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Nombre de messages : 4596 Age : 71 Localisation : Thrace Date d'inscription : 16/07/2009
Sujet: Jacques Prevert Mar 22 Sep 2009, 17:47
Si je ne me trompe pas, la poesie en lectures communes c'etait celle de Jacques Prevert. Comment parler de Prevert sans penser aux "Feuilles mortes" qu'il y en a deja pas mal en septembre.
nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
Sujet: Re: Jacques Prevert Mar 22 Sep 2009, 20:08
Le temps haletant
Emerveillée de tout ne s'étonnant jamais de rien une fillette chantait suivant les saisons suivant son chemin
Quand les oignons me feront rire les carottes me feront pleurer l'âne de l'alphabet a su m'apprendre à lire à lire pour de vrai
Mais une manivelle a défait le printemps et des morceaux de glace lui ont sauté à la figure
J'ai trop de larmes pour pleurer ils font la guerre à la nature Moi qui tutoyais le soleil je n'ose plus le regarder en face.
La pluie et le beau temps
Un poème avant de terminer la soirée ?
Maya pilier
Nombre de messages : 4596 Age : 71 Localisation : Thrace Date d'inscription : 16/07/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Mer 23 Sep 2009, 11:50
Je pense que cela aurait amuse Prevert-meme.
Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Mer 23 Sep 2009, 19:24
Barbara
Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Épanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest Et je t'ai croisée rue de Siam Tu souriais Et moi je souriais de même Rappelle-toi Barbara Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Rappelle-toi Rappelle-toi quand même ce jour-là N'oublie pas Un homme sous un porche s'abritait Et il a crié ton nom Barbara Et tu as couru vers lui sous la pluie Ruisselante ravie épanouie Et tu t'es jetée dans ses bras Rappelle-toi cela Barbara Et ne m'en veux pas si je te tutoie Je dis tu a tous ceux que j'aime Même si je ne les ai vus qu'une seule fois Je dis tu a tous ceux qui s'aiment Même si je ne les connais pas Rappelle-toi Barbara N'oublie pas Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Sur l'arsenal Sur le bateau d'Ouessant Oh Barbara Quelle connerie la guerre Qu'es-tu devenue maintenant Sous cette pluie de fer De feu d'acier de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement Est-il mort disparu ou bien encore vivant Oh Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé C'est une pluie de deuil terrible et désolée Ce n'est même plus l'orage De fer d'acier de sang Tout simplement des nuages Qui crèvent comme des chiens Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin très loin de Brest Dont il ne reste rien.
Voilà qui change des poésies que nous apprenions à l'école...
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Lun 12 Oct 2009, 10:15
Sables mouvants
Démons et merveilles Vents et marées Au loin déja la mer s'est retirée Démons et merveilles Vents et marées
Et toi Comme une algue doucement caressée par le vent Dans les sables du lit tu remues en rêvant Démons et merveilles Vents et marées Au loin déja la mer s'est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées Démons et merveilles Vents et marées Deux petites vagues pour me noyer.
Ce poème a été mis en musique par Vladimir Kosma pour le sublime film "Les visiteurs du soir", dont le scénario et les dialogues sont de Jacques Prévert et Pierre Laroche ...
Voici l'extrait du film dans lequel le troubadour Gilles interprète cette chanson :
Dernière édition par Constance le Lun 12 Oct 2009, 22:47, édité 1 fois
nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
Sujet: Re: Jacques Prevert Lun 12 Oct 2009, 12:12
Magnifique rappel... Merci Constance
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Jeu 15 Oct 2009, 17:03
Les enfants qui s'aiment
Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s'aiment Ne sont là pour personne Et c'est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour
(in Spectacle)
"Les feuilles mortes" et "Les enfants qui s'aiment" sont deux poèmes mis en musique par Joseph Kosma, qui ont été interprétés par Yves Montand, dans le film "Les portes de la nuit" réalisé par Marcel Carné ... je n'ai pas trouvé les extraits de films afférents, mais seulement une interprétation d'un artiste méconnu
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Prevert Jeu 15 Oct 2009, 17:27
j'ai entendu la chanson par yves Montand mais pas vu le film de Carné, dont j'ignorais l'existence.
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Jeu 15 Oct 2009, 18:13
Si tu en as l'occasion, loue ou achète le DVD, tu ne seras pas déçu ...
A propos de ce film, voici le billet d'humeur d'un anar ...
