dans un second rôle : Emmanuelle Devos pour A L'Origine Meilleure adaptation : Stéphane Brizé et Florence Vignon pour Mademoiselle Chambon.
marxou pilier
Nombre de messages : 204 Age : 42 Localisation : europe Date d'inscription : 16/11/2009
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 21 Mar 2010, 15:14
rotko a écrit:
Sur le coup, on est fortement impressionné par les prestations, le decor et les pratiques.
Le film souffre de la comparaison avec Vincere de Bellocchio, dans la façon de filmer...
Sans doute mais ce sont deux films aux ambitions très différentes. Autant comparer Bergman à Melville
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 21 Mar 2010, 18:08
rotko a écrit:
Sur le coup, on est fortement impressionné par les prestations, le decor et les pratiques.
Le film souffre de la comparaison avec Vincere de Bellocchio, dans la façon de filmer...[/quote]
marxou a écrit:
Sans doute mais ce sont deux films aux ambitions très différentes. Autant comparer Bergman à Melville
tu as raison, mais j'ai vu les deux films à la suite, d'où cette comparaison effectivement arbitraire
Bridget Jones pilier
Nombre de messages : 806 Age : 63 Localisation : Genève Date d'inscription : 09/03/2009
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 21 Mar 2010, 19:20
Ce film m'a laissé un sentiment mitigé....
Alors oui, il a plein de qualités, mais tout le long, j'avais l'impression d'avoir été trompée sur la marchandises (9 Césars, candidats aux Oscars, louanges tous azimut, etc...) Je ne me suis pas ennuyée et le film donne certainement une image réelle de la vie derrière les barreaux, mais... Comme Nymphéa (je crois), j'ai de la peine à adhérer à l'aspect "réaliste" du film. Il me semble que c'est plutôt un film de gangsters, truffé d'incohérences - voir ci-dessous, je mets en "spoiler", pour ceux qui n'auraient pas vu le film...
Spoiler:
Il y a plusieurs passages que je n’ai franchement pas compris. Par exemple quand Luciani confie son téléphone mobile à Malik puisque, apparamment, malgré les matons qui lui mangent dans la main, Luciani ne peut pas avoir de téléphone. Ensuite, quand le téléphone sonne, Malik le lui balance dans sa cellule avec un drap ou qqch qui fait office de corde (impossible à avoir dans une prison, à cause du risque de pendaison). Ils ont évidemment des cellules adjacentes.
Ou encore le fait que Malik doive se rendre en personne à Marseille pendant une permission de sortie pour négocier. Luciani n’a-t-il réellement personne sur place, à Marseille, qui pourrait s’occuper de ces pourparlers ? Plus loin dans le film, on voit Malik parler business au téléphone, donc Luciani aurait tout aussi bien pu régler son bizness par téléphone depuis la prison… mais évidemment, ça n’aurait pas donné lieu à tout ce passage où Malik découvre l’avion. J’ai adoré le fait qu’il tire la langue au contrôle de sécurité ! Je vais faire ça la prochaine fois, tiens !
Malik n’est pas particulièrement tourmenté par sa conscience après son premier meurtre. Le fantôme de sa victime vient lui rendre visite, mais ça se passe plutôt dans la sérénité. J’aurais aimé qu’Audiard exploite davantage le côté rêverie et fantasmagorie. J’ai bien aimé le cauchemar où Malik revit la scène du meurtre, ou encore la scène où il voit gambader des chevreuils.
Et à la fin, les deux beurs tout seuls savent quels sont les Ritals à abattre. Dans la fusillade dans la voiture blindée, ils savent qui est le Padre, ils arrivent à l’épargner. Ils arrivent à le traîner et à l’embarquer dans leur voiture, tout ça sans entrave aucune. C’est cool Paris ! Ils laissent le Padre et Santi, tous deux groggys, régler leurs comptes…. Et voilà ! Après 40 jours au mitard, Malik s’est fait des amis parmi les "bougnoules" de la prison (je reprends le terme utilisé par les Corses, car c’est comme tels qu’ils sont perçus dans la prison) et il devient vizir à la place du vizir.
Ah oui: les matons sont tous "Français de souche" et les prisonniers sont corses, arabes ou gitans... J'ai trouvé ça légèrement dérangeant. Alors: hyper-réalisme ou fiction de cinéma?
De façon générale, j’ai trouvé les intrigues de gang beaucoup trop compliquées à suivre.
A part ça, j’ai trouvé tous les acteurs excellents, la description du milieu carcéral est certainement fidèle. Le film devrait d’ailleurs encourager les petits voyous à se tenir à carreau…. Une amie connaît qqn dont le fils est incarcéré en France : c’est la famille du détenu qui doit s’occuper de sa lessive. Pas de famille : tu portes les mêmes vêtements pendant 6 ou 12 ans… Peut-être qu’il y a quand même des services de bienfaisance qui aident les prisonniers quand ils n’ont personne dehors. Et les premières années, il n'avait pas de cellule privée.