Citation :
LE LIBERTAIRE, 13/12/1946 ou 1945 (Robert André)
[...] Je veux vous dire que ce film est en tout point admirable et qu'il est parfaitement inconcevable que des bourgeois indignés et des parvenus du marché noir, qui n'y comprennent absolument rien, pour des raisons différentes d'ailleurs, s'esclaffent lourdement en des rires qu'ils veulent dédaigneux ou sifflent dans leurs doigts bagués d'or. Les premiers, parce que le dialogue incisif de Prévert et les images crues de Carné les blessent profondément dans leur étroitesse mesquine et qu'ils n'ont jamais désiré sortir de leur égoïsme et comprendre l'incompréhensible. Les seconds, parce que le dialogue poétique de Prévert et les images irréelles de Carné les laissent complètement indifférents à cause de l'épaisseur de -la couche de leur stupidité de marchands de fromages enrichis, qu'ils ne comprendront jamais, non seulement l'incompréhensible, mais le compréhensible tout court, à part les choses de la gueule et du fric. Ce cas Carné-Prévert, association dont chaque membre est déjà un cas, parce que plein de paradoxes : mélange de réel et d'irréel, de réalisme et d'idéal, de concret et de poétique, ce cas Carné-Prévert les laisse pantelants, il les dépasse. Alors ces pauvres types s'imaginent que ce sont eux qui les dépassent et que les auteurs du film ne sont pas dignes de leur admiration et de leurs cent francs. Chapeau bas, bourgeois étroits, mercantis sordides, belles stupides, public servile, c'est vous qui n'êtes pas dignes des Portes de la nuit. Vous n'avez pas compris, c'est l'excuse que je vous accorde. Prévert aurait dû préparer une notice explicative que l'on aurait projetée à la suite du générique. Il vous aurait expliqué ce qu'est le film, il vous aurait expliqué qui était ce clochard que vous vous étonnez de trouver à chaque séquence, il vous aurait expliqué que, bien sûr, tous ces hasards ne sont pas courants dans la vie et que c'est justement pour cela qu'il intervient dans Les Portes de la Nuit. Il vous aurait demandé d'entrer dans le jeu, sinon de frapper avec lui « Aux Portes... ». Peut-être alors n'auriez-vous pas sifflé au moment le plus pathétique, peut-être ne vous seriez-vous pas moqués des scènes que vous croyez ratées. Rater une scène! Les auteurs des Visiteurs du soir, des Enfants du Paradis, etc. Siffler Les Portes de la Nuit tandis que les pires navets sont applaudis chaleureusement. Bravo tous... Continuez, c'est votre gloire de ne pas travailler pour les imbéciles? Qu'importe leur opinion, rappelez-vous Courteline : « Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet » et, comme le dit Prévert, par la bouche de Lacenaire, dans Les enfants du Paradis : « S'il fallait tuer tous les imbéciles... » Et pourtant...
nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
Sujet: Re: Jacques Prevert Jeu 15 Oct 2009, 21:29
C’est un film superbe qui allie noirceur et poésie. Je me souviens d’un Jean Vilar extraordinaire, incarnant le Destin avec une sobriété saisisssante. Des images de Reggiani le traitre, de Brasseur le mari veule, du couple Montand-Nattier, de la danse sur le chantier sont restées gravées dans ma tête alors que je n’ai pas revu ce classique depuis des années.
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Ven 16 Oct 2009, 14:29
A sa présentation, "Les portes de la nuit" suscita des critiques au vitriol, et fut victime d'une cabale orchestrée par les critiques qui n'ont pas apprécié que l'image de la patrie soit ternie par la représentation de deux collabos et d'une patronne de restaurant pratiquant le marché noir ... leur but fut atteint puisque ce film subit un échec retentissant, ce qui provoqua la rupture de l'association Carné-Prévert ... Pour l'anecdote, nicyrle ... à l'origine les rôles principaux devaient être tenus par Marlène Dietrich et Jean Gabin qui s'étaient finalement désistés ...
nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
Sujet: Re: Jacques Prevert Ven 16 Oct 2009, 16:02
... Marlène, justement parce qu'elle ne voulait pas tenir le rôle d'une fille de collabo !
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Dim 18 Oct 2009, 08:34
Soudain l'homme se réveille au milieu de la nuit il est saisi par le malaise et il écoute malgré lui le silencieux vacarme de l'angoisse le bruit qui ne fait pas de bruit le silence qui hurle à la mort dans le grand coquillage de la nuit ce bruit aphone... ce bruit de cendres... l'homme tente vainement de se défendre contre lui mais le bruit continue son terrible et calme petit bruit de bruit qui ne fait aucun bruit alors l'homme saute à bas du lit il ouvre la fenêtre il demande à la rue de faire quelque chose il la supplie de faire du bruit du vrai bruit vivant comme la vie mais la rue reste muette comme une lanterne sourde muette comme une chouette qui serait muette comme une palourde la fenêtre donne sur un cimetière un mur avec derrière sous terre des morts et pas un chat seulement le bruit qui ne fait pas de bruit et qui se promène dehors dans le paysage de la mort dans le paysage de la nuit et l'homme se cogne la tête contre le mur son sang jaillit comme une source une source qui ne fait pas de bruit et l'homme entend toujours l'atroce murmure la froide clameur de l'insomnie et vaincu comme un homme qui meurt il s'écroule sur le tapis soudain les oiseaux du Père Lachaise se réveillent et déchirent la nuit et le soleil aussi se lève pâle comme les gens qui n'ont pas dormi où donc a-t'il passé la nuit peut-être chez les filles du malaise là-bas... très loin... en malaisie l'homme se relève aussi saignant et grelottant du froid de la nuit il se cramponne à la barre d'appui il regarde le soleil briller rescapé du naufrage de la nuit il écoute tous les bruits de la vie il est bouche bée émerveillé son visage est ensanglanté il sourit.
(Lumières d’homme)
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Mar 03 Nov 2009, 21:52
Presque
A Fontainebleau Devant l'hôtel de l'Aigle Noir Il y a un taureau sculpté par Rosa Bonheur Un peu plus loin tout autour Il y a la forêt Et un peu plus loin encore Joli corps Il y a encore la forêt Et le malheur Et tout à côté le bonheur Le bonheur avec les yeux cernés Le bonheur avec des aiguilles de pin dans le dos Le bonheur qui ne pense à rien Le bonheur comme le taureau Sculpté par Rosa bonheur Et puis le malheur Le malheur avec une montre en or Avec un train à prendre Le malheur qui pense à tout ... A tout A tout ... à tout ... à tout ... Et à tout Et qui gagne " presque " à tous les coups Presque.
(Fatras)
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Lun 09 Nov 2009, 17:57
Pour toi mon amour
Je suis allé au marché aux oiseaux Et j’ai acheté des oiseaux Pour toi mon amour Je suis allé au marché aux fleurs Et j’ai acheté des fleurs Pour toi mon amour Je suis allé au marché à la ferraille Et j’ai acheté des chaînes De lourdes chaînes Pour toi mon amour Et puis je suis allé au marché aux esclaves Et je t’ai cherchée Mais je ne t’ai pas trouvée mon amour
(Paroles)
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Mer 11 Nov 2009, 10:28
On frappe
Qui est là Personne C'est simplement mon coeur qui bat Qui bat très fort A cause de toi Mais dehors La petite main de bronze sur la porte de bois Ne bouge pas Ne remue pas Ne remue pas seulement le petit bout du doigt.
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Dim 15 Nov 2009, 14:31
Le désespoir est assis sur un banc
Dans un square sur un banc Il y a un homme qui vous appelle quand on passe Il a des binocles un vieux costume gris Il fume un petit ninas il est assis Et il vous appelle quand on passe Ou simplement il vous fait signe Il ne faut pas le regarder Il ne faut pas l'écouter Il faut passer Faire comme si on ne le voyait pas Comme si on ne l'entendait pas Il faut passer et presser le pas Si vous le regardez Si vous l'écoutez Il vous fait signe et rien personne Ne peut vous empêcher d'aller vous asseoir près de lui Alors il vous regarde et sourit Et vous souffrez atrocement Et l'homme continue de sourire Et vous souriez du même sourire Exactement Plus vous souriez plus vous souffrez Atrocement Plus vous souffrez plus vous souriez Irrémédiablement Et vous restez là Assis figé Souriant sur le banc Des enfants jouent tout près de vous Des passants passent Tranquillement Des oiseaux s'envolent Quittant un arbre Pour un autre Et vous restez là Sur le banc Et vous savez vous savez Que jamais plus vous ne jouerez Comme ces enfants Vous savez que jamais plus vous ne passerez Tranquillement Comme ces passants Que jamais plus vous ne vous envolerez Quittant un arbre pour un autre Comme ces oiseaux.
(Paroles)
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Sam 21 Nov 2009, 10:43
Chanson dans le sang
Il y a de grandes flaques de sang sur le monde où s'en va-t-il tout ce sang répandu Est-ce la terre qui le boit et qui se saoule drôle de saoulographie alors si sage... si monotone... Non la terre ne se saoule pas la terre ne tourne pas de travers elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons la pluie... la neige... le grêle... le beau temps... jamais elle n'est ivre c'est à peine si elle se permet de temps en temps un malheureux petit volcan Elle tourne la terre elle tourne avec ses arbres... ses jardins... ses maisons... elle tourne avec ses grandes flaques de sang et toutes les choses vivantes tournent avec elle et saignent... Elle elle s'en fout la terre elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler elle s'en fout elle tourne elle n'arrête pas de tourner et le sang n'arrête pas de couler... Où s'en va-t-il tout ce sang répandu le sang des meurtres... le sang des guerres... le sang de la misère... et le sang des hommes torturés dans les prisons... le sang des enfants torturés tranquillement par leur papa et leur maman... et le sang des hommes qui saignent de la tête dans les cabanons... et le sang du couvreur quand le couvreur glisse et tombe du toit Et le sang qui arrive et qui coule à grands flots avec le nouveau-né... avec l'enfant nouveau... la mère qui crie... l'enfant pleure... le sang coule... la terre tourne la terre n'arrête pas de tourner le sang n'arrête pas de couler Où s'en va-t-il tout ce sang répandu le sang des matraqués... des humiliés... des suicidés... des fusillés... des condamnés... et le sang de ceux qui meurent comme ça... par accident. Dans la rue passe un vivant avec tout son sang dedans soudain le voilà mort et tout son sang est dehors et les autres vivants font disparaître le sang ils emportent le corps mais il est têtu le sang et là où était le mort beaucoup plus tard tout noir un peu de sang s'étale encore... sang coagulé rouille de la vie rouille des corps sang caillé comme le lait comme le lait quand il tourne quand il tourne comme la terre comme la terre qui tourne avec son lait... avec ses vaches... avec ses vivants... avec ses morts... la terre qui tourne avec ses arbres... ses vivants... ses maisons... la terre qui tourne avec les mariages... les enterrements... les coquillages... les régiments... la terre qui tourne et qui tourne et qui tourne avec ses grands ruisseaux de sang.
(Paroles)
MdSA pilier
Nombre de messages : 78 Date d'inscription : 25/11/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Dim 13 Déc 2009, 13:06
Un poème qui me plaît énormément...
Pater Noster
Pater Noster
Notre Père qui êtes au cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Eparpillées
Emerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons
- - -
Alicante
Une orange sur la table Ta robe sur le tapis Et toi dans mon lit Doux présent du présent Fraîcheur de la nuit Chaleur de ma vie
-
(Paroles)
nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
Sujet: Re: Jacques Prevert Dim 13 Déc 2009, 17:51
MdSA a écrit:
Un poème qui me plaît énormément...
Pater Noster
Moi aussi... Merci MdSA de nous le remettre en mémoire
vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
Sujet: Re: Jacques Prevert Sam 06 Fév 2010, 10:44
Comme Constance, j'aime beaucoup: "Chanson dans le sang". Celui-ci également:
JE SUIS COMME JE SUIS
Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Quand j'ai envie de rire Oui je ris aux éclats J'aime celui qui m'aime Est-ce ma faute à moi Si ce n'est pas le même Que j'aime chaque fois Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Que voulez-vous de plus Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire Et n'y puis rien changer Mes talons sont trop hauts Ma taille trop cambrée Mes seins beaucoup trop durs Et mes yeux trop cernés Et puis après Qu'est-ce que ça peut vous faire Je suis comme je suis Je plais à qui je plais
Qu'est-ce que ça peut vous faire Ce qui m'est arrivé Oui j'ai aimé quelqu'un Oui quelqu'un m'a aimée Comme les enfants qui s'aiment Simplement savent aimer Aimer aimer... Pourquoi me questionner Je suis là pour vous plaire Et n'y puis rien changer.
vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
Sujet: Re: Jacques Prevert Sam 06 Fév 2010, 10:46
Deux autres petites merveilles:
LE MIROIR BRISÉ
Le petit homme qui chantait sans cesse le petit homme qui dansait dans ma tête le petit homme de la jeunesse a cassé son lacet de soulier et toutes les baraques de la fête tout d'un coup se sont écroulées et dans le silence de cette fête j'ai entendu ta voix heureuse ta voix déchirée et fragile enfantine et désolée venant de loin et qui m'appelait et j'ai mis ma main sur mon coeur où remuaient ensanglantés les sept éclats de glace de ton rire étoilé.