Je dois dire que je ne comprends pas le titre du film. Il aurait plutôt dû s’appeler "Le bon élève", car en effet, Malik a appris de Luciani comment tirer les ficelles, comment se faire respecter et obéir. Je ne vois nulle part de prophétie…. Ce n'est quand même pas parce qu'il a dit "attention, il y a des bêtes" que le film s'appelle Un Prophète, ce serait débile. Selon vous, une fois sorti de prison, il se range et mène une vie normale ou devient-il caïd et chef de gang ? Pourquoi voit-on ces trois voitures menaçantes derrière lui ? Je pensais qu’il allait immédiatement se faire dézinguer.
Sans doute qu'il y aurait encore des tonnes de choses à dire. Globalement, j'ai trouvé plutôt pas mal, mais j'ai de la peine à suivre le raz-de-marée de louanges pour ce film
PS: j'ai trouvé la musique additionnelle extrêmement dérangeante et pas à sa place.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 03 Juin 2012, 16:33
de rouille et d'os
c'est tiré du roman de Craig Davidson. CF. un entretien dans l'Express
Ça commence dans le Nord. Ali se retrouve avec Sam, 5 ans, sur les bras. . Sans domicile, sans argent et sans amis, Ali trouve refuge chez sa sœur à Antibes. A la suite d’une bagarre dans une boîte de nuit, son destin croise celui de Stéphanie. Il la ramène chez elle et lui laisse son téléphone. Il est pauvre ; elle est belle et pleine d’assurance. C’est une princesse. Tout les oppose. Stéphanie est dresseuse d’orques au Marineland.[...]Quand Ali la retrouve, la princesse est tassée dans un fauteuil roulant : elle a perdu ses jambes et pas mal d’illusions.
Audiard joue la concision, et il dérange son spectateur avec des personnages frustes, au langage direct. Il réalise un film très physique sur des réalités qui ne sont pas notre quotidien. Il surprend essentiellement par ses personnages, car pour les prises de vue, il lui arrive de faire des coquetteries.
Il faut aller voir ce film, le laisser décanter, car on en a besoin.
Dès le début, la camera se pose sur des pieds rapides, on attend un enfant, c'est un adulte qui se présente, l'enfant viendra ensuite. C'est symptomatique du film.
Face une relation inédite entre Ali et Stephanie, qui semble leur convenir, voire épanouir Stephanie, le spectateur est ensuite pris à contre-pied, aiguillé dans une autre direction. Rien n'est figé et les personnages vont évoluer. Audiard serait donc optimiste et confiant avec ses personnages...
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Dim 03 Juin 2012, 17:11
Je n'en dis que le minimum. J'espère que vous irez voir De Rouille et d'oset qu'on pourra échanger sur ce film, sur sa brutalité, et sur la violence souterraine de la société, à plusieurs niveaux.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Lun 04 Juin 2012, 07:35
Cinq (ou six ?) raisons, futiles ou essentielles, pour aller voir absolument de Rouille et d’Os
- Découvrir les débrouilles et trafics divers pour survivre tant bien que mal, quand on est sans domicile, sans thune, mais costaud..
- éprouver la solitude et le désarroi d’une amputée des deux jambes : comment le réalisateur a-t-il pu faire tourner Marion Cotillard dans ces conditions ?
- Faut-il désespérer des égoïste forcenés ? même s’ils peuvent rendre occasionnellement service, on se demande d’ailleurs pourquoi.
- les combines des « costumes trois pièces » pour éloigner les gêneurs des grands magasins qu’ils gérent à leur guise.
- En quoi Jacques Audiard le brutal est un humaniste au ton direct, et quel serait le message ultime du film dans les dernières images.
- comprendre le titre.
Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Lun 25 Juin 2012, 11:13
Vu hier. Un bijou ! Je laisse décanter...
Je n'étais pas une fan hyper-enthousiaste de Marion Cotillard. Jusqu'à hier !
Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Jeu 28 Juin 2012, 15:47
On a toujours besoin d'un technicien chez soi ! Je m'interrogeais sur la signification des tatouages que se fait faire Stéphanie : le mot "DROITE" sur la cuisse droite et le mot "GAUCHE" sur la cuisse gauche, avec le E final (celui du côté des moignons) à l'envers. Comme ça : GAUCHƎ et DROITƎ.
J'ai cherché sur internet mais je semble être la seule à me poser la question. Et puis... j'ai posé la question à un ami qui fait de la conception industrielle, totalement par hasard (nous discutions du film et la question est revenue à mon esprit).