LE CHEVAL ROUGE
Dans les manèges du mensonge Le cheval rouge de ton sourire Tourne Et je suis là debout planté Avec le triste fouet de la réalité Et je n'ai rien à dire Ton sourire est aussi vrai Que mes quatre vérités.
Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Dim 28 Fév 2010, 19:06
Le cours de la vie
Dans douze châteaux acquis pour douze bouchées de pain douze hommes sanglotent de haine dans douze salles de bains Ils ont reçu le mauvais câble la mauvaise nouvelle du mauvais pays là-bas un indigène debout dans sa rizière a jeté vers le ciel d’un geste dérisoire une poignée de riz.
(Histoires)
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
Sujet: Re: Jacques Prevert Lun 26 Avr 2010, 05:53
Dehors, c’est le printemps, les animaux, les fleurs, dans les bois de Clamart on entend les clameurs des enfants qui se marrent, c’est le printemps, l’aiguille s’affole dans sa boussole, le binocard entre au bocard et la grande dolichocéphale sur son sofa s’affale et fait la folle. Il fait chaud. Amoureuses, les allumettes-tisons se vautrent sur leur trottoir, c’est le printemps, l’acné des collégiens, et voilà la fille du sultan et le dompteur de mandragores, voilà les pélicans, les fleurs sur les balcons, voilà les arrosoirs, c’est la belle saison. Le soleil brille pour tout le monde, il ne brille pas dans les prisons, il ne brille pas pour ceux qui travaillent dans la mine, ceux qui écaillent le poisson ceux qui mangent la mauvaise viande ceux qui fabriquent les épingles à cheveux ceux qui soufflent vides les bouteilles que d’autres boiront pleines ceux qui coupent le pain avec leur couteau ceux qui passent leurs vacances dans les usines ceux qui ne savent pas ce qu’il faut dire ceux qui traient les vaches et ne boivent pas le lait ceux qu’on n’endort pas chez le dentiste ceux qui crachent leurs poumons dans le métro ceux qui fabriquent dans les caves les stylos avec lesquels d’autres écriront en plein air que tout va pour le mieux ceux qui en ont trop à dire pour pouvoir le dire ceux qui ont du travail ceux qui n’en ont pas ceux qui en cherchent ceux qui n’en cherchent pas ceux qui donnent à boire aux chevaux ceux qui regardent leur chien mourir ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire ceux qui l’hiver se chauffent dans les églises ceux que le suisse envoie se chauffer dehors ceux qui croupissent ceux qui voudraient manger pour vivre ceux qui voyagent sous les roues ceux qui regardent la Seine couler ceux qu’on engage, qu’on remercie, qu’on augmente, qu’on diminue, qu’on manipule, qu’on fouille, qu’on assomme ceux dont on prend les empreintes ceux qu’on fait sortir des rangs au hasard et qu’on fusille ceux qu’on fait défiler devant l’Arc ceux qui ne savent pas se tenir dans le monde entier ceux qui n’ont jamais vu la mer ceux qui sentent le lin parce qu’ils travaillent le lin ceux qui n’ont pas l’eau courante ceux qui sont voués au bleu horizon ceux qui jettent le sel sur la neige moyennant un salaire absolument dérisoire ceux qui vieillissent plus vite que les autres ceux qui ne se sont pas baissés pour ramasser l’épingle ceux qui crèvent d’ennui le dimanche après-midi parce qu’ils voient venir le lundi et le mardi, et le mercredi, et le jeudi, et le vendredi et le samedi et le dimanche après-midi.
darabesque pilier
Nombre de messages : 2846 Age : 81 Localisation : picardie Date d'inscription : 03/09/2009
Sujet: Re: Jacques Prevert Dim 15 Jan 2012, 15:52
LE TEMPS PERDU
Devant la porte de l'usine le travailleur soudain s'arrête le beau temps l'a tiré par la veste et comme il se retourne et regarde le soleil tout rouge tout rond souriant dans son ciel de plomb il cligne de l'œil familièrement Dis donc camarade Soleil tu ne trouves pas que c'est plutôt con de donner une journée pareille à un patron