Réponse : l'optique géométrique et le principe du miroir et du retour inverse : "si un rayon lumineux passe de A en B, un rayon lumineux issu de B prendra le même chemin pour aller en A".
Traduction pour le film : le E à l'envers marque le "terminus" et dit : "ici, c'est la fin, faites demi-tour".
Je trouve l'idée très belle. Comme quoi, parfois, il vaut mieux poser ce genre de question à un technicien qu'à un critique de cinéma.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Jeu 28 Juin 2012, 15:50
instructif en effet ! et le titre ? pourquoi la rouille ? rappelle ton technicien !
Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Jeu 28 Juin 2012, 15:57
rotko a écrit:
instructif en effet ! et le titre ? pourquoi la rouille ? rappelle ton technicien !
Je ne voudrais pas avoir l'impression d'abuser ni prendre le risque qu'il prenne la grosse tête.
La réponse de Jacques Audiard himself (ben oui quoi, suffisait de lui poser la question) : « Un dialogue off entre le personnage masculin, interprété par Matthias Schoenaerts, et celui de Marion Cotillard est longtemps resté au montage. Il était en train de se battre, alors qu’elle était dans la voiture. Quand il se prenait des coups, il disait : "C’est à ce moment-là que tu as dans la bouche un goût de rouille et d’os." Elle s’étonnait que l’os ait un goût, et il lui répondait qu’à ce moment précis, la violence avait ce goût. »
Bon, en fait, c'est Marianne qui me l'a dit.
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Jeu 28 Juin 2012, 16:13
merci de ta bonne réponse !
et le film ? tu vas en parler ? moi j'ai fait dans le style invitation-tract ("rédaction articulée" qu'ils disent pour ce type de message ).
Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Jeu 28 Juin 2012, 16:15
rotko a écrit:
et le film ? tu vas en parler ?
Rien ne vient : je le trouve tellement juste, sobre et allant de soi ! Faut le voir, quoi !!!
nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
Sujet: Re: Jacques Audiard, de rouille et d'os. Mar 03 Juil 2012, 21:31
Il est curieux de constater combien il est difficile de parler d’un film qu’on vient de voir. J’ai vu De rouille et d’os dimanche. Il m’est d’abord resté dans la tête une musique, des images flashs, quelques scènes saisissantes et le visage si expressif de Marion Cotillard, le tout baignant dans une sorte de lyrisme surprenant vu le sujet et le contexte. Le film est long, presque deux heures, mais je n’ai pas vu le temps passer. Je crois qu’il doit beaucoup au jeu des deux acteurs principaux mais aussi à la mise en scène très soignée. Tous les ingrédients du mélodrame sont là mais Audiard, chaque fois, s’arrête juste à temps, et l’émotion vraie naît.
Ali et Stéphanie, si différents à tous égards, ont pourtant un point commun : ils ne savent pas aimer, ils ne savent pas non plus se servir des mots pour communiquer. Grâce à leur rencontre fortuite et à l’accident brutal qui prive Stéphanie de ses jambes, au prix d’hésitations, d’erreurs et d’obstacles à franchir, ils vont apprendre au fil des jours à aimer et à parler. La violence est là et il faut bien faire avec : celle d’un amant brutal pour Stéphanie, celle d’une société cynique qui broie les plus faibles et ne donne une pseudo-existence qu’à ceux qui, comme Ali, sont doués d’une force physique peu commune. On aurait pu penser que le film allait développer le thème du handicap à accepter et à surmonter ; mais l’essentiel est ailleurs, il est, me semble-t-il, dans cet apprentissage des deux héros à se rapprocher de l’autre (Ali et sa sœur, Ali et son fils, Ali et Stéphanie…) mais aussi à s’accepter soi-même (Stéphanie surtout). D’un bout à l’autre du film, j’ai aussi perçu, par petites touches, le leitmotiv que, chez l’être le plus fruste, il peut y avoir une noblesse, une tendresse spontanée qu’on ne soupçonnerait pas et qu'il ne soupçonnait pas lui-même (Stéphanie le fait observer à Ali).
Un beau film, émouvant, esthétique, avec des scènes clés fascinantes : Stéphanie sur son balcon mimant ses gestes d’autrefois face aux orques, Stéphanie encore dialoguant (quel symbole) à travers la vitre de l’aquarium avec l’orque qui lui a sectionné les jambes, les combats clandestins devenus tableaux en mouvement, colorés et violents, ou danses effrénées, Ali brisant ses mains contre la glace pour sortir son fils de l’eau gelée, le sang de ses mains se mêlant au rouge de l’anorak du petit. L’un brise la glace (symbole d’une relation qui va pouvoir se nouer entre le père et l’enfant ?) l’autre communique et communie en un langage muet mais clair avec un animal à travers une vitre invisible